Troisième fragment

Notes de l’auteur : Bonjour :D Un troisième fragment, une fois de plus rempli de joie et de bonne humeur...
Bonne lecture :)

La nuit était tombée depuis longtemps, nappant le manoir de son grand duvet d’ombre. Les rares lueurs qui brillaient encore étaient chaudes, douces, et savouraient elles aussi la tranquillité qui venait toujours lorsque l’air n’était plus saturé de leurs consoeurs, disparues sous terres par les tiges de leur fleur-mère. 

Myria était épuisée.

Nodia s’était enfin endormie, mais seulement après avoir réveillé tout les habitants du couloir avec ses cris et la chute d’un meuble, secoué par sa magie furieuse. Quelques parents plus expérimentés que Myria avait accouru, et avait aidé la jeune maman perdue à calmer son enfant. Elle se sentait stupide, d’avoir besoin d’aide presque à chaque heure, et de ne jamais réussir à s’accorder un instant de répit. Comment pouvait-elle être aussi exténuée alors qu’elle ne faisait plus rien ? Plus aucun entraînements, plus aucune mission de protection sa lance à la main. Dès qu’elle avait présenté des difficultés à marcher avec son ventre arrondi, elle avait été mis au banc, et il lui semblait qu’elle n’arriverait jamais plus à s’en relever.

Elle le savait, pourtant, que tous les accouchements valeni étaient difficiles, presque autant que ceux des maegis, et qu’il était parfaitement normal qu’elle ait perdu en force. Elle se sentait coupable d’être toujours aussi fatiguée et d’une humeur exécrable. Il lui arrivait d’en venir à détester son bébé, lorsque Nodia criait trop et trop fort comme si rien de ce que sa mère n’était capable de faire ne pouvait jamais la satisfaire. Myria s’en voulait toujours, d’avoir ces pensées noires, mais le mal était fait.

Elle voulait croire les conseils des autres parents plus expérimentés qui avaient été là pour l’accompagner depuis le début, et qui affirmaient qu’il n’y avait aucune honte à ressentir ces choses, mais c’était trop difficile.

Pourquoi avait-elle cru être prête à avoir un enfant ? C’était arrivé trop vite, beaucoup trop vite. 

Myria était épuisée, et ne trouvait plus le sommeil. Alors puisque Nodia était entre de meilleures mains que les siennes, la jeune valeni erra.

Ils n’étaient pas appelés Soldats de la Nuit pour rien. Même à cette heure, il y en avait encore de nombreux qui arpentaient les couloirs, pour se préparer à une mission ou pour un entraînement quelconque. Le regard alerte, les membres vifs, les chuchotements rapides et parfois des éclats de rire muselés pour ne pas réveiller les habitants diurnes du manoir. 

Quand avaient-ils cessés de vivre la nuit, et pour qui ?

Myria ne savait pas à quoi servait de poser cette question. Ils connaissaient tous la réponse. Sauf peut-être les responsables, aveuglés par leur propre pouvoir.

Et puis surtout, elle s’en fichait un peu.

Tout ce qu’elle voulait, c’était ne plus se sentir si faible.

— … Myria est toujours dans le même état.

Elle s’arrêta net. Sans s’en rendre compte, elle avait atteint un couloir où il n’y avait plus personne, et elle était devenue plus ombre que chair, dans sa fatigue. La personne qui avait murmuré son nom ne l’avait sans doute pas entendue arriver. Elle reconnut sa voix, pour l’avoir écoutée tant de fois, souvent au creux même de son oreille, lorsqu’elle était prête à devenir le plus vulnérable possible pour lui plaire.

— Et l’enfant ? demanda une autre voix.

— Toujours inférieur à tes calculs. L’hybridation n’était pas le problème.

— A moins que ce ne soit toi le problème. 

Un bruit sourd stoppa la conversation, puis un souffle de voix que Myria ne comprit pas. Elle n’osa pas bouger, dans un premier temps, parce qu’elle savait qu’ils parlaient d’elle et de Nodia. Et Nodia était beaucoup de choses, mais inférieure n’était certainement pas un mot qu’ils pouvaient se permettre d’utiliser pour la désigner. Elle était presque tentée d’entrer dans la pièce pour demander des comptes, mais n’eut même pas besoin de le faire.

Face à elle, dans l’embrasure de la porte désormais ouverte, se tenait un valeni. Sans personne derrière lui, comme s’il avait parlé seul. 

— Myria ? Tu n’arrives pas à dormir ?

— Tu parlais à qui ?

Un sourire tira ses lèvres, et à sa vue, Myria trembla malgré elle.

— Jalouse ?

— J’ai entendu que tu lui parlais de Nodia…

— Non. Tu n’as rien entendu. 

Il s’approcha pour lui attraper le visage, et Myria recula aussitôt. Elle buta sur quelque chose - non, quelqu’un - qui l’enserra dans un sortilège lumineux. Sa peau brûla à son contact, et elle sentit sa fatigue plomber tout ses muscles sans aucun espoir de lutter.

— Retourne voir ta fille, murmura la deuxième voix. Tu ne te souviendras pas de cette conversation. Tout ce que tu sauras, c’est que tu es faible, et une mauvaise mère. Et tu es si fatiguée.

Ses muscles cédèrent sous son poids, ses paupières se fermèrent, et des larmes coulèrent sur ses joues. 

Que faisait-elle donc ici, seule au milieu de la nuit, dans son état ?

Elle s’écroula sur le sol, et un cri de détresse s’échappa de sa gorge. Deux soldats accoururent pour l’aider, et elle les laissa la ramener jusqu’à sa chambre, confuse et épuisée. Nodia était sous la surveillance d’une vieille valeni aux insomnies chroniques, qui étaient toujours prête à garder un oeil sur n’importe lequel des bébés vivants au manoir. 

— Qu’est-ce qui ne va pas, petite mère ?

— Elle s’est écroulée de fatigue, je pense, expliqua une des soldats.

— Allongez-là ici, alors.

L’ancienne accueillit Nodia avec un sourire, et lorsque les deux personnes qui l’avaient à demi portée jusqu’ici la hissèrent sur son lit, Myria se laissa faire, et ne parvint qu’à murmurer le nom de sa fille.

— Elle s’est endormie, la mignonne, la rassura l’ancienne. Elle aime beaucoup cette chanson, sur la petite ombre ?

Myria sourit - comment avait-elle pu oublier, qu’il suffisait simplement de chanter une comptine pour apaiser son amour de bébé ? Elle se tourna, juste assez pour voir la minuscule valeni dormir à point fermé dans son petit lit, parfaite et douce.

— C’est une jolie chanson, confirma la maman.

Elle ferma les yeux, et laissa la fatigue l’emporter alors que l’ancienne fredonnait pour elle la comptine préférée de Nodia.

J’aime la forme de ta petite ombre sur mon coeur
Et je sais que tu aimes la mienne dans tes yeux
Lorsque je m’endors je la vois encore
Laisse-moi te bercer encore un petit peu…

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Nanouchka
Posté le 04/04/2022
Il est si sombre, ce fragment, et en même temps ça fait tant de bien d'enfin voir Myria avec Nodia. Et que ce soit naturel et acceptable de la voir galérer avec sa maternité. Et en même temps d'ajouter une couche de mystère, complots et terreur dans tout ça. Autant de réponses que de questions, fluide, j'adore.
AnatoleJ
Posté le 09/04/2022
Aaah merci ! C’était douloureux et carthatique d’écrire Myria qui fait de son mieux, elle aurait fait une si bonne maman si seulement on lui en avait laissé le temps T_T
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