Neiro, le moine vagabond



 

Neiro le moine fixait cette entrée caverneuse, il espérait qu'il était en train de suivre les bonnes personnes. Ces jeunes adultes semblaient bien être des orphelins des rues de Sybèle. Il ne restait plus qu'à s'assurer qu'ils n'étaient pas comme les autres, et que c'était bien eux qu'il fallait surveiller.

Il échauffa doucement ses poignets, un combat sanglant allait avoir lieu. Les gobelins ne sont pas des créatures très fortes, mais nombreuses, elles peuvent être mortelles. Avant de rentrer dans cette caverne, il se remémora le moment où tout avait si vite basculé…

 

***

 

Neiro était resté en bas. Il avait été envoyé ici pour une bonne raison, et ce nain l'était peut-être. Il savait que le tournant de quelque chose allait avoir lieu ce soir, mais il ne savait pas exactement quoi ? Son monastère l’avait envoyé ici en mission, guidé par une étrange prophétie, et il comptait bien remplir sa mission. La première étape de sa mission était de trouver les orphelins. Ce nain, s'il avait bien grandi ici, même si cela semblait étrange vu ces cicatrices de combattant et sa façon d'être qui ressemblaient plus aux nains des collines de l’Est, pouvait être la raison de sa présence. Il ne fallait pas le perdre de vue.

Neiro avait entendu le premier bang, sûrement la tieffeline, la créature cornue à la peau verte, qui s’était faite assomée, mais il avait choisi de ne pas réagir pour le moment, il ne savait pas où il mettait les pieds, et son passé lui avait appris à être prudent. Thorin semblait être un bon gaillard, prêt à aider les autres, cela lui plaisait. Il n’avait pas trop d’avis sur Loyd pour le moment, ce petit halfelin cachait des choses. En tout cas, Thorin, avec la fougue de sa jeunesse, n’avait pas hésité à monter et étrangement Loyd l’avait immédiatement suivi.

C’est à ce moment que Neiro sentit une sensation de froid au niveau des côtes. Comme de l’acier sous sa tunique. Avant qu'il ne puisse réagir, un elfe lui dit d’une voix rauque : 

- J'ai vu les regards que vous lancez là-haut. Notamment quand la tieffeline s'est faite assommer. Je ne sais pas qui vous êtes, mais je ne vous ai jamais vu en ville, vous n'êtes pas d’ici. Montez sur le champ, ou vous sentirez ma dague s’enfoncer plus profondément dans vos côtes.

Neiro n’avait d’autre choix qu'obéir. Il sentait que l’elfe ne rigolait pas, et surtout, qu’il était très habile. Au moindre mouvement suspect, cela pouvait être la fin de sa quête qu'il n’avait même pas commencée. Il essaya de regarder un peu plus cet étrange Elfe, mais outre un long nez, de longs cheveux blanc tirant sur le gris, et une silouhette très élancée dans une belle tunique de couleur noire, il ne put en apercevoir plus. Le moine monta les marches, toujours suivi par son agresseur, ce dernier le fit entrer dans la seconde porte de l'étage.

Une petite salle, avec 4 chaises, une table, des petits chandeliers et une tapisserie d’une magnifique femme, très petite, avec de beaux cheveux rouges, des yeux bleus et qui semblent s’envoler vers le ciel. Elle avait une dague dans la main gauche et une bourse dans la main droite. Dans un coin de la pièce, la tieffeline, l’halfelin et le nain étaient tous les 3 au sol, inconscient. Le tonneau de bière du nain roulait doucement à ses côtés.

- Qu’est-ce que tu fous Loken ?! Cette voix surgit de derrière. La jeune halfeline à la chevelure rouge était restée cachée derrière la porte, cette fois une dague à la main, prête à tuer.

- Calme-toi veux tu, lui répondit le dénommé Loken. J’en ai attrapé un autre qui semble suspect.

- Très bien, tuons-les sur le champ et remontons monter la garde, dit l’halfeline d’un ton autoritaire.

- Non, torturons-les pour savoir tout ce qu'ils savent. On a besoin d’informations.

- On s’en fout ! Ce sont sûrement des espions de là-haut. On les tue, on envoie un message fort et fin de l’histoire.

- On ne peut pas simplement les tuer ! On a besoin de savoir qui les envoie nous espionner ! Le dénommé Loken , le grand elfe à la couleur de cheveux argentés, semblait de plus en plus énervé.

Le ton montait entre l’elfe et l’halfeline aux cheveux rouges. Ils ne savaient visiblement pas s' ils devaient les tuer maintenant, ou après les avoir torturés. N’arrivant pas à prendre de décision, ils décidèrent d’aller chercher conseils. Ils partirent de la pièce. Neiro reconnut le bruit d’un cadenas posé sur la porte. Ils étaient coincés ici pour le moment.

 

 

Il se précipita vers Thorin pour lui faire reprendre connaissance. Rapidement le nain revint à lui et Neiro lui expliqua la situation. Ils décidèrent d’un commun accord de réveiller la tieffeline et le jeune halfelin. Ils leur exposèrent la situation, et se présentèrent. Neiro sentait qu'ils cachaient tous quelque chose et qu'ils ne disaient pas tout. Mais lui-même avait bon nombre de secrets, il ne pouvait leur en tenir rigueur.

Quand le moment de se présenter arriva à son tour, la porte s’ouvrit à la volée, et une femme entra. C’était une jolie femme dans la force de l’âge, de taille moyenne avec une longue chevelure blonde bouclée. Elle était vêtue d’une longue robe de soie verte, avec un joli bandana de la même couleur qui venait soutenir sa chevelure. Elle était apprêtée de plusieurs bijoux en or, aussi bien autour du cou qu’autour des poignets.

- Que faites-vous ?! Expliquez-vous ! Elle fixa en priorité Thorin, Loyd et la tieffeline. Neiro comprit rapidement qu'elle les connaissait. Peut-être qu'ils avaient une chance de s'en sortir.

Thorin prit la parole :
- On a voulu venir à la rescousse de quelqu’un qui se faisait agresser et on s’est fait agresser à notre tour ! Dit-il en touchant le début de bosse qu'il avait derrière la tête.

- Vous savez très bien que vous n’avez rien à faire là-haut ! Expliquez-moi plutôt la raison de votre présence ici ce soir. Cela fait un moment que je ne vous avais plus vu tous les 3.

Thorin continua :
- Pour ma part, je l’avoue, je suis venu en espérant avoir des réponses à mes questions. J'ai entendu dire qu’un grand aventurier passerait ce soir, et j'ai soif de connaissance. J'ai besoin de réponses. Dit-il en toute honnêteté.

Loyd enchaîna :
- Je recherche mon mentor, Darlik. J’ai remonté une piste qui m’a mené ici, un certain Dienosor serait de passage et j'espérais qu'il puisse m’aider à retrouver mon maître disparu. Cela fait déjà 6 mois que je ne l’ai plus revu.

- Et vous deux ? dit Lilia en regardant consécutivement Neiro et la tieffeline.

- J’ai besoin de réponses également, je suis à la recherche de braconniers. Balbutia la tieffeline, visiblement, les interactions sociales n'étaient pas son fort. Elle semble avoir peur dès qu’elle est en présence d’humains, pensa Neiro.

- Pour ma part, je cherche à aider, simplement, les gens dans le besoin gente dame, dit poliment Neiro avec son plus beau sourire.

Son sourire ne semblait avoir aucun effet sur cette femme. Elle reprit en toute sérénité :
- Bon, pour ceux que je connais, je sais que vous n'êtes pas de mauvaises personnes, et je suis même assez surprise que vous ayez réussi à remonter la piste comme quoi Dienosor était ici. Dieu merci, vous n'êtes pas des envoyés de là-haut, vous avez de la chance que je vous reconnaisse tous les trois.

Malheureusement pour vous, Dienosor est déjà reparti. Dit-elle à destination des 3 orphelins des rues. Si c'est des réponses dont vous avez besoin, je peux vous aider. On va dire que j’ai plutôt le bras long ici. En revanche, je vous demanderai un service avant.

Thorin prit directement la parole :
  - J’accepte, que devons-nous faire ?

Loyd et la tieffeline acceptèrent un peu plus hésitant, visiblement, au-delà de son charisme, cette femme avait une force de persuasion et une manière bien atypique d’amener les gens à faire ce qu'elle voulait. Elle semblait cependant perspicace, son regard faisait très clairement comprendre à Neiro qu'elle n’avait aucune confiance en lui.

- Comme vous le savez bien, pour ceux qui ont grandi ici du moins. Son regard se tourna une demi-seconde vers Neiro. Les orphelins sont nombreux dans les rues souterraines. Plusieurs meurent de faim, mais comme vous avez pu le voir, j’arrive à distribuer assez de nourriture et de couverture pour sauver la plupart d'entre vous. Étrangement, beaucoup d’orphelins ne viennent pas récupérer de la nourriture ces derniers temps. Trop peu ne reviennent plus à la taverne, et il y a si peu de raisons de rater un bon repas chaud gratuit que cela m’a inquiété.
J’ai donc demandé à un de mes hommes d'enquêter. Et il se trouve que des convoyeurs kidnappent les enfants des rues et les amènent à un manoir à l'ouest de la ville. Pourquoi, je n’en ai aucune idée.
Je vais avoir besoin de vous pour enquêter sur ce manoir qui est censé être abandonné. Sauvez les pauvres orphelins, que vous étiez vous-même, et je vous aiderai au mieux dans vos recherches personnelles.

Les 4 aventuriers en devenir acquiescèrent, et c'est ainsi que raccompagner par Andela, la jeune halfeline aux cheveux rouges, qui avait assommé la plupart d’entre eux, qu’ils sortirent de la taverne de l’orphelin. Andela leur expliqua brièvement où se situait ce manoir. Tout à l'Ouest, à deux bonnes lieues d’ici, après les bâtisses en ruine, et elle leur souhaita tout de même bonne chance avant de repartir dans la taverne.

Ils prirent la direction du manoir. Mais Neiro avait besoin d’en savoir plus. Était-ce bien eux ? Avait-il trouvé les bonnes personnes ? Il se devait d’en apprendre plus sur eux.

- Alors jeune tieffeline, comment doit-on te nommer ? demanda-t-il poliment

- Je n’ai pas de nom. On ne m'en a jamais donné d'où je viens, répliqua-t-elle simplement. 

- Oh et bien, d'où viens-tu alors ?

- Je ne sais pas exactement non plus, de la forêt. Elle fit un drôle de geste avec ses épaules, comme pour souligner le fait qu’elle n’en avait vraiment aucune idée.

- Mais elle se moque de nous elle ? Comment peut- on ne pas savoir d'où l'on vient, ni même à quel clan on appartient ? Dis Thorin, légèrement éméché par sa bière, tout en fronçant les sourcils. Il semblait réfléchir profondément.

La tieffeline ne répondit pas. Elle semblait bouder devant la brusquerie du nain. Décidément, Neiro avait bien à faire à des personnes qui étaient encore enfants il y a quelques jours. La marche continua, ils passèrent ruelle après ruelle. Effectivement, les rues, si on pouvait les appeler ainsi, étaient infestées de rats et de petites créatures que Neiro n’avait jamais vues. Quelques chats de rues s'amusaient à chasser, et quelques enfants dormaient à même le sol dans l’angle des rues. Les souterrains de Sybèle ressemblaient bien à ce qu'il avait entendu récemment. Famine, mendiants, rats et détritus parsemaient le paysage. Ce n’était décidément pas un endroit chaleureux. Pauvres enfants, pensa Neiro, comment survivre dans de telles conditions…

- Dis-moi Thorin, j'ai fini ma bière, tu ne me servirais pas un verre en gage de cette belle amitié ? Demanda Loyd, légèrement éméché également. Tout le monde n’est pas égal face à l’alcool, pensa Neiro. L’halfelin avait à peine bu une pinte qu’il était déjà sous l’emprise de la boisson. 

- Sache une chose, halfelin. L’alcool est une possession importante et je n’en partagerai pas sans bonne raison. Thorin terminait sa phrase, avec la bouche à moitié remplie de bière pendant qu'il prenait son alcool directement à la source, dans son énorme tonneau.

Ils continuèrent leur route, avançant au milieu des rues sales et remplies de mendiant.

- Ça a quel goût l’alcool ? demanda soudainement la jeune tieffeline, qui, visiblement, était devenue plus curieuse que boudeuse.

- Tu ne sais donc pas ? La tête à moitié dans son tonneau, Thorin rigolait à cette question soudaine et innocente. Aller goûte un peu, mais en échange tu m’expliques pourquoi tu ne sais pas d'où tu viens.

La tieffeline semblait tout excitée à l'idée de goûter de l’alcool. Elle prit une grosse gorgée, et toussa fortement. Ce qui fit rire les 3 hommes. Neiro était cependant très intéressé par son histoire, il avait besoin de vérifier qu'elle était bien une des personnes qu'il recherchait.

- Comme je vous l’ai déjà dit. Je viens d’une forêt. Je n’ai pas de souvenirs plus anciens que ceux de ma famille, composée de lapin, d'écureuils et de cerfs, au fin fond d’une grande étendue d’arbres. J'ai été élevé là-bas, et j'ai grandi au milieu de la nature. Malheureusement, des braconniers m’ont un jour arraché à ma forêt. Ils m’ont vendu en tant qu’esclave. Elle semblait triste de se rappeler tout ça, visiblement, les plaies du passé n'étaient pas encore totalement refermées.

- Mais comment tu t’es retrouvé ici ? demanda Neiro. Que je sache, il n’y a pas de forêt dans Sybèle.

- J’ai réussi à m’enfuir. Expliqua simplement la tieffeline. Une lueur noire passa dans ses yeux à ce moment, remarqua-t-il. J’ai volé l’argent de mes tortionnaires et j'ai pris le premier bateau, qui me mena à Sybèle. On m'avait promis une belle ville accueillante, qui acceptait toutes les espèces, toutes les races, et où je pourrai démarrer une nouvelle vie. Où je serai traité équitablement. On avait juste oublié de me préciser sur le bateau que cette équité serait dans les rues, démunis de tout argent, à lutter pour survivre comme tous les autres.
Visiblement, l’alcool avait eu l’effet escompté. Cela avait dénoué la langue de la tieffeline et l’avait rendue bien plus bavarde que jusqu'à présent.

En tout cas, elle pouvait parfaitement correspondre à ce qu'il recherchait. Tout comme Thorin, il la garderait à l’œil.

A la fin de son histoire, ils arrivèrent en face de la fameuse bâtisse abandonnée. Neiro voulut prendre les devants. Il leur demanda d’attendre le temps qu'il fasse le tour et inspecte les lieux. La vieille bâtisse avait des murs noirs de suie, abimés par les temps sans jamais avoir été entretenus. Les fenêtres, pour la plupart brisées, ne protégeaient pas les habitants du froid. Elle était assez grande. De l'extérieur on pouvait deviner un grand séjour, quelques chambres, et une pièce là-haut, ou étrangement les fenêtres n'étaient pas cassées.

Neiro eut à peine le temps d’exposer son plan : faire le tour, inspecter, vérifier s’il y avait des pièges, s'il y avait des issues de secours, que Thorin sortit son marteau et fonça tête baissée sur la porte. Il passa rapidement les petites marches permettant d'accéder au pavillon. Enfonça la porte. Soudain, deux créatures surgirent de la porte qu’il venait d’enfoncer. Petites et voletantes, avec de petites ailes et des cornes sur la tête. Elles faisaient la taille de gros oiseaux, mais avec des griffes aiguisées et des dents pointues. Des diablotins, créatures démoniaques aux services de mages noirs, reconnue Neiro.

Les aventuriers en devenir étaient sur le qui-vive. À peine les diablotins tentèrent de les prendre par surprise que Thorin esquiva, Loyd décocha immédiatement une flèche de son arc bien trop grand pour lui et tira dans l'œil de la première créature. La tieffeline courut en direction de la porte et assena un coup de bâton sur le front, pile entre les cornes, de la seconde créature. Neiro eut juste à courir à son tour et asséner un coup de bâton à la première, et un coup de poing à la seconde, pour voir les deux petits démons volants tombés au sol. Visiblement, leurs griffes acérées ne toucheraient personne. Heureusement, pensa Neiro, car il se souvint de ses aventures passées ou le poison contenu dans les dents et griffes de ces créatures l’avait longuement fait souffrir.

Thorin, rigola. :
- Sacrées bestioles ! Pas intimidante pour un sous et pas résistante pour deux. De vrais petits poux.

Pendant que les 3 inspectèrent l'intérieur, Neiro fit le tour extérieur. Il remarqua des traces de pas dans la boue, à l'ouest de la vieille bâtisse. Il suivit les traces et arriva à l'entrée d’une grotte, où de grosses traces de chariot étaient facilement repérables. Visiblement, les enfants qu’ils recherchaient avaient été transportés par chariot, dans la grotte, sûrement vers l'extérieur. Il décida de retourner vers la maison abandonnée pour faire part de sa découverte à ses nouveaux compagnons.

Lorsqu'il revint, il vit les 3 sortir par la porte principale et enjamber les cadavres de diablotin. 

Thorin prit la parole :
- On a fouillé, mais pas grand-chose à signaler. Une grande salle avec de la vaisselle sale et moisie, des meubles vides, poussiéreux et infestés de tiques. À l'étage, un grand dortoir avec une vingtaine de matelas, tous abimés, trouées et avec de vieilles couvertures dans le même état. Et enfin, une petite pièce avec 3 mini matelas, trop petits même pour le petit Loyd, et une pièce, impossible à ouvrir. Elle semble avoir été fermée magiquement.

- Intéressant dit Neiro. C'est donc bien ici que les enfants ont été transportés. J'ai trouvé des traces de boues qui mènent à une grotte. Et dedans on retrouve des traces de chariot, la grotte semble monter. Ils sont sûrement partis par là.

- On les poursuit ! Dis soudainement la tieffeline, plutôt discrète jusqu'à présent. Visiblement, l'idée de voir des enfants kidnappés l’avait énervée.

Les trois autres acquiescèrent, et c'est ainsi qu'ils partirent en ce début de soirée, dans une mystérieuse grotte, en suivant les traces d’un chariot qui contiendrait potentiellement des enfants. Kidnappés par de mystérieux hommes, dans un but encore plus étrange.

 

***

Devant l’entrée de la grotte, Neiro constata que la jeune tieffeline semblait stressée, mais également déterminée. Son regard était concentré, elle ne voyait plus rien d’autre que la grotte. Elle avait l'air prête, mentalement et physiquement. Malgré son passé compliqué et son jeune âge, Neiro avait vite compris qu’elle était spéciale.

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