chapitre 7 : Parenthèse

Par Drak

Rapport d’incident :

Des témoins rapportent avoir vu un couple de créatures identifiées comme des Qilins. Supposons qu’il s’agit de créations d’un Porteur de l’A-Y.

Demande d’enquête.

 

Demande approuvée.

Archives de l’Apsû, branche Chinoise, 2324 av J.C.

 

Je ne parviens pas à dormir.

Ce que j’ai découvert me travaille beaucoup trop.

Je n’ai jamais apprécié mon oncle. Mais apprendre qu’il a le culot de vouloir donner la chevalière de mon père, à je ne sais pas qui… C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase !

Il faut que je fasse quelque chose.

La question étant : faire quoi ? C’est bien beau de penser que je dois agir ! Mais après ?

Est-ce que je le confronte à tout ce que j’ai appris ? Sauf que je n’ai aucune envie de me retrouver face à ses alliés, qui qu’ils soient…

Je lui mets l’épée sous la gorge pour le forcer à parler ? Quand bien même ça serait contre Hector, je ne suis pas une amatrice de la violence. Sans compter que là aussi, ses complices finiraient assurément par me tomber dessus.

Il n’y a qu’une seule chose qui est sûre : il n’est pas question que je me contente de continuer à vivre chez lui, en gardant tout ce que je sais secret !

Pourtant… Je suis bien obligée de regarder la réalité en face. Présentement, c’est la meilleure option qui se présente à moi.

Cependant, je me jure que ce n’est que provisoire.

 

Lundi matin, je n’ai toujours pas trouvé de plan d’action satisfaisant.

Comme à l’accoutumée, Hector se gare brutalement devant mon lycée, avant que je ne me sauve de l’habitacle du véhicule, sans accorder un regard à mon oncle.

Le portail passé, je ne tarde pas à entendre le « Bonjour Diane ! » bien trop joyeux d’Inès à côté de moi, auquel je réponds d’un son de gorge vaguement apparenté à un « Ouais, salut. »

S’en suis les deux heures de cours les plus lourdes que j’ai connues depuis mon arrivé ici.

Non pas que les professeurs se soient donné le mot pour rivaliser d’incompétence, non ! C’est juste moi qui ne suis absolument pas d’humeur…

La récréation venue, je file m’isoler dans le couloir vide devant la salle de madame Wodan.

…Et si elle savait quelque chose à propos de toute cette histoire ? Elle a dit avoir connu mon père, après tout !

Maintenant que cette idée à germer dans mon crâne, elle me paraît de plus en plus séduisante. Le problème étant à présent : comment aborder la question ?

Je ne peux pas l’interroger directement sur la chevalière, elle me prendrait pour une folle !

Alors, comment procéder ?

« Je vais donc te trouver toutes les semaines devant ma salle ? Si oui, je suppose que je dois être flattée d’une telle assiduité ! » s’exclame doucement la voix rieuse de ma professeure. Ce qui, évidemment, de manque pas de me faire sursauter...

Elle avance à ma rencontre depuis le milieu du couloir, ses yeux scrutateurs déjà arrimés à moi.

Je me redresse une fois qu’elle parvient à ma hauteur, tandis que je la salue poliment.

« Bonjour, madame… »

« Tu m’as l’air préoccupée… Aurais-tu un problème ? Quelque chose pour lequel je peux t’aider ? »

« Eh bien… »

Je me jette à l’eau :

« Vous m’aviez dit avoir été proche de mon père et, du coup, je me demandais si… Sa chevalière : savez-vous où est-ce qu’il l’a eu ? »

Je m’insulte mentalement ! Mais qu’est-ce que c’est que cette question ? Elle va me trouver bizarre !

Mais surprenamment, ma professeure se contente de se lever les yeux en signe de réflexion, avant de me répondre : « C’est certains de ses anciens amis qui la lui ont donnée. »

« Des amis à lui ? Vous les connaissiez ? »

Je suis à présent tout excitée ! Tiendrais-je enfin quelque chose ?

« Oui… Mais pourquoi cet intérêt soudain ? »

Oups, je suis allé trop loin…

« Euh… Il paraissait être très attaché à ce bijou… Mais il ne m’avait jamais dit d’où elle venait… »

« …Il te manque, n’est-ce pas ? Alors tu cherches à combler ce vide en enquêtant sur son passé. Ai-je juste ? …Il me manque, à moi aussi, en vérité. Nous n’étions plus aussi proches quand nos routes se sont séparées, mais je l’ai toujours beaucoup estimé… »

Le ton bas et peiné de madame Wodan m’ébranle… C’est la première personne qui semble réellement comprendre ma tristesse intérieure. Et même mieux : qui la partage !

Quelques secondes s’écoulent, alors que nous gardons le silence, comme si nous nous recueillons sur les mêmes souvenirs.

Puis finalement, ma professeure réaffirme sa prise sur son sac de cuir, avant de s’écrier d’une voix se voulant enjouée : « Allons, trêve d’idées noires ! La vie continue, alors il faut aller de l’avant ! De plus, le cours va commencer ! »

Elle me contourne pour gagner sa salle, où je la rejoins bien vite une fois que la sonnerie de reprise eu retentit et que mes camarades soient arrivés.

 

Plus tard, une fois le cours terminé, je range mes affaires quand soudain ma professeure s’approche, pour se planter devant ma table, attendant que les autres élèves soient partis, avant de me glisser doucement :

« Je n’ai jamais rencontré le frère d’Arthur, mais il m’avait évoqué son côté parfois… pénible à vivre au quotidien. Alors, si tu as besoin de parler à quelqu’un de ce que tu ressens par apport à la perte de ton père… Sache que tu peux venir me voir durant les intercours, si tu le veux. D’accord ? »

Un sourire reconnaissant étire naturellement ma bouche aussitôt.

« Merci madame. Je m’en souviendrais. »

Je sors de sa salle à pas léger, le cœur moins lourd qu’à mon arrivée ce matin.

 

*

Mathieu rattrape à petits pas pressés son ami qui a l’air de mauvaise humeur… ou du moins, plus que d’habitude.

« Eh, attends-moi… ! »

Sacha s’arrête instantanément, attendant que son camarade soit à sa hauteur avant de repartir, quoique plus doucement cette fois.

Après plusieurs minutes, le plus grand interroge brusquement :

« Je peux te poser une question, Mathieu ? »

« Bien sûr ! Qu’est-ce qu’il y a ? »

« …Comment fais-tu pour toujours savoir à quel genre je m’identifie ? »

Le plus enveloppé hausse les épaules en signe d’ignorance.

« Je te connais bien, je suppose ? »

« C’est tout ? »

« Je crois… »

Sacha dégaine un petit carnet de sa poche, l’ouvrant à une page précise, jalonnée de coups de crayon rapides et minutieux.

« …Alors comment cette gamine fait pour ne jamais s’être trompée ? »

« Qui ça ? » interroge aussitôt son ami, surpris, alors qu’il jette un œil au carnet. « Oh ! Mais tu t’es trouvé une muse ma parole… »

La page abrite un portrait de Diane, regardant quelque chose sur le côté, avec un réalisme délicat, ses sourcils imperceptiblement froncés sous une réflexion interne.

Sacha fait claquer avec humeur son carnet au nez de Mathieu.

« Une muse ? Nan, mais ça ne va pas ? Je fais des dessins de tout le monde… Elle, elle m’intrigue. C’est tout. »

Sur ces mots, les deux lycéens continuent leurs chemins sans poursuivre cette conversation. L’un n’en ayant plus l’envie et l’autre sachant bien comment fonctionne son ami de toujours… Il relancera le sujet le moment venu.

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