Chapitre 7

Notes de l’auteur : Le rôle de crieur public me fascine relativement. Je n'ai donc pas pu m'empêcher d'en caser un... Au final, il me sera bien utile dans mon histoire. Il remplace la presse, en quelque sorte.
 
 

Le Crieur criait, à l'heure des Fumes, chaque jour ou presque. Il criait méthodiquement, sans passion, depuis la petite place arborée au cœur du quartier des Gouges. Il arrivait avec sa caisse sous le bras, un baquet, parfois, s'y hissait, et criait, sans préambule. Qu'il fut seul ou non sur la place, il criait.

Il commençait toujours par un poème. Des vers malhabiles, ânonnés de sa diction mécanique. D'aucuns le soupçonnaient d'être devenu crieur uniquement pour clamer ses propres vers. La foule n'accourait pas, alors. Seuls les vieux et quelques désœuvrés lui prêtaient l'oreille. Des artisans et colporteurs traversaient la place, le visage embué de sommeil. Le cliquetis des outils annonçait que d'autres s'activaient déjà dans les échoppes. La poésie était suivie d'avis de naissances et décès. Rares furent les décès dont Le Crieur n'eut vent. Quant aux naissances, personne ne sut jamais le prendre en défaut : il n'en manqua jamais une. On eut dit qu'il avait un œil dans chaque foyer de la cité.

Puis venaient les annonces en désordre : une vieille vendait des œufs à domicile, rue du Casse-lunette ; un marchand souhaitait partager son équipage vers Temma pour la prochaine lune ; une famille aisée des Mercantes cherchait une nourrice ; une femme vendait les biens de son père décédé, etc. Ces informations avaient du succès, et les oreilles attentives se multipliaient alors. Parfois un cri de surprise jaillissait du brouhaha : quelqu'un s'était reconnu dans une annonce, quelqu'un qui n'avait jamais demandé au Crieur de crier. En fait, personne ne demandait jamais au Crieur de crier. On ignorait comment il obtenait ses informations, si ce n'est par une certaine indiscrétion combinée à une ouïe remarquable. Mais il ne divulgua jamais rien qui fut indigne ou compromettant. Il s'en tenait au pratique.

Passées les annonces, et là l'assistance devenait presque foule, il criait, pêle-mêle, des nouvelles de Kaalun. Il criait que le défilé des Têtes-Plumes aurait lieu le troisième jour de la mi-lune à venir, et partirait de la Grand'Place. Il criait qu'un arrivage de bois de chauffage était attendu pour le lendemain, et serait vendu directement aux portes de la cité. Il criait que la prochaine audience publique, en l'absence du Roi, serait assurée par la Ministre aux clefs. Et ainsi de suite.

Il scandait pour finir quelques anecdotes sur la vie au château, une chute de cheval, un trait d'esprit. Sitôt les bavardages enflaient. Chacun y allait de son commentaire sur les mœurs du château, que cela fut raillerie ou non. On dissertait sur les princes, sur les étranges funérailles de la Reine, sur une décision qui nous semblait inique ou non. Et comme un cours d'eau sur un relief accidenté, les conversations soudainement s'éparpillaient. On en revenait au quotidien, à la maladie du petit dernier. Et, suivant le cours dispersé des rumeurs, la foule elle-même s'agglutinait en une multitudes en petits groupes, entre lesquels les enfants, reprenant leurs jeux, couraient. Le Crieur, alors, avait déjà disparu.  

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Fannie
Posté le 28/01/2020
Chapitres 6 et 7 :

La transition entre la scène avec Olga et les explications historiques me laisse dubitative. L’impression que j’avais déjà dans les chapitres précédents se confirme : il manque un fil conducteur. Malgré ta belle écriture, ces bribes qui s’enchaînent me donnent l’impression de zapper et, c’est un sentiment personnel, cette manière de morceler le récit pourrait me faire décrocher.
Comme la séquence du marché, celle du crieur contribue à l’alternance de scènes animées ou plus joyeuses et de passages assez sombres ou explicatifs. C’est donc une bonne chose.
Ah, j’allais oublier : Olga me paraît méprisante à l’égard de la vieille banshee et ça ne me semble pas mérité. Elle lui a quand même fourni le gîte, le couvert et une formation, et tout ça avec peu de moyens alors qu’elles n’ont aucun lien de parenté. Un peu de reconnaissance ne serait pas du luxe.
Coquilles et remarques :
— Je ne sais pas la vieille [virgule avant « la vieille »]
— et bin rien à faire [eh ben]
— et la silhouette que ses trois tours découpait sur le ciel [découpaient]
— ni aux présentations des nouveaux-nés [nouveau-nés ; ici « nouveau » a valeur d’adverbe]
— et t'aurais coupé la langue [t’aurait ; sous-entendu « elle »]
— de sa peau toute entière [tout entière ; ici « tout » a valeur d’adverbe]
— lorsque cinq monarques d'une même lignée s'étaient succédés [s'étaient succédé ; on succède à qqn, donc pas d’accord]
— Moins prompt à saisir les armes, quoique excellents manipulateurs [prompts]
— la création de la Salle des Écrits [la salle des Écrits]
— improbable bloc de pierre au pied duquel [étonnant, ahurissant, incroyable, curieux, étrange, singulier, invraisemblable… mais pas improbable]
— A défaut d'assécher les berges, elles furent remblayée pour accueillir les hommes [À / faute de syntaxe : À défaut d'assécher les berges, on les remblaya » ou « À défaut d'être asséchées, les berges furent remblayées »
— des belles de nuit qui dévergondaient les pêcheurs [belles-de-nuit]
— c'était un pays de roseau, d'échassiers [de roseaux]
— bien que le climat y fut moins doux [y fût ; subjonctif imparfait]
— et partirent vers l'ouest [et partit ; on parle de la population des pêcheurs]
— La terre y était fertile, les mers poissonneuses, et là encore elles devinrent [il faudrait déplacer la virgule pour la mettre après « là encore »]
— Il gorgeait de fretin et les vergers s'y épanouissaient [« Il regorgeait » ou « Il était gorgé »]
— Les Terres-Mêlées avaient pris forme, dotée d'une nouvelle capitale, et de sa première armée organisée [dotées / de leur première armée]
— quand Temma gorgeait d'archers et de soldats [regorgeait, fourmillait, grouillait de]
— Ainsi positionnées, les deux cités [Ainsi placées, situées, disposées, mais pas positionnées.]
— par la Reine Katel / en épousant le Roi Calum / le futur Roi Saul [la reine Katel / le roi Calum / le futur roi Saul]
— la Citadelle de Temma [minuscule à « citadelle »]
— regagnèrent Temma et affirmèrent leur fidélité [déclarèrent, annoncèrent, proclamèrent…]
.
— Qu'il fut seul ou non [Qu'il fût ; subjonctif imparfait]
— suivie d'avis de naissances et décès [et de décès]
— Rares furent les décès dont Le Crieur n'eut vent [n’eût ; subjonctif imparfait]
— On eut dit qu'il avait [On eût dit ; c’est un conditionnel deuxième forme, c’est-à-dire un subjonctif plus-que-parfait qui a valeur de conditionnel]
— rien qui fut indigne ou compromettant [qui fût ; subjonctif imparfait]
— Il s'en tenait au pratique [aux choses, aux informations pratiques]
— en l'absence du Roi, serait assurée par la Ministre / les étranges funérailles de la Reine [du roi / par la ministre / de la reine]
— que cela fut raillerie ou non [fût ; subjonctif imparfait]
— une décision qui nous semblait inique [ce « nous » tombe comme un cheveu sur la soupe ; « qui semblait inique » ou « qu’on trouvait inique »]
— s'agglutinait en une multitudes en petits groupes [en une multitude de]
Cliene
Posté le 19/11/2017
Encore une belle expression de ta capacité à faire naître une scène sous nos yeux en quelques phrases. Je me répète mais j'aime beaucoup ton  style. On est sur la place parmi la foule qui s'agglutine à écouter le crieur, guettant les informations et les annonces rien qu'en te lisant...
- "s'agglutinait en une multitudes en petits groupes" : en une multitude de petits groupes ?
 
Olga la Banshee
Posté le 19/11/2017
Merci Cliene ! Et bien vu sur la coquille...
Isapass
Posté le 16/11/2017
 
Très sympa en effet : c'est un peu une scène de théâtre. Ca me rappelle les scènes du crieur public de Pars vit et reviens tard, de Fred Vargas.
Je maintiens ce que j'ai dit dans mon commentaire précédent : que ton style me donne l'impression d'être plus précis. On gagne en clarté sans rien perdre en plaisir et en poésie !
Une seule coquille remarquée :
 "la foule elle-même s'agglutinait en une multitudes en petits groupes" : "en une multitude DE petits groupes" ou "d'une multitude en petits groupes" 
 
Olga la Banshee
Posté le 16/11/2017
Quel oeil de lynx cette Isapass ! ;)
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