Chapitre 5 | Adan Villanueva

Par Loyt

Mon casier claque quand je récupère mes affaires de sport pour le premier entrainement depuis le départ de notre capitaine. Quelques sourires au croisement de certains camarades, je tapote distraitement sur les touches de mon portable avant de me le faire confisquer par le coach Foaster.

 

Connor

Arrête, c’est n’importe quoi. üü

 

Mon coéquipier et pote n’a pas l’air de prendre au sérieux les menaces du Vortex. Pourtant, j’espérais que le message de l’équipe de pom-pom girls avait étayé mes propos. De toute évidence, cela l’a encore plus braqué dans ses opinions. Un autre élève sur mon chemin, nous nous sourions alors que nous ne nous sommes jamais croisés.

C’est ainsi que cela fonctionne depuis deux mois. Des inconnus deviennent vos amis, parce que se faire des ennemis au sein du lycée d’Arcadia, c’est synonyme de danger. Sans répondre à Connor, j’envoie un rapide message à Paco pour m’assurer qu’il est bien rentré à la maison. À proximité des vestiaires, je croise un gars de l’équipe en compagnie d’une élève de seconde.

— Hé, Kelly, jolies lunettes, tu les as changées ?

Cet échange me parait trop courtois de la part de Duke, lui qui n’hésitait pas à provoquer Connor la veille. Il se révèle particulièrement de bonne humeur aujourd’hui.

— Non, je les ai depuis trois ans, rétorque sèchement la jeune fille.

Une bouffée d’air s’échappe de mon nez.

— Allez, ne sois pas si fermée, Kel », je suis un mec sympa, pas vrai ?

Sa manière de forcer pour qu’on le trouve gentil me met la puce à l’oreille sur ses intentions. Désormais arrêté pour admirer la scène, je ne réagis pas immédiatement quand Duke me désigne du doigt.

— Tu connais Adan ? C’est un de mes potes, il pourra te confirmer que je ne suis pas quelqu’un d’horrible. Hé, mec !

Je fronce les sourcils et approche précautionneusement. Que peut-il bien se reprocher pour insister à ce point ?

— Salut, Duke, bonjour Kelly.

Celle-ci hoche imperceptiblement de la tête, il est évident qu’elle n’a aucune envie de poursuivre cette discussion. De ce fait, j’empoigne l’épaule de mon coéquipier et l’oriente vers le vestiaire, à deux pas.

— Dis, mon super pote, ça t’intéresse d’aller se taper des palets avant l’entrainement ? Ce serait bête de paraitre nul devant notre amie Kelly.

Bien qu’embêté par mon emprise, Duke affiche un grand sourire.

— Ouais, t’as raison. On se voit plus tard, Kel’ !

Comme prévu, celle-ci ne lui accorde pas le moindre regard et profite de cette ouverture pour s’enfuir à l’autre bout du couloir. Dès qu’elle quitte notre champ de vision, Duke lâche un bruyant soupir et se dégage de ma main, toujours accrochée à son épaule.

— Mec, il faut que tu m’aides avec cette gonzesse.

— Je crois que ce que tu as surtout besoin de t’éloigner d’elle. Tu la fais flipper.

— Arrête, justement, j’essaie de me rattraper. J’ai pas envie de finir comme les deux autres.

Il masque à peine son dégoût à l’évocation de Brice et Eve. Avant que je ne puisse rétorquer quoi que ce soit, des membres de l’équipe nous saluent sur leur passage, nous les suivons, comme si cette discussion n’avait pas eu lieu. Dans les vestiaires, je dépose mon sac de sport devant mon casier et lorgne Duke du coin de l’œil. Il va falloir le surveiller si on ne veut pas perdre un autre gars. Tandis que nous enfilons nos protections dans le vacarme habituel, le coach pénètre dans la pièce et nous jauge à tour de rôle. Son visage est rouge et boursoufflé. On dirait qu’il va exploser d’une seconde à l’autre. La porte s’ouvre dans son dos, je retiens mon souffle quand je reconnais la tête blonde de Connor. D’abord prostré, il se redresse lorsque son regard croise celui de l’entraineur et se remplit d’espoir.

— Coach Foaster ! Vous avez des nouvelles du capitaine ?

L’atmosphère se tend, tout le monde se pose la même question, mais seul l’un d’entre nous a osé prendre la parole. Comment peut-il croire que je ferai un meilleur remplaçant de Brice après ça ? Le principal intéressé tire sur son col pour dégager son cou, il semble s’étouffer dans son polo aux couleurs de l’équipe.

— Va enfiler ta tenue, Wright, bredouille-t-il avant d’élever la voix. Les gars, dans cinq minutes sur le terrain. Celui qui sera en retard méritera de laver vos putains de maillot après le prochain match alors bougez-vous le cul !

Connor le fixe, dans l’attente d’une autre réponse, puis me rejoint quand le coach le contourne pour rallier la glace. Un détail qui ne m’échappe pas, ce sont les marques violacées sous ses yeux.

— Mal dormi ?

Il ne relève même pas la tête et enfouit son visage dans son sac, posé à côté du mien. Vexé qu’il m’ignore de la sorte, je saisis son bras et le force à me confronter. Ma carrure ne lui permet pas de se défaire de mon emprise.

— À moins que tu aies songé à ce que je t’ai raconté hier.

Ses billes brunes le détournent rapidement. Il recule violemment et me dévisage sous les exclamations de nos collègues qui ne remarquent rien.

— Je n’ai aucune idée de quoi tu parles, tu débloques complètement, mec.

Sur ce, il agrippe ses affaires et choisit de se déshabiller à l’autre bout de la pièce. J’inspire et expire profondément, chassant toute cette frustration qu’il me provoque. Qu’est-ce qu’il peut m’énerver à être aussi borné… Désormais prêt à fendre la glace, j’accompagne mes partenaires de jeux dans la salle. Connor me devance pour ne pas se retrouver seul avec moi. Quelque chose cloche avec son comportement, je doute qu’il ne s’agisse que de mes avertissements.

— Il a intérêt à nous expliquer, marmonne une de nos nouvelles recrues.

D’autres acquiescent et surenchérissent. Dans les gradins, le coach Foaster nous toise de sa hauteur. Pourtant, en y regardant bien, la tension et l’anxiété qu’il ressent fusent dans ses veines, à en croire son front couvert de sueur. Quand il constate que nous sommes tous équipés, il descend de son perchoir pour nous affronter.

— Tout d’abord, encore félicitations pour la victoire de vendredi. Ces deux points nous ont hissés tout droit vers le sommet du classement !

Il force sur sa voix dans le but de paraitre sûr de lui. Mais rien qu’à observer les autres, personne n’y croit, encore moins Connor qui croise l’espace de quelques secondes mon regard avant de le fuir.

— Bien, abordons le fameux sujet. Vous avez remarqué comme moi, ainsi que le reste du corps enseignant que Brice a choisi de nous quitter.

De légers murmures de protestation s’élèvent, aussitôt interrompus par le coach.

— Les raisons de son départ nous sont inconnues. La directrice n’a pas souhaité nous les communiquer.

Cette fois, il ne parvient pas à apaiser les manifestations de colère. Chacun y va de son commentaire.

— Calmez-vous, les gars ! réplique-t-il, le poing serré devant lui. Je sais que vous êtes frustrés, je le suis tout autant que vous, mais la saison n’est pas finie ! Nous devons désormais rester numéro un afin d’honorer la mémoire de Brice !

Il en parle comme d’un mort. Le but du Vortex n’est pas d’assassiner les bourreaux, mais plutôt de les réduire au silence.

— Allez, en formation et que ça saute !

— Alors c’est tout ?

La question de Connor cristallise la scène, c’était l’un des seuls à ne pas encore s’être exprimé depuis le début. Tout le monde le regarde, mais il n’oscille pas d’un pouce.

— Des suggestions, Monsieur Wright ?

— On doit se débarrasser du Vortex, coach. Tout comme ils se sont débarrassés de Brice.

Mes yeux se ferment, c’est bien ce que je craignais. Connor a tout compris de travers. Il n’est visiblement pas le seul, car Duke se joint rapidement à son avis.

— Il a raison, pourquoi continuer à jouer alors qu’on risque tous de sauter un à un ?

— Qu’est-ce que tu as Devlin, quelque chose à te reprocher ? Ou tu veux qu’on demande à cette gamine que tu as pelotée vendredi ?

Des rires éclatent, suivis de protestation. Sans m’en rendre compte, je me joins à la cohue générale. Tout ce cirque s’arrête à cause d’un bruit si aigu qu’on doit se boucher les tympans pour ne pas souffrir.

— Silence ! Wright, je suis ravi de voir que malgré votre flegme habituel, le départ de Brice vous touche, mais il n’est pas question de déclarer une guerre contre un ennemi fantôme !

Connor tente de répliquer, mais le coach assène un nouveau de sifflement puis lance le palais sur la piste de glace. Le coup d’envoi est donné, nous enfilons tous nos patins et nous jetons sur le terrain. J’essaie d’épingler mon pote, avant de m’apercevoir qu’il est déjà retourné dans les vestiaires.

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-LF
Posté le 08/05/2021
Le changement de point de vue est classique mais si satisfaisant, car il donne une véritable profondeur au tableau que tu dépeints.

Bon la testostérone est au rendez-vous, comme toujours malheureusement, entre les insultes du coach et les échanges sifflants entre les joueurs.

Malgré tout, c'est vraiment prenant, et l'intérêt pour la suite ne s'essouffle pas.
yuya_muto
Posté le 15/03/2021
Hey ! Tu vas bien?
Devlin, ce nom me dit curieusement quelque chose :p je sens la profonde inspiration d'âme de pureté là-dedans, mais au moins ça permet de situer le personnage (enfin j'imagine que tu as gardé son caract!re)
Connor devrait plus se défendre, mais j'imagine qu'il ne le fait pas à cause du Vortex, Alan m'a l'air louche
Voltage
Posté le 11/02/2021
Salut !
Déjà, je perçois une tension entre Alan et Connor. Ça se voit que Connor veut l'éviter. Seulement, je me demande si c'est en rapport à ce que Cheryl a pu lui dire. C'est d'ailleurs la grosse question que je me pose en lisant ce chapitre : Où se situe-t-il dans le temps ? Est-ce après la visite de Cheryl ? Ou alors biiiien après ?
En tout cas, le fait que le chapitre soit narré par quelqu'un d'autre nous permet d'avoir un autre aperçu de la situation et je trouve ça assez cool ^^ Tu nous as laissés dans le suspens à la fin du chapitre 4 et au lieu de nous donner les réponses qu'on attendaient, au final, on ne sait rien de l'entrevue entre Connor et Cheryl. Ce qui nous fait patauger dans le suspense avec une envie au degré croissant de savoir ce qui se passe !
De mon côté, j'accroche toujours, et j'ai hâte de savoir ce qu'est réellement ce fameux Vortex. Pour l'instant, l'image que j'ai en tête est celle d'un danger, d'une menace, qui peut peser sur n'importe qui.
Loyt
Posté le 28/02/2021
Salut !
Désolée pour l'absence de réponse pendant un moment et merci d'avoir pris le temps de me lire :)
Normalement, du moins de la façon dont je l'ai écrit, les scènes s'enchaînent dans le temps, ce sera signifié quand on retournera dans le passé (et ça n'arrive qu'une fois au cours de l'histoire)
Et il y aura d'autres points de vue également :)
Merci beaucoup !
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