Chapitre 3 — Ben

— Ben... Je peux comprendre que ce soit compliqué pour toi, que ce soit plus simple pour supporter tout ce bordel qui te tombe dessus... Mais là, t'es juste en train d'abandonner qui tu es vraiment. Alors arrête tout ça et reviens voir ta mère...

Un bref baiser sur ma joue et elle quitta mon bureau. Pendant un instant, l'envie de la rattraper et de la retenir me prit. J'avais encore envie de sentir la tendresse de ses lèvres sur les miennes et la douceur de sa peau. J'aurais pu vraiment courir pour l'empêcher de partir.

Mais son regard m'avait clairement montré qu'elle n'était plus encline à me faire revenir dans sa vie. Pas de cette manière. Cet affreux regard. C'était bien loin de la haine, de la peur... juste une profonde tristesse qui la terrassait.

Je repris plusieurs respirations assez longues. Puis j'avalai douloureusement ma salive quand je sentis un claquement de talons aiguilles strident sur le parquet se rapprocher de moi.

En me retournant, j'aperçus Trilla. Pour l'occasion, elle avait attaché son carré en un simple chignon. Aucun cheveu ne dépassait, mis à part une épaisse mèche pour cadrer son visage.

Comme toujours, son visage était dur et ne laissait échapper aucune erreur. Elle avait toujours été extrêmement minutieuse dans chacun de ses gestes. Elle savait qu'elle avait eu trop de faiblesses dans le passé, désormais, elle ne pouvait plus les laisser apparaître. Elle en avait fini par en payer le prix, tout comme moi.

— Elle a essayé de tenter une négociation, je suppose, lâcha-t-elle, un sourire en coin.

— Plus ou moins.

— C'était si... prévisible. Jamais Leia n'aurait mis les pieds ici, mais elle, elle a trop de détermination pour passer à côté de l'occasion.

— Je n'ai pas envie de parler de ça, l'arrêtai-je immédiatement.

— Tant mieux. On a des discussions importantes avec quelques investisseurs à venir... La réputation de Snoke va bientôt ressortir et risque de nous précéder. Il faut qu'on agisse vite et qu'on soit convaincu avant qu'il ne nous condamne depuis sa tombe.

Je passai brièvement une main dans mes cheveux, pas seulement pour me recoiffer, mais aussi pour me remettre les idées en place. Je pris une longue inspiration. Il fallait vraiment que je mette tout ça de côté. Sauf que totalement oublier Rey m'était impossible. Je ne cessai de repenser à ce moment où elle avait refusé ma proposition. Elle m'avait abandonné, d'une certaine manière.

— Très bien, on va s'entretenir avec eux. Il est hors de question que cette pourriture de Snoke nous bousille encore la vie.

Elle m'adressa un sourire sincère. Le genre de sourire qu'elle n'adressait à personne d'autre qu'à moi. D'habitude, elle avait ce masque pour cacher ses plus profondes cicatrices. Sauf en ma présence. Ce n'était pas une connexion comme j'avais avec Rey, mais c'en était tout de même une.

Avec Trilla, ce fut très fort dès le début. Comme un coup de poing. Je commençais tout juste à reprendre l'entreprise de Snoke, à essayer de trouver un moyen de sortir indemne de cette merde. Mais je voyais juste que j'étais condamné, qu'on finirait par me juger hâtivement. Je m'attendais à ce qu'on pourrisse tous mes proches... Alors je me faisais à l'idée de cette nouvelle voie, bien plus sombre.

Puis, elle avait débarqué dans mon bureau, les joues remplies de larmes, les yeux injectés de sang. Elle m'avait exprimé tout son mal-être et toute sa haine pour Snoke, pensant pendant un instant que je n'étais qu'une vulgaire copie.

Une fois qu'elle avait déchargé ses émotions, je compris qu'elle n'était qu'une énième victime. Une personne dont Snoke avait abusé puis avait laissé tomber dans un coin. Il s'était assuré que plus jamais elle ne pourrait retrouver ce qu'elle avait perdu. Isolée de sa famille, elle avait dû se forger une carapace. Mais à la mort de Snoke, elle avait éclaté.

Ce ne fut qu'à notre rencontre que j'avais vu son vrai visage. Cette gamine tout aussi brisée que moi.

Alors, on s'était associé, pour nous sortir de cette merde. Sauf que plus on s'y plongeait, moins on avait le choix d'y sortir. Au moins, on n'était pas seuls dans le même pétrin. Snoke s'était assuré de nous détruire jusqu'au bout, à notre plus grand malheur.

— On ferait mieux d'y retourner, annonçai-je après ce long silence.

Je n'eus le temps de faire qu'un pas avant qu'elle m'arrête, prenant délicatement mon bras.

— Je peux comprendre pourquoi tu as du mal à oublier Rey. Ça a l'air d'être une femme forte et qui ne serait pas intéressé par une femme comme elle ? Si on avait été dans un autre contexte, peut-être que j'aurais essayé de me lier d'amitié à elle... Malheureusement, c'est un peu à contrecœur que je me suis comportée ainsi avec elle.

— Moi aussi, soupirai-je.

Elle relâcha mon bras et nos regards se croisèrent longuement. Pour beaucoup, ç'aurait été le signe évident d'une tension sexuelle et certains faisaient déjà courir le bruit que nous avions couché ensemble. En réalité, aucun d'entre nous n'en avait eu envie. Nous avions eu des milliards d'occasions pour concrétiser, mais rien. Nos désirs sexuels étaient assez restreints, surtout les siens.

Nous avions été brisés à de nombreux niveaux, et même s'ils se rejoignaient en partie, d'autres étaient totalement différents.

— Tu penses qu'on se sortira de tout ce bordel ? lui demandai-je, le regard hagard.

— Probablement, même si ça me paraît assez compliqué jusqu'à maintenant. On va prouver à Snoke qu'il a fait une terrible erreur en nous mettant à la tête de sa maudite entreprise.

À notre plus grand malheur, Snoke s'était bien organisé avant son suicide. Il savait que ce n'était qu'une question de temps avant qu'il se fasse arrêter. Alors il nous avait légué son entreprise et toutes les saloperies qu'elle avait engrangées avec le temps. Peut-être qu'il était prêt à utiliser ce potentiel héritage pour nous intimider, mais il n'en avait pas eu le temps.

Parfois, l'idée qu'il soit encore en vie, caché dans l'ombre pour sortir au moment opportun était suffisant pour troubler mes nuits. Après tout, je l'avais bien vu capable du pire, alors pourquoi simuler une mort ne serait pas dans ses cordes ?

Un dernier sourire et on retourna dans le salon, là où se trouvaient nos invités. Nombreux étaient des employés, d'autres des investisseurs. Beaucoup d'entre eux baignaient dans de sales affaires. Des affaires où Snoke les avait aidés. Des affaires où j'avais participé sans m'en rendre compte.

Pendant un instant, mon regard croisa celui d'Armie. Il avait beau s'être pointé à la soirée, nous ne nous étions pas adressé la parole depuis le début des festivités. Enfin, depuis un bon bout de temps à vrai dire. J'étais devenu son supérieur avec toutes ces histoires. Il était évident qu'il était encore en contact avec Rey... Peut-être même qu'il passait tous ses vendredis soirs dans le bar avec elle, en compagnie de leurs amis communs.

Mon cœur sauta secrètement un battement. Parce que Rey me manquait terriblement. Et parfois, je me demandais aussi qu'est-ce que je foutais dans cette situation...

Pourquoi n'avais-je pas tout abandonné, quitte à prendre cher au début ?

Sauf qu'au fond de moi, il y avait toujours cette boule qui me paralysait. Cette chose qui m'empêchait d'y voir clair et qui me donnait l'impression d'agir comme une autre personne. Comme si c'était plus simple.

Comment avais-je pu en arriver là ?

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ManonSeguin
Posté le 23/10/2020
J'hésite entre vouloir le secouer, l'arracher à tout ça ou le laisser plonger pour voir jusqu'où cette histoire est capable d'aller...Patience est de mise ._. C'est terrible !
MissRedInHell
Posté le 23/10/2020
Et oui ! Il va falloir attendre pour voir tout le bordel que j'ai mis en place hé hé ! :D
Même si je suis beaucoup plus soft dans cette histoire que dans d'autres x')
Jess Swann
Posté le 20/10/2020
Ah intriguant, comment Snoke a-t-il pu s'y prendre pour le piéger à ce point ? Et je maintiens que Rey a abandonné trop vite... Armie pourrait peut-être aider ?
MissRedInHell
Posté le 21/10/2020
Héhé, ça va être détaillé petit à petit tout ça ! Mais ça va être le gros bordel ! :D

En même temps, Rey est complètement perdue, la pauvre petite :(
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