4.Danaël

Par Codan
Notes de l’auteur : Dans ce nouveau chapitre, vous allez rencontrer Danaël et avec lui la culture thaeline ! Bonne lecture !

L'encens montait haut dans l'église abbatiale, s'étiolant lentement jusqu'à frôler le plafond en croisée d'ogives. Danaël, frère du Haut Monastère de l'Est dédié au dieu Lan, jeta un coup d’oeil en coin à son maître, Henaël Hugwin. Depuis les quelques années qu’il était au service personnel du premier maître, le jeune homme savait reconnaître le moindre signe d’impatience. Devant eux, à genoux sur le sol de pierres blanches, ses semblables attendaient dans un silence de cathédrale. Des centaines de garçons qui comme lui avaient grandi dans ce monastère, soit cédés par leur famille en quête de reconnaissance, soit récupérés dans les rues de la ville falaise et de ses environs. Riche ou pauvre, ici ils avaient tous le même rang et la même mission : prier le capricieux Lan qui se faisait attendre, et obéir aux trois maîtres, chefs de ce monastère et plus proches conseillers du dieu.

Ces derniers échangeaient des regards anxieux. La lourde urne de cérémonie, dans laquelle Lan avait glissé les noms de ses cinquantes favoris, avait été posée depuis longtemps sur l’autel et l’encens brûlait depuis maintenant une bonne demie-heure. Leur dieu était en retard. Si d’ordinaire ce n’était pas inquiétant, il s’agissait cette fois de la sélection pour le Grand Choix. Maître Koyan et maître Onaël cachaient mieux leur impatience que maître Hugwin, dont les soupirs étaient de plus en plus rapprochés. Il finit par se pencher vers Danaël pour lui ordonner dans un murmure : 

— Va chercher Axiliam. Ne reviens pas sans lui.

Danaël baissa la tête avec humilité et longea le chœur pour emprunter un passage derrière la sacristie. Il poussa la lourde porte de chêne avec autant de discrétion qu’il put. Ses pas résonnèrent contre la pierre alors qu’il traversait en claudiquant le long couloir à la merci des courants d’air. Le froid pénétra la jambe droite du garçon. Il serra les dents et continua d’avancer.

Il dépassa le cloître, baigné par le soleil de fin de matinée et embaumé par l’odeur des roses de provins, puis se rendit dans le couloir des dortoirs. Là, il eut un regard presque désespéré pour ces satanés escaliers. Il détestait plus que tout les escaliers. Pourtant, pour suivre Henaël, il en grimpait au moins dix par jours, hormis quand son maître avait pitié de lui et l’envoyait au scriptorium pour aider les moines copistes. En soupirant, Danaël entama la montée en forçant sur sa jambe malade. Jusqu’au dernier étage. L’étage de Lan et de son Donneur, Axiliam. 

Il reprit son souffle quelques instants en massant son genou douloureux. De grands vitraux filtraient la lumière du dehors qui s’écrasait sur le sol en de multiples couleurs. Danaël ne s’attarda pas sur les scènes mythiques représentant les anciennes incarnations du dieu et frappa à la porte, de l’autre côté du couloir. Pas de réponse. Il se mordit les lèvres et réitéra son geste avec plus de force. 

Cette fois, la porte s’ouvrit sur la silhouette complètement nue de Lan. Danaël eut juste le temps de le voir sourire avant qu’il ne baisse les yeux vers le sol. Derrière le dieu, son Donneur se leva du lit pour habiller Lan d’une veste de kimono chamarrée. Même si ce n’était pas la première fois qu’il interrompait un échange d’énergie entre eux, le garçon avait toujours ce sentiment de gêne qui l’envahissait.

— Bonjour Danaël, fit la voix chantante du seigneur du vent. 

— Maître Hugwin m’a demandé de venir chercher mon frère Axiliam. 

— Pour ne pas dire moi, rit Lan. 

— Nous arrivons, répondit Axiliam. 

— Tu diras à ce rabat-joie d’Henaël que Lan avait besoin d’échanger son énergie avec celle de son magnifique Donneur. 

Les yeux toujours rivés au sol, Danaël acquiesça. Les doigts fins du dieu remontèrent son menton pour croiser leurs regards. D’un marron pétillant, celui de Lan avait quelque chose d’hypnotisant. Sans prévenir, Lan attrapa ses lèvres dans un baiser brutal. Danaël sentit son énergie le quitter d’un seul coup, incapable de résister. Il détestait cette sensation de vide qui l’envahissait.

Le contact s’interrompit quand Axiliam tira le dieu en arrière. Le garçon reprit sa respiration.

— Je crois que je vous ai donné assez de la mienne, se justifia-t-il. 

Lan rit et passa ses longs doigts sur la joue de Danaël. 

— Dommage qu’il soit atrophié, tu ne trouves pas, Axiliam ? 

Danaël avala difficilement sa salive. Cette atrophie, c’était au dieu même qu’il la devait. Et Axilima le savait. Le Donneur intervint avec sécheresse :

— Préparons-nous rapidement. 

Danaël retint la porte qui allait se refermer. 

— J’ai ordre de revenir avec Axiliam.

Axiliam assentit d’un coup de tête, alors que Lan roula des yeux. 

— Henaël t’a bien dressé, n’est-ce pas ? 

Danaël ne répondit rien. Sans aucune pudeur, Lan s’habilla de ses robes d'apparat et coiffa ses longs cheveux blonds. Il sortit de la pièce avec empressement, dépassa Danaël et descendit les marches quatre à quatre. Axiliam le suivit mais ralentit pour prêter main forte à Danaël, dont la jambe hurlait de douleur. Le sourire chaud de son aîné l’inquiéta : la jalousie possessive de Lan à l’égard de son Donneur le lui ferait payer.

— Rejoins-le, chuchota-t-il. J’arrive. 

— La cérémonie… 

— Peut commencer sans moi. Je ne suis que le petit chien du premier maître, tu te souviens ? Le Donneur ne peut abandonner son dieu.

Axiliam grimaça, mais pressa le pas, ses boucles claires disparaissant dans l’escalier à colimaçon. 

 

Quand le garçon rejoignit l’assistance, de nouveaux bâtons d’encens avaient été posés et la voix du maître Onaël fredonnait des prières en langue ancienne. Henaël lui jeta un regard inquiet, auquel le garçon répondit d’un hochement de tête. Il allait bien. Il allait juste attendre que la cérémonie se termine pour plonger sa jambe dans une bassine d’eau chaude. Une fois tous les frères du monastère occupés au grand carnaval qui les attendait dehors, il pourrait avoir un petit moment de paix. 

Danaël ne regardait pas l'autel, mais savait ce qui était en train de se dérouler. Siégeant sur son trône, Lan faisait ressortir de l'urne les petits papiers noircis par les noms de ses favoris. D'un doigt, il manipulait l'air pour que les papiers volettent vers les maîtres, qui annonçaient ainsi à voix haute ceux qui avaient été choisi. Résonnant contre la pierre, cet égrenage avait une solennité imposante et étouffante que Danaël supportait mal. Un à un, trop lentement, il regardait les jeunes hommes dont le nom avait été scandé se lever calmement dans un bruit de tissus que l'on froisse. Danaël les connaissait tous. Ils avaient été élevés ensemble. Fier d'eux, il se disait que Lan avait bien choisi quand…

— Danaël, de la famille Hugwin !

Le garçon se statufia. Il leva les yeux vers son maître en quête de réponse, mais rien ne filtrait du regard bleu gris d'Henaël Hugwin. Puis ses yeux dérivèrent vers Lan, mollement affalé dans le trône qui lui était attribué. Au milieu des soieries colorées qui entouraient sa frêle silhouette, coiffé d'un chignon d'où pendaient bijoux tintants et brillants, le seigneur du vent et de l'été affichait sur le beau visage de son hôte un sourire goguenard, et dans les yeux d'un marron chaud brillait une étincelle de malice. Danaël fronça les sourcils, ne comprenant pas le choix de Lan. Il savait que son dieu n'était pas un exemple de bienveillance, mais il le pensait assez sensé pour mettre toutes les chances de son côté afin de battre ses frères durant le Grand Choix, et ainsi qu'un Thaelin soit choisi comme prochain hôte du Dieu père. L'échange visuel fut coupé par Danaël qui courba la nuque, obéissant à la lame de vent qui venait de s'y abattre. Henaël avait toujours eu des méthodes plutôt dures pour contraindre ses élèves, et Danaël ne discuta pas. Il se rangea aux côtés des autres appelés. 

Quand le cinquantième nom fut lancé, une dernière parole rituelle en langue ancienne fut prononcée. Lan se leva alors de son siège et s'avança vers les frères de son pas léger et sautillant. 

— Maintenant, allons profiter des festivités ! J'espère que vous avez préparé un carnaval du solstice des plus fastueux !

Lan battit des mains, invitant ainsi ses Fils à le suivre, et Danaël se fondit dans la troupe. Il chercha à approcher le dieu. 

Ne discute pas mes choix, Danaël. Ne me déçois pas. 

Le regard de Lan qui se braqua dans le sien était dur, froid et ne souffrait d'aucune désobéissance. Danaël serra les dents. Il suivit tant bien que mal l’allure rapide de ses camarades, entraîné par la vivacité du seigneur du vent. Danaël porta les mains à ses oreilles pour tenter de les protéger, mais trop tard : à peine les portes de l’église furent passé que les hourras de la foule lui explosa dans les tympans. La lueur du soleil, haut dans le ciel bleu, l’éblouit quelques secondes. Son voisin lui donna un coup de coude pour qu’il avance et, maladroit, Danaël fit un pas trop grand pour sa jambe malade.Il grimaça de douleur.

Ridicule. Il était juste ridicule, et n’avait pas sa place ici.

Toute la population de la ville-falaise s’était rassemblé autour du promontoire pour féliciter et encourager les heureux élus. Des Thaelins avaient fait le chemin jusqu’à leur capitale, Halioes, pour assister aux festivités. Lan les mena jusqu’à une estrade de pierre. Complètement en panique, Danaël ne parvenait pas à se projeter plus loin que le pas suivant. Le simple fait de penser au Grand Choix le terrifiait.

Il n’allait pas revenir vivant.

Il lança un regard effrayé à Lan. Ce n’était pas sérieux. Il allait se rendre compte de son erreur et lui dire de faire demi-tour. Qu’il n’avait pas sa place ici.

Lan dut lire dans ses pensées, car Danaël croisa son regard et vit les lèvres du dieu se retrousser en un sourire inquiétant. Il frappa de ses mains lourdes de bagues pour faire revenir le silence, et attira automatiquement l’attention du public. Visiblement ravi d’être le centre de tous les regards, Lan étendit les bras. Les couleurs chatoyantes de ses soieries captèrent la lumière, et le soleil fit étinceler ses cheveux blonds.

— Mon peuple ! cria-t-il à la foule.

Des vivats lui répondirent, et son sourire s’élargit. Il attendit quelques secondes avant de reprendre :

— Cette années, les festivités vont être plus grandioses encore ! Je vous promets combats plus haletants ! 

La foule en délire hurla en réponse, effrayante. 

— Pour le premier combat, j’appelle Danaël Hugwin et Galed Onaël !

Ce fut la force des regards qui s’abattirent sur lui qui incitèrent Danaël à se mouvoir.. Il se détacha de ses semblables et claudiqua jusque devant Lan. Les autres sélectionnés s’éloignèrent et Galed se dressa devant lui. Amusé, Lan attrapa les mains des concurrents, les joignit puis recula à son tour. Danaël releva les yeux et croisa le regard de son adversaire, qui ne laissait apparaître aucune émotion. Il serra les mains de Danaël avant de rejoindre l’autre bout de l’estrade. Danaël fit de même, lentement pour limiter le boitement de sa jambe. La peur lui bouffait les entrailles et les regards, braqués sur lui, lui piquaient la peau.

De l’autre côté, Galed s’était déjà mis en garde, la jambe et le bras gauches avancés, le bras droit lui protégeant le torse. Danaël l’imita maladroitement, mais sa jambe droite lui fit mal lorsqu’il essaya de descendre ses appuis. La seconde plus tard, Galed avait déjà joint ses mains et projeté ses bras sur en avant : la bourrasque qu’il fit naître dévora la distance qui les séparait. En urgence, Danaël monta le bras pour qu’un bouclier d’air le protège. Son adversaire en avait profité pour avancer vers lui et, assez adroitement, lui fit une balayette. Sur sa mauvaise jambe. Danaël tomba au sol, sur les fesses. La foule hilare applaudissait déjà.

Danaël se releva piteusement et boita pour descendre de l’estrade. Les concurrents suivants furent aussitôt appelés.

Ne pense pas à disparaître.

L’élan de colère et de rancune qu’il ressentit pour Lan lui donna le culot de dévisager le dieu. Celui-ci laissa la fête aux mains du maître Koyan pour rejoindre Danaël et passer un bras autour de ses épaules. Le contact fit frémir le garçon, mais il n’en montra rien. Le dieu l’entraîna un peu à l’écart, et éloigna les sollicitations fanatiques d’un signe de la main. 

— Pourquoi m’avoir choisi ? Vous ne m’aimez même pas.

Le sourire de Lan lui donna envie de vomir. 

— C’est vrai. Je ne t’aime pas et je ne te trouve d’aucune utilité. Je ne sais pas ce qu’ont Axiliam et Henaël à te protéger, mais cela attise ma curiosité. 

Danaël accusa le coup. Il savait que Lan était pervers et manipulateur, mais de là à le sélectionner à la place d’un frère tout à fait valide et plus compétent que lui ? 

Le dieu s’avança vers lui, le visage plus qu’à quelques millimètres du sien.

— On m’a largement incité à te compter parmi mes cinquante favoris, chuchota-t-il. Et parce que je suis joueur, j’ai accepté. 

Ses doigts frolèrent la mâchoire de Danaël, qui fit de son mieux pour ne pas s’écarter.

— Montre-moi que j’ai eu raison et survis à la première épreuve, mon petit. 

Le dieu le quitta pour rejoindre l’estrade d’un pas vif et léger et reprendre son rôle de maître de cérémonie. Danaël le regarda, la rage au ventre et l’envie de hurler bloquée dans sa poitrine. 

 

Danaël s’était éloigné les festivités. Les combats s’étaient terminés dans la liesse, et maintenant ses semblables se voyaient offrir des verres, des brioches, des danses à chaque stand. Les filles avaient sorti leurs voiles et leurs foulards, les hommes leurs plus beaux durumagi. Le vent faisaient danser les cheveux et les amples vêtements traditionnels du peuple thaelin tout à sa joie. Partout, des couleurs, des rires, du plaisir.

Cinquante d’entre eux allaient mourir, et tous étaient heureux. Ils n’étaient pas de ces personnes qui vivaient uniquement pour satisfaire le dieu. Ils faisaient partie du peuple, qui profitait des largesses excentriques de Lan, des plaisirs qu’il distribuait sans compter, des fêtes qu’il organisait dans tous les territoires de l’Est. Ils l’aimaient comme on aime un aïeul qui ne se montre que quelques fois l’an, sans connaître la profondeur de son caractère explosif. 

Danaël n’avait pas pu le supporter et il s’était isolé. Assis dans l’herbe, les cheveux agités par les vents, les bras entourant ses genoux dans une position presque enfantine, à quelques mètres à peine du bord de la falaise haute de plus de huit cent mètres. Il était seul, face à l’azur du ciel et de l’océan, et cela lui allait bien.

Là, dans cette grande crique, comme une offrande à cette houle parfois ravageuse, s'était développé Halioes, la capitale des terres de l'Est et des maîtres du vent. La magie de Lan donnait à la falaise sacrée une solidité telle que les habitants avaient sans crainte creusé leurs maisons dans celle-ci, rassurés à l'idée d'être protégés par leur dieu tutélaire. Un labyrinthe d'escaliers rassemblaient les maisons les unes des autres, peintes dans des teintes vives et habillant la ville d'un costume d’arlequin. Plus on montait, plus le vent se faisait fort et chassait les odeurs parfois nauséabondes du port, et plus les habitants étaient aisés. Sur la bande de plage mangée par la marée étaient entassés bateaux de pêches et embarcations de commerce, lieux plein d'odeurs marines et de bruits. Sur la falaise, le Haut Monastère avait érigé ses quartiers, composés de bâtiments aux tours immenses dont la plus haute était réservée à la chambre du dieu ombrageux. Tellement haute que lorsque le brouillard s’abattait sur la région, elle devenait invisible. 

Le garçon repassait en boucle les mots que Lan lui avait lâchés. Il n’en saisissait pas le sens. Qui avait forcé la main du capricieux dieu ? Pourquoi ? Quelqu’un s’amuserait-il donc à voir un handicapé comme lui dans le Grand Choix ? 

Il sentit qu’on s’installait à côté de lui et sa réflexion s’interrompit. Les petites échasses blanches qui lui tenaient jusqu’alors compagnie s’envolèrent un peu plus loin. Il tourna la tête pour voir Axiliam lui tendre une brioche fourrée à la viande.

— Je n’ai pas vraiment faim, déclina-t-il.

Axiliam adopta son ton de grand frère. 

— Tu pars demain avec les quarante-neuf autres et tu n’as rien mangé de la journée. 

Danaël soupira et attrapa la nourriture. Il en grignota un bout sans grande conviction.

— Tu ne devrais pas être avec moi.

Axiliam haussa les épaules, et renoua consciencieusement son wu dang. Ayant cinq étés de moins que lui, Danaël avait toujours admiré le jeune homme et l’avait pris comme modèle. Axiliam s’était attaché à lui, malgré la jalousie qu’avait démontré Lan pour cette relation. Cela avait valu à Danaël son handicap. 

— De toute façon, nous partons demain, répéta Axiliam.

Danaël mâcha lentement un morceau de brioche. 

— Tu crois que c’est pour me punir ? 

Axiliam renâclat.

— Il aime beaucoup trop gagner pour ça. Non, on a dû lui promettre quelque chose. 

— Et toi qui est toujours avec lui, tu ne sais pas quoi ? 

— Il a ses secrets.

Danaël soupira. Même l’excellent goût de la brioche de Lilia ne parvenait pas à détourner temporairement ses pensées de ce qui l'attendait.

— Je peux échanger ma place avec quelqu’un, tu crois ? 

— Sois sérieux, Dan. Tout le monde sait qui tu es. Tu dois y aller. 

— Je n’ai pas envie d’y laisser ma peau. 

— Certains parviennent à revenir, il paraît. 

Danaël laissa s’échapper un rire sans joie. 

 — Et où sont tes sources ? Je travaille quasiment tous les jours au scriptorium, à me taper une montagnes d’archives et je n’ai jamais vu trace de quelqu’un qui est revenu du Grand Choix vivant. C’est une légende, histoire de nous motiver, pour qu’on soit sûr qu’on ne risque rien. C’est du flan.

Axiliam l’observa avec un petit sourire. Il passa la main dans ses cheveux châtains pour le décoiffer. 

— Quoi ? pesta Danaël en se dégageant.

— Tu as tes chances. Tu es intelligent et vif d’esprit. Ça joue dans un concours pareil.

Danaël roula des yeux. Depuis tout petit, il avait développé ses facultés intellectuelles pour compenser ce que sa jambe le rendait incapable de faire. Curieux et cultivé, il n'en était pas moins lourd et lent, peu doué pour se défendre malgré l'apprentissage qu'on l'avait forcé à suivre. Certes, il avait une maîtrise de son élément plutôt naturelle et aisée, mais cela ne suffisait pas pour concurrencer les plus grands combattants des Quatre Terres. 

— Sauf que je ne veux pas gagner. Je m’en fiche. J’ai même pas choisi de vivre là-dedans, dit-il en désignant le Haut Monastère du menton. Je ne suis qu’un orphelin qu’on a ramassé pour passer une vie à prier ce dieu qui a failli me tuer. 

— Ma famille à moi m’a vendu, et je suis Donneur. Je crois que je ne m’en sors pas mieux que toi.

Les Donneurs étaient ces êtres constamment disponibles pour le dieu auquel ils étaient rattaché, des réserves d’énergie ambulantes dans lesquelles les dieux pouvaient puiser selon leur bon vouloir. Axiliam avait été choisi pour la compatibilité de son énergie avec celle de l’hôte de Lan et, d’après les rumeurs, ils avaient été amants malgré les interdits avant que le dieu n’en prenne possession. 

— Une fois à la capitale, tu seras plus libre. Tu pourras aller voir des filles. Ou des garçons. Ou les deux. On passe tout aux sélectionnés du Grand Choix.

Danaël rougit, embarrassé à cette idée. Il n’y avait jamais pensé. Destiné à être au service de Lan pour toute une vie, il avait fait une croix sur les relations charnelles. Lan ne pouvait supporter que ses hommes ne le trompent.

— Ça fait comment ? 

— De coucher ? Si c’est avec Lan, c’est épuisant. Il prend toute l’énergie que j’ai et… 

— Si c’est avec quelqu’un d’autre que Lan ? lâcha Danaël. 

La houle avait presque couvert ses mots. Il savait qu’Axiliam risquait de ne pas répondre. Ça aurait été avouer qu’il avait trompé son dieu. 

— C’est bon quand l’échange est équilibré. 

Il se releva et épousseta les pans de sa veste de wu dang. Danaël l’imita maladroitement : sa jambe, trop longtemps immobile, l’avait violemment rappelé à l’ordre. 

— Je dois y retourner. Essaie de profiter quand même un peu. 

Axiliam passa une nouvelle fois la main dans les cheveux de son cadet et rejoignit son dieu. Danaël le regarda partir, en notant comment ses épaules s’étaient affaissées encore un peu plus que la veille.

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Tac
Posté le 25/01/2023
Yo !
Ambiance radicalement différente dans ce chapitre ! j'aime bien découvrir comment chaque dieu procède pour choisir ses élus ; cela en dit long aussi sur lui et les coutumes.
J'ai cru d'abord que Lan envoyait Danaël au casse-pipe pour se débarrasser de lui, par jalousie à cause de sa relation avc Axiliam, mais manifestement non. Je suis presque déçü que ce ne soit pas "juste" un acte de méchanceté, mais du coup je suis curieux de savoir qui est ce "on" !
Plein de bisous !
Isapass
Posté le 27/06/2021
Hello !
Je reviens découvrir la suite de ton histoire. Comme on en est encore aux présentations, je n'ai pas eu de problème à suivre ce chapitre, mais j'espère que j'arriverai bien à raccrocher les wagons par la suite et que je n'aurai pas trop oublié les 3 premiers chapitres.
En tout cas, ton écriture est toujours un régal : fluide, riche et précise. Et j'ai beaucoup aimé ce chapitre avec ce "dieu" à forme humaine qui semble pas mal abuser de ses privilèges et ce pauvre Danaël qui lui sert apparemment de souffre douleur pour être un peu trop proche de son donneur (ou de son amant ? Difficile de savoir dans quel rôle Axiliam suscite sa jalousie).
Je vais essayer d'enchaîner pour mieux profiter de l'histoire et je m'en réjouis d'avance.
A+
Codan
Posté le 18/09/2021
Hello !
Ravie de te revoir par ici :D et super contente que tu aies pu poursuivre sans te perdre :)
Merci beaucoup pour ces jolis compliments >< Lan est un antagoniste que j'adore écrire ! Et effectivement, ses relations avec son donneur sont très ambigües en effet !

Bonne suite de lecture :D
Elenna
Posté le 26/10/2020
Bon là clairement, je n'aime pas du tout Lan. Ce n'est pas du tout sympa pour Danaël qui n'a rien demandé (d'ailleurs ce nom me rappelle une BD que j'ai lue où un des héros porte ce nom). Bref, ton histoire est super et j'ai vraiment hâte de découvrir les différentes épreuves !
Codan
Posté le 27/10/2020
MOUHAHAHA contente que Lan fasse cet effet ! Je m'amuse beaucoup avec lui :D C'est vrai, tu as croisé ce prénom ? Je suis surprise, moi qui pensais être un poil originale xD Merci beaucoup et contente de t'avoir embarquée dans mon univers !
Elenna
Posté le 28/10/2020
C'est tout à fait original comme nom ! C'est du pur hasard si j'ai déjà croisé ce nom dans les Légendaires (nom de la série de BD -je conseille d'ailleurs si tu veux te marrer-)...
Vipère
Posté le 13/06/2020
Hey!

Bon, avec le retour du forum, j'ai décidé de rattraper sérieusement mon retard dans ma PAL, priorité aux Quatre Terres!

Alors, encore un nouvel environnement, une nouvelle culture à découvrir, de nouveaux codes... j'ai beaucoup aimé l'atmosphère de ce chapitre, notamment les scènes d'intérieurs comme la phrase d'ouverture, ou "De grands vitraux filtraient la lumière du dehors qui s’écrasait sur le sol en de multiples couleurs."... on retrouve très bien l'aura qui se dégage de ce genre de lieu!

Le personnage de Danaël est attachant et les fragments de backstory que tu nous livres sont suffisants pour nous tenir intrigués! J'aurais presque aimé passer plus de temps dans sa tête. Il se passe beaucoup de choses dans ce chapitre, et je pense que la fin va un poil vite: le combat entre Danaël et Galed est expédié en quelques lignes, je pense que tu pourrais presque l'enlever pour te concentrer davantage sur l'état intérieur de Danaël, ou creuser la relation Danaël/Axiliam.. mais c'est juste une idée, et en l'état il n'y a rien de choquant!

Deux petites tournures que je changerais:

""Axiliam grimaça, mais pressa le pas, ses boucles claires disparaissant dans l’escalier à colimaçon" --> disparurent, plutôt?

""Complètement en panique, Danaël ne parvenait pas à se projeter plus loin que le pas suivant. Le simple fait de penser au Grand Choix le terrifiait."
Je pense que "en panique" est un poil familier, et je resterais sur "paniqué" si j'étais toi, ou une autre expression à base de panique.
Idem pour la phrase un peu plus loin:
""La peur lui bouffait les entrailles et les regards, braqués sur lui, lui piquaient la peau." En soi "bouffer" ne me choque pas, mais je trouve que ça ne s'accorde pas vraiment au reste de ton style, donc peut-être lisser ce passage là?

En tout cas j'ai hâte de lire la suite et de découvrir comment il va se sortir de ce guépier!
Codan
Posté le 16/06/2020
Oh merci pour ton passage Vipère ! Merci pour tes suppositions, c'est à réfléchir. Je poste ici le "premier jet" pour récolter les réactions et pouvoir modifier pendant la phase de réécriture, donc ce que tu me dis est vraiment pertinent merci ! Que ce soit sur le fond (le combat à supprimer, la relation à creuser) ou la forme (d'ailleurs c'est vraiment super ce que tu dis, je ne m'en étais pas rendue compte, de ce changement de registre... ) Bref un grand merci <3
Notsil
Posté le 09/06/2020
Tiens tiens, un ordre de moines ! J'aime beaucoup le prénom Danaël, sinon ^^
Et Lan.... pas aussi léger qu'on aurait pu le croire, ce dieu du vent ! Vengeur en plus. Ou alors il a quand même détecté un ptit potentiel chez Danaël ?
Le pauvre, il s'était fait à sa petite vie tranquille, et paf on va l'envoyer mourir dans un Grand Tournoi.
C'est bien, ils auront tous des motivations différentes !

Bien, allons faire connaissance avec le 4ème.... :)
Codan
Posté le 10/06/2020
Haaaan merci ! J'aime beaucoup les sonorités de Danaël, c'est doux, ça glisse dans l'oreille...
J'aime beaucoup Lan et je m'amuse beaucoup avec lui xD je sais qu'il n'est pas aimé, et justement j'aime bien. Parce qu'il n'a rien du dieu bienveillant qu'on peut s'imaginer. Danaël a un sale passé avec Lan ehe
Et oui, ils sont tous différents, donc ont des motivations différentes ! :D
Xendor
Posté le 08/04/2020
Waou ! Chaud ! Alors je déteste très cordialement Lan autant pour sa morale douteuse que son caractère 😅. Je ne l'aime point du tout du tout ! Courage Danaël !
Codan
Posté le 19/04/2020
Ah ? Au moins il est drôle et il déménage xD Non? Bon au moins, t'as de l'empathie pour ce pauvre Danaël ahaha ! Merci de ta lecture :D
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