Chapitre 1

Notes de l’auteur : Un nouveau chapitre tous les 15 et 30 du mois.
Les chiffres dans le chapitres renvoient à des notes en bas de page.

Face n°9 de l’icosaèdre, japonaise – Ville : Torii – Domaine Sawada
Année 2012, Terre, Monde 4 / Année 2512, 4e Platefrome

 

La queue d’un chat balayait lentement le bois ciré d’une longue table de réunion. Le mouvement soulevait par instant les feuilles d’un des conseillers, à son grand désespoir discret, sans que personne n’ose le chasser. Niko en caressait un autre, installé sur l’accoudoir de son fauteuil. Sa tête menaçait d’exploser. Il remplaçait son père à la présidence de l’assemblée des conseillers du clan depuis maintenant une bonne heure. La salle du conseil lui avait été ouverte avec le début de la guerre civile et il y représentait le clan Sawada de plus en plus souvent, presque régulièrement à présent. Si la responsabilité avait semblé un honneur tout d’abord, il s’était vite rendu compte qu’avec ou sans lui, les affaires auraient continué de tourner. Le Conseil du Clan Sawada veillait à la stabilité de la Famille depuis des générations et continuerait ainsi, qu’il devienne Héritier ou non. La parole de l’Empereur Japonais régnait en maître. Le jeune homme se leva, gardant le chat contre lui pour aller observer la neige tomber au travers des panneaux de bois. Un travail exquis de papier et de fuseaux de pin créait des ouvertures le long de la paroi, chacune de la taille d’une bille. Assez pour laisser passer la lumière et la fraîcheur de l’extérieur. Quelques braseros avaient été installés de ci de là de la salle et les conseillers s’engonçaient dans d’épais kimonos pour lutter contre le froid de l’hiver. Niko s’était contenté de quelques couches de soie fine. Lui, comme tous ceux de sa Famille, n’avait rien à craindre du froid. Au contraire, le chat dans ses bras tenait office de bouillotte, menant ses doigts à une chaleur au bord de l’inconfortable.

 

- Sawada-sama (1).

 

Le jeune homme ignora l’appel, s’attardant encore à observer le manteau d’hiver. Il avait mal à la tête. Les flocons tombaient sans relâche – depuis quelques semaines à présent – habillant la Face Japonaise d’un épais habit vierge. Comme si le clan des Néants avait voulu participer à couvrir les plaies béantes laissées par la guerre des familles mafieuses. Une action miséricordieuse de la part de bouffons qui n’avaient pas soulevé le petit doigt pour contenir les massacres et attentats. Le regard du futur Héritier se porta au ciel, mais les nuages lui bloquaient la vue, l’empêchant d’apercevoir l’ombre de la tour Néant. Sa poitrine s’en détendit un peu. Il avait beau avoir grandi sous des cieux occupés et connaître la nécessité de la construction au bon fonctionnement de la Plateforme, cette forteresse l’oppressait.

 

- Sawada-sama.

 

Il contint un soupir et se détourna des ouvertures pour revenir s’asseoir à la table. Les couches de kimono séparaient à peine sa chair de l’inconfort du bois massif. Niko préférait largement leurs salles de tatami au parquet et meubles offerts par le nouvel empire un siècle auparavant. Le chat s’échappa de ses bras pour aller vaquer sur la table et rejoindre son compagnon. Le jeune homme l’observa slalomer entre les dossiers avant de répondre à l’attente générale.

 

- Les foyers d’insurrection de la capitale ont été complètement maîtrisés. Quelques-uns persistent au Nord de la Face. J’y enverrais des équipes ainsi que des vivres pour aider les citoyens.

- L’Empereur exige un nettoyage complet et rapide.

 

Les yeux bleus du jeune noble transpercèrent la conseillère. Est-ce qu’elle le reprenait sur son travail ? La quinquagénaire continua sans sourciller.

 

- Voilà un mois que la guerre a cessé, et ces cellules continuent de terroriser le peuple. Peut-être devrions-nous demander de l’aide à votre cousin ?

 

Niko sentit l’agacement poindre. La comparaison avec son parent avait été à peine sous-entendue. Il se força à respirer avant de répondre d’une voix aimable.

 

- Mon cousin semble apprécier sa vie hors Face. Les corpuscules problématiques devraient pouvoir être éliminés sans devoir le déranger. Merci pour votre proposition. Peut-être pourrions-nous passer au point suivant de la séance ?

 

La conseillère inclina la tête, raide. Le Sawada regretta presque l’absence de réplique. Sa tête en était heureuse, mais il aurait pu justifier d’un langage plus cruel. Ce conseil était de la pire engeance à ses yeux. La fange de leur Clan. Seuls leurs intérêts propres comptaient et ces derniers - humains ou financiers – étaient soigneusement conservés par l’Empereur à ses côtés. Aucun risque qu’ils ne s’allient avec les Sawada. La génération précédente ainsi que les frères cadets de Niko en avaient fait les frais. Leur grand-père avait été un tyran à moitié fou, leur oncle avait succombé à la folie, et ses frères…

Son père n’avait pas réussi à les protéger de l’ambition du conseil. Le plus jeune, Tatsuya, avait donné l’impression de s’en être remis jusqu’à sa tentative de suicide quelques jours plus tôt. Quant à Kenji…ils allaient le perdre aussi si rien n’était fait.

 

- Sawada-dono (2).

 

Le titre coula comme du miel à ses oreilles. Peu de personnes osaient lui donner le même statut que celui de son père. Le nouveau venu s’était probablement trompé, mais Niko accueillit la douceur sans rechigner et fit signe au technicien de s’installer et de lancer sa présentation. Les responsables de la communication inter-mondiale étaient toujours fascinants à entendre. L’homme s’était raidi en réalisant sa faute, mais il se reprit vite, s’inclinant avant de déposer un petit cube couvert de runes sur la table puis de sortir un ordinateur. Niko se pencha un peu plus en avant pour l’observer faire. Il avait eu une formation en informatique – évidemment – mais la manière dont les techniciens mêlaient magie et ordinateurs lui était merveilleuse : il ne comprenait pas. Son enfant de sœur était un petit génie dans le domaine et se moquait régulièrement de ses blocages en la matière. Sous les doigts du technicien, l’ordinateur fut connecté au cube et les runes s’allumèrent pour invoquer une petite créature d’air. Le programme s’empara alors de la créature pour lui donner une suite d’instructions et l’obliger à changer de forme, créant une présentation tridimensionnelle.

 

- Une act…ti..activité ma…ma…magique intense a pe..perturbé les po..po..portails établis entre …entre la P…Pa…Pla..Plateforme et la ..la…T…Terre. Pardon. Trois…Troisième…Mon…Monde.

 

Un bègue. Niko retint son sourire et s’installa plus confortablement (enfin il essaya). Parfait. Le temps pris pour la présentation allait empêcher tout commentaire. L’affaire était autrement plus intéressante que ces fichus jeux de pouvoir. Les cargaisons n’avaient pas pu être livrés à l’Empereur ce mois-ci, entraînant ainsi un déficit désagréable pour la Famille Sawada. La créature représenta brièvement la Porte liant Torii- capitale japonaise sur la Plateforme - et Kyoto (Terrienne), avant de se transformer en une multitude de graphes flottants. Niko fit un signe juste avant l’attaque des explications pour demander :

 

- Quand la connexion pourra-t-elle être rétablie ?

 

C’était l’information la plus importante et Nanami, son secrétaire pourrait ainsi la transmettre rapidement à leur département commercial. Satisfait d’apprendre que le délai d’attente serait court, il fit ensuite signe au technicien de continuer, ignorant la vibration courte de son téléphone. Les messages attendraient. Il avait déjà lu le rapport envoyé par la section technique et comptait bien profiter de l’incident pour demander une refonte des services s’occupant de la Porte.

 

- Les co…connexions restent p..ossibles, cep..endant elles ne sont p..pas assez p..puissantes pour pe..permettre le pa..pa..pa..ssage de …

 

Une sonnerie interrompit le présentateur. Niko jeta un coup d’œil à l’identifiant et fronça les sourcils avant de décrocher. Plusieurs conseillers protestèrent. Il leva une main autoritaire pour demander le silence. Les quelques rares contacts à ne pas être automatiquement mis sous silencieux valaient en général d’outrer ses conseillers.

 

- Parle.

- Natsuke et ses frères ont disparu. Après les infos de Kenji, je les ai envoyés aux Nèfles pour voir, j’ai plus de nouvelles depuis un moment.

 

La voix, jeune et nerveuse, continua de débiter à toute allure. Sans l’arrêter, Niko fit un signe à son secrétaire de rassembler les dossiers. La séance était ajournée. Le téléphone toujours à l’oreille, il se leva et s’inclina brièvement pour s’excuser auprès de ses aînés avant de traverser la salle. Nanami repoussa les shôji et ils quittèrent le conseil, traversant le pavillon principal de la demeure d’un pas pressé. Arrivés à la porte principale, le jeune homme interrompit sa conversation téléphonique pour demander une voiture et un groupe d’intervention.

 

- Monsieur, si je puis me permettre, votre tenue.

- Attends.

 

Ignorant son secrétaire, Niko s’assura que sa jeune interlocutrice avait bien compris ses instructions. L’adolescente le remplaçait à la tête des gosses de la ville depuis peu, et elle avait beau être têtue, forte et remarquablement intelligente, la disparition des enfants de rue était un dossier délicat. Le jeune mafieux avait eu de la peine à empêcher ses jeunes équipes d’aller démolir les bars à la recherche de leurs compagnons. C’était une chose d’aider à enquêter sur la disparition des jeunes de campagne ou d’autres villes. Toucher aux leurs directement, et les plus réservés de ses délinquants se transformaient en bombe à retardement. Cette fois-ci c’était un grand, Natsuke, qui s’était fait avoir. Les gamins devaient être paniqués. Rassuré sur la sécurité du reste des enfants, Niko raccrocha et sortit du pavillon.

 

- La voiture ?

- Elle arrive, monsieur. J’ai également demandé qu’on vous apporte des habits plus appropriés.

- Des habits ?

 

Il releva les yeux pour interroger Nanami du regard puis les baissa sur ses habits et grogna. Sa présence au conseil l’avait obligé à revêtir des habits officiels : un kimono de soie blanche brodé de bleu tenu à la taille par une ceinture métallique, décorée d’un sceau de jade. Le symbole accordait à son porteur un haut rang ainsi qu’agrégeait de son lien familial avec la Famille Impériale. C’était un bien précieux qui n’avait pas sa place en mission opérationnelle. Tout le monde connaissait le visage de l’Héritier Sawada, il n’y avait vraiment que les fonctionnaires pour exiger la vision du sceau.

 

- Je me changerais dans la voiture. Transmets l’adresse à l’équipe la plus proche des lieux, je veux que tout soit sécurisé avant ma venue.

- Bien. Et concernant vos occupations de la …

- Si tu veux y aller rapidement, ça serait plus simple que je te transporte non ?, fit une nouvelle voix.

- …vos occupations de la journée monsieur ?

- Annule-les si possible.

 

Le secrétaire hocha la tête et s’écarta de quelques pas pour contacter ceux concernés, non sans avoir salué le nouvel arrivant.

 

- Kuro-san.

- Nanami-san

 

Déçu, l’apparition se tourna vers Niko tout en rajustant ses habits. Le démon était toujours tiré à quatre épingles, quelque soit l’époque ou le continent qui aie ses faveurs au moment de son invocation. La seule constante était l’odeur de Cologne française qui ne le quittait plus depuis leur voyage sur Terre quelques années auparavant. Kuro grogna et frappa son trois-pièces de la main : les télé-transportations avaient le don de friper le tissu.

 

- Un jour, il sursautera.

- Je ne pense pas. Merci pour ta proposition, mais la voiture m’y déposera suffisamment tôt.

 

Il ne tenait pas à participer à l’assaut de l’orphelinat des Nèfles. Kuro haussa légèrement les épaules et disparut à nouveau. Si ses services n’étaient pas requis, il préférait largement s’occuper sur d’autres plans. Les démons s’ennuyaient vite.

 

- Reste par là tout de même.

- Toujours.

 

La voix avait murmuré à ses oreilles et l’Héritier Sawada put se détendre. Il n’aimait pas savoir son protecteur démoniaque trop loin ces derniers temps : les attaques sur sa personne se multipliaient à l’approche de sa majorité. Quelques mois, et il serait officiellement héritier de l’empire Sawada, 3ème puissance sur la Face Japonaise de la Plateforme. Juste derrière son père et Kiyoshi Hôgo, le propriétaire de l’Antre des Roses, centre de perdition pour élite. L’approche de sa titularisation amenait une augmentation de ses responsabilités, mais surtout, elle lui avait permis de lancer un projet de sauvetage sur les enfants de la Face. La guerre des clans mafieux avait laissé une pléthore d’orphelins. Une marchandise facile et de valeur : un enfant standard valait à lui seul une année de salaire moyen, un enfant hybride…les prix explosaient. Le danger également. Personne ne savait où disparaissaient ces enfants. Pour peu qu’ils partent sur Terre et que leurs bizarreries révèlent l’existence de la Plateforme, et la guerre des clans deviendrait le cadet des soucis impériaux.

 

- Monsieur, votre voiture arrive.

 

Nanami s’était rapproché, les bras chargés d’une tenue plus adaptée aux circonstances. Au loin, une bulle silencieuse approchait, mue par simple énergie végétale. Un petit bijou de technologie, mêlant les connaissances terriennes, celles de la Plateforme, et celles du Quatrième Monde. Autrement plus confortable que les voitures terriennes classiques, elles étaient également pratiques pour se déplacer le long des falaises qui délimitaient la Face Japonaise. Celle-ci pouvait revêtir l’allure souhaitée par son propriétaire, aussi s’allongea-t-elle à l’approche de Niko, jusqu’à devenir un ovale noir aux parois aussi brillantes que du métal. Nanami s’inclina et alla ouvrir la porte pour permettre au jeune homme d’y monter avant de l’y suivre. Sans prononcer un mot, le secrétaire se permit de prendre contrôle du véhicule pour créer quelques zones translucides alors que Niko se changeait. L’intérieur devenait à chaque fois trop sombre si laissé aux goûts de l’Héritier.

 

Le jeune homme ne réagit pas, trop occupé à contempler la chemise blanche choisie par son homme de main. Blanche, pas noire, la seule couleur qu’il tolérait de tout le spectre lumineux : elle dissimulait le sang, allait avec tout, et faisait tomber amantes et amants directement dans son lit. Nanami s’assit après avoir programmé leur destination.

 

- Vous avez promis un effort à votre fiancée. Elle vous a offert cette chemise.

- Uniquement devant elle.

 

Les boutons de la chemise glissaient aisément à leur place, dissimulant une peau abîmée, marquée par une vie déjà chargée de combats et d’aventures. La plus impressionnante d’entre elles s’étalaient sur l’entièreté du dos et rattachait Niko à sa famille et à son rang : un énorme tigre blanc s’élançait depuis son flanc gauche pour aller mordre son épaule droite. Faite selon la plus pure tradition terrienne, le tatouage avait torturé son porteur des heures durant. Une souffrance inutile, mais qui avait marqué les esprits et gagné le respect de tous les gosses de rue de l’époque.

 

- Comment va Yuki ?

 

Nanami se retourna vers son patron, légèrement surpris de la question. Niko haussa un sourcil interrogateur et fit un mouvement de tête pour l’enjoindre à répondre. Embarrassé, le secrétaire ralluma sa tablette et sembla chercher le dossier de la jeune femme.

 

- Sa blessure était superficielle, elle se remet. Votre garde ne devrait pas en être impactée.

 

Sa garde ? L’Héritier eut un sourire amusé et prit pitié de son subordonné, s’abstenant de tout commentaire. Yuki faisait effectivement partie de sa garde rapprochée, comme une poignée de privilégiés, mais c’était surtout une amie proche du secrétaire comme du patron. Ils l’avaient rencontrée dans la rue, au tout début des fugues de Niko et ce dernier soupçonnait depuis quelques temps déjà un rapprochement de ses deux compagnons. L’énergique petit bout de femme s’acharnait un peu trop sur Nanami et les habits de ce dernier avaient quitté les plaines de la sobriété pour des détails discrets, mais présent. Niko sourit et s’installa sur les sièges que la bulle s’était empressée de créer en sentant ses genoux fléchir et eut un petit soupire de satisfaction confortable. Le secrétaire s’assit non loin et rajusta ses lunettes, le nez toujours enfoui dans son écran. Il triait les rapports au fur et à mesure de leur venue, notant les plus intéressant pour les transférer à son patron. Niko n’était peut-être pas encore l’Héritier officiel du Clan Sawada, mais il voyait passer la majorité de l’activité de la famille. Une énorme entreprise soigneusement huilée à la hiérarchie très stricte. A l’image d’un petit pays, une armée personnelle gardait les intérêts du clan, séparés en plusieurs zones d’apport économiques : les matières premières magiques, le contrôle sur les transports magiques par Porte, les jeux et autres tâches peu reluisantes, puis l’apport véritable, supportant toute cette architecture : les liens de sang avec l’empereur terrien du Japon. L’autorité impériale était relayée sur la Face Japonaise de la Plateforme par la présence des Sawada. Fidèle à leur propre famille, chaque génération offrait à l’empire un enfant dévoué à l’empereur ; Niko était lié depuis l’enfance, en cas de guerre, il irait en première ligne pour sauver son pays.

 

Un téléphone vrombit doucement dans l’espace réservé de la bulle. Avisant le tas de ses anciens habits, l’héritier soupira et alla récupérer ses affaires. Il regarda le numéro et s’assombrit avant de passer le téléphone à son secrétaire.

 

- Nanami à l’appareil. Les cadets sont arrivés ? Aidez-les à sécuriser les lieux. Nous sommes…en approche de la falaise.

 

Niko avait rendu leur véhicule translucide en entendant la question. Ils flottaient à quelques mètres du sol, au-dessus de la forêt dense qui séparait le centre du domaine Sawada au reste de la Plateforme. Au loin, l’Antre des Roses de Kiyoshi était encore visible. Les deux puissances se partageaient le sommet de la falaise, un endroit autrement plus confortable que l’intérieur de la grotte dans laquelle était bâtie Torii, la capitale de la Face japonaise. Au vu du personnel et de l’espace requit par la sécurité des deux domaines, la ville entière n’aurait pu de toute manière suffire. C’était à la fois pratique - ils étaient loin du petit peuple - et peu agréable : chaque intervention en ville nécessitait au moins une heure de transport aérien. Raison pour laquelle avoir un démon personnel capable de vous téléporter était un luxe indispensable. Niko se demandait souvent comment Kiyoshi n’était pas déjà mort d’agacement : l’homme ne s’était pas encore résolu à passer un pacte d’éternité.

 

- Monsieur ? Elle souhait vous parler.

- Plus tard.

 

Il n’avait rien de plus à dire à la jeune femme. Perdre des hommes un mois après avoir pris le contrôle des gosses de rue devait être traumatisant, mais il n’était pas là pour la rassurer. La gamine devait apprendre à se débrouiller seul, sinon, il reconsidérerait la possibilité de placer Kenji à la tête de la bande. Ou Tatsuya. Dans quelques années. Le cadet était déjà trop chargé pour son âge.

 

La bulle fit un écart, chahutée par le vent. Niko grogna, rattrapé de justesse par son secrétaire. Ses yeux se portèrent sur l’horizon. Rien. Là où l’océan aurait dû s’étaler, un épais jour blanc s’était installé, cachant la tour des Néants. Ces grosses constructions, extrêmement modulables, dominaient chaque Face, plantées en son centre, impossible à rater. Impossible aussi d’oublier qui dominait sur la Plateforme. Sans les Néants, l’endroit ne serait qu’une expérience magique instable, trop dangereuse pour abriter autre chose que des colons aventuriers.

Le jeune mafieux grimaça en se levant : sans la tour pour se guider, arriver à destination allait devenir délicat. Les chutes de neige se transformaient en tempête à l’approche de la falaise. Il se concentra et créa un tunnel, repoussant vents et flocons loin de la bulle, jusqu’à avoir une ligne de vue sur l’océan.

- Tu aurais juste dû te téléporter.

- Kuro. Tais-toi ou apparais. Ou mieux tiens. Guide la bulle jusqu’à l’orphelinat.

La magie Sawada disparut brutalement, forçant le démon à prendre son tour. Un grognement remplit le véhicule sans qu’aucun des deux humains ne réagissent. Niko s’assit et fit un petit signe à Nanami.

- Réveille-moi à l’arrivée.

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1Le suffixe « -sama » est ajouté après le nom ou le prénom d’une personne pour qui on a un grand respect ou qui est hiérarchiquement très supérieur. On peut le traduire par « seigneur », « maître » ou « patron ».

2Le suffixe « -dono » est ajouté après le nom d’une personne qui vous est supérieure de par son rang de noblesse. On peut le traduire par « seigneur ».

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