Chapitre 6 - Fraîcheur nocturne

Par Keina

« Elle ferma les yeux.

Elle devait dormir, c'était juste une question de survie. Dormir pour mieux vivre, dormir pour mieux oublier…»

Tia, Isia

 

Le bal s’approcha plus vite qu’elle ne l’eut imaginé. Dans l’effervescence de l’événement, elle en oublia même le journal d’Alderick, toujours dissimulé dans le tiroir de sa table de chevet. Keina passait ses journées entières dans l’appartement de Lynn, accaparée par le choix d’une toilette convenable. Quelques jours après avoir reçu l’autorisation de ses tuteurs, elle se soumit à un entretien avec la Reine Blanche, en vue de son accession à l’apprentissage du service actif, qu’elle obtint avec brio. Dès la fin du mois, Luni devrait l’entraîner au combat et à la magie. Mais la jeune silfine détestait demeurer inactive, et une fois l’entrevue terminée, elle s’exerça par elle-même, aidée de sa camarade.

 

La chambre était encombrée d’objets divers et incongrus – téléphone, trépied pour appareil photographique, vieux daguerréotype désossé, générateur d’électricité, gramophone qui distillait un air de Bizet, et, sur le mur, quelques reproductions de Nadar : la grande Sarah, Manet, Georges Sand, Baudelaire…

Installée au centre du somptueux lit Empire de Lynn, buste droit, épaules détendues, Keina baissa les paupières. La mélodie du phonographe diffusait en elle une douce euphorie.

Concentre-toi…

La magie flottait autour d’elle, chacun de ses sens le percevait. Jusqu’à présent, son corps, peu réceptif, s’était forgé une carapace hermétique afin de garder son indépendance. Il lui fallait maintenant briser le bouclier et la laisser s’infiltrer. Elle s’efforça de fixer son esprit sur l’énergie enchantée.

Venez… venez en moi, petites particules. Apprenez-moi à vous dompter…

Un à un, les pores de sa peau commencèrent à se dilater sous l’insistance des corpuscules de magie. Il sembla à la silfine qu’elle plongeait dans une eau tiède et hypnotique. L’eau s’insinuait partout, dans ses veines, dans ses nerfs, dans ses bronches – Noyade…

Keina ouvrit la bouche, suffocante. Du mieux possible, elle inspira, une fois, deux fois, refoulant les particules hors de ses organes vitaux. Tout s’arrêta. Elle s’effondra, heureuse de respirer à nouveau, et resta quelques instants prostrée sur le couvre-lit, petite fille craintive lovée sur elle-même. Enfin elle rouvrit les paupières et contempla ses mains, posées devant elle. Durant quelques secondes, de minuscules filaments de magie gigotèrent à l’extrémité de ses doigts, puis s’estompèrent. La jeune Londonienne fit une grimace.

— Ce n’est pas si mal ! convint Lynn en s’approchant du lit, affublée d’un vaporeux peignoir de flanelle à traîne Watteau. Mais…

Elle ne termina pas sa phrase, et se contenta de se mordre une lèvre. Un découragement profond se matérialisa sur les traits de la silfine.

— Je fais de mon mieux, Lynn !

— Je le sais bien, mais ce n’est pas encore suffisant ! Et, crois-moi, ajouta-t-elle d’un air entendu, ce n’est rien à côté de ce que te demandera Luni.

Le découragement laissa place à l’effroi, et les yeux de Keina s’agrandirent.

— Il va me détester !

— Pas quand il t’aura vue dans cette tenue, minauda la petite sœur avec un clin d’œil, portant entre ses bras une splendide toilette de débutante en velours, mousseline et tulle de soie.

— Lynn, tu es merveilleuse ! Tu as trouvé la robe qu’il me fallait ! s’écria la silfine, se redressant.

— Évidemment que je suis merveilleuse ! Tu en doutais ? chantonna la petite sœur sur le ton de la plaisanterie.

 

*

 

Dans l’atmosphère aérienne de la grande salle de bal parée d’or et de brocart, les violons galopaient sur les mesures allègres d’une valse de Tchaïkovski et hommes et femmes tourbillonnaient au rythme des archets.

Son carnet de bal dûment rempli, Keina avait accepté le bras de Pierre, qui la faisait virevolter au milieu des autres danseurs. Les deux parties du Château se mêlaient pour l’occasion, et, sur les deux trônes de chêne massif qui dominaient la salle, la Reine Blanche et la Reine Noire, parées de leur diadème, présidaient la manifestation, se lançant parfois des regards dérobés emplis de méfiance et de suspicion.

Sans réfléchir, la silfine se laissait porter par la musique, l’esprit absent. Pierre la complimentait, mais ses mots glissaient sur elle comme une brume invisible. À leur gauche, Lynn, vêtue d’une robe étroite qui affinait sa silhouette et s’achevait dans un déluge de froufrous, valsait en compagnie d’un grand échalas qui la dévorait des yeux. Plus loin, Maria et Toby profitaient de l’occasion : Soudés l’un à l’autre, yeux dans les yeux, ils semblaient évoluer dans un autre univers, inconscients de ce qui se passait autour d’eux.

Keina intercepta ensuite le regard obscur d’Arthur, le jeune frère d’Erich, qui faisait tournoyer sa compagne Phyllis. Comme ce couple l’intriguait ! Bien qu’ils élevassent un enfant, formant la seule véritable famille au sein de la société des silfes, rien ne paraissait lier cette petite paysanne aux traits boulots et ce grand homme sec et fiévreux. La jeune fille n’aimait pas les traits durs d’Arthur ; tout comme ceux d’Erich, ils la pétrifiaient. Sans doute était-ce de famille…

Alors que son esprit s’attardait sur les duos qui l’entouraient, elle perçut un regard se fixer sur sa nuque dégagée, et jeta un œil torve à l’assemblée. Non loin d’eux, Luni l’observait, un air mi-figue mi-raisin sur le visage. Au moment où leurs yeux se croisèrent, le silfe détourna les siens pour les reporter sur la duchesse Olga qui ne cessait de soliloquer, prenant un malin plaisir à massacrer plus de r qu’il n’en fallait, de telle manière que son monologue se muait en un ronronnement de chatte.

— Je suis terrrrriblement charrrmée parrr cette soirrrée ! Quel rrrrégal, n’est-ce pas, cherrrr ami ? La rrrrédaction de mon rrrrapporrrt m’a cependant érrreintée… crrrroyez-vous que notre Rrrreine accepterrra de nous accorrrder quelque rrrépit ?

Comme à son habitude, le silfe passa une main dans ses cheveux de paille et répondit  à la duchesse un mot que Keina ne comprit pas.

Elle soupira, une curieuse sensation de vide à l’intérieur de la poitrine.

Luni… Pourquoi mon cœur s’emballe-t-il dès que tu poses les yeux sur moi ? Pourquoi suis-je esclave de ta présence, au point d’occulter tous ceux qui t’entourent ? Je sais bien que je ne devrais pas, et pourtant… Combien de fois me traiterai-je d’idiote avant de renoncer ?

Une infinité, sans doute… Mais qu’y puis-je ?

Un mot de Pierre à son oreille la ramena à la réalité, et elle répondit par un rictus peu convaincant. Fort heureusement, la danse s’achevait.

Sans même attendre la dernière note, prétextant un vertige, elle prit congé du français.

 

*

 

La fraîcheur de la nuit lui fouetta le visage et raviva ses sens. Keina s’agrippa à la rambarde du balcon et prit une longue aspiration.

— L’air frais vous procure-t-il un peu de bien ? fit une voix rauque à ses côtés.

La jeune fille sursauta. Sourcils froncés, elle se tourna vers son interlocuteur. Erich s’était posté à quelques pas d’elle, le regard perdu dans le lointain, un cigarillo entre les lèvres. Sa queue de pie et son monocle lui donnaient l’allure d’un vieux dandy passé de mode.

— C’était le cas, jusqu’à votre arrivée, répondit la silfine, acide.

Erich cracha une bouffée.

— Comme vous êtes agressive ! Êtes-vous donc à ce point rancunière, que vous n’accordiez le pardon à un vieux silfe fatigué des disputes ?

— Le pardon ? s’exclama Keina, atterrée. Mais… c’est vous qui…

— Allons, allons, tout ceci est oublié. Acceptez-vous de faire la paix ?

Le silfe tourna la tête, un rictus plaqué sur ses lèvres en guise de sourire. La silfine cligna, réellement interloquée. Pourquoi ce revirement soudain ? Cela ne lui ressemblait nullement.

— Si cela vous fait plaisir, grogna-t-elle en détournant le regard.

Elle avisa Luni, qui s’était débarrassé de l’encombrante duchesse pour se porter à sa rencontre et, d’un sourire forcé qui révéla deux rangées de nacre, se détourna. Non, vraiment, la volte-face d’Erich ne lui inspirait aucune confiance.

À peine la jeune fille s’était-elle rapprochée de l’objet de ses pensées qu’une minuscule main s’agrippa à sa jupe. Elle baissa le regard, mi-intriguée, mi-dépitée de manquer une si belle occasion de tester ses attraits. Les grands yeux noirs de la petite Dora la fixèrent en retour, une profonde panique inscrite au fond de ses pupilles.

— Dora ! D’où peux-tu bien sortir ? s’exclama Keina, surprise.

— M’zelle Keina ! M’zelle Keina ! Je… Tu dois remonter, tout de suite !

La concernée ploya les genoux, une main sur l’épaule de la petite alfine.

— Que se passe-t-il, Dora ? Que me racontes-tu là ?

— Tu dois remonter, tout de suite, tout de suite ! Dans ta chambre… quelqu’un !

— Il y a quelqu’un dans ma chambre ?

Keina se redressa vivement, en proie à la même inquiétude que la puck. Dans sa chambre il y avait…

…le journal d’Alderick…

D’une œillade alarmée, elle signifia son départ à Luni, dont le visage exprimait l’incompréhension, puis, le haut de la jupe retroussé, se précipita hors de la salle, sans relever les cris choqués des danseurs qu’elle bousculait. Au diable l’élégance ! Elle avait plus urgent !

Au moment de passer la sortie, la silfine jeta un dernier coup d’œil derrière elle et capta le regard de Pierre, qui l’observait avec une curiosité mêlée d’amusement. Elle fronça les sourcils, intriguée par cette attitude. À l’extérieur, Erich, perdu dans sa contemplation nocturne, ne paraissait guère avoir remarqué la fuite de la silfine. Luni, quant à lui, subissait les ardeurs d’une dizaine de dindes accourues suite au départ de la duchesse Olga, qui gloussaient avec fracas à chacune de ses répliques. Keina s’éloigna, trop préoccupée pour se laisser déborder par la jalousie.

 

Il ne lui fallut pas plus de quelques minutes pour se retrouver sur le pas de sa porte, dont le chambranle grand ouvert appuyait les propos de Dora. Affolée, elle bondit dans l’appartement. Le salon affichait un désordre indescriptible. La moindre parcelle avait été fouillée, renversée, mise à sac. Son pressentiment augmenta d’intensité. Elle tendit l’oreille ; des froissements provenant de sa chambre l’avertirent que l’intrus se trouvait toujours sur place. Elle balaya la pièce du regard et s’empara d’une massive chinoiserie qui tenait lieu de presse livre, avant de s’introduire dans le repaire du malfrat. La lune qui coulait à flots sur le mobilier de la chambre illumina une petite silhouette trapue qui farfouillait dans les tiroirs.

Un alf, encore…

Sourcils froncés et nerfs tendus, comme une aventurière prête à l’action, la silfine réaffirma sa prise, s’avança à petits pas… et se cogna le genou contre le cadre du lit. Elle laissa échapper un juron étouffé qui donna malgré tout l’alerte.

Tant pis pour l’effet de surprise. La silfine s’apprêtait à bondir sur son voleur lorsque celui-ci leva la tête, révélant un visage lunaire aux babines adipeuses. Keina marqua un temps d’arrêt, horrifiée par cette face hideuse et vide qui la contemplait sans la voir. Puis, armée de sa masse de fortune et sourde à la douleur qui fusait le long de sa jambe, elle s’élança vers lui. Une seconde, à peine. D’une main, l’alf esquissa ce qui ressemblait à un geste de défense. Une salve d’énergie enchantée frappa la jeune silfine et sa silhouette se figea dans l’espace. Victorieux, l’horrible individu laissa flotter un demi-sourire qui, dans le replis de sa monstrueuse bouche, parut presque obscène à Keina. Elle voulut jurer à nouveau, mais ses lèvres refusèrent de s’ouvrir. Une voix glissante et sirupeuse s’insinua dans son cerveau à la façon d’une vipère.

— Tu es Keina, hein ?

— Qui es-tu ? questionna-t-elle pour elle-même.

Elle constata avec étonnement que l’être l’avait entendue.

— Je n’ai pas de nom que tu puisses comprendre. Les hommes et les silfes, eux seuls nomment les alfs à leur convenance. Pour que nous leur appartenions…

Comme les elfides, pensa la silfine. L’alf retroussa ses babines.

— Exact. Mais toi… toi, tu es celle qui annonce…

— Qui annonce quoi ?

Silence. Le voleur cessa un instant de s’occuper de Keina, et s’empara du journal qui reposait au fond du premier tiroir. Il le contempla, un air satisfait sur le visage.

— Qui annonce QUOI ? réitéra la silfine, énervée.

L’alf daigna enfin tourner le regard vers elle.

— Si tu as lu, tu devrais le savoir, énonça-t-il d’une voix claire en brandissant le manuscrit.

Un doute affreux s’infiltra dans le cœur de Keina. Elle repensa au journal ; à ce qu’Alderick y avait apposé. Il avait parlé d’une Briseuse, une femme…

« À moins… À moins qu’il ne s’agisse d’une silfine… »

Les mots se tracèrent un à un devant elle. Sa poitrine s’emballa. Alors que tous ses organes étaient paralysés, l’intérieur de son corps s’embrasa.

— Est-ce que… Est-ce que c’est moi ? (Un temps.) Suis-je la Briseuse ?

L’alf la détailla un moment. La jeune préceptrice sentait ses muscles se nouer sous l’effort et une montée de larmes lui piqua les yeux.

Enfin, il parla, d’un ton presque doux qui contrastait avec son attitude.

— Non, tu n’es pas la Briseuse. La Briseuse est une femme, nous le savons. Ce n’est pas une silfine.

Pas une silfine, se répéta-t-elle mentalement, soulagée pour un court instant.

L’alf la contourna, le manuscrit calé entre ses petits bras velus. Pleurant sous la douleur, Keina s’efforça de suivre sa trajectoire. Mais le voleur se trouvait déjà dans son dos, et elle ne pouvait rien faire pour l’arrêter. Des larmes de rages et d’impuissances succédèrent aux larmes de souffrances. Une dernière fois, la voix de l’être lunaire retentit dans sa tête.

Toi, tu es celle qui l’annonce… qui annonce sa venue. C’est pour ça qu’ils te détestent, tous. Grâce à toi, nous savons que ce n’est plus qu’une question de temps. L’Avaleur de Mémoire l’a prédit. Elle arrive, la Briseuse…

 

Une éternité s’écoula, marquée par le silence pesant de la nuit. Lorsque Keina reprit l’usage de ses membres, l’intrus avait bel et bien disparu. Le cœur gros, le corps endolori et les jambes en coton, elle s’effondra sur son lit. Les grincements moelleux du sommier lui infligèrent la nausée, et un jet de salive aigre ruissela sur sa langue. La somptueuse toilette qu’elle portait et dont elle était si fière quelques heures auparavant l’oppressait plus que jamais. Elle se redressa et, tremblotante comme une infirme, entreprit de délasser son corsage. Enfin, poumons libérés et mèches dépeignés, la silfine laissa le trop plein d’eau se déverser sur ses joues. Tête baissée, elle renifla, le regard fixé sur ses mains. Une fine arabesque de magie teintée d’olivine coula le long de son index. Agacée, elle la délogea d’une pichenette du pouce. Les idées noires martelaient son crâne. Elle songea au comportement de ses semblables depuis son arrivée, à la drôle de lueur qui brillait au fond des pupilles de Luni, et à tout ce qu’elle avait lu ou entendu.

C’est pour ça qu’ils te détestent, tous…

Comment peux-tu admettre sa présence, Luni ?

Ton retour était fort attendu. Crains, devrais-je dire plutôt…

Tu devrais partir toi aussi. Partir… d’ici.

Nous voici à l’aube d’une nouvelle ère !

Moi, je sais qui tu es,

Petite, petite Keina…

Et loin, très loin, comme l’écho d’un vieux souvenir, sa propre voix se détacha de l’ensemble :

Chez soi, c’est là où on se sent bien. C’est là où notre cœur a chaud.

La silfine grelotta.

Jamais jusqu’alors elle n’avait eu aussi froid.

 

*

 

Elle somnolait sur son lit, les paupières closes, lorsque Luni surgit dans sa chambre, affolé.

— Tu vas bien ? questionna-t-il, essoufflé.

La jeune fille sursauta et leva vers lui un visage intrigué. Réalisant l’incongruité de son arrivée, le silfe s’expliqua, le visage empourpré.

— Euh… Je t’ai vue… Je t’ai vue te précipiter hors du bal, j’ai cru qu’il s’était produit quelque chose. Je suis venu, enfin… (Une hésitation) dès que j’ai pu. Que s’est-il passé ici ? Quelqu’un s’est introduit chez toi ? Si on t’a volé quelque chose, il faut absolument en informer la Reine Blanche…

Elle se redressa et frotta ses yeux rougis par les larmes, nullement gênée par son piteux état et ses vêtements dépenaillés. Puis elle soupira, lasse, la voix encore embrumée par le demi-sommeil d’où il l’avait tirée.

— Luni, j’ai besoin qu’on m’explique… que tu m’expliques. Qui suis-je réellement ? Qui est la Briseuse ?

Le jeune dandy se figea. Puis il s’affaissa sur une chaise qui jouxtait le lit, posa son gibus à ses pieds et enfonça son crâne entre ses mains. Enfin, il releva ses yeux clairs et les plongea dans le regard noisette de l’ancienne préceptrice.

— D’accord. Mais toi d’abord. Vas-tu me dire ce qu’il s’est passé ici cette nuit ?

Keina fit une moue. Devait-elle avouer qu’Anna-Maria lui avait donné le journal d’Alderick ? Une partie d’elle s’y refusait, mais…

Elle céda enfin.

— Tu te souviens, le jour de la Grande Arrivée, je t’ai parlé de ma rencontre avec Anna-Maria ?

Luni acquiesça, une ride barrant son front. La Londonienne continua.

— Je ne t’ai pas tout dit. Anna-Maria m’a donné… quelque chose. C’est cette chose-là qu’on m’a volée ici.

— Qu’était-ce donc ? demanda le silfe, la curiosité piquée.

Keina baissa la tête, honteuse.

— Un journal… Un journal écrit de la main d’Alderick… Il y racontait tous les événements de la guerre. Je n’ai pas tout lu, juste le début…

À la mention du frère d’Akrista, le silfe avait tressailli avec violence, l’accoudoir de la chaise serré entre ses doigts.

— Pourquoi ne m’as-tu pas dit ça plus tôt ? Ce journal était peut-être ensorcelé ! Tu aurais dû…

— Ne me dis pas ce que j’aurais dû ou que je n’aurais pas dû faire, Lun’ ! le coupa-t-elle avec colère. Je ne suis plus une enfant. Et le climat dans lequel j’ai été accueillie ne m’a pas vraiment incité à faire des confidences…

Son vis-à-vis s’étreignit les mains, légèrement embarrassé, et exhala un rire nerveux.

— Tu as raison. Évidemment. Je ne suis qu’un triple idiot ! Tu es adulte, après tout. J’aurais dû t’expliquer… certaines choses dès le début.

Constatant qu’une brèche venait de s’ouvrir, Keina s’y engouffra avec détermination. 

— La créature qui s’est introduite ici m’a dit que j’étais « celle qui annonce ». Qu’est-ce que ça signifie ? Et pas question de te défiler avec des sous-entendus ! Pourquoi Dora et cet alf pensent-ils que je devrais m’en aller d’ici ?

— Qui est Dora ? demanda Luni de manière impromptue.

— Pardon ? Euh… une… une créature magique que j’ai rencontré il y a quelques semaines…

Le silfe se leva et se mit à faire les cent pas en murmurant quelques mots.

— Il s’agit de la petite créature qui est venue te parler au bal n’est-ce pas ? Son visage ne m’est pas inconnu… Je me demande qui l’a nommée…

Keina haussa les sourcils. Elle n’avait pas songé à ce détail. Dora possédait un nom, elle appartenait forcément à quelqu’un. Qui était cette personne ? La petite alfine agissait-elle sous ses ordres ? Qui se souciait donc d’elle à ce point ?

Constatant que Luni s’était à nouveau retranché dans ses pensées, elle décida de réattaquer.

— Tu n’as pas répondu à ma question, Lun’. Qui suis-je exactement ?

Il leva les yeux au plafond et soupira.

— D’accord, d’accord ! Je vais t’expliquer. Je vais te dire tout ce que je sais, promis.

Retrouvant son enthousiasme, il s’installa sur le matelas, à ses côtés, et étreignit la fine main de son amie, qui retint un frémissement.

Oh, Luni…

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vefree
Posté le 07/11/2010
Bah quoi, Luni ?... Keina ne va pas feindre l'émoi enfiévré parce qu'il vient de lui prendre la main, tout de même... 
hihi ! Non, t'inquiète, c'est mon imagination qui galope. Cette fin de chapitre me laisse encore avec une envie irrépressible de savoir la suite. Quel dommage que le bal soit écourté de manière aussi triste pour Keina. Voilà qu'elle retrouve sa chambre sans dessus-dessous et qu'on lui a volé le Journal d'Alderick. Maintenant, Luni, il va falloir être plus locace, hein ! Keina a besoin de savoir et moi aussi par la même occasion ! Ça suffit, les cachoteries !
Au bal, Pierre, le français, indiffère complètement Keina qui en fait, n'a d'yeux que pour Luni, lui-même entouré d'une nuée de dindes aussi envahissantes que gloussantes. Voilà pourquoi il met autant de temps à rejoindre Keina dans sa chambre dévastée. Erich n'est toujours pas plus avenant qu'avant. Toujours aussi inquiétant, cuilà. Qu'est-ce qu'il lui veut, à la fin ?... En tout état de cause, le bal a tous les airs d'un bal classique, ampoulé et bien apprêté comme on s'y attend, avec ses petits coups d'œil lancés tous azimuts. On se cherche, on s'observe, on s'admire ou on se toise, bref, les mondanités qui règnent toujours dans ces lieux. Même les reines y vont de leurs regards en coin.
Pour ce qui est de l'intrigue, voilà qu'un mystère en ajoute un autre ; qui peut bien vouloir priver Keina des informations qu'elle désir légitimement ? Et qui peut bien essayer de la protéger contre ces mauvaises intentions ? Tout cela par l'entremise des petites créatures magiques à la solde de leur propriétaire. Alors qui sont-ils, hein ?
Bah, Vef', t'a qu'à aller lire la suite et tu le sauras. C'est simple comme bonjour ! Ah oui, mais après avoir rempli quelques cartons de déménagement, quand même...
à très vite, donc... 
Keina
Posté le 07/11/2010
Hé hé... non, Keina n'est pas du genre à se pâmer d'émoi, mais bon, faut avouer qu'avec toutes ces émotions dans une soirée, il y a de quoi avoir quelques frissons post-traumatiques, quand même... :) 
C'est vrai qu'il y a pas mal de jeux de regard au bal. Cette scène aurait presque mérité d'être un peu plus développée... Je ne sais pas si j'ai suffisamment bien rendu l'atmosphère ambivalente, entre le faste et la joie apparente et tous les non-dits des différents protagonistes... ^^ Mais que veut Erich ? C'est une bonne question. Si ça se trouve, lui même ne sait pas exactement... XD 
Oui, ces petites créatures à l'apparence anodine cachent bien des secrets. Au fond, beaucoup de choses transitent par elles... Un peu comme la domesticité durant les siècles derniers : au courant de tous les secrets, des rumeurs qui courent dans les maisons, mais tenus de garder leur langue s'ils veulent conserver leur place.  
À tout de suite pour tes autres commentaires, merci d'avoir lu et apprécié ! ^^ Bisous. 
Seja Administratrice
Posté le 24/08/2010
En fait, c'est de plus en plus difficile de se détacher du texte pour partir faire un commentaire. Admire donc mon sacrifice. Kof kof.<br /><br />Ah le chapitre du bal et Keina et Luni qui ont même pas dansé ensemble. Tu es un monstre sadique, très chère Keina :P En revanche on a une p'tite danse avec Pierre. Je me souviens qu'à l'époque où j'ai lu ce chapitre, je le sentais vraiment pas le gaillard. Enfin, Luni va lui remettre les pendules à l'heure très bientôt, hinhin.<br /><br />Erich et sa petite reconciliation. La bestiole qui est venue chourer le carnet chez Keina est pas liée à lui ? Me souviens plus, c'est ballot. En tout cas, il inspire toujours pas confiance. Mais il est pas censé l'inspirer, me diras-tu. Et d'ailleurs, en parlant de carnet, intéressante rencontre que celle-ci.<br /><br />Alors on récapitule - on a une briseuse humaine (ou silfine), Keina qui est celle qui annonce que ça va sentir très mauvais, un bouquin qui disparait, Dora qui sert quelqu'un qui garde un oeil sur Keina (ah cette chère Atlante :P), et Luni qui lui cache tout plein de choses le vilain, mais qui va évidemment tout lui dire. Bon, peut-être pas tout.<br /><br />Je pense que je te l'ai déjà dit, mais rien de tel qu'un peu de redite. Ton style est toujours aussi superbe, les descriptions sont belles et les ambiances vivantes. Non, vraiment, je suis en admiration totale devant des auteurs comme toi et je te souhaite de continuer encore longtemps longtemps parce que c'est juste magique *o*
Keina
Posté le 24/08/2010
Ben écoute, je t'admire toujours autant d'arriver à te détacher du texte, parce que moi des fois j'en suis incapable ! ^^ Si si, c'est un sacrifice !
Eh oui, même pas une danse... tu vas rire, mais à l'époque où j'ai écris ça je crois que ça ne m'a même pas traversé l'esprit qu'ils auraient quand même pu danser ensemble... xD  Pierre, raaah, si tu savais comme il m'a posé problème ! J'ai toujours le sentiment d'avoir loupé ce personnage. Keina se méfie de lui trop vite, du coup tous les lecteurs ont suivi... alors que je voulais le rendre plus ambigüe. Bon, tant pis, pour le moment ce qui est fait est fait, on reverra ça lors d'une prochaine version. 
Keina pense effectivement qu'Erich est à l'origine du vol, mais ce que Keina pense, hein... xD Non, il n'est pas censé inspirer la confiance. Celui-là je voulais direct en faire un "salaud", mais c'est un salaud qui a une utilité à l'histoire, normalement.
C'est cool que tu te souviennes que Dora sert Atalante ! C'est chouette d'avoir l'avis d'une lectrice qui a déjà lu le schmilblick, ça permet d'avoir une vue d'ensemble sur ce qui fonctionne ou non... Quand j'aurais tout fini, tu voudras bien relire une troisième fois pour voir si tout colle bien comme il faut ? xD
En tout cas c'est aussi de la redite, mais merciiiii beaucoup, vraiment pour ces gentilles reviews. Mais tu t'en sors pas mal aussi dans les ambiances et autres descriptions réussies ! ;)
La Ptite Clo
Posté le 19/08/2010
Je me rappelle d'un détail que j'ai oublié de te dire plutôt... Les Onze. Au début, je restais incompréhensive face à l'expression "par les Onze !"... Mais en fait, d'après ce que j'ai pu comprendre, ce sont un peu les gars qui dirigent un peu le système silfin (j'ai inventé un nouveau mot xD), et ils sont au-dessus des Reines, c'est bien ça ? Un peu comme Merlin. :)
Oui, donc, sinon, à part ça, je continue ma lecture ; j'ai de plus en plus de mal à m'arrêter... T_T (d'où le fait que je saute parfois un commentaire xD) - je me force pour celui-ci d'ailleurs (je veux lire la suiteuuuh)...
Et donc Luni n'a pas fait danser Keina ? Roh le saligaud. En même temps, il était bien trop accaparé par toutes ces demoiselles... ^^" Et le Frenchie, là, je ne lui fais pas confiance... Ne serait-il pas du côté de Nephir... Quant à Dora, je ne sais plus trop si je dois m'y fier aussi...
Enfin bon... je sais que je ne suis pas trop douée pour les compliments et les commentaires en général, mais Keina, je tenais à te dire que c'est une histoire totalement palpitante que tu as créée là ! :)
Keina
Posté le 19/08/2010
Yep, les Onze, ce sont un peu les éminences grises du Royaume. Je les ai introduis sans insister beaucoup dessus pour pas assommer le lecteur de fatras politique imaginaire peu utile au final. Les expressions qui tournent autour d'eux sont là exclusivement pour donner un peu d'épaisseur au langage du Royaume. Et tu ne crois pas si bien dire en parlant de Merlin ! ^^ (Yen a un qui s'appelle Merlin - enfin, Mirddin pour être exacte, mais c'est kif-kif !)
Pour les commentaires, ya pas de soucis si tu sautes des chapitres, surtout si c'est parce que tu es trop prise dans ta lecture ! Tu ne peux pas me faire plus plaisir en me disant ça. ^^  
Eh oui, pas de danse entre Luni et Keina... mais je vais essayer de me rattraper avant la fin du roman, promis. Ce serait un comble de ne pas les faire danser ensemble, ces deux-là ! ^^ Roooh, toi non plus tu n'aimes pas Pierre ? Bon, d'accord, vu Keina ne l'aime pas beaucoup non plus, ça se comprend. Mais il n'a peut-être pas un si mauvais fond ! Ou peut-être que si... *niark* *niark* :) Pour Dora, tu devrais être fixée assez vite (chapitre 11, je crois). 
Merci beaucoup beaucoup beaucoup en tout cas ! Tu t'en sors très bien jusqu'ici, pour les compliments, je te jure ! #^___^# Bisous
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