Halderey : Révélations

L’épaule droite de Halderey lui faisait souffrir le martyre. On lui avait tout d’abord administré du pavot sitôt revenu de la bataille, en sang, soutenu par Érica. Cela l’avait momentanément assommé. Mais maintenant il était bien réveillé, l’épaule recouvert de bandages, allongé sur son lit, Hector à son chevet. 

« Vous êtes sûr, Votre Altesse, que vous ne voulez pas de pavot ?

—J’en suis sûr, Hector. »

Il ne voulait pour rien au monde manquer un seul mot de ce qui se disait dans le bureau de Érica. Les familles ducales avaient des pouvoirs surhumains ? Sa famille avait usurpé la royauté ?! Les Marjiriens étaient les vrais rois et reines de Corvefel ?!! 

Les informations que ses oreilles de loup recueillaient étaient abasourdissantes. Le jeune homme en avait le tournis. Quelque part en lui-même, il avait toujours senti que quelque chose n’allait pas. Son père en tant que roi n’était pas un incapable, non. Mais il jurait dans ses attributs royaux, un peu comme si un roturier endossait d’un seul coup le costume d’un noble. Et puis, il y avait une telle morgue chez lui, au fond de lui. Halderey lui-même ne s’était-il pas toujours senti déplacé dans sa vie de prince royal ?

À la lumière de ce qu’il venait d’entendre, tout prenait sens, tout devenait logique. Et puis, l’apparition récente de ses capacités lupines ne faisait qu’accréditer ce que le majordome de Érica racontait. Le blason des Fanin avait toujours été un loup après tout. Et ne disait-on pas que le lion, symbole héraldique des Marjiriens, était le roi des animaux ?

En ce qui le concernait, il ne doutait pas que ces révélations étaient vraies. Ce qui voulait dire que :

« Hector, es-tu un Marchétoiles ? »

Le prince avait tourné la tête vers son serviteur. Si tel était le cas, cela expliquait de même beaucoup de choses, notamment comment un homme dans la trentaine savait et connaissait autant de choses sur la vie.

« Vous avez entendu le majordome de Son Altesse Érica, c’est ça ?

—Je les entends encore maintenant. »

Il n’y avait pas besoin d’en dire plus. Sa réponse-question, associée à sa réaction calme et posée, étaient on ne peut plus éloquentes.

« Je n’étais pas au courant que ma famille avait usurpé le trône. »

Halderey ne cherchait pas par ces paroles à se disculper. Il voulait seulement que la vérité fût dite et faite.

« Que va-t-il se passer, une fois la guerre terminée ? » demanda alors le jeune homme.

Il ne pouvait pas croire que les choses en resteraient là maintenant que l’héritière de toute la famille Marjiriens était au courant de son héritage réel.

« Que voulez-vous qu’il se passe, Votre Altesse ?

—Arrête de m’appeler comme ça. Tu sais que je ne suis pas le vrai prince héritier. »

Halderey ramena alors son regard vers le plafond. La douleur continuait à l’élancer depuis son épaule blessée. Cependant, il était à ce moment précis heureux qu’elle fût là, car elle lui rappelait quelque chose de très important.

« La paix, Hector. Je veux qu’il se passe la paix. Je n’ai aucune envie de voir une guerre civile succéder à cette guerre. Si Érica est la reine légitime de Corvefel, alors ce n’est pas moi qui viendrai lui mettre des bâtons dans les roues. » Il regarda de nouveau Hector dans les yeux. « Ce n’est pas comme si j’étais enchanté d’être roi un jour, après tout.

—Je suis sûr que vous auriez fait un bon roi. » sourit alors le majordome. Puis son expression devint sérieuse. « Mais même si vous renoncez à la couronne, cela ne veut pas dire que votre père fera de même. »

Voilà la question épineuse qui se posait. Comment allait réagir son père ?

« Autrement dit, ce n’est pas parce que je souhaite la paix que la guerre civile nous sera évitée... »

Et il poussa un profond soupir avant de revenir à Érica et Balthazard qui discutaient d’un plan pour mettre fin au siège.