Chapitre 44 - Del

Notes de l’auteur : Bonjour :D On se retrouve enfin pour un chapitre qui n'a pas de conclusion déprimante... petit avertissement pour sang et blessures tout de même. Bonne lecture !

La horde qui soulevait poussière et monticules de terre approchait bien trop vite de la forteresse. Del le savait : ce n’était pas lui et Jin qui seraient capables de repousser ces nouveaux ennemis.

— Il faut qu’on retrouve les…

Kra-boom.

Un pan du mur à leur droite s’écroula, alourdi par le poids de dizaines de tiges vertes qui poussaient à une vitesse anormale, et les deux maegis eurent le même réflexe.

— Lo !

— Erin !

Ils se précipitèrent tous les deux dans la direction de l’éboulement, mais le tumulte des soldats en approche fut assez puissant pour les faire hésiter. Del eut beau les regarder du haut de son chemin de ronde et avec toute la lucidité de sa panique, il n’avait pas la moindre idée de ce que ces choses étaient : créatures telle des Féroces, ou une horde de chasseurs de prime ? Toutes les options étaient plausibles, en cet instant, et aucune ne lui plaisait plus qu’une autre.

— On ne peut pas laisser Sia et Suzette seules ! paniqua Jin.

Del tenta de soulever Suzette pour l’entraîner avec lui à l’intérieur, mais abandonna l’idée presque aussitôt. Même s’il pouvait réussir avec l’aide de sa magie, il ne ferait que l’amener dans une autre zone de bataille, pas la mettre à l’abri. Ils n’étaient pas prêts à se battre, n’avaient nulle part où se cacher, ne pouvaient même pas aider leurs amis et ne savaient pas vraiment non plus qui avait le dessus, à l’intérieur de la forteresse.

Autrement dit, ils étaient dans la merde.

— Qu’est-ce qu’on fait ?

Jin semblait aussi perdue que lui. Elle le regarda sans prononcer un seul son, les bras autour de Sia toujours endormie, puis détourna les yeux pour fixer le nuage de poussière qui grossissait seconde après seconde.

Qu’aurait fait Lo, à sa place ? Quelque chose de très malin, Del n’en doutait pas. N’importe quoi serait déjà un bon début, mais le maegis était paralysé par la peur.

Le nuage de poussière disparut brusquement, et avec lui le grondement sinistre qui avait rempli la vallée. Pendant un bref instant, Del espéra que les assaillants s’étaient retrouvés bloqués à la porte. 

Puis le mur trembla. 

Deux créatures gigantesques surgirent pour retomber de chaque côté du chemin de ronde, leur corps serpentin recouvert d’une armure aux longs pics effilés. Ils se glissèrent jusqu’à eux si vite que Del eut à peine le temps de détailler leur apparence. Il savait juste que ces géants mesuraient le double de sa taille, avaient des crocs acérés, et une lueur carnassière dans le regard. Il recula pour plaquer son dos contre celui de Jin, et déploya sans y penser un bouclier autour d’eux et des deux corbeaux.

— Me mangez pas, me mangez pas, me mangez pas…

Ce n’était pas la supplication la plus maligne ni la plus glorieuse qu’il aurait pu trouver, mais c’était la seule chose qui passa ses lèvres. La dignité, Del s’en passerait pour le moment.

— On ne te mangera pas, si tu me dis où trouver un petit lézard.

Il osa enfin regarder en face le terrifiant soldat et son visage féroce. Il y trouva deux grands yeux bleus, dont la douceur étrangement familière fut immédiatement évincée par les grandes dents pointues de son sourire carnassier. Hors de question qu’il dise à ce type où trouver Sehar ! 

— Qu’est-ce que vous lui voulez ?

— Sauver ses fesses, bien sûr, siffla l’autre créature, qui tenait Jin en joue. Si vous lui avez fait quoi que ce soit, saletés de magos…

— Pas besoin d’être vulgaires, Ressa. Mais elle a raison, si vous avez fait du mal à mon bébé, vous allez le regretter tout le restant de votre misérable vie.

Del fronça les sourcils. Aussi gigantesque que soit la créature, et aussi pointu que soit son sourire, quelque chose clochait. Il était trop terrifié pour mettre le doigt exactement sur ce qui n’allait pas, dans son discours, mais il pouvait tout de même sentir qu’il avait aussi peu envie de se battre que lui.

— Attendez… qui est Sehar pour vous, exactement ?

— Mon bébé, répéta la créature. Mon fils.

Le bouclier de Del s’ébrécha, déstabilisé par la surprise de son mage. C’était son futur beau-père qui le terrifiait autant ? Mais quel idiot !

Et s’il commençait déjà à l’identifier comme son beau-père alors que rien de concret ne s’était encore passé entre lui et le lézard, Del était encore plus fichu qu’il ne le pensait.

— On est dans le même camp ! Je suis le cop… euh, compagnon de route de Sehar.

— Où est-il, alors ?

— Euh…

Del se tourna vers le trou béant dans le plafond, mais avant qu’il ne puisse le pointer, un nouveau tremblement secoua la forteresse, et un second passage s’ouvrit, sur leur gauche cette fois-ci.

Ils l’observèrent, tous les quatre immobiles, tous les quatre indécis. Puis un quadrupède à la fourrure de ténèbres sauta hors du gouffre, et galopa vers eux en poussant des petits cris pour les interpeller.

Si Del était perdu avant, il n’avait désormais plus aucune idée de ce qu’il se passait, désormais. Et l’excitation de l’aventure chassait doucement sa terreur.

— Une biche d’ombre ? s’étonna la dénommée Ressa.

— Ce doit être Sehar qui s’est fait une nouvelle amie ! devina Del, de plus en plus rassuré à chaque seconde.

— Sehar s’est fait des amis ? répéta le père de Sehar avec une fierté non dissimulée.

— On te suit, bichette, conclut Ressa.

Les deux kèvriens filèrent à sa suite, et Del leur emboita presque le pas sans scrupule - mais il ne pouvait pas foncer dans le tas et laisser Jin et les corbeaux en arrière comme ça, quand même !

— Je reste avec Suzette et Sia, l’encouragea Jin d’un geste de la main.

Ah ben si, il pouvait. Elle rendit faiblement son sourire alors qu’il s’élançait vers la brèche, bien trop lentement à son goût. Pour descendre, il s’aida des nombreuses lianes adossées aux murs, et comprit très vite que sans bouclier, il ne survivrait pas longtemps dans ce chaos. Il sut très vite où aller, cependant. Le cri de surprise de Sehar, bien vivant - les immortels soient loués ! - l’aida à trouver son chemin.

— Papa !

Del longea le mur, comprit en un coup d’oeil que Lo et Erin tentaient de contenir des Cauchemars beaucoup moins mignons que la petite biche, et que Ressa avait foncé dans le tas pour aider Zakaria face à un valeni qui semblaient contrôler les créatures. Son optimisme augmenta davantage quand il eut la certitude qu’ils étaient plus nombreux, et qu’ils pouvaient le battre, qui qu’il soit.

Del courut jusqu’à Sehar et son père, et son sourire s’effondra lorsqu’il vit Nodia par terre, inanimée et recouverte de son propre sang.

Non. Elle ne pouvait pas…

— J’ai besoin de ton aide pour un sortilège, petit maegis, ordonna le kévrien.

Del le regarda, yeux écarquillés, et s’agenouilla à ses côtés sans poser davantage de questions. L’horreur des traits de Sehar tordait de la même façon ceux de son père, comme si pour ce dernier, c’était plus qu’une valeni inconnue qui mourrait entre les bras de son fils.

Il n’avait jamais rencontré Nodia, après tout. Mais elle ressemblait beaucoup à sa mère.

— Maintiens mon sortilège vivant. Tu peux faire ça ?

Del acquiesça fébrilement, et suivit le flot de magie qui s’échappa des mains du père de Sehar jusque dans les veines de Nodia. Il sentit la vie s’y accrocher péniblement mais farouchement, la douleur s’endormir sans disparaître. Il posa ses mains sur le ventre de la valeni juste en face de celles du kèvrien, et dès que Del eut reproduit la danse d’énergie du sortilège, le père de Sehar s’écarta pour se ruer dans la bataille, de la fureur dans les yeux.

De là où il était, Del était convaincu que la bataille avait tourné au carnage en un instant.

Surpris par l’arrivée des kévriens, le valeni n’avait plus aucune chance. Del se concentra sur le sortilège, qui lui retirait tout ce qu’il lui restait encore d’énergie - mais puisque la vie de Nodia en dépendait, il ne pouvait pas échouer, sous aucun prétexte. Face à lui, Sehar gardait les yeux rivés sur le visage moribond de sa soeur. Raison de plus pour rester assez fort pour trois, même si Del ne s’en serait jamais senti capable, en temps normal.

Le sol trembla, et un nouveau pan de plafond s’éboula. Del s’attendait au pire - mais lorsqu’il se retourna brièvement pour observer la scène, un rire nerveux s’échappa de ses lèvres. Le valeni qui les avaient attaqué était désormais enfermé dans un cocon de lianes et de boue poussiéreuse, les yeux clos et la tête pendante. 

Est-ce qu’ils l’avaient tué ? C’était vraiment ça qu’ils faisaient, maintenant ?

Ressa attrapa le cocon et le jeta sur son épaule, sur laquelle il paraissait ridiculement minuscule. Le père de Sehar revint vers eux et reprit son sortilège des mains de Del, avant de soulever délicatement Nodia dans ses bras.

— Retournons dehors, suggéra-t-il doucement avec un sourire pour son fils.

Sehar acquiesça, totalement hagard. Fidèle à lui-même malgré sa confusion, il aida Del à regrimper en haut. Erin avait déjà rejoins ses deux soeurs, et Zakaria essayait de tirer de Jin ce qui était arrivé à Suzette, sa vieille amie évanouie désormais dans ses bras. 

Le problème principal, cependant, était Nodia.

— Elle va s’en sortir ? demanda Sehar d’une voix suppliante.

— T’en fais pas, petit lézard, assura Ressa. Elle a pris cher mais rien de vital n’a été touché. Un bon gros somme et s’est réglé.

— Comment vous m’avez retrouvé ? 

— La Doyenne, répondit son père. Elle m’a prêté la capacité à sentir la présence des autres Gardiennes.

Sehar n’avait pas besoin d’en savoir plus, pour le moment. Il laissa son père le cajoler, et Del le comprenait parfaitement. Il y avait tellement de questions sans réponses, de toute façon, que trouver par où commencer lui paraissait parfaitement impossible.

Sauf quand on s’appelait Lo, bien entendu.

— Est-ce que vous avez repéré quelqu’un d’autre, dans la Forteresse ? demanda-t-iel.

— Non. C’est le seul valeni qu’on trouvera ici, constata amèrement Zakaria avec un regard pour leur prisonnier.

Assommé, mais pas mort, comprit soudain Del avec soulagement.

— Alors installons un camp. Les questions, ce sera pour plus tard.

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Nanouchka
Posté le 18/06/2022
OUI, LES RETROUVAILLES !
Ils ont plein de choses à se raconter, en plus.
Adorable que Del s'avance au point de penser beau-père.
J'aurais peut-être aimé plus de description d'actions dans ce chapitre, je l'ai senti très dialogué.
Contente pour Sehar, en tout cas.
AnatoleJ
Posté le 26/06/2022
Le monde se porte toujours mieux avec un papa serpent dans les parages :D
Del s’est mis en mode panique, il brûle les étapes mais personne lui en voudra x)
C’est noté pour le manque de descriptions !
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