Le premier jour de cours (partie 1)

Par Nuity

Le 6 septembre 20xx,

Cher (je cherche encore...),

Aujourd'hui, c'est VRAIMENT le grand jour. Je me jette dans le bain pour de vrai. Je vais aller dans un amphithéâtre rempli d'humains et étudier le système scolaire de la société humaine.

Quand mon réveil a sonné, mon excitation était à son comble. J'ai pris ma douche, englouti mon petit déjeuner, chopé mes affaires, et je suis sortie à la vitesse de la lumière. Enfin, j'étais très contente jusqu'à ce que j'arrive devant le métro. Puis que je sois dans le métro. Mais ça allait beaucoup mieux quand je suis sortie pour entrer dans la fac ! Et cette fois-ci, hors de question de me faire avoir : j'ai lancé deux sortilèges d'orientation, un pour trouver l'amphithéâtre, et l'autre pour trouver la salle de "Tutorial". Je déteste devoir déranger les gens pour obtenir de l'aide (même si personnellement, je n'ai aucun souci avec les personnes qui demandent leur chemin dans la rue, mais c'est psychologique, j'ai l'impression de perturber leur train de vie), du coup, j'ai TOUT organisé.

J'ai trouvé l'amphi sans encombre. J'adore la magie. En principe, la magie est un peu comme la technologie humaine : on l'utilise uniquement pour nous simplifier la vie et nous assister dans nos tâches quotidiennes, peu importe notre métier. Du moins, c'est comme ça que les gens voient leurs pouvoirs à Moonstone, ce n'est pas censé être un divertissement, on ne peut pas faire des trucs artistiques, drôles ou vraiment "fantastiques". Les humains, eux, voient vraiment la magie comme quelque chose d'extraordinaire, qui peut rendre tout ce que l'on peut imaginer possible, et qui réalise les rêves les plus fous. Leur vision de la magie est... oui, magique. Dans le sens humain. J'aime cette idée, et je pense qu'on ne devrait pas considérer la magie comme quelque chose de banal. On pourra dire ce qu'on voudra, mais ce qui fait que les sorciers sont actuellement supérieurs aux humains en matière d'avancée sociétale, c'est la magie. Sans ça, notre monde ne serait pas aussi développé. Je reviendrai sur ce point plus tard, car j'ai le sentiment que je touche un sujet important. Je vais revenir plutôt sur mon arrivée dans l'amphi, car le cours va bientôt commencer.

Bref. Je suis arrivée devant l'amphi, où une foule d'étudiants attendait déjà. J'ai remarqué une longue file d'attente devant ce qui semblait être une machine à café. Au moins, s'il y a bien une chose que les étudiants humains et les étudiants sorciers ont en commun, c'est leur survie à base de café. Visiblement, c'est un besoin universel. Je demanderai à Amanita si ses camarades aussi carburent au café en France. Il était presque dix heures, quand une petite quinquagénaire est arrivée en sprintant, son cartable sur le dos et des clés en main. J'ai entendu quelqu'un murmurer derrière moi :

— Eh ben, elle court toujours autant Madame Thomas !

— Elle a trop d'énergie dès le matin. Je ne sais pas si ça me fait peur ou si ça m'impressionne.

— Au moins, on sait qu'on ne va pas s'ennuyer aujourd'hui.

Une prof motivée, c'est toujours bon pour garder l'attention des élèves. En plus, comme l'a dit la personne derrière moi, on ne s'ennuie pas. A l'université Mara, les profs ont cette capacité de captiver tous les étudiants dans leur amphi. C'est d'ailleurs un critère d'embauche. On a découvert ça avec Amanita en posant quelques questions à notre chargée de mobilité. Je me rappelle encore de son visage fier quand elle nous a raconté ça.

— Nous avions un test à passer. On choisissait au hasard un sujet dans un chapeau, et on devait en parler pendant vingt minutes et maintenir tout le monde éveillé. Je suis tombée sur le sujet le plus barbant du royaume : "l'intérêt des escargots sur la planète Terre". Et pourtant, j'ai réussi les doigts dans le nez. Mes collègues avaient déjà enterré ma carrière d'enseignante universitaire, mais j'ai sorti mon meilleur exposé sur les escargots. Mais bon, pour être honnête, je ne veux plus entendre parler d'escargots pour le restant de mes jours, ça m'a traumatisée.

Depuis, nous savons que nous ne devons pas mentionner l'existence des escargots devant notre chargée de mobilité. Ce n'est pas une information très utile, mais je la garde en mémoire quand même. Je suis entrée dans l'amphithéâtre tout en suivant la foule de gens. Une fois à l'intérieur, malgré ma longue préparation et l'étude du plan de l'amphithéâtre, une question existentielle s'est posée : où dois-je m'asseoir ? Ai-je le droit de m'asseoir n'importe comment à côté des gens ? Est-ce que je risque de les déranger ? Et surtout, est-ce que je vais pouvoir entendre la prof peu importe où je vais me placer ? À Moonstone, on ne se cassait pas la tête sur ça : on était placés par ordre alphabétique dans les cours magistraux. Chacun connaît sa place, et tout va bien. J'aurais préféré pouvoir être placée à côté d'Amanita les années précédentes, mais elle était éloignée de moi : entre Nomi et Starlight, il y en a du monde.

Tandis que mon cerveau était en train de grincer, une voix familière m'est parvenue :

— Oh Opale, toi aussi tu étudies la littérature !

J'ai tourné la tête si rapidement que j'ai cru que j'allais me briser les vertèbres. Au milieu de l'amphithéâtre, j'ai aperçu Agatha, avec deux autres filles qui m'étaient inconnues. Elle me faisait signe de les rejoindre. Oh Agatha, tu me sauves la vie encore une fois. Je lui ai souri, et je me suis approchée. J'ai au passage dérangé toute une rangée d'étudiants pour pouvoir m'installer avec elles. Du coup, ça ressemblait à ça :

— Désolée. Pardon. Désolée. Excuse-moi. Pardon. Pardon. Désolée.

J'ai fait ça pour treize personnes. Encore désolée les gars. Je me suis assise juste à côté d'Agatha, les deux autres filles étant à l'opposé. J'ai pris le temps donc de noter mes aventures de ce matin, avant qu'Agatha ne se décale pour que je puisse mieux parler à ses copines. Je sais, j'écris très vite.

— Opale, je te présente...

D'un seul coup, elle s'est arrêté, et il m'a fallu à peine quelques secondes pour comprendre pourquoi : l'amphithéâtre était devenu complètement silencieux. Nous nous sommes tous tournés vers la prof, assise sur une chaise de bureau. Elle était petite, mais visiblement tyrannique, et le silence de plomb qui régnait en était la preuve. Mme Thomas s'éclaircit la gorge, avant de prendre la parole.

— Bien. Je vous souhaite la bienvenue à mon cours magistral de théorie de la littérature féministe. Ce cours aura pour but de vous présenter différentes autrices aux écrits féministes, et comprendre ainsi comment le féminisme impacte la littérature. Nous étudierons des autrices britanniques, mais aussi des autrices d'autres nationalités, comme Simone de Beauvoir ou encore Maya Angelou. Nous nous concentrerons sur le XIXe, XXe, XXIe siècles.

Ça, ça promet d'être intéressant ! En regardant Agatha et ses deux amies, j'ai compris qu'elles aussi avaient hâte d'en apprendre plus. J'ai balayé du regard le reste de l'amphithéâtre, en me demandant si tous les étudiants pensaient la même chose que moi. Bizarrement, les hommes se faisaient rares. Très rares. La prof a passé la première heure à nous parler du programme, des modalités d'examens, des livres à lire. Pour l'instant, rien n'était nouveau par rapport à Moonstone et à la fac Mara. Nous avons eu une pause de cinq minutes à 10:55, et ça, c'était quelque chose à voir. Dès que Mme Thomas a dit « Bon, une pause de cinq minutes et on reprend », les élèves de sont RUÉS à l'extérieur. Très peu étaient restés dans l'amphi. J'ai compris où ils étaient tous partis quand une des copines d'Agatha, une fille noire aux cheveux tressés, s'est levée en murmurant :

— J'ai. Besoin. D'un. Café.
— Mais t'en as pas déjà pris un ce matin ? lui demanda Agatha.
— Si, mais là j'ai une grosse migraine qui se pointe, et j'ai encore oublié mon ibuprofène. Comme le café c'est très bon pour soigner les migraines, je vais en engloutir des litres avant d'aller manger avec vous ce midi.

La fille s'est tournée vers moi, et tirait une tête de déterrée.

— Oh, excuse-moi, je ne me suis pas présentée. Ntina, j'étudie la littérature et je suis dans l'association féministe avec Agatha et Kate, et également dans l'association de lutte contre le racisme.

Ntina tapota doucement sur l'épaule d'une fille blonde aux yeux noisette, qui était apparemment la fameuse Kate. Kate se tourna vers moi et me tendit la main, en murmurant d'une voix un peu étrange :

— Moi, c'est Kate. 
— Opale, Opale Starlight !

Ntina me sourit, et s'en alla en vitesse chercher son café, visiblement pressée de pouvoir soulager son cerveau. Kate semblait un peu perdue en voyant Ntina sortir, et demanda à Agatha ce qu'il se passait.

— Ntina a une migraine, elle est partie chercher un café. On a des médocs à l'association, mais ça prendrait trop de temps d'aller les chercher.
— D'accord, je comprends mieux.

Kate se pencha ensuite vers moi, l'air un peu gênée.

— Je suis désolée si je ne comprends pas tout, je suis sourde de naissance, je n'entends pas bien et j'ai du mal à parler, ma voix est bizarre pour les gens. J'arrive à les comprendre en lisant sur les lèvres !
— Oh, d'accord, je ferai attention !

Ceci expliquait cela. Il faut dire qu'à Moonstone, les sorciers handicapés étaient ultra rares. La raison officielle est que notre organisme est différent des humains et moins prédisposé aux maladies et handicaps. Ça s'est favorisé par des manipulations génétiques pour stopper bon nombre de maladies et de handicaps et améliorer l'espérance de vie de nos congénères. Mais il y a des rumeurs qui circulent... c'est un peu hors sujet par rapport à mon expérience, mais... je vais y réfléchir.

Après ça, Ntina est revenue avec non pas un mais deux cafés.

— Juste au cas où un seul ne suffit pas, avait-elle dit.

La prof a repris son cours, et à commencé par une introduction générale, en nous rappelant la condition de la femme au XIXeme siècle. Pas de droits, au service de son mari, ne travaille pas, doit élever les enfants, peu d'éducation pour les classes les plus pauvres... j'avais déjà vu tout ça à Mara, c'était pas vraiment nouveau. Puis, l'heure de midi a sonnée. J'étais ravie de pouvoir m'en aller découvrir la cafétéria. Puis je me suis souvenue d'un truc : j'ai prévu les trajets pour aller en cours. Pas celui de la cafétéria. Opale, tu es stupide.

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LiraBücher
Posté le 23/02/2021
C'est bien d'avoir ajouté quelques éléments de tensions dans ce chapitre. On attend maintenant l'élément perturbateur qui va nous faire continuer le récit car pour l'instant tout reste très descriptif. Peut-être qu'il faudrait creuser un peu ces éléments pour donner plus de relief au récit.
Je poursuis ma lecture :)
Nuity
Posté le 01/03/2021
Merci beaucoup pour tes retours !! Avec la fac je vais répondre assez lentement, mais promis je lis tout (et je prends bien note !). J'ai bien conscience que le début est très lent, mais tout commence vraiment à partir du prochain chapitre "L'association féministe de la fac" ;)
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