Chapitre 43

 Le Ministre à la Cité ouvrit le bal :

« Des familles entières quittent la cité, Sire... Une autre conséquence du Sang d'encre, et pas des moindres. Hier, c'est un professeur émérite qui a déserté notre ville, avec femme et enfants !

– Allons, mon ami, ne sont-ce pas des racontars ? voulu nuancer le Sénéchal, sans grande conviction.

– Ce ne le sont pas, le prince Devlin en personne m'a confié avoir croisé coup sur coup trois familles chargeant leurs biens sur un chariot », répondit à dessein la Ministre aux clefs. Son intervention eut l'effet escompté.

« Devlin ? s'agaça le Roi, Mon fils se promène en ville sans que je ne le sache ? Et c'est à vous qu'il se confie ?

– Le prince se morfond d'ennui Sire, renchérit la Ministre. Vous avez perdu une épouse, certes. Mais vous ne devez pas oublier qu'il a perdu une mère, jeune, et que son père tient le deuil depuis quatre ans déjà. Maintenant qu'Evan est malade, les Chimères n'ont plus d'intérêt que pour son frère et pour l'épidémie... Que voulez-vous qu'il fasse, à qui voulez-vous qu'il parle ? Vous ignorez votre propre fils, sans même vous en rendre compte. » Personne n'osait s'adresser à Saul de cette façon, mais la Ministre ne s'était jamais embarrassée de formalités quand elle se savait dans son bon droit. « Il a seize ans Sire, il est presque un homme, et il a pour seule compagnie quelques archers et des valets qui le craignent. Ainsi, c'est vers moi qu'il est venu confier ce qu'il a vu en ville, et qui, je crois, l'a effrayé.

– Les problèmes de la ville sont de ma compétence, crut bon d'intervenir le Ministre à la Cité, c'est moi qu'il aurait dû...

– Vous le traitez comme un enfant, Messire, et l'auriez sûrement châtié pour cette sortie non autorisée. Allons, Messieurs, Ma Dame, le sujet vous semble peut-être anecdotique mais il ne l'est pas. Le prince Devlin doit être pris en charge. D'autant plus qu'il se peut, – elle jeta un coup d'oeil furieux au Sénéchal – il se peut qu'il soit le futur souverain. »

Cette annonce n'ébranla finalement que le Roi :

« C'est impossible !

– Enfin Sire, reprit la Ministre, le visage fermé, le sujet est trop grave pour que nous nous voilions la face : nous ne savons si Evan va survivre à ce fléau. Son mal nous afflige tous, ici, et vous savez que cela ne sont pas paroles en l'air. Nous l'avons vu grandir, tous, connaissons sa sagesse et sa douceur, ses talents. La question n'est pas là. S'il trépasse, votre successeur deviendra naturellement Devlin. Il n'a certes pas la maturité de son frère, mais c'est un jeune homme intelligent, et courageux. Il...

– Non... ce n'est pas ainsi que... Non. »

Saul posa ses longues mains grises sur la table, et s'apprêta à se lever.

« Sire ! Avant de nous quitter... s'agita le Ministre à la Cité, pour le Sang d'encre, que doit-on faire ? »

Le Roi répondit d'une voix morte, les yeux rivés sur la table :

« Donnez à la jeune fille hirsute tous les moyens qu'il faudra, faire ouvrir le dispensaire au plus vite, et dépêchez de nouveaux messagers au quatre coins du monde, s'il le faut, pour trouver un remède. Rassurez la population.

– Rassurer la population !? Un premier bûcher a été érigé ce matin même, pour brûler les premiers corps, Sire ! » s'étrangla le Ministre, mais son souverain quitta la pièce, plus sombre que jamais.

« Si l'on s'en remet entre les mains de cette sauvageonne, le prince est bien perdu !, éructa l'Intendante, que l'on n'avait pas entendue jusque-là, Savez-vous qui elle a choisi pour commis ? Un saltimbanque ! Un gamin, avec une tignasse comme du feu, et pas plus de jugeote qu'une bique ! »

Dans sa bouche pincée, c'était un juron grossier.

« Elle a rejeté l'offre de Demoiselle de Comborn !

– On m'a aussi dit, dit calmement la Ministre aux clefs, que le prince souffrait moins.

– Elle le drogue... »

La Ministre soupira. Le Roi ne semblait plus en mesure de gouverner. En tant que bras droit, les responsabilités lui incombaient...

« Levons la séance. J'irai visiter cette jeune femme, et interroger le Prince Evan. Tâchez de travailler avec les émissaires des quartiers, Messire, afin de voir avec quelle vitesse l'épidémie s'étend, et s'il faut effectivement envisager mesure plus radicale. Je vais m'occuper personnellement de Devlin, dans un premier temps, puisqu'il a semblé m'accorder sa confiance. Quant à vous, Intendante... La jeune femme a été choisie par le Roi, et elle est la seule forme d'espoir auquel il puisse s'accrocher aujourd'hui. Avec elle, Evan accepte le pavot et la jusquiame. Traitez-la bien, s'il vous plaît, ainsi que ses compagnons, quels qu'ils soient. »

L'Intendante lui jeta un regard torve. Les deux femmes ne s'étaient jamais appréciées. L'Intendante détestait la figure noire de son interlocutrice, qui faisait ressortir le blanc jauni de ses yeux, et la puissance qui se dégageait de sa silhouette menue. Mais elle respectait le protocole par dessus-tout, et s'inclina.

 

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Fannie
Posté le 07/02/2020
Chapitres 42 et 43 :

Maintenant que le prince souffre moins, il se met à parler. C’est une bonne chose, mais pour le moment, il ne nous a pas appris grand-chose. Je n’ai pas l’impression qu’il délire tant que ça ; c’est quelqu’un de rêveur aux idées poétiques, comme ce qu’il raconte sur les oiseaux et les plumes. Olga, en revanche, est très terre à terre ; elle n’a pas la fibre artistique.
Pourquoi le roi ne peut-il pas envisager que son deuxième fils monte sur le trône ? Y aurait-il une autre raison que la présence de son aîné ? (Je commence à me demander si c’est son fils biologique). Mais je comprends qu’il ne veuille pas encore l’envisager. Evan est toujours vivant et lui aussi. Sa succession, c’est encore de la musique d’avenir. C’est aussi difficile de savoir dans quelle mesure le roi ne gouverne plus et dans quelle mesure c’est simplement ce que perçoivent ses ministres.
Coquilles et remarques :
Concernant la présentation des dialogues, que ce soit les tirets et les guillemets ou la disposition des incises et des autres indications « scéniques », j’ai été frappée par son côté fantaisiste. Ce n’est probablement pas une nouveauté, mais dans ce dernier chapitre, ça m’a particulièrement dérangée. Il faudrait que tu te penches sur les règles typographiques de base.
Une deuxième chose m’a frappée, c’est un tic d’écriture : « , et ». D’une part, tu mets une virgule avant « et » de manière quasi systématique, et d’autre part, tu emploies « et » quand tu pourrais recourir à une autre tournure. Dans ces deux derniers chapitres, ces « et » deviennent envahissants.
— A cette heure-là [À]
— Elle lança un grand feu, mit de l'eau à bouillir, et s'assit sur un petit tabouret, les fentes de ses yeux virées aux flammes qui léchaient la culasse en fonte… [pas de virgule avant « et » / les fentes de ses yeux rivées]
— Puis il y avait eut la voix [il y avait eu]
— Elle se leva brusquement en abandonna feu, eau, et projet de bain, et partit [en abandonnant / pas de virgule avant « et » / « puis » à la place du deuxième « et »]
— Olga lui permettait, mieux, de les atténuer en se prêtant à ces expérimentations. [Je ne comprends pas bien ce « mieux » entre deux virgules]
— entre ses mains toutes en os [tout en os ; ici, « tout » a valeur d’adverbe]
— A part les enfants [À]
— et remarqua à nouveau l'écritoire couvert de plumes [couverte ; écritoire est féminin]
— Son regard avait de nouveau fuit vers la fenêtre [avait (…) fui]
— Cessez de parler, vous vous déchirez la peau. » ordonna Olga, et elle s'attela à soigner son visage pour l'y forcer. Le prince obtempéra seulement un temps. [L’incise se limite à « ordonna Olga ». Pour la suite, il faut passer à la ligne ; du coup, le « et » devient inutile.]
— les derniers hommes de la garde étaient en train de se retirer, et valets et soubrettes commençaient à tremper des croûtes [au lieu de « ,et », je propose « alors que » (sans virgule)]
— bien qu'elle ne lui parla pour ainsi dire jamais [parlât ; subjonctif imparfait]
— « Alors, Demoiselle aux pieds-nus [aux pieds nus]
— En effet... Merci Osvald » répondit-elle en saisissant l'écuelle trop pleine à deux mains, perdant toute l'assurance qu'elle déployait devant l'Intendante ou le Sénéchal. Il sourit. Il savait bien qu'un jour elle finirait par dire merci. Alors qu'elle commençait à monter l'escalier, doucement pour ne pas gâcher sa pitance, il lui lança : « Faut se reposer, hein, petite ! Vont faire comment les drôles et les drôlesses si c'est la Demoiselle-qui-guérit qu'est malade, hein ? » [Il faut passer à la ligne à partir de « Il sourit. » et après « il lui lança : »]
— les jeta dans l'âtre éteint, et embouteilla le macérat [pas de virgule avant « et »]
— Le résultat fut peu convaincant, et elle abandonna la graphie pour son repas [je propose « alors » à la place de « et » ; autre possibilité : « Le résultat fut peu convaincant ; elle abandonna donc » / la graphie, c’est l’orthographe ; il faut dire « l’écriture » ou éventuellement « la calligraphie »]
— Etre un oiseau… [Être]
— Et désœuvrée elle ne l'était pas, encore moins princesse. [Il faut une virgule après « désœuvrée ».]
— avec des chatons de saule-blanc, et des tiges de sureau [pas de virgule avant « et »]
.
— Le Ministre à la Cité ouvrit le bal / Des familles entières quittent la cité [Une fois majuscule, une fois minuscule, ce n’est pas très cohérent.]
— Allons, mon ami, ne sont-ce pas des racontars ? voulu nuancer le Sénéchal, sans grande conviction. [voulut / « vouloir faire qqch » n’a rien d’un verbe de parole et suggérer que ce sont des racontars, ce n’est pas nuancer ce qui a été dit ; je propose « insinua » ou « objecta »]
— Ce ne le sont pas, le prince Devlin en personne m'a confié avoir croisé coup sur coup trois familles chargeant leurs biens sur un chariot », répondit à dessein la Ministre aux clefs. Son intervention eut l'effet escompté. [Il faut passer à la ligne après « aux clefs ».]
— « Devlin ? s'agaça le Roi, Mon fils se promène en ville sans que je ne le sache ? [je propose : lança (s’écria) le roi, agacé / il faut un point avant « Mon fils »]
— Ainsi, c'est vers moi qu'il est venu confier ce qu'il a vu en ville, et qui, je crois, l'a effrayé. [Pas de virgule avant « et ».]
— Les problèmes de la ville sont de ma compétence, crut bon d'intervenir le Ministre à la Cité, c'est moi qu'il aurait dû… [L’expression « crut bon d'intervenir » n’a rien d’un verbe de parole et ne doit pas figurer dans une incise ; tu peux mettre « Le ministre à la Cité crut bon d'intervenir : » comme phrase d’introduction à sa réplique ou une incise comme « rappela (ou « signala ») le ministre à la Cité »]
— elle jeta un coup d'oeil furieux [d’œil]
— et vous savez que cela ne sont pas paroles en l'air [« que ce ne sont pas des paroles en l’air » sonnerait nettement mieux...]
— mais c'est un jeune homme intelligent, et courageux [pas de virgule avant « et »]
— Saul posa ses longues mains grises sur la table, et s'apprêta à se lever [pas de virgule avant « et »]
— Donnez à la jeune fille hirsute tous les moyens qu'il faudra, faire ouvrir le dispensaire au plus vite, et dépêchez de nouveaux messagers au quatre coins du monde [faites ouvrir / aux quatre coins]
— Rassurer la population !? Un premier bûcher a été érigé ce matin même, pour brûler les premiers corps, Sire ! » s'étrangla le Ministre, mais son souverain quitta la pièce, plus sombre que jamais. [Si tu mets « alors que » à la place de « mais », la phrase peut rester dans l’incise ; autrement il faut mettre un point et passer à la ligne après « le ministre » et commencer une nouvelle phrase avec « Mais son souverain »]
— le prince est bien perdu !, éructa l'Intendante, que l'on n'avait pas entendue jusque-là, Savez-vous qui elle a choisi pour commis ? [pas de virgule après le point d’exclamation / point après « jusque-là »]
— Un gamin, avec une tignasse comme du feu, et pas plus de jugeote qu'une bique ! [pas de virgule avant « et »]
— J'irai visiter cette jeune femme, et interroger le Prince Evan [« J’irai voir cette jeune femme » ou « J’irai rendre visite à cette jeune femme » / pas de virgule avant « et »]
— afin de voir avec quelle vitesse l'épidémie s'étend, et s'il faut effectivement envisager mesure plus radicale [pas de virgule avant « et » / une mesure]
— L'Intendante lui jeta un regard torve. Les deux femmes ne s'étaient jamais appréciées. L'Intendante détestait la figure noire [Je propose « La première détestait » pour ne pas répéter « L'intendante »]
— Mais elle respectait le protocole par dessus-tout, et s'inclina [par-dessus tout / alors elle s’inclina ; la conjonction « et » ne convient pas dans ce cas]
Isapass
Posté le 27/02/2018
Pas grand chose à dire sur ce chapitre, si ce n'est qu'ils ne ménagent pas le roi et que je trouve ça bien. Il a l'air complètement paumé ce pauvre Saul.
Une répétition de "l'intendante" dans le dernier paragraphe. 
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