Mon grand-père était chrétien. Vers la fin de sa vie, il a peint de grands tableaux qu’il a accroché aux murs extérieurs de sa maison. Et sous celui qu’il a installé au-dessus des places où l’on gare nos voitures, il a écrit ces mots : « Dieu est amour ; quiconque aime connaît Dieu, et Dieu demeure en lui ».
Toute ma conception de l’amour se résume à ces deux petites phrases. Toute ma conception de Dieu se résume à cela. Toute ma Foi y est contenue.
Il me faut être clair. Je crois certes en Dieu. Mais Dieu est pour moi amour. C’est-à-dire que c’est sa plus simple et meilleure définition. Ce n’est pas le Dieu chrétien, musulman, ou juif. Cette définition transcende littéralement toute religion quelle qu’elle soit. Si j’ai adhéré au christianisme orthodoxe, c’est parce que cette branche est celle qui s’adapte le mieux à mon caractère, à mes goûts esthétiques et à la base de ma Foi qu’est cette phrase. L’orthodoxie n’est que le moule qui cadrait le mieux avec moi. Je ne m’y identifie pas en totalité, et loin de moi la pensée selon laquelle l’orthodoxie chrétienne serait la seule et unique religion véritable.
Mais là n’est pas ce dont j’ai envie de parler ici. Revenons à ce qui importe vraiment : l’amour. Dieu est amour, et donc, l’amour est Dieu. Cela signifie que si vous demandez des signes de la présence de Dieu, regardez et ressentez l’amour en vous : voila Dieu.
Vous aimez ? Alors vous connaissez Dieu et Dieu demeure en vous. C’est aussi simple que cela. Pas besoin d’aller chercher plus loin.
Oui mais qu’est-ce que l’amour ? Pour ma part, sa définition est très simple. Ou plus précisément, j’ai opté pour une définition simple, car la simplicité a quelque chose d’accessible. On s’imagine souvent l’amour comme une disposition affective. Ce serait ressentir de l’attachement envers quelqu’un. Mais à titre personnel, mon expérience de la chose me fait dire que cette représentation de l’amour est erronée, ou plutôt tronquée. Aimer quelqu’un, ce serait s’y attacher ? C’est possible, mais dans ce cas là, aimer tout le monde, ce serait s’attacher à tout le monde ! Ce serait une prison ! Non, il y a plus. Il y a plus simple, plus léger, plus facile.
L’amour, c’est souhaiter et vouloir le bien d’une ou de plusieurs personnes.
Ainsi, dans ce texte, quand je parle d’aimer quelqu’un, je me réfère à cette définition.
Je souhaiterais m’attarder quelques instants sur le fait qu’à mes yeux, aimer une personne est déjà suffisant en soi. En effet, le christianisme nous a habitués à croire que tant que l’on n’aime pas tout le monde, alors cela ne vaut rien. Le seul amour réel, c’est celui où l’on aime tout le monde.
Pour moi, le principal problème avec cette façon de voir est que cela crée un complexe d’infériorité chez la plupart des gens. Cela donne envie d’abandonner, de ne pas s’intéresser à l’amour plus que de besoin. C’est trop grand, trop impossible pour nous si c’est vrai. Mais j’aimerais ici proposer un autre point de vue : qui aime une personne peut aimer l’ensemble des êtres humains. Après tout, nous sommes tous un morceau de l’humanité. Notre nature à tous est d’être humain. Donc, en voulant le bien, même d’un seul individu, c’est toute l’humanité à travers lui qui est aimée.
Ainsi, vu sous cet angle, si vous avez déjà souhaité du fond du coeur que la personne face à vous aille bien, si vous avez désiré pouvoir participer à son bonheur, alors vous avez aimé cette personne, et à travers elle, toute l’humanité. Vous connaissez Dieu, et Dieu demeure en vous.
Avec toutes les conceptions déformées de l’amour, toutes les erreurs, tous les mensonges à son sujet, il n’est pas étonnant que beaucoup ressentent du malaise vis-à-vis de lui. J’espère que ma définition saura apporter de l’apaisement à ce sujet.
Pour ensuite vous expliquer comment j’en suis venu à penser de cette manière, j’aimerais vous parler de mon parcours personnel sur l’amour.
Tout s’est débloqué à partir du moment où j’ai commencé à m’aimer moi-même. Car, et c’est d’une logique absolue, si l’on ne s’aime pas, comment aimer les autres ? Ainsi, à tous ceux qui ont du mal à aimer et qui en souffrent, j’aimerais poser une question simple : est-ce que pour commencer, vous vous aimez dans votre totalité ?
L’amour de soi est loin d’être une tare comme on pourrait le croire au premier abord. Ce n’est pas non plus aussi facile qu’on le pense. Car si aimer c’est vouloir le bien de quelqu’un, alors s’aimer soi-même, c’est vouloir son propre bien. C’est vouloir le bien de toutes les parties de nous-mêmes qui nous constituent, même celles qui nous font peur. L’égoïsme, la colère, la timidité, l’asociabilité, toutes ces parts « négatives » méritent aussi de recevoir nos soins, notre attention, notre compassion. Et c’est plus facile à dire qu’à faire.
Ce qui m’a pour ma part beaucoup aidé dans ma quête de l’amour de soi, c’est d’avoir réalisé que Dieu m’avait créé tel que je suis, avec mon corps et mon caractère. Et donc, qu’aux yeux de Dieu, je suis parfait tel quel. Je suis parfait au regard de Dieu avec ma lumière et mon ombre.
En d’autres termes, il n’y a rien à changer à ce que je suis, à ce que j’ai fait en bien ou en mal, à mes désirs, ou à quoi que ce soit qui émane de moi.
Ce n’est pas que je ne fais jamais d’erreur. Je suis au contraire quelqu’un de faillible. Comme tout le monde j’ai fait et je fais des erreurs. Mais je sais que mes erreurs sont involontaires. Je sais que j’ai un coeur, et que de ce simple fait, ma volonté première est d’aimer, d’aider mon prochain. Alors quand par exemple je blesse quelqu’un parce que je suis en colère, comme ça m’arrive parfois, et que je m’en rends compte, je vais le voir et je lui présente des excuses sincères. Elles le sont, car je suis attristé d’avoir commis du tort, même involontaire, à quelqu’un. Mon but est de voir les autres heureux, car je souffre de voir le malheur des autres.
Pour quelqu’un qui aime, il est profondément affligeant de voir la (les) personne(s) aimée(s) malheureuse(s).
C’est pour cette même raison que du moment qu’un criminel a un coeur et est capable d’aimer, viendra forcément un moment où il se repentira de ses fautes. Il finira forcément par éprouver de la douleur à se savoir être à l’origine du malheur de quelqu’un. C’est ce qu’on appelle avoir des remords. Et c’est la preuve qu’ à la base, on souhaite à l’autre du bonheur. L’amour est Dieu et Dieu est amour. Du moment que Dieu est en ce criminel, cet homme condamné par la justice humaine est illuminé de l’intérieur par Dieu, et aux yeux de Dieu, il est parfait tel qu’il est.
Un criminel capable d’aimer finit toujours par regretter ses erreurs et se repentir, parce qu’il est capable de remords, parce qu’il souhaite au fond le bonheur d’autrui.
Un criminel sans coeur, lui, finira sa vie sans avoir rien regretté, parce qu’il est incapable du moindre remords, parce qu’il n’a jamais souhaité le bien d’autrui…
J’entends aussi beaucoup de gens qui ne se sentent capables de n’aimer que leurs proches et que, pour cette raison, ils se sentent coupables et sont donc mal à l’aise avec l’idée d’aimer son prochain.
Tout d’abord, si vous culpabilisez parce que vous n’aimez que vos proches (famille, amis, collègues, le rayon varie selon les individus), alors cette culpabilité n’est-elle pas la preuve qu’au fond, vous souhaitez aimer tout le monde ? Quelqu’un qui souhaite ce genre de chose n’est-il pas déjà à aimer indirectement le monde entier ?
Ensuite, demandez-vous comment vous vous sentez quand vous songez à l’amour. Ce désir profond d’aimer et d’être aimé, n’est-ce pas la preuve que vous avez un coeur ?
À ces gens, j’aimerais leur dire : faites-vous confiance. Vous êtes des gens biens, et de bien.
La cascade de bienfaits est tellement énorme à partir du moment où quelqu’un a un coeur ! Un tel homme souhaite voir son prochain heureux, et fera ce qu’il est capable de faire pour qu’il le soit.
Et contrairement à ce que l’on peut croire, un homme qui connaît l’amour ne se sacrifie pas en faisant ce qu’il peut pour que son prochain soit heureux. Au contraire, c’est par égoïsme qu’il le fait. Le bonheur de son prochain le rend heureux ! Ainsi, pour augmenter son bien-être et son bonheur, il est dans son intérêt que son prochain soit heureux !
Si donc vous croyez qu’aimer son prochain implique des sacrifices, alors vous faites erreur. C’est au contraire le comble de l’égoïsme ! Seulement, c’est un égoïsme tout à fait sain et positif.
Ainsi, si vous avez un coeur, si vous êtes capable d’aimer, de souhaiter et vouloir le bien d’autrui, alors vous connaissez Dieu et Dieu est en vous. Vous êtes parfait tel que vous êtes au moment de votre naissance jusqu’au moment de votre mort.
Pour le dire autrement : quelqu’un capable d’aimer est un joyau, une perle, un diamant des plus précieux. Le tout est de s’en apercevoir.