Chapitre 4 - Amélie et Julie

Amélie c'est ma meilleure amie, elle travaille en médecine interne avec moi. On est de la même promotion, on partage le goût du shopping et nos histoires d'amour. Nos journées se ressemblent pas mal également. Elles se résument généralement au métro qui me permet de m'approcher aussi rapidement de mon lieu de mon travail que mes pieds l'auraient fait, mais sans les fatiguer c'est pourquoi je choisis cette option. Ensuite je travaille dans cet hôpital bicentenaire où on pose toujours les mêmes questions, « Décrivez-nous à nouveau vos symptômes ainsi que les événements qui vous ont menés ici. », « Êtes-vous sûr de vos affirmations ? », « Pouvez-vous évaluer votre douleur sur une échelle allant de zéro à dix, dix étant la douleur la plus intense que vous ayez ressentie et zéro l'absence totale de douleur ? ». Ces phrases sont longues et en les répétant des milliers de fois par an on finit par se laisser porter par le rythme, la poésie, la prosodie de ces vers incompris. Généralement les gens sont ici, car on ne sait pas ce qu'ils ont et il faut aider des médecins à l'humour graveleux à orienter le patient vers un service adapté.

En sortant du travail c'est la même chose. Les pieds sur la tôle qui vibre, la tête dans les odeurs d'urine et pendant ce temps mes mains pianotent des messages pour Amélie que je n'ai pas croisée, qui comme moi n'a fait que courir, à la différence qu'elle l'a fait dans le secteur voisin. On s'est vues trente minutes, on a mangé en vingt minutes et pris trois cafés brûlants en dix. Je fais mes courses à la supérette, ne dors pas suffisamment quand j'ai les horaires du matin et ronfle tout l'après-midi quand je suis de nuit.

Amélie m'a parlé d'une petite friperie qui venait d'ouvrir à quelques rues. Après mon service et avant de faire les courses, je me décide à faire le chemin pour le plaisir des yeux à défaut d'être sûre de pouvoir m'offrir quelque chose.

Le temps est doux, c'est donc en chemisier et talons que je sors. Les étudiants vivent leur vie sur le campus, ils signalent leur position par leur fumée et parlent sûrement de tout et de rien. Je ne sais pas exactement ce qui me retient ici. Ma famille n'a jamais été très câlins et appels le dimanche, chacun suit sa route et n'échange que les strictes mondanités en faisant mine de s’intéresser aux autres au téléphone pour souhaiter les anniversaires une fois l'an. Je pourrais très bien partir si je savais où aller, là où l'on tiendrait à moi. Ces pensées me traversent de plus en plus régulièrement. Je dois être lasse des vapeurs automobiles et des mendiants unijambistes. Parfois ils sont pianistes, guitaristes ou jongleurs, mais l'emballage ne change guère la douleur de l'accord tacite consistant à les effacer du champ de nos interactions en défilant devant sans dire un mot.

Je veux prendre l'air. Partir dans la campagne, dans un village à taille humaine. Être reconnue et ne pas composer la masse doit être si agréable. J'y rencontrerai peut-être l'homme dont je rêve.

Trouver un prince avec qui convoler faisait partie des souhaits de la petite fille que je ne suis plus. J'ai été trop de fois déçue, et c'est peut-être pour ça que j'ai été si charmée à la vue de cet énergumène. Il n'a pas fait semblant ou cela devait être si maladroitement qu'il en est devenu vrai. Il m'a abordée devant cette vitrine de la rue Rousseau. Ses compliments à base d'astres et de fleurs m'ont intriguée, comment ne pas sourire ? Son regard et ses mots m'étaient adressés, je le sentais. Je suis peut-être naïve, mais je ne pense pas qu'il s'agissait d'un numéro. Un numéro, je me suis surprise à lui demander le sien, ce que je n'ai jamais fait. Après avoir parlé dans un premier temps devant la vitrine puis le long des trottoirs voisins, j'appris qu'il n'en avait pas et me donna rendez-vous pour le lendemain.

Nos rencontres ont animé mon quotidien, ont complété mes horizons, ce qui n'échappa pas à Amélie.

Je lui décris mon drôle de soupirant et elle s'emporta avec moi en enthousiasme et théories. Il devait être fou ou excentrique, dans les deux cas il n'avait d'yeux que pour moi, ce qui je l'avoue enjolivait mes pensées.

Cela fait maintenant quatre mois que nous nous fréquentons et dans quatre jours je serai chez lui. Je dois me préparer pour ce jour.

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