Chapitre XXV

Point de vue : lui

J'ai l'impression que Sarah arrive à lire dans mes pensées parfois. Effectivement, je n'approuve pas du le fait que ni elle, ni ses frères aient essayé de se rapprocher de leur père, d'en savoir plus sur ce qu'il ressentait et de ce sur ses activités. J'essaie de comprendre la démarche mais c'est compliqué pour moi d'y parvenir. C'est certainement parce que je n'ai jamais encore eu affaire à ce genre de situation.

« - Et puis, il y a eu ce jour où je suis rentrée complètement crevée après une grosse journée de cours. Papa était assis à la table de la cuisine, un papier entre les mains. J'ai réussi à le lire par transparence, à l'envers. Mon grand-frère lui annonçait qu'il était parti faire ses études à l'autre bout du pays. Nous étions déjà au courant. On lui avait fait nos adieux le matin même. Papa ne se sentait pas bien, ça se voyait. Il se tenait la tête en se frottant le front. Il ne s'attendait pas à ce que son fils aîné parte comme l'avait fait sa mère quelques années auparavant. Il regardait fixement son téléphone. Il n'osait pas appeler son propre fils. Je me suis avancée, il n'a rien dit. Pas un geste non plus. J'ai composé le numéro et je lui ai collé mon portable contre l'oreille. Il m'a lancé un regard avant de l'attraper. Je suis restée à les écouter parler. Mon père a demandé des explications, je crois bien qu'il les a obtenus. Il a répondu à je ne sais quelles questions de mon frère, je ne l'entendais pas très bien. Il souriait malgré la peine, ça m'a fait du bien de le voir comme ça après tout ce temps.

- Maintenant, ton père ne vous lâche plus d'une seule semelle et ton grand-frère ne prend des nouvelles que pour vérifier que vous allez bien. Mais tu aimerais le revoir pour discuter avec lui comme avant, en face à face et non à travers un portable. Mais, le problème c'est que tu n'oses pas par peur qu'il refuse et que tu ne veux pas te résigner à l'appeler.

- Je t'avais surtout dit de ne pas parler sans que je ne te l'ai demandé. »

On s'est mis à rire bêtement. Ça m'avait manqué d'entendre son rire. Ça fait du bien de la voir comme ça. Un peu comme si je redécouvrais la Sarah qui se cachait depuis quelques temps déjà.

« - Tu n'as toujours pas de nouvelle de ta mère ?

- C'est là que ça se complique. J'ai reçu une carte postale à mon nom la semaine dernière. C'était une citation de Virginia Woolf. La carte était simple et efficace, tout blanche avec l'écriture et la signature de ma mère au stylo noir. Mais ça peut tout aussi bien être quelqu'un qui me joue un très mauvais tour. Je n'ai aucune idée de la manière dont je peux m'y prendre pour la retrouver. Pour anticiper ta première question, il n'y avait aucune adresse sur la carte, et le cachet de la poste n'était pas lisible. J'aurais bien aimé que ça soit aussi facile, moi aussi. Et parce que j'anticipe aussi ta deuxième question, non, je n'en ai parlé à personne, pas même à mon père. Je suis sûre que tu n'approuves pas ça non plus. »

C'est qu'elle me connaît vraiment bien. Mais là, je peux tout à fait comprendre. Même si c'est contraire à mon principe de toujours parler et échanger en toute sincérité sur ce qui nous tracasse, je crois que je ferais exactement pareil à sa place pour ne pas donner de faux espoirs à ceux qui nous entoure.

« - Je suppose que c'est pour ça que tu fixais le vide de façon insistante pendant le cours de Mme Hawthorn. Je parie même qu'elle t'a retenue pour te soutirer des infos. Qu'est-ce que tu lui as dit ?

- Je lui ai dit ce que je viens de te dire avec moins de précision. »

On se lève pour se diriger vers le prochain cours. Elle me sourit de nouveau. Elle va mieux depuis quelques minutes. Je retrouve ma Sarah. Je voudrais l'aider à démêler tout ça parce que ça compte pour moi. Mais je ne sais pas comment m'y prendre, en plus de tous les problèmes que je cumule jour après jour. Il faut que je trouve une solution pour venir à son secours, c'est le plus important. Mais il me faudra un peu de temps avant que je me sorte entièrement de mon merdier pour ne pas qu'elle s'y enfonce avec moi.

Je la raccompagne jusqu'en haut de sa rue pour la première fois depuis que l'on a fait connaissance. Elle me montre sa maison. Elle préfère que son père ne nous voit pas ensemble. En fait, il se trouve qu'elle habite sur la route que je prends pour aller jusqu'à l'arrêt de bus. Je vais devoir courir pour ne pas arriver en retard.

Le bus s'arrête. Je monte avant de dire bonjour. Le chauffeur semble être étonné. On échange un sourire amical. Il y a du monde mais personne que je connais. Je ne mets pas ma musique pour changer un peu. Je me lasse de cette routine dans laquelle je me suis empêtré depuis quelques temps. J'ai décidé qu'aujourd'hui est un jour de changement.

J'arrive chez moi. J'en ai marre de ces meubles qui sont toujours à la même place depuis des mois. Il n'est pas encore très tard. Je décide de les déplacer. Ça me fait du bien. J'ouvre les fenêtres pour aérer un peu et respirer l'air du renouveau. Je fixe le tableau en liège au même endroit. J'ajoute les quelques dessins faits dernièrement. J'essaie pendant quelques instants de démêler tout ça mais je ne suis pas plus avancé. L'affaire de l'inconnue est loin d'être résolue, Watson. Il va nous falloir de la patience et de la persévérance. J'ai bien peur que cela ne dure très longtemps, cher ami.

Je m'installe devant la télé et je zappe sur quelques chaînes. Il n'y rien d'intéressant à voir, comme d'habitude. Je prends mon bouquin avant de m'allonger et de continuer à le lire. Le premier chapitre était assez banal avec rien de très original, je crois. Un début comme on le voit souvent dans les histoires. Le second donne un peu plus envie déjà.

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