CHAPITRE I

Par Aramis
Notes de l’auteur : Bonjour ! J'avais posté le début de cette nouvelle sous le titre "Administrer le libre-arbitre", qui ne correspond plus du tout. Je demande grand pardon aux adorables âmes qui sont passées et ont commenté (ou pas, d'ailleurs), j'ai pris en compte les retours, mais me suis très mal débrouillée : la nouvelle était déjà en cours de réécriture et avec les délais de l'AT, à peine commentiez vous que je me lançait déjà dans une re-planification totale. Cette fois j'ai donc attendu, et je vous soumets la nouvelle, terminée et entière, sans retrait ni archivage !

Un grand merci encore, un grand pardon aussi, et en vous souhaitant une excellente lecture !

      Un aggloméra d’abats sang vif dégoulinaient le long des murs. Déterminé à ne pas en effleurer la consistance, Saraphiel bataillait contre l’ouragan de la foule qui emplissait le hall et subissait les bousculades d’un torrent de gens pressés.
   Jamais, de sa longue vie, il n’avait subi un tel chaos. Le fond de l’air charriait une lente litanie sépulcrale. Ponctuée de grincements sinistres, y éclatait parfois un hurlement distinct, aussitôt absorbé par les cisaillements de la mélodie macabre. Par-dessus, des voix brouillées en amas d’invectives, des marches suintant une cacophonie de suçons mouillés, des flots d’odeur poisseuse, mélanges de fumée et de soufre. Saraphiel en avait les rémiges humides et dans l’ensemble, l’atmosphère lui donnait envie de fuir.
      Sa qualité d’ange l’en empêchait, hélas. Il s’était donc résigné à éviter tant bien que mal les assauts de la foule et balayait d’un œil hagard la course erratique de tous ces démons affairés. En outre paniquait-il poliment (c’est-à-dire en silence), et s’énervait-il avec savoir-vivre (c’est-à-dire sans éclat,) du retard de son rendez-vous. Vainement, il avait tenté d’obtenir des renseignements auprès d’un démon qui occupait, dans un coin de ce grand hangar d’accueil, un petit bureau sans éclat. En tétant une cigarette de chanvre, le démon lui avait signifié :
      — Woh pf devrait être là dans cinq minutes ouais, ouais…
      Avant de lui désigner, d’une vague main molle, un groupe de canapés usés près d’un distributeur automatique.
      Un autre que lui aurait sans doute abandonné, déguerpi jusqu’au Grand Ascenseur, regagné aussitôt le soleil tendre et les voluptueuses odeurs du Paradis. Mais Saraphiel était un ange, et un ange doté d’une mission. Ces deux qualités faisaient de lui l’être le plus déterminé, le plus fidèle et surtout, le plus têtu qui soit. La Haute Administration Archangélique de Dieu l’avait choisi pour accomplir une tâche de la plus haute importance ; ni puanteur, ni hurlements, ni absence de courtoisie ne l’empêcheraient de mener son travail à bien.
      — HÉ SALUT.
      L’ange eut un sursaut brutal. Sa silhouette se troubla, mais il recouvrit bien vite sa forme et pivota prestement. En face de lui se trouvait un démon qui le surplombait de deux bons mètres, et dont le crâne sans visage flottait au-dessus d’un col cravaté de jabots.
      — ÇA VA OU QUOI ?
      — Où étiez-vous ? interrogea sèchement Saraphiel.
      L’apparition haussa les épaules.
      — À PEINE ARRIVÉ ET DÉJÀ ÉBOURIFFÉ DES PLUMES ! RELAX, MAX. ON Y VA AVEC TOUTE L’ÉTERNITÉ DEVANT NOUS.  
      Dans l’abysse du visage, l’ange fut certain de discerner quelque chose qui ressemblait à un sourire.
      — JE SUIS SAMIGINA.
      — Saraphiel, Inspecteur Délégué au Respect des Normes de Sécurité et du Bien-Être des Pénitents. Mandaté par la Haute Administration Archangélique et le Conseil des Anges Administrateurs de Dieu.
      Il mit beaucoup d’application dans la formation de ses majuscules.
      — COOL, répondit Samigina, MOI JE FAIS LA LOGISTIQUE.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
JeannieC.
Posté le 27/01/2024
Hey Aramis !
Oh lala ça fait une éternité que je ne suis pas passée te lire, mais ça fait plaisir de retrouver cette nouvelle - et à présent dans son entier. J'en reprends donc avec plaisir la lecture <3

Deux trois bricoles formelles :
>> "Un aggloméra d’abats sang vif" > agglomérat ? de sang vif ?
>> "dégoulinaient le long des murs" > je mettrais plutôt "dégoulinait" - singulier - par accord avec "agglomérat"
>> "Le fond de l’air charriait une lente litanie sépulcrale." > Ohhhh, cette phrase est très belle, en termes de sonorités

Sinon, j'adore l'ambiance ! Ce lieu percé aux quatre vents, plein de souffles, d'ombres, de cette marée humaine dans laquelle on est pris avec Saraphiel, c'est super bien rendu. Je suis sensible à ce genre d'ambiance, et ici ça marche très bien ce côté oppressant, stressant. Et puis déboule ce remuant Samigina, on est curieux des étincelles que va donner cette rencontre !

J'enchaîne !
Vous lisez