Chapitre 2 : Matin d'ennui... Sombre est le cri...

Notes de l’auteur : Je suis désolée pour le temps de parution mais j'ai eu des soucis personnels. Voici donc le nouveau chapitre de mon roman!

Si l’ennui pouvait avoir une image pour définition…ce cours serait l’illustration rêvée dans la tête d’Emma. Bien qu’elle adore le cinéma depuis toute petite, rien ne l’exècre plus que l’Histoire. Hélas, son seul cours d’aujourd’hui porte sur l’Histoire du cinéma. Comment peut-on gâcher et embellir une journée dans le même laps de temps ? La jeune étudiante semble avoir trouvé la réponse. D’autres élèves sont du même avis, et beaucoup sont bien plus concentrés sur les réseaux sociaux qu’affichent leurs ordinateurs portables que le cours en lui-même. De plus, il est facile de deviner combien les masques sont une plaie face à la chaleur de l’amphithéâtre Les doigts d’Emma se glissent dans ses longs cheveux blancs, histoire de passer le temps jusqu’à la fin de cette purge sans nom.

 

– T’as lu le journal ce matin ? chuchote un étudiant sur l'estrade devant.

– Ouais… répond son ami, Apparemment une autre fille a été retrouvée morte…

 

Emma s’en trouve fort étonnée. Encore une victime ? Il est vrai qu’elle avait entendu parler de disparitions inquiétantes qui se finissaient par la découverte d’une femme égorgée dans les rues…mais le fait que cette “autre fille” soit la troisième en un mois ne présage rien de bon. La cloche sonne enfin. Malgré les cris du professeur pour rappeler la date du premier examen de ce semestre, tous les élèves se ruent vers la sortie pour quitter cette université pesante. Emma fait de même, n’oubliant pas de mettre ses lunettes teintées pour protéger ses pupilles jaunes et rouges. Les longs couloirs qu’empruntent moult étudiants ne perturbent pas son attention. Celle-ci est déjà bien fixée sur un objectif précis. Souriante, Emma rattrape de justesse le métro et sort aussitôt que la douce voix de l’interphone énonce le nom de son arrêt. Il est temps de faire voler le masque ! Quelle agréable sensation de liberté ! Ce sourire qu’elle porte n’est destiné qu’à une seule personne. Au diable les passants qui dévisagent son air ahuri…ou sa différence ? Soupirant, Emma glisse ses cheveux et son crâne à l’intérieur de la capuche de sa doudoune, souhaitant éviter les messes basses. La sonnerie du magasin retentit après une longue marche à travers le vieil hôtel de ville, ainsi que la vieille rue de République, et la jeune fille laisse tomber la capuche.

 

– Bonjour André !

– Oh ! s’exclame un vendeur chauve portant un carton rempli de jeux vidéos, Ravie de te voir Emma ! Tu cherches Thomas ?

 

La jeune fille hoche vivement la tête, enlevant ses lunettes.

 

– Il est dans la réserve. Bouge pas, je vais te le chercher !

 

Emma remercie l’homme et se met à parcourir les rayons du magasin durant l’attente. Son endroit préféré a toujours été “MacroMéta” depuis le collège. Bien qu’elle se passionne pour le cinéma, la jeune albinos n’avait jamais craché sur une bonne partie avec son meilleur ami. Elle se perd ainsi entre les aventures du plombier rouge tout en s’intéressant de près à ce que compte faire ce blondinet tout de vert vêtu afin de sauver la princesse enfermée. Cependant, son attention se retrouve perturbée devant une nouvelle console lorsqu’une voix familière retentit.

 

– Prête pour notre soirée sushis ?

 

Emma se retourne en souriant. Ce jeune homme ténébreux mais classe…c’est bien son ami. Ses réflexes la poussent à lui sauter au cou, gênant grandement celui-ci.

 

– Emma ! hurle le garçon aux cheveux ébène sous le regard amusé d’André, Tu m’étouffes !

– Oh, ça va… Chochotte !

 

L’étudiante se met à rire à la moue vexée sur le visage de Thomas et le relâche.

 

– T’as fini ton travail ? demande-t-elle, J’ai dit à Gaëlle qu’on serait chez elle pour dix-huit heures !

– Oui… répond le jeune homme en soupirant, Laisse-moi le temps de me changer…

 

Il disparaît ensuite derrière une porte cachée par des milliers de posters, laissant son amie seule dans ce petit magasin. André semble pouffer de rire et ne tarda pas à attirer l’attention de la demoiselle à la chevelure semblant fait de doux nuages.

 

– Pourquoi ris-tu ? Demande Emma avec étonnement.

 

André essuie une larme, rangeant des jeux fraîchement déballés sur les étagères du magasin.

 

– Disons que je suis étonné que vous soyez si proches… sans qu’il y ait ambiguïté.

 

Le vendeur se mit à sourire en coin avant de ricaner et revenir à sa tâche. Il n’a pas eu le temps de voir que Emma se met à rougir et essaye de le cacher en restant fixée sur le rayon des jeux Nikendo SD en promo. Ce rougissement n’est en aucun cas dû au fait qu’elle ressent autre chose qu’une amitié fraternelle envers Thomas. Hélas, ce qui la gêne, c’est qu’il ne s’agit pas de la première personne qui lui fait cette remarque insensée. Il y a une semaine à peine, ce fut la mère de Thomas qui afficha sa déception de ne pas voir ce couple d’amis…en couple justement. Quel mal y a-t-il à ce qu’un garçon et une fille soit amis ? C’est la question que se pose tous les jours la cinéaste. Perdue dans ses pensées, elle ne peut s’empêcher de sursauter en sentant la main de quelqu’un se poser. Quel n’est pas son soulagement lorsqu’elle se rend compte qu’il s’agit de son meilleur ami, tout souriant.

 

– On y va, princesse ?

 

Emma hoche la tête et sort, faisant lever les yeux au ciel chez Thomas. Sur le chemin, les propos d’André restent cependant dans les pensées d’Emma, accentués par les remarques des passants.

 

– Qu’ils sont mignons ! S’exclame une femme à son amie.

– Le bonheur des premiers amours… Exprime d’un ton mélancolique un vieil homme.

 

Thomas entend tout aussi bien les paroles de ces inconnus et soupire. En quoi donnent-ils l’illusion d’un couple ? Ils ne se tiennent pas la main pourtant. En plus, bien qu’il ne pût s’empêcher d’en rire intérieurement, sa meilleure amie a autant de classe dans cette doudoune rose bonbon qu’un panda dans la savane africaine. Il ne voit vraiment pas comment il pourrait tomber amoureux d’une lilliputienne aussi quelconque.

 

– Ne fais pas attention à eux. Rétorque le brun sèchement, Ils sont juste… disons…faible d’esprit.

 

Emma soupire en remettant en place ses lunettes de soleil.

 

– Je sais… Répond-elle sur un ton de tristesse, Mais j’aurais aimé ne pas subir d’autres jugements comme en classe.

 

Thomas hausse les épaules et tapote celle de son amie. Il comprend parfaitement son ressenti. Ils n’ont cependant pas le temps de souffler que la surprise se lit sur leur visage lorsqu’ils sont stoppés par un agent de police totalement dépassé par les événements.

 

– Je suis désolée, messieurs-dames ! S’exclame d’un air sévère le policier, La rue est interdite au public pendant plusieurs heures !

– Et quelles en sont les raisons, Geoffroy ?

 

Le policier finit par rougir et bafouiller. Il ne s’attendait pas à entendre la voix d’Emma qui le fixait, ayant baissé la capuche au préalable pour dévoiler ses longs cheveux enneigés. Le dénommé « Geoffroy » se met à rire nerveusement.

 

– E…Emma ! S’exclame le jeune homme, Je ne pensais pas que tu passerais ici…

– Je pense qu’elle attend une réponse à sa question, non ? Demande Thomas en désignant l’air blasé de son ami.

– Oh… Répond Geoffroy en passant sa main dans ses cheveux châtains. Le Commandant Chevalier est actuellement sur une affaire et…

 

Sans crier gare, Emma passe au-delà du ruban de sécurité et court vers son père qui se trouve agenouillé devant quelque chose. Celui-ci, d’abord surpris, prend un air fâché.

 

– Emma ? Mais qui t’as laissé passer ?!

 

La jeune fille désigne sans honte le pauvre Geoffroy qui tremble déjà face au regard haineux de son supérieur.

 

– Tu ne devrais pas être là… Soupire le Commandant.

– Ne vous inquiétez pas ! S’exclame Thomas en posant sa main sur l’épaule de la jeune fille. Je l’accompagnais.

 

Souriant derrière sa moustache, l’homme autoritaire se remet au travail en inspectant les indices laissés sur le trottoir. Il ne remarque même pas la curiosité de l’étudiante qui observe la scène, complètement intriguée. Là, face au Kurber Bing de la place République, en plein milieu de la route, les effets personnels d’une personne se sont répandus sur le sol depuis un petit sac à main en strass argentés. Cet objet peut paraître banal dans la vie de tous les jours. En effet, il n’est pas rare de perdre son sac lorsque la foule du centre de Rennes nous emporte. Cependant, il est plutôt rare de trouver un sac entouré d’un cercle de tissu d’un violet si profond que l’on pourrait s’y noyer d’un simple regard. S’approchant doucement, Emma parvient à frôler de ses doigts le cercle pourpre, se faisant attraper aussitôt le poignet par le Commandant qui semble bien énervé.

 

– Interdiction de toucher aux preuves !

– Mais… papa… je… Bégaie la jeune fille.

– Laisse-moi travailler ! Gronde le père.

 

Gonflant les joues, la cinéaste se retourne et marche vers le Sashi Top se trouvant plus loin dans la rue. Le brun ne peut s’empêcher de lancer un regard noir envers le policier qui ne s’inquiète pas le moins du monde de la colère de sa fille. La rattrapant, Thomas la fixe d’un air inquiet.

 

– Tout va bien… ? Demande-t-il tout en posant sa main sur l’épaule de son amie.

– Oui… Répond la jeune fille en souriant dans une expression mélancolique. Ce n’est pas comme si j’avais l’habitude…

 

Le brun hausse les épaules et se frotte l’arrière du crâne, semblant plutôt gêné.

 

– Après…je le comprends ! Toucher les pièces à convictions peut falsifier les preuves comme des empreintes digitales…

 

Bien que cela lui fait mal de l’affirmer, Emma sait très bien que son ami a raison. Seulement, elle ne comprend pas pourquoi son père ne lui faisait pas confiance. Après tout, ce n’est pas lorsque l’on a vingt-deux ans que l’on apprend les bases d’apprentissage d’un nourrisson à peine sorti du ventre de sa mère. Cependant, le nouveau Commandant de police de la ville de Rennes n’a jamais réellement parlé correctement à sa fille ou ne serait-ce été tendre avec elle. Cette attitude n’a jamais réellement eu de réelles raisons. Emma a toujours imaginé que c’était à cause de sa maladie. L’odeur alléchante de la soupe Miso de son restaurateur préféré sort l’albinos de sa rêverie et redessine un joli sourire sur son tendre visage.

 

– Bonjour messieurs dames !

 

Une belle femme aux traits asiatiques affiche un large sourire derrière un comptoir tapissé de bambous pris en photos. Bien que la couleur sombre des murs autour rendent le lieu extrêmement glauque, Les cadrans blancs et les innombrables photos de sushis, qui annoncent la couleur du Sashi Top, apportent une meilleure atmosphère à tout cela. Emma décide de laisser le garçon choisir leurs plats tandis qu’elle sent quelque chose d’étrange la contourner. Ce n’est pas la première fois que cela arrive. Si toute petite cette sensation se fixait sur le sentiment d’être observée ou suivie, il nʼen est plus rien depuis quelques décennies. Tout son corps commence à trembler. Son regard passe de la malice à la peur en une fraction de secondes tellement la présence qu’elle ressent devient trop intense. Cette sensation n’a jamais été aussi forte qu’en ce jour et cela inspire la plus grande des peurs auprès de la demoiselle.

 

– Viens à moi…

 

Ce chuchotement… Comme un écho dans les rues bondées d’une ville animée… Comme hypnotisée, Emma sort de la boutique et se laisse entraîner à travers la foule, n’ayant aucune peine à éviter les passants trop pressés pour daigner s’attarder sur une « enfant » curieuse et aux allures fantomatiques.

 

– Aide-moi…

 

Encore cette voix. L’albinos avance encore. Ses pas la mènent vers un lieu inconnu mais que peut-elle y faire ? Depuis le début ses jambes bougent seules et son esprit semble perdu dans une confusion somatique.

 

– Contemple notre effroi…

 

Aussitôt ces derniers mots dits, ceux-ci disparaissent dans un immense écho. Les esprits d’Emma reprennent peu à peu leur vivacité puis…

 

-- OH MON DIEU !!!

 

Malgré ce cri qui permet à Thomas de la retrouver, rien n’aurait préparé la jeune fille à la vision d’horreur qui lui était marqué.

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