Chapitre 30 : Compagnie

Par Kieren
Notes de l’auteur : J'ai écrit ce chapitre il y a environ 3 ans, je n'aurais peut être pas la même façon de l'aborder maintenant, mais je le trouve très intéressant dans la façon dont il aborde un sujet de notre époque : l'indécision et la difficulté de ne pas faire de faux pas y règnent. Que faut-il penser et de quelle façon ? Dans l'un comme dans l'autre, ce chapitre est important pour la fin de cette histoire. Je vois dirai de ne pas votre d'insulte, mais en même temps, cela symbolise une agression que j'ai vécu pendant des années, moi qui suis trop sensible aux regards des autres.

« Et toi Théo ? » dit Riton « Quand est ce que tu te trouves une petite femme ? Tu fais superbement bien la cuisine, mais tu gardes ta maison dans un de ces bordels ! »

« Justement, si je dois troquer mon cocon pour une femme, je préfère encore vivre seul. »

« Mais tu ne sors de ta baraque que pour étudier tes bestioles dans la forêt. Je veux bien qu'on puisse avoir son jardin secret, mais si ce n'est pas pour le partager avec son amante, je ne vois pas l’intérêt. »

« C'est ça la définition d'un jardin secret : il n'est occupé par personne d'autre que par soi-même. »

« Pourtant tu ne refuserais pas de le montrer si quelqu'un s'y intéressait. »

« Tu sais Riton, j'ai 32 ans, et aucune fille n'a jamais témoigné le moindre intérêt pour mes insectes. Les scarabées, les mille-pattes et les criquets ça n’intéresse personne. Les papillons à la rigueur, mais si c'est pour faire une crise d'angoisse à la vue d'une chenille... »

« Tu ne peux pas leur en vouloir, une bestiole comme ça ne peut pas être qualifiée de ''belle''. Avec leur corps gras qui se dandine mollement sur les feuilles... »

« Tu veux que l'on parle des bébés ? La seule différence avec ce que tu viens de décrire, c'est qu'ils remuent dans des couches pleines de merde. »

« Merci petit ! » lançai-je « Voilà quelqu'un qui a la tête sur les épaules. Un bébé, c'est laid. »

« Mais non mon vieux ! » proclama Riton « Théo est juste contrarié parce que je lui ai dit que les chenilles sont disgracieuses. Allons fils, ne soit pas amer, tu trouveras bien quelqu'un qui partage ta passion. »

« De toutes façons, je ne suis pas seul, et c'est tout ce qui m'importe. »

« Tu parles de Sifil ? Elle finira par te bouffer un jour cette nana. Une fille comme ça, ça prend de la place dans une vie. »

« Hey ! Je te permets pas de parler d'elle comme ça ! C'est mon amie, et elle représente beaucoup pour moi. Est-ce que je critique ta femme, moi ? Est ce que je te fais remarquer qu'elle t'exploite comme un buffle alors qu'elle passe ses journées à jouer les pipelettes avec ses copines ? Non mais sérieusement Riton, comment peux-tu te laisser marcher dessus comme ça ?»

« Il dit vrai, Riton. » rajoutai-je « Je la vois encore aller en ville s'acheter des fruits pendant que tu bosses dans les champs. Au départ je pensais qu'elle allait t'en apporter, mais elle est passée devant toi et elle ne t'a même pas accordé ne serait ce qu'un regard. » Là dessus, Riton souriait toujours mais on pouvait lire la misère dans ses yeux.

« Allons les amis, on dirait que vous n'aimez pas ma Caroline. Elle a de bons côtés vous savez, elle est juste un peu distante. »

« Ouais c'est vrai, elle fait bien à manger. Mais c'est limite si elle te crache pas à la gueule si tu lui demandes de préparer un repas lorsque vous avez des invités. »

« Mais il faut la comprendre, elle en a assez de vivre dans un régime gouverné par les hommes ! Si j'étais à sa place, moi aussi je me rebellerais. »

« Mais elle se trompe d'ennemi là ! » protesta Théo « Je te l'accorde, notre régime méprise les femmes : on les paye moins bien, il y a tout un tas de préjugé sur elles et ce qu'elles sont supposées faire pour leur mari : la cuisine, le ménage ; ce qu'elle fait d'ailleurs ta petite femme, mais est-ce qu'elle serait capable de faire ce que tu fais dans tes champs, fluette comme elle est ? »

« Il lui faudrait un peu plus de muscle sur les épaules, mais oui, une femme peut faire ton boulot Riton. » ajoutai-je, « Mais est ce qu'elle veut ta place ?  Est ce qu'elle t'a déjà proposé de prendre ta place dans les champs et toi sa place dans la cuisine ? »

Riton regardait son fond de verre, évitant nos regards. « ...Elle m'a déjà invité à prendre sa place à la cuisine...mais c'était pour pouvoir rester plus longtemps en ville. »

« Tu vois Riton, elle ne se bat pas pour les femmes, elle utilise le combat des autres pour son propre intérêt. Et le pire, c'est qu'elle ne s'en aperçoit même pas. Elle sait qu'elle est dans le juste. Et rien n'y personne ne pourra lui prouver le contraire.

Il faudrait que tu vives pendant quelques semaines avec une autre femme, elle te serait d'une alliée de taille. »

« Pourquoi ? » demanda Théo, « De deux choses l'une, soit cette nouvelle venue sera une féministe, et elle se rangera du côté de Caroline, soit elle sera plus tranquille et posée, elle prendra le parti de Riton et Caroline la prendra pour une soumise. »

« Ce n'était pas pour ouvrir les yeux de Caroline que je proposais ça » dis-je avec un sourire, « c'était pour que Riton réalise qu'il y a d'autres femmes dans la vie. »

Là dessus, Riton se remplit un autre verre de piquette et lança : « C'est trop tard maintenant, on va avoir un bébé, et ce sera la plus belle chose qui sera au monde ! »

On se regarda un instant avec Théo, et celui-ci lança à l'adresse de Riton : « Mais ta femme, elle n'était pas nécessaire pour ton bébé, tu aurais pu te mettre avec quelqu'un d'autre. Tu l'aimes tant que ça ? »

Là dessus, Riton leva son verre, nous fit un clin d’œil, et but cul-sec.

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