Chapitre 14, Le Retour sur Terre

Par Melau

 

Los Angeles, Etats-Unis, Terre.

 

Cette fois-ci, on n’avait perdu personne. L’équipe était au grand complet et – miracle – sobre. Magalie n’avait pas eu le cœur d’avancer grandement dans son enquête. Dans la ville mythique qu’elle visitait pour la première fois, elle se sentait comme un poisson dans l’eau. Ou, plutôt, comme une moule sur son rocher : elle était bien ici et n’avait absolument aucune envie de lâcher ce sentiment. Cette ville, elle l’appréciait, malgré le fait qu’elle était bien différente de ce qu’elle aurait pensé.

A cette époque de l’année, en plein hiver, la ville était paralysée. Le temps était comme mis sur pause. Les immenses buildings tout de verre et d’acier lui apparaissaient comme autant de géants gelés sur les berges du Pacifique. C’était magnifique.

L’équipage n’était sorti du vaisseau qu’à la tombée de la nuit. Magalie tenait à voir un véritable coucher de Soleil en allant se promener sur une plage de Santa Monica. Pour lui faire plaisir, les garçons acceptèrent de faire un détour avant de trouver un bon vieux steak house où dîner. La soirée passa à une vitesse phénoménale, et tous oublièrent la raison de leur retour sur cette bonne vieille planète bleue.

 

Le lendemain matin, Maggie fut la première courageuse à émerger d’un profond sommeil. Elle se laissa glisser hors des draps, prit une rapide douche puis s’habilla. Réveillé par le bruit dans la cabine à côté de la sienne, Richard la rejoignit quelques minutes plus tard sur la passerelle. Il avait apporté deux tasses de café. Il en tendit une à la jeune femme qui aussitôt demanda :

« Vous avez pensé au sucre ? »

Richard, au lieu de répondre, sortit une petite serviette de sa poche, la déplia et la donna à Magalie. Sur la serviette, deux sucres attendaient d’être plongé dans le café matinal. Le lieutenant remercia chaudement l’architecte, contente de ce réveil.

Dans la nuit, Grégoire avait déplacé le vaisseau plus à l’extérieur de la ville. Puisqu’ils étaient en hiver, l’effervescence était moindre sur les plages, le pilote avait donc décidé de stationner non loin des marinas. L’endroit était tout simplement splendide. La mer s’étendait à perte de vue, et les oiseaux marins qui n’avaient pas encore migré s’envolaient. Les pécheurs qui avaient pris la mer à l’aube revenaient peu à peu vers le port.

Si, de l’intérieur, le paysage était de toute beauté, Maggie n’avait pas du tout envie de sortir. Elle ne voulait pas gâcher ce moment si agréable par la puanteur du poisson, et par le froid glacial. Mais Richard, croyant bien faire, ou plus probablement sachant parfaitement qu’il allait encore emmerder le monde, ouvrit le pont. Toutes les effluves du port remontèrent aux narines de l’architecte. Quelques secondes plus tard, le lieutenant se retint de dégobiller.

« Mais fermez-moi ça ! geignit Pierce.

- Vous n’aimez pas ?

- Non !

- Vous avez vécu trop longtemps dans l’espace, votre nez ne vous servait à rien là-bas.

- Si ! A sentir la bonne odeur des viennoiseries le matin et d’un bon burger une fois par semaine dans le meilleur fast-food vénusien, mais ce n’est pas la question !

- Ah, j’ai compris ! s’écria Richard en posant sa main sur son front. Suis-je bête ! En fait, vous n’aimez pas le poisson. Vous êtes un genre de raciste des poissons quoi ! »

Le lieutenant ne prit pas la peine de répondre aux inepties de l’architecte. Magalie posa sa tasse, y balança un sucre, puis, tenant toujours le second cube dans sa main, elle s’occupa elle-même de remonter le pont.

« On n’est jamais mieux servi que par soi-même, grommela-t-elle en passant à côté de Richard. »

              

Une fois qu’ils furent tous levés, bien réveillés, et protégés des odeurs maritimes, ils se mirent au travail. Les questions fusèrent alors dans tous les sens. Pourquoi la Terre ? Les Etats-Unis ? Las Vegas ? Pourquoi pas retourner sur Mars ? Prévenir les Grassier que leur fille était en vie ? Pourquoi ? Pourquoi ? Et puis, pourquoi, aussi ?

« Stop ! finit par soupirer Magalie. Arrêtez. Je vais essayer de vous expliquer… »

Elle partit alors dans un monologue digne des plus grands chefs politiques : elle ne savait pas vers quoi elle allait, mais elle y fonçait, et tout le monde faisait semblant de comprendre alors que personne n’avait la moindre idée de ce qu’elle pouvait bien raconter. En bref, Magalie parla pendant près d’une demi-heure alors que Richard et Léopold avaient décroché au bout de trois minutes. Grégoire, lui, n’avait même pas fait l’effort d’écouter. Il s’était éloigné alors que Magalie venait à peine d’ouvrir la bouche – ce qu’elle ne remarqua même pas, bien trop happée par ses explications sans queue ni tête.

« En fait, dit-elle pour conclure son long discours, on doit découvrir qui est la femme à laquelle Rice n’arrête pas de passer des coups de fil. Et elle est ici, je l’ai entendu lui dire de rester dans cette ville. »

Grégoire était parti. Léopold n’avait même pas compris que le lieutenant avait fini de parler. Seul restait Richard qui, même s’il n’avait pas tout écouté, avait entendu les derniers mots. Il fut donc le seul à poser la seule vraie question possible :

« Mais, en quoi ça va nous aider à trouver Sindy Grassier, au juste ?

- C’est pas le sujet ! »

Magalie était excédée. En réalité, elle savait bien que c’est justement tout le sujet. Elle était persuadée que Rice était en lien avec Sindy. Elle n’avait pas encore compris ni comment ni pourquoi, mais elle allait le découvrir. Et au pire, ils ne perdraient qu’une journée de plus sur les semaines déjà passées et inefficaces qu’ils avaient passé jusque-là. Magalie avait décidé de croire au hasard. Avec un peu de chance, il ferait bien les choses et toute cette histoire se résoudrait d’un seul coup.

              

Après réflexion, il faudrait en réalité beaucoup de chance.

 

Se rendre à Las Vegas n’était peut-être pas l’idée du siècle, d’accord. Surtout qu’à part le nom de Rice et le surnom de la femme, Magalie ne détenait aucune information. L’architecte fut le premier à proposer quelque chose :

« Et si on appelait les hôtels de la ville ? Pour savoir s’il y a une chambre réservée au nom de Rice ? »

Magalie fit la moue. Certes, ce n’était pas une mauvaise idée, mais il devait y avoir des centaines, des milliers d’hôtels, chambres d’hôtes, et autres endroits où dormir à Los Angeles ! Elle devait trouver une autre manière de s’y prendre.

« Visons d’abord les hôtels les plus luxueux. Vous, Richard, vous iriez où par exemple ? »

L’architecte n’hésita pas une minute : il débita des dizaines de noms qui puaient le fric à plein nez. Et c’était exactement ce que voulait Magalie Pierce à cet instant. Richard effectua une liste qu’il remit à Léopold. Ce dernier fut chargé par le lieutenant de dénicher les numéros de téléphone de chaque palace avant de les appeler un par un. A deux, Maggie et le brigadier mirent la journée entière à contacter chaque accueil. La réponse était toujours la même :

« Si vous n’êtes pas monsieur Rice ou madame Rice, nous ne pouvons rien faire pour vous. Au revoir. »

Magalie essaya bien par deux ou trois fois de se faire passer pour la femme de Rice, mais soit elle ne savait pas mentir, soit sa voix transpirait le flic. Dans tous les cas, on lui refusait toujours les informations, y compris un simple « oui » ou « non ».

« On ne retrouvera jamais cette femme, soupira Pierce après avoir raccroché son téléphone pour la vingtième fois au moins. En plus, si ça se trouve, Rice sait qu’on est après lui et il va se barrer.

- Pourquoi êtes-vous si persuadée qu’il est louche ? demanda Richard qui n’avait rien fait pour aider de l’après-midi, préférant se promener dans les rues gelées de la ville.

- Un mauvais pressentiment.

- Intuition féminine, c’est ça ? fit Léopold, croyant bien dire, mais comprenant vite que, non, il aurait mieux fait de se taire.

- N’importe quoi ! Si j’avais eu une quelconque intuition féminine j’aurai pu vous dire où se trouve Rice ! Quel hôtel nous devons appeler ! Mais non ! »

La colère montait. Entre la fatigue, les litres de café avalés dans la journée et l’inaboutissement des recherches, Magalie sentait qu’elle n’avait plus longtemps avait d’exploser. Elle se sentait comme une véritable bombe à retardement. Et ni Richard, ni Léopold, ni Grégoire n’avait eu l’idée de la laisser tranquille. Au contraire, Richard renchérit même un coup :

« On pourrait aller dans un hôtel précis, celui que vous voulez. Vous suivez votre intui… Richard vit le regard noir que lui lançait Pierce, il se rattrapa donc. Vous suivez votre instinct, et on se fait passer pour les Rice.

- Qui ça « on » ?

- Vous et moi. »

Magalie éclata de rire. Pas du genre de rire doux, enfantin, qui faisait du bien. Non, c’était un rire ironique, malsain, qui fait mal quand on l’entend.

« Vous vous foutez de moi, j’espère ? 

- Non. »

Pour une fois qu’il souhaitait se rendre utile, MacHolland venait de foncer droit dans le mur. Pourtant, il était décidé à se faire encore plus mal :

« Réfléchissez-y un instant, ça ne peut pas être une si mauvaise idée que ça. Même si ça rate la première fois, imaginez qu’on réussisse au bout du deuxième ou troisième essai ? Je suis de ce monde-là. En plus, ma tête n’a pas fait la une de quelque journal depuis des semaines, les gens ont dû oublier à quoi je ressemblais. Je peux vous y emmener et nous faire entrer sans problèmes. Et vous… Eh bien, vous, vous êtes une femme. Une jolie femme qui pourrait tout à fait être à mon bras. 

- Mais vous vous foutez de moi ? répéta Magalie, complètement abasourdie par les propos de Richard. »

Autant la partie sur le fait qu’il fût de ce milieu tenait la route, autant l’idée d’être considérée comme potentiellement femme de Richard, c’était complètement délirant. Elle ? Magalie Pierce ? Au bras de ce fou de Richard MacHolland ? Jamais de la vie.

« Vous avez très bien compris ce que je voulais dire. Allez, il faut juste essayer. Vous voulez trouver cette fille, oui ou non ? »

Le lieutenant fût bien obligé de prendre un instant pour réfléchir à la proposition. Richard n’avait pas tort dans le fond, les appels n’étaient peut-être pas le bon moyen d’obtenir les informations qu’elle souhaitait. Or, face aux gens, et face à une personnalité telle que celle de Richard, les réceptionnistes n’auraient d’autre choix que de dire la vérité. A contre cœur, Magalie articula du bout des lèvres :

« C’est d’accord. »

 

              

Ils ne parvinrent pas à trouver l’hôtel du premier coup. Ni du deuxième. En réalité, ils durent essayer toute la semaine suivante afin d’obtenir enfin un résultat.

Richard avait revêtu un superbe costume qui avait coûté un bras. La chemise ouverte au troisième bouton rendait l’homme à la fois terriblement élégant, distingué et, en même temps, lui conférait une allure décontractée. Richard MacHolland était de retour, sans aucun doute.

A son bras, Magalie se sentait comme une escort girl. Richard avait choisi les vêtements de la jeune femme si bien qu’elle se retrouvait chaque soir affublée d’une robe minuscule qui aurait plutôt dû porter le nom de t-shirt. La seule chose qui la protégeait un tant soit peu du froid était un énorme manteau de fourrure, lequel la faisait éternuer toutes les trois minutes – soit tout pile le temps entre la sortie d’un hôtel et leur entrée dans le suivant. Et le pire dans tout ça ? Magalie ne trouvait absolument rien à redire parce qu’elle sentait au fond d’elle que ce plan allait les mener à ce qu’ils cherchaient.

Bon. La vérité fut plus compliquée à encaisser. Le premier soir, ils firent le tour de quatre hôtels différents. A chaque fois, c’était le même scénario. Maggie et Richard arrivaient au volant d’une superbe Maserati de location d’un noir mat aux vitres teintée. L’architecte sortait le premier, tendait les clés à un voiturier, puis ouvrait la porte à Magalie. La jeune femme qui, pour l’occasion, avait ressorti la fameuses paire d’escarpins achetés pour son anniversaire, sortait du véhicule. Accrochée à la main de Richard, elle se mettait debout. Avant d’entrer dans le hall, Richard ordonnait au pauvre voiturier de laisser le moteur tourner et d’attendre son retour, de ne surtout pas bouger la voiture.

Le faux couple tout droit sorti d’un magazine pénétrait le hall d’un hôtel et se dirigeait directement vers la réception. Richard, se faisant passer pour Harold Rice, disait alors d’un ton détaché :

« Bonjour. Harold Rice, enchanté. J’ai une réservation depuis plusieurs semaines, malheureusement je me suis fait subtiliser mon portefeuille par un de ces voyous qui traînent dans vos rues. La clé de la chambre se trouvait à l’intérieur, expliquait-il. Pourriez-vous m’en donner une nouvelle ? »

Maggie et Richard étaient parfaitement rôdés. Pour les deux premiers hôtels, Richard se faisait hésitant, Maggie montrait des signes de stress en se triturant les ongles ou en passant les doigts dans ses cheveux plusieurs fois à quelques secondes d’intervalle. Au fur et à mesure, ils apprirent de leurs erreurs et parvinrent à jouer leurs rôles à la perfection.

Suite au speech du pseudo-Rice, la personne en charge de la réception – souvent une jeune femme qui devait jongler entre boulot et étude, tout à fait le genre de Richie – vérifiait la réservation dans le registre. Dès que le « Nous n’avons pas de réservation à ce nom, monsieur. » se faisait entendre, c’était au tour de Maggie de prendre la parole :

« Mais comment c’est possible ? On s’est peut-être trompés d’hôtel mon amour, ajoutait-elle en s’agrippant au bras de Richard et en papillonnant des cils comme une idiote. 

- Certainement, acquiesçait Richard – ou la réceptionniste qui commençait à avoir des doutes sur les identités des deux adultes. »

Magalie et Richard, pseudo-Rice et pseudo-femme-inconnue, prenaient alors la porte dignement, la tête haute. Ils retournaient en voiture, l’architecte prenait le volant de la Maserati. Démarrage, stationnement vingt mètres plus loin, et on recommence le petit cinéma.

Après deux semaines, ils auraient pu tous les deux postuler pour un rôle à Hollywood parmi les grands acteurs du moment, les producteurs n’y auraient vu que du feu.

Mais il n’eurent pas besoin de deux semaines complètes ; ils trouvèrent le Graal des hôtels après une semaine, deux jours, et exactement 33 tentatives – un peu long pour réussir la prise, mais un bon acteur sait s’adapter…

              

L’enseigne dorée illuminait la rue d’un clignotement merveilleux. Le nom de l’endroit était inscrit en lettrines blanches auxquelles les lumières donnaient une couleur argentée. Magalie s’arrêta quelques instants sur le trottoir d’en face. Elle lut du bout des lèvres :

« L’Arthurien »

Richard la regarda faire. Il put voir un millier d’étoiles illuminer les yeux de la jeune femme qui semblait totalement happée par l’aspect mythique de l’endroit. A vrai dire, il ressentait lui aussi ces petits papillons de bonheur. Quelque chose lui disait alors qu’ils allaient, comme Perceval, trouver le Saint Graal en entrant à l’intérieur. D’un geste qui se voulut mécanique, mais qui au fond n’était dicté que par le cœur, l’architecte prit la main de Magalie et l’entraîna dans l’hôtel.

Ils entrèrent ; au-dessus de leurs têtes « L’Arthurien » veillait sur eux.

De l’extérieur, le bâtiment n’avait rien d’exceptionnel. Il datait certainement des années vingt, affichait une silhouette uniforme, les fenêtres étaient toutes parfaitement alignées. L’intérieur, par contre, c’était autre chose. Une coupole occupait tout le plafond de la réception. En fronçant les yeux, Richard parvint à deviner une fresque représentant tour à tour la Table Ronde, Lancelot et la charrette, le Roi Arthur, Perceval et le Graal, Yvain et le Lion. Le regard de l’architecte se porta ensuite sur les immenses colonnes sculptées de style Ionique qui soutenaient le plafond de part en part, tout autour de la coupole. Un autel destiné aux chevaliers de la Table Ronde se dessinait face à eux.

L’ensemble de la pièce était peinte dans des tons sobres, entre l’ocre des murs et le blanc marbré des colonnes. Seule la coupole détonnait, associée à une série de frises rappelant les mêmes aventures sur la hauteur de chaque mur. Richard admirait l’endroit tant et si bien qu’il en oublia la raison première de sa présence ici. Lorsqu’il revint à lui, il se dit qu’il devrait remercier Maggie de l’avoir pris à ses côtés sans raison, parce que sans elle il n’aurait certainement jamais découvert cet hôtel, il n’aurait non plus jamais vu de ses propres yeux le travail effectué sur Mars – et en plus de cela, il serait en train de supporter les geignements de Jenna qui faisait encore brûler les lasagnes.

Magalie resta en retrait. Même si elle ne comprenait pas aussi bien l’intérêt des colonnes, ou de la reprise du motif mythique entre la coupole et la frise, que Richard les comprenait, la jeune femme admirait tout de même l’endroit. Cet hall d’accueil était tout simplement vertigineux. Qui aurait pu croire qu’après avoir passé les portes, dépassé un petit couloir tout simple, ils trouveraient un spectacle pareil ?

Dans un coin, un orchestre jouait. Maggie ne l’avait d’abord pas repéré. A droite de la coupole, après les colonnes, on apercevait un immense bar typique des années 1920. Un barman tout habillé de noir, avec une paire de gants blancs, essuyait des verres. Derrière lui, les murs habillés de miroirs accueillaient d’un côté les bouteilles d’alcool, de l’autre les différents verres : à vin, à bière, à whisky, coupes de champagne. En face, des box avaient été installés. Des banquettes en velours bordeaux accompagnaient des tables en merisier cerclées de fer. Autour, des hommes et femmes bien habillés discutaient et buvaient. Là, un homme fumait, une jolie femme se repoudrait le nez. Ils faisaient un véritable retour dans le temps.

Richard s’avança vers la réception. Un cinquantenaire se tenait devant les casiers et le mur des clés. Il affichait un sourire mesuré, les mains croisés au niveau du buste. Il accueilli l’architecte :

« Bonsoir monsieur, je vous souhaite la bienvenue à « L’Arthurien ». Avez-vous une réservation ? »

Au moment de répondre, MacHolland se rendit compte que Magalie n’était pas à ses côtés. Il la chercha des yeux, en vain. Il s’excusa auprès du réceptionniste. Où se trouvait le lieutenant ? Définitivement, Richard se posait trop souvent cette question. Il passa sous la coupole, dépassa les colonnes Ioniques, se retrouva finalement devant un bar.

Assise sur un haut tabouret en bois sur lequel un simple coussin était posé pour le confort du client, Magalie attendait l’architecte, les jambes croisées sur le côté, un martini dry devant elle. D’un geste distrait, elle faisait tournoyer l’olive sur son cure-dent dans le liquide transparent. Richard s’assit à côté d’elle. Il fit signe au barman, ce dernier lui servit aussitôt un verre de rhum avec deux glaçons. Richard le remercia, se détendit les épaules.

« Que fait-on de la mission ? demanda-t-il.

- Chut. »

Le lieutenant souriait. Elle semblait détendue. Avec ses cheveux courts coupés au carré, légèrement bouclés, sa veste de fourrure qui encadrait son visage et sa robe courte qui dévoilait tout ce qu’il fallait, ses lèvres rouges, on l’aurait crue tout droit sortie d’un vieux film en noir et blanc.

« Vous êtes très belle. »

Les mots échappèrent à Richard. Il ne s’en excusa pas. Pour une fois dans sa vie, il n’y avait aucune arrière-pensée, juste de la sincérité.

« Merci. »

Magalie sentit ses joues virer au pourpre. Elle baissa les yeux, bu une gorgée de sa boisson. L’alcool réchauffa sa gorge, puis son estomac. Elle sentit le bout de ses doigts fourmiller.

« Vous ne voulez pas savoir si…

- Chut. »

Magalie posa une main sur le poignet de l’architecte en l’interrompant. Ce dernier resta bouche bée. Une mouche aurait pu entrer dans sa bouche, il ne s’en serait pas rendu compte.

Le lieutenant fit un signe de la tête à Richard. Elle lui indiquait de regarder sur le côté, à quelques mètres d’eux, dans un box, sous une fenêtre. Harold Rice se tenait là. Il était assis, seul. Le verre posé devant lui était vide. Il fixait son téléphone.

« Mais…

- Chut… »

Richard obtempéra. Il se tut. Magalie prenait les commandes, et ça convenait parfaitement à l’architecte qui ne comprenait pas tout à fait ce qui se passait.

Le lieutenant avait repéré Rice par hasard. En se promenant du côté du bar, elle avait entendu un téléphone sonner. Aussitôt, le son avait été coupé, mais déjà Maggie avait tourné la tête et repéré l’endroit d’où venait le bruit. Elle s’était retenue de sauter et crier de joie lorsqu’elle avait reconnu le détenteur du téléphone : Harold Rice. Elle en avait immédiatement déduit qu’ils avaient enfin trouvé le bon hôtel. Le Roi Arthur leur avait porté bonheur si bien qu’ils avaient débusqué le Graal.

Apparemment, Rice ne les avait pas encore remarqué. Magalie ne savait pas comment l’aborder, ni si elle devait tout simplement le faire.

Le temps qu’elle se décidât, il était déjà trop tard.

Richard, qui tournait le dos à Rice, ne le vit pas se lever et partir. Il ne vit pas non plus ce qu’il laissât sur la table. Magalie, qui regardait dans le vide, de l’autre côté, en direction des toilettes, était tant absorbée par ses hésitations qu’elle ne se rendit pas compte qu’elle sirotait de l’air depuis plusieurs minutes. Son verre, elle l’avait fini en deux gorgées.

« Il n’y a pas de double ou triple fond, vous savez, fit remarquer Richard qui l’observait, amusé. »

Pierce sursauta. Elle manqua d’en faire tomber le verre qu’elle posa précautionneusement sur le bar. Elle venait de prendre sa décision. Sans répondre à Richard, elle lui dit :

« On va le voir. Je veux savoir ce qu’il fait ici, et qui est cette fille. Y a un truc qui tourne pas rond. »

 

Et pour la première fois de sa vie, Magalie avait eu une bonne intuition.

 

Lorsqu’ils s’approchèrent de la table qu’il occupait encore quelques minutes auparavant, Harold Rice avait disparu. A sa place, ne restaient que trois choses : son verre vide, une serviette sur laquelle semblait inscrit un mot au stylo bleu, et un couteau.

Des frissons parcoururent l’échine de la policière.

Elle attrapa une serviette propre et souleva le couteau au manche d’ivoire crème. Le même que dans l’appartement de Sindy à Chicago. Le même que celui trouvé à côté du corps de la jeune toxico aux cheveux violets sur Mercure.

Le couteau dans la main droite, elle déplia de la main gauche la serviette laissée par Rice sur la table. Elle lut :

Bien tenté.

               Magalie grommela. Richard fronça les sourcils.

 

               Faîtes vos jeux, rien ne va plus !

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haroldthelord
Posté le 17/03/2021
Salut Melau,

C’est un agréable retour, j’ai aucun reproche à faire, j’ai même trouvé le chapitre excellent, bon courage pour le prochain chapitre.

A plus.
Melau
Posté le 18/03/2021
Hey hey !

Je suis super contente que ce chapitre t’ait autant plu !
Pas de nouveau chapitre avant encore quelques semaines, mais j’espère que tu liras la suite ahah

Encore merci !
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