Chapitre IX

Par Soah

Joshua ne trouva le courage de quitter sa chambre que trois jours plus tard. Le premier jour de sa convalescence avait été le plus difficile ; perclus de douleurs, bouger le moindre muscle lui était intolérable. Puis, des céphalées l’avaient cloué au lit. Ne supportant ni la lumière ni les bruits ou même les odeurs, l’artiste avait fait le choix de se terrer dans une pénombre apaisante. Il avait reçu la visite de Casimir, mais aussi d’Annette et Odette, tous inquiets de son état de santé. La rumeur qu’une tentative d’empoisonnement avait eu lieu au manoir des de Morgande s’était répandue comme une trainée de poudre, lui avait-on confié. Soucieux pour la réputation de la maison, Joshua avait gardé le silence, prétextant avoir abusé de la liqueur. Ce n’était, certes, pas un mensonge qui le mettait en valeur, mais il aurait le mérite de ne pas confirmer les ragots.

Au quatrième jour, la fenêtre entrebâillée apporta un courant d’air bienvenu à l’intérieur de la chambre dont l’atmosphère devenait de plus en plus méphitique. À son bureau, Joshua crayonnait dans son carnet le paysage et la lune pleine des célébrations de Yule. Le graphite tombait en poussières délicates sur la page, noircissant ses doigts. Absorbé par ses croquis, il ne remarqua pas les heures filer et, vers midi, on toqua à sa porte.

— C’est ouvert ! déclara-t-il, le nez toujours collé à la feuille.

— Une lettre est arrivée pour vous, ce matin, répondit alors Shirley.

Contre le pavé, les talons cloutés du majordome résonnèrent comme une étrange mélopée. La mine en suspend au-dessus de son carnet, Joshua tourna la tête dans sa direction, les yeux ronds et la méfiance au coeur.

— Une lettre ? Allons bon, voilà qui est tout à fait inédit : je n’ai personne à qui écrire, articula mollement Joshua en tendant la main vers pour se saisir de la missive. Savez-vous de qui cela vient-il ?

— Ma foi, je ne me suis pas permis de regarder qui était l’expéditeur. Les gardes se sont déjà assurés qu’elle ne constituait pas une menace.

— Je ne savais pas qu’il était possible d’envoyer des lettres.

— Nous ne sommes pas des animaux, tout de même, décocha le majordome avec un sourire en coin. Lorsqu’un artiste est officiellement introduit en société, son identité est connue et des lettres peuvent donc lui parvenir. Enfin, dois-je vous faire porter un repas ou… (le regard de Shirley glissa vers le lit dont les draps étaient encore maculés de sueurs.) Faire appel à tout autre service qui vous serait agréable ?

D’un hochement de la tête, Joshua accepta, trop obnubilé par la missive pour répondre autrement. Shirley poussa un léger soupir avant de prendre congé, le claquement de ses talons l’éloignant à pas vif de l’antre du peintre.

Joshua retourna l’enveloppe et à sa grande surprise, constata qu’elle provenait de Jal, le chroniqueur de la maison de Vaist. Soudainement plus renfrogné, l’artiste souleva le cachet qui avait été déjà brisé avant de déplier la feuille.

« Cher nouvel ami,

J’espère que ces quelques mots te trouveront dans un meilleur état que lorsque tu as quitté les célébrations de Yule. Malgré cette malheureuse confrontation avec la liqueur – t’en fait pas, la première fois, j’ai, moi aussi, été malade –, je nourris l’espoir que cette soirée a comblé tous tes désirs. Je tenais à être le plus premier à te féliciter pour ton ascension au rôle de second portraitiste de ta maison. Lors de notre prochaine rencontre, peut-être viendras-tu entre les murs de mon domaine ?

Bien à toi,

Jal de la maison de Vaist. »


 

Après plusieurs lectures, le peintre referma la lettre et la déposa sur son bureau. Recevoir du courrier était tout à fait inédit et, il devait bien l’avouer, grisant. Il se demanda également si tous les artistes de la maison entretenaient amitiés et correspondances avec d’autres personnes. Toutefois, Joshua se rappela bien vite que le mot « ami » n’engageait que ceux qui y croyaient. L’interdiction de Valente planait aussi dans son esprit. L’immortel serait-il furieux de savoir que Jal lui avait écrit ? Le serait-il si Joshua répondait ? Une part sombre de son cœur souhaitait connaître la réponse, mais elle n’était pas assez convaincante pour qu’il prît la plume.

Une fois son déjeuner livré, les domestiques attendirent devant la porte que Joshua terminât de manger avant de s’introduire dans la chambre. Sans qu’il ne puisse émettre la moindre remontrance, des draps frais bordèrent le matelas et le sol lavé. L’air portait un parfum de savon et de lessive à la lavande si entêtant que Joshua décida de quitter les lieux. Il emporta avec lui son carnet ainsi que sa précieuse boîte à crayon.

Tout naturellement, ses pas le menèrent à l’atelier et pendant un instant, il fut tenté d’en pousser la porte et de s’y installer. L’ombre d’Ursula et de leurs dernières conversations l’en empêcha. Pourtant, il lui faudrait un jour revenir aux couleurs, aux toiles et à la térébenthine, mais aujourd’hui, il n’avait pas la force de surmonter le silence ainsi que les doutes qui l’assaillaient.

Joshua passa donc son chemin et erra dans le rez-de-chaussée jusqu’à se retrouver dans la bibliothèque. Avec son plafond cathédrale ainsi que ses étagères de livres qui semblaient grimper comme du lierre sauvage sur de la pierre, le lieu dégageait une atmosphère studieuse. Face à un grand chambranle décoré d’un vitrail représentant le Soleil Noir, se trouvait le bureau de Casimir et sa machine à écrire. L’outil, à la pointe de la modernité Cahareloise, prenait tristement la poussière. Dans les tiroirs fermés à clef gisaient les histoires et l’Histoire que créait l’auteur.

— Casimir ? appela Joshua. Casimir, vous êtes là ?

Sa voix s’éleva dans la salle et se perdit en écho entre les tomes ensommeillés. Aucune réponse ne lui parvint. Joshua fit alors demi-tour, craignant de vexer le maître des lieux s’il s’invitait dans son domaine sans qu’il y soit exhorté. Il continua donc un peu plus loin et entendit le violon d’Odette vibrer dans les couloirs. Un tressaillement glissa sur sa peau, piquant, farceur, mais surtout, inspirant. Avec la résolution d’un chat à la traque d’une souris, le peintre fila droit vers le salon de musique. Comme toujours, la porte était entrouverte et encourageait quiconque le désirait à venir. Bien qu’il avait peu fréquenté l’endroit, préférant travailler au sein de l’atelier, Joshua savait que les jumelles étaient toujours enchantées d’avoir de la compagnie et surtout, une audience.

— Joshua, comme je suis ravie de te voir ! s’exclama Annette qui composait derrière son piano. Comment te sens-tu ? Ursula nous a dit que la liqueur au citron t’avait rendu malade, mon pauvre poussin.

— Bien mieux, merci, répondit-il en chassant une mèche de son nez. Et vous-même ? Comment allez-vous, toutes les deux ?

— Installe-toi donc, ne reste pas debout, l’invita la pianiste.

Du bout de son crayon gris, elle désigna l’un des nombreux sièges vide de la salle. Si la bibliothèque était sombre – afin de protéger les ouvrages du jour –, le petit salon de musique était baigné de lumière. De hautes fenêtres de bois blanc donnaient sur le parc et sa grande fontaine. Conçue pour que le son y soit le plus joli possible, des tentures décoraient les murs de la pièce qui n’abritait aucun meuble. De nombreux tapis moelleux recouvraient le parquet. Parfois, il arrivait que les jumelles disposassent des coussins rebondis à même le sol pour prendre le thé sous le regard réprobateur du lustre en cristal.

Une fois assis, Joshua sortit son carnet ainsi qu’un crayon rouge avant de se mettre à esquisser le piano à queue et Annette. Lorsque cette dernière se rendit compte qu’elle allait être dessinée, elle se recoiffa rapidement et prit un air digne. « Méfie-toi, dès lors que quelqu’un se sait observé pour un dessin, son attitude change », vint gentiment se moquer la voix d’Ursula.

— Et pour répondre à ta question, nous allons bien, trancha la violoniste loin de l’amabilité qui était d’habitude réservée au peintre.

— Pardonnez-moi, mais, vous ai-je offensé ? Si tel est le cas, j’en suis navré et je…

— Va plutôt dire ça à Ursula.

— Odette ! gronda sa sœur. Tu exagères ! Nous avions dit que nous ne prendrions pas parti.

Odette fronça le nez, tourna le dos et se remit à jouer, mais cette fois-ci, elle travailla des notes en doubles cordes qui, il fallait l’avouer, n’étaient pas des plus agréables à entendre.

— Je suis navré de vous avoir dérangé, je vais m’en aller, conclut Joshua en abandonnant son ébauche.

— Non, ne t’excuse pas. S’il y a une personne ici qui devrait demander pardon, ce n’est pas toi ! grogna Annette en se levant après avoir fusillé sa jumelle du regard. Allons marcher un peu dans le jardin, loin de ce vacarme !

— Fermez donc la porte en partant, ça me fera de l’air !

Vexée, la musicienne plaça sa main sur le bras de Joshua et l’invita à quitter la salle. La porte claqua derrière eux, aussi incisive qu’une insulte. Une fois dehors, Annette relâcha sa prise pour aller s’installer près de la fontaine. Non sans une pointe d’amère culpabilité, Joshua constata que les rideaux du salon de musique avaient été tirés.

— Je suis désolé, je ne voulais pas que vous vous disputiez… s’excusa-t-il, le nez bas. J’aurais très bien pu partir sans demander mon reste, vous savez.

— Si je dois être honnête, ce n’est pas ta faute, confessa la pianiste. En ce moment, nous nous querellons pour tout et pour rien, avec ma sœur. Tu étais là au mauvais moment. Si Casimir ou Ursula avait été dans la pièce, Odette aurait sûrement trouvé le moyen de monter quelque chose en tête d’épingle.

— Vous êtes pourtant si proches, comment cela se fait-il ? demanda-t-il avant de timidement de rétracter : enfin, si vous ne désirez pas en parler, je comprendrais tout à fait.

« Nous ne sommes pas très intimes, après tout. Nous ne sommes même pas amis », songea-t-il, une épine dans le coeur.

— Madame est à la recherche d’une paire d’enfants pour prendre notre relève. Elle nous l’a annoncé peu avant Yule, confia Annette en attrapant une feuille morte dans le ventre vide de la fontaine. Odette ne le vit pas très bien.

— Pourquoi donc ? C’est fabuleux ! Vous allez pouvoir transmettre votre savoir-faire et votre art à une génération future, s’enthousiasma Joshua.

— Ça se voit que tu n’es qu’un tout jeune homme et que la vie t’appartient encore, gloussa tendrement la pianiste. Mais vois-tu, lorsque madame décide de nous confier une pupille, c’est qu’elle estime que nous ne pourrons pas faire mieux. Nous avons atteint notre apex en tant qu’artistes. À partir de cet instant, à ses yeux, il n’y a plus que le déclin inévitable dû à la vieillesse qui attaque nos chairs.

— Mais vous êtes plus jeunes qu’Ursula, vous devez avoir… quarante ans ? Peut-être moins, je ne suis pas doué pour deviner les âges des gens. Et vous allez mettre des années à former des artistes, au moins une vingtaine. De grands musiciens de Caharel sont restés dans leur maison jusqu’à parfois quatre-vingts ans.

— Je t’entends. Et, je vois pourquoi tu dis cela, répliqua-t-elle d’une voix posée, douce. Néanmoins, il y a bien plus en jeu qu’il n’y paraît.

— Je ne suis pas sûr de comprendre.

— Les de Morgandes se sont hissés à la place de première famille de Caharel pour une raison bien précise : la virtuosité de ses artistes. Que crois-tu qu’il arrivera le jour où, mes mains ne parviendront plus à voler sur un piano, à pincer les cordes d’une harpe, à sautiller avec les notes de ma flûte ? Qu’adviendra-t-il de ma sœur lorsque sa voix éraillée par les ans ne sera plus capable de chanter ? Ou si ses poignets deviennent tellement tordus qu’elle ne pourra plus soulever un archet ? exposa Annette, la mine sombre. La disgrâce. La honte. Et de cela, madame n’en veut pas. Les enfants qui viendront auront peut-être cinq ans. Ou un peu plus, un peu moins. Et dans quinze ans, nous serons enterrées, toutes les deux. Comme nous avons enterré nos maîtres.

— Je n’avais jamais envisagé les choses de cette façon.

— Comment le pourrais-tu ? rit-elle sous le joug de l’évidence. Outre ta jeunesse, comme Casimir, si tu es chanceux, les ans ne feront rien à ton art. Au contraire. Nous sommes tous les artistes de cette maison, mais cela ne veut pas dire que nous vivons les mêmes choses. Seule Odette peut me comprendre. Tout comme Ursula est la seule qui puisse te comprendre.

Joshua esquissa un sourire, sentant que le paradigme de la conversation venait de changer. Si au début, cela le mit dans un certain inconfort, bien vite il y vit le moyen de déterminer où gisait la vérité. Après tout, Annette n’avait aucune raison de lui mentir.

— Si tu veux essayer de me convaincre de quoi que ce soit, je pense que tu te trompes de cible, marmonna-t-il en délogeant de la mousse qui s’était établie entre les pierres de la fontaine. Ursula me manque, mais c’est elle qui a exigé que l’on ne se parle plus. J’ai cru qu’elle était revenue sur cette décision, mais… non.

— Tu sais, bien que nous soyons artistes dans cette maison depuis des années, je ne connais pas très bien Ursula. Ce n’est guère une surprise : elle aime cultiver ses secrets. Même lorsqu’elle était encore une fillette, elle restait… mystérieuse. En revanche, elle n’a jamais été froide, elle n’a jamais refusé de tendre la main à qui que ce soit. Ainsi, même si elle en connaît certainement plus sur moi que moi sur elle, aujourd’hui, je sais que je peux dire qu’elle est mon amie, mon alliée. Et je vois bien que votre différend la blesse.

— J’ai du mal à l’imaginer enfant, commenta Joshua en espérant que la pianiste mordit à l’hameçon. Ursula a l’air d’être née adulte, pleine de sagesse et de silences.

— Oh non, ça tu peux me croire ! Je l’ai vu de mes yeux, rit Annette.

— Vraiment ? Comment était-elle alors ?

— Pas comme aujourd’hui et certainement pas comme toi, continua-t-elle de pouffer, les joues roses et la mine ravie. Elle récoltait toujours toutes sortes de punitions qui allaient de savonner les sols avec une petite brosse jusqu’à faire des tours du domaine en culotte de nuit l’hiver. Enfin, il faut dire que le précédent peintre des de Morgande était particulièrement sévère et elle, particulièrement espiègle. Mais qu’importait les châtiments, elle ne perdait jamais de sa malice. Casimir disait qu’elle était une étincelle dans le noir.

— Une étincelle dans le noir, répéta Joshua. Ça me semble… Si éloigné de la personne que je connais.

— La disparition de Maria a été un choc pour tout le monde, mais surtout pour elle, murmura Annette, soudainement sombre. L’étincelle qu’elle portait s’est étiolée petit à petit et finalement, a été domptée.

Le cœur de Joshua manqua un battement. « Maria », cette amie, cet amour, si chère à Ursula. Sa mère. Bien qu’il essaya de demeurer impassible, une foule de questions lui brûlait les lèvres.

— Puis-je vous demander qui est Maria ? s’enquit-il avec toute la retenue dont il était capable.

— Oh, c’est vrai que tu ne dois pas la connaître, commenta Annette. Lorsque Ursula est arrivée ici, elle n’était pas seule. Maria était avec elle. À l’époque, madame envisageait déjà l’avenir de son fils et de fait, elle avait pris la décision de choisir deux enfants pour prendre la relève de son maître peintre. Elle était… discrète, avec de sublimes cheveux roux, un peu comme les tiens.

— Que lui s’est-il passé ?

— Malheureusement, la pauvre est tombée malade vers ses vingt ans. La tuberculose, nous a-t-on dit. Madame l’a envoyée au sanatorium. Elle y est restée pendant une année environ, mais malgré tous les soins et l’attention qu’elle a reçus, la maladie a eu raison d’elle, expliqua la pianiste avec peine. Sa mort a brisé le cœur d’Ursula et lorsque le corps a été renvoyé au domaine pour que Maria soit enterrée dans le mausolée des artistes, elle a refusé d’assister à la cérémonie.

— Je vois…

— Elles s’étaient disputées la veille du départ de Maria. Et je suis sûre qu’Ursula s’en veut toujours. Alors, c’est pour cela que je t’en conjure : ne lui tourne pas le dos, déclara Annette en saisissant vigoureusement les mains de Joshua. Si elle est si dure, si sévère, c’est parce qu’elle tient à toi, du plus profond de son cœur. Ne laisse pas une dispute être le fleuve qui vous sépare à jamais.

— Dans ce cas, je vais essayer de construire un pont, finit-il par dire avec un demi-sourire. J’espère que tout s’arrangera. Pour nous, mais aussi pour toi et Odette.

— Ne t’en fais pas pour moi et ma sœur. Nous sommes le ciel et la terre, le jour et la nuit, l’écume et l’océan : toujours destinées à nous retrouver, quoi qu’il arrive, affirma-t-elle en sortant un mouchoir pour s’essuyer discrètement les yeux. Bien, je ferais mieux de rentrer. Quoi qu’elle en dise, Odette n’aime pas trop la solitude. Veux-tu m’accompagner ?

— Non, merci, déclina poliment Joshua. J’ai besoin d’un peu de temps seul. Pour réfléchir.

— Comme tu veux. Si jamais tu as besoin de quoi que ce soit, notre porte est ouverte. Quoi qu’en dise Odette.

Avec affection, la musicienne passa l’une de ses mains dans les boucles rousses de Joshua avant de s’en retourner. Seul comme il l’avait souhaité, le peintre se renfrogna quelque peu. Annette ne semblait pas savoir que Maria était – d’après Ursula – sa mère. Toutefois, son séjour hors de la demeure aurait pu dissimuler une grossesse ainsi qu’un accouchement. « Une année loin du manoir… » songea-t-il avec une curieuse douleur au cœur. Il leva alors le nez vers le balcon. Là-haut se trouvait la personne à qui il devait dédier sa vie, son art. Comment Maria avait-elle pu laisser ses toiles derrière elle ? Soudain, il réalisa que, justement, elle n’en avait laissé aucune. Joshua connaissait par cœur – ou presque – les archives et, il en était persuadé, jamais une autre artiste que sa mentore n’était mentionnée. Pourtant, ces peintures, ces toiles, devaient exister.

Il se leva brusquement et gagna l’atelier. À bout de souffle, il se mit à fouiller dans la réserve, dans les archives.

— Je peux savoir ce que tu fabriques ? cingla Ursula depuis son chevalet. Si ça ne te dérange pas, j’aimerais travailler en paix.

— Les toiles de Maria, où sont-elles ? demanda-t-il, d’une voix hachée.

— Je ne sais pas, avoua la peintre, déconcertée. Détruites, j’imagine.

— Pourquoi ? questionna Joshua en s’approchant de sa professeure. Cela ne fait aucun sens, pourquoi détruire ses peintures lorsque madame exige que nous gardions tout, même le moindre petit croquis sur une feuille volante ?

— Pour pouvoir faire taire une voix qui ne peut déjà plus parler.

Sous le choc, Joshua se réfugia dans le silence. Ses pensées se heurtaient avec violence. Perdu au milieu de ces fracas et hourvari, il manquait d’air. Il manquait d’espace. Il manquait de tout. Soudain, ses habits lui semblèrent trop étriqués, dérangeants. Comme à vif, sa peau épousait chaque sensation qui l’effleurait avec cruauté tandis que Joshua se répétait une seule et unique question : « pourquoi ? »

— Joshua, calme-toi, susurra Ursula en tendant la main vers lui. Tout va bien.

— Non, tout ne va pas bien, gémit-il en la repoussant. Je ne comprends pas.

— Pourquoi est-ce si important ?

— Parce que sinon, tout n’est que mensonge.

Les larmes qu’il contenait avec peine dévalèrent ses joues. À genoux sur le sol, il se recroquevilla jusqu’à n’être presque rien. Aussi tranchants que ses épines de ronces, ses sanglots et ce vide le blessaient.

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Saintloup
Posté le 29/02/2024
Coucou !

Je vais avoir de quoi lire, vu le nombre de chapitres postés ! Ce n'est pas plus mal : certaines choses que j'ai du mal à saisir trouvent parfois un éclairage dans la suite. Par exemple, j'avais quelques réserves sur le chapitre 8 partie 1. Je ne comprenais pas pourquoi des révélations importantes arrivaient si vite et Ursula m'avait semblé "puérile" dans ses réactions. Grâce à la discussion avec Annette, j'imagine mieux les raisons qui font qu'elle est à fleur de peau.

D'ailleurs, cette conversation apporte de la profondeur aux musiciennes et aux autres artistes. Jusqu'à présent, je trouvais qu'ils étaient trop secondaires, qu'ils apparaissaient toujours au bon moment pour donner des conseils à Joshua, il y avait quelque chose d'un peu artificiel. Ca m'a beaucoup plu d'entrevoir leur passé, de connaître leurs doutes. En tant que personnages, ça leur permet d'être davantage sur un pied d'égalité avec Joshua : on leur découvre une vie autonome, ils ne sont plus seulement là pour assister ou mettre en valeur le personnage principal.
Soah
Posté le 05/03/2024
Bonjour bonjour !
Oui, j'ai pris conscience que certaines personnes pouvaient me lire sans commenter ou en étant hors ligne, du coup, j'essaie de poster un chapitre par semaine lorsque j'y songe ! :)
Comme je réfléchis mes histoires non pas avec une structure de feuilleton web mais au format "roman", ça peut arriver que les explications arrivent un peu après ! :<
De plus, Térébenthine est une histoire où les personnages se cachent pas mal de choses, donc, difficile de tout expliciter.

C'est normal puisqu'il s'agit d'un chapitre où Joshua se rend compte qu'il est pas le nombril du monde - en quelque sorte x') - si Joshua a plein de qualité, il est assez égocentré. Donc, jusqu'alors, les autres étaient peu présents ou "pratiques" car ça tenait de sa perception ! :p
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