Granulats

La Guyane… Ah, la Guyane et ses savanes, ses mangroves, sa faune exceptionnelle, tapirs, insectes géants, reptiles en tous genres, sa forêt tropicale aux fleuves chargés de paillettes d’or, ses… Non, non, stop ! Pas celle-là, pas celle des grandes étendues sauvages et des rivages magnifiques, non, mais bien celle des zones défrichées, colonisées, celle domestiquée, urbanisée par l’homme. Celle des bagnes, de la base spatiale, de la préfecture et de tous ces bâtiments érigés au fil du temps. La Guyane des villes et des constructions.


L’Amérique du Sud fut découverte à la toute fin du XVème siècle, et pour la Guyane tout commença en 1503 par les premières implantations françaises dans la zone de Cayenne qui, plus tard et pour un temps, prit le nom de France Equinoxiale. Les premiers bâtiments, sommaires, furent en bois, faits de simples rondins à peine équarris.

Vint une longue période tumultueuse durant jusqu’au XVIIe siècle, faite d’établissements et d’abandons de colons, de prises de forts et d’affrontements multiples avec les Anglais, Hollandais et Portugais. L’Histoire suivit son cours et la Révolution fit de ces terres une colonie pénitentiaire, et là, plus question de baraques en bois. D’épais et hauts murs de pierre se dressèrent un peu partout, désormais on bâtissait en dur.  
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A partir de 1964, sur l’initiative du général de Gaulle, la région de Kourou voit se développer des activités aéronautiques et devient progressivement le port spatial européen que l’on connaît. L’émergence de ce pôle technologique et l’afflux du personnel afférant fit apparaître des besoins en constructions bétonnées en croissance constante.

Pour ce qui est du sable et du gravier, les carrières et nombreux cours d’eau en fournissent à profusion, mais le liant posait bien d’autres problèmes. On commença par le faire venir par bateau à partir de la métropole, mais coût et délais étaient trop élevés. S’approvisionner chez les pays voisins s’avéra une impasse, la qualité du liant étant décevante car trop variable.

Un cabinet de prospection géologique fut mandaté pour explorer le sous-sol et trouva, on ne sait où, une singularité minérale renfermant des strates de calcaire apte à produire un liant hydraulique de la meilleure qualité qui soit. Aussitôt, un important groupe de BTP (Bâtiments et Travaux Publics) acheta les droits d’exploitation de ladite incongruité et une cimenterie fut mise en construction. Bien sûr, il fallut nommer un dirigeant à sa tête. Mais lequel choisir ? Le conseil d’administration se décida pour une femme, d’abord pour ses compétences et puis c’est bon pour l’image de la compagnie, mais aussi parce qu’elle ne croyait en aucune religion, atout précieux auprès de son futur personnel, recruté localement et dont les multiples et diverses religions, croyances et coutumes ne manqueraient pas de créer des difficultés.

Ce fut une réussite complète : mettre cette femme sans confession à la tête de la cimenterie permit d’obtenir en quantité un liant hydraulique de très haute qualité. Le béton ainsi produit donna des bâtiments se révélant très résistants à toutes sortes de contraintes : pistes, pas de tirs, ponts, immeubles, mais aussi supermarchés, magasins d’alimentation, restaurants et leurs laboratoires, boutiques de restauration rapide… car depuis, la population a augmenté considérablement, et il faut bien qu’elle se nourrisse.

 Que conclure de tout cela ? Que ce qu’il faut pour une bonne cuisine, c’est du ciment de payenne.

 

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SHÂMSE
Posté le 20/05/2023
J'ai trouvé dommage le changement de style dans la nouvelle. ça déstabilise un peu ces changements, le début est poétique, la suite historique puis un peu trop technique pour finir humoristique. Je n'ai pas réussi à m'y retrouver dans tous les sens de l'expression. Mais bon je manque peut-être de fantaisie.
Napoléon Turc
Posté le 23/05/2023
Dommage que vous n'ayez pas adhéré à cette petite futilité. Je cherchais justement à surprendre le lecteur par une fin inattendue. Le jeu de mots final nécessitait, à mon avis ce passage par l'histoire et la technologie. ce texte, comme "Etoile des neiges" et "Mythes à fromage" s'inscrit dans une série que j'ai intitulée "Hors cadre" dont le principe est d'avoir une fin décalée. :-)
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