Mercredi 8 avril 2020, 19h30 / Charlotte est revenue du supermarché cet après-midi : elle n'a pas trouvé un seul paquet de farine dans les rayonnages. Au début, c'est Maman, au téléphone, qui m'a mis en garde à ce sujet : "Faites attention, je reviens des courses. Il manque certains produits, dont la farine !" Je me rappelle avoir pris un air étonné, tant l'information me paraissait peu crédible. Une pénurie de farine, en France, mais non, Maman, tu as mal regardé... Et puis en y réfléchissant, avec le mouvement de foule suivant les décisions de mise en confinement, oui, pourquoi pas, il était normal de s'attendre à certaines ruptures de stock. Les gens prenaient leurs précautions, voilà tout. Cela ne pouvait être que passager ! Sauf que...
Sur les réseaux sociaux, ces derniers jours, je lis plusieurs anecdotes. Une amie se félicite, en faisant la queue à la caisse d'une supérette, que la personne devant elle ait accepté de lui céder un paquet de farine sur les cinq qui se trouvaient dans son panier. Une autre publie un trait d'humour sur le sujet. Certains médias publient des photographies de rayons de grandes surfaces vides.
Chez nous, cela fait maintenant presque dix jours que nous faisons attention à notre consommation de farine, Charlotte et moi. C'est un crève-cœur, évidemment ! Cela signifie moins de gâteaux et moins de plats à base de béchamel comme les lasagnes ou les gratins, et je vous laisse imaginer dans quel genre d'affliction cela nous plonge... Il est étrange de se dire qu'un aliment aussi basique que la farine vienne à manquer. Pour être honnête, je n'ai jamais pensé qu'une pénurie de quoique ce soit puisse se produire un jour en France de nos jours. L'école nous a tellement répété que le pays était autosuffisant sur le plan alimentaire, et même qu'il exportait une bonne partie de sa production, que l'idée même du manque ne m'a jamais traversé l'esprit.
Passé l'étonnement, je me suis interrogé sur ce qui pouvait bien provoquer une telle razzia. La psychose de la mise en confinement étant passée, l'heure n'est plus aux ravitaillements grégaires de la mi-mars. De fait, d'où nous vient cette pénurie pour cette denrée ? Pour y répondre, il faut imaginer. Un pays réputé dans le monde pour faire bonne chair et dont le mode de vie des dernières années ne lui a plus permis de s'adonner aux arts de la table comme il l'aurait souhaité, un pays mangeant rarement chez soi : ou bien au restaurant, ou bien à la cantine, ou bien au snack, un pays réduit à se réchauffer au micro-ondes des plats cuisinés ou à acheter un sandwich sur le pouce pour joindre tant bien que mal les deux bouts de son agenda, un pays éloigné de lui-même car éloigné de sa cuisine. Soudainement, ce même pays se retrouve confiné chez lui, sans cantine, sans restaurant, sans snack, avec une activité professionnelle réduite et des loisirs fortement réduits eux aussi. Du temps se libère et très vite, chacun réalise que ce temps peut être consacré à la cuisine. Autre paramètre à prendre en compte : désormais les trois repas de la journée se prennent à la maison et nulle part ailleurs. Alors, nous nous y sommes donnés à cœur joie ! Pains, brioches, plats gratinés, gâteaux, cookies, sablés, tartes nous avons réinvestis nos plans de travail et dévalisés un rayon réservé jusqu'alors aux seules personnes ayant encore la force de cuisiner du temps de nos vies folles ; celles qui ne voulaient pas sacrifier à leur agenda trop chargé, la maîtrise de leur alimentation.
Quelque part, cette pénurie de farine est peut-être le signe d'un retour à la vie...
Bravo à toi, tu t'exprimes bien et tu as une jolie plume, continue comme ça :)
Cette péripétie de la farine m'a fait découvrir que les petites épiceries de proximité en avaient qq paquets encore. Exit les hyper marchés.