Paréidolie

Par Eska

Parfois je me sens pris d’une étrange mélancolie. Mes pensées déambulent, fouillent mon passé, mes regrets et invariablement, se perdent. Somnambule errant de bulle en bulle dans l’écume de mes rêves délaissés, je cherche désespérément. C’est comme si j’avais perdu un parent, presque comme si il manquait une part de moi. Mon cœur réside ici, dans le soupir du renoncement. Dans cet instant, si fugace, entre la mort d’un espoir et la naissance d’une autre. Rien pourtant, ne justifie cela.

Je suis aimé, entouré. Je vis – chance inouïe- au diapason de mes principes, et j’ai accompli bien plus de mes idées folles que je n’aurais jamais pu l’espérer.

Alors invariablement je prends le chemin de mon refuge. Il se cache au sommet d’un vieux hangar fait de choses trouvées ici et là. C’est par une échelle que j’escalade le mur du poulailler, crapahutant sur les tuiles d’argile avant de me hisser un pan plus haut pour embrasser du regard la campagne où je réside. Confortablement installé, je dévore chaque once du camaïeu d’automne tissé par les chênes. De rouges en ocres, les survivants d’étés toujours plus rudes s’accordent pour s’embraser de concert. Mon regard s’attarde le long des pâtures, dernier bastion du printemps ou l’herbe grasse se déploie en mer paisible aux verts émeraude. Jamais je ne me lasse de cette palette où se déploie sans faillir la gamme d’une année sur le point de s’achever. Presque comme si, quelque part, quelqu’un avait soigneusement peint ce paysage pour que se brille sa poésie. Mais le joyau de cette œuvre est certainement ce ciel où s’alanguissent d’innombrables nuages, sources de mes rêveries interminables. Je me laisse alors aller à y voir ce qui, au fond, n’y est pas. Et c’est à cet instant, qu’a chaque fois, brièvement, je comprends, avant d’oublier. La paréidolie. Voir un visage qui n’existe pas. Faire d’un facétieux cumulus un oiseau phénoménal. Ce moment précis où l’imaginaire modèle le monde à notre gré, où, juste là, le temps d’un clignement d’yeux, l’on vit ailleurs, dans un lieu ou tout, absolument tout peut exister.

La voilà, ma mélancolie. D’avoir imaginé tant de mondes et d’histoires que je ne souhaite plus qu’y vivre. Savoir qu’ils résideront toujours en moi et que l’inverse est impossible. Ainsi de tous les chemins qui m’ont été offerts, j’ai toujours souhaité prendre celui qui ne peut être tracé. Celui des merveilles fantastiques, des disques portés par des pachydermes, des dieux et de leurs cohortes de héros. Alors je prends ma plume, et je replonge.

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