Chapitre 25

La légende des Fatas et des Sangs-mêlés - Canto 3

Éternelles insatisfaites, les Fatas ne se contentèrent bientôt plus des bijoux et des ortolans. Elles voulurent les hommes. Délaissant les diamants sertis d'argent, elles envièrent dorénavant ceux que le désir allumaient dans les yeux des femmes humaines. Elles voulurent connaître la sensation des étreintes et de l'amour, partager leur couche et leur odeur. Les hommes seraient leur nouvelle conquête, et pour cela, nul besoin de grands sortilèges.

En effet, rien ne fut plus facile que de charmer leurs proies. Leur beauté, nous l'avons dit, était éclatante, leur peau une neige immaculée. Et, si besoin était, elles avaient la faculté de changer d'aspect à leur guise, et dominer ainsi le cœur le plus sec ou le plus incorruptible. Des amants fous abandonnèrent leur bien-aimée dans la nuit ; des pères en oublièrent leur progéniture ; des jeunes femmes quittèrent leurs villes et leurs amis pour se jeter dans les bras voraces des Fatas. Celui-ci les aime petites et rousses ? Elles seraient petites et rousses. Lui ne jure que par les yeux clairs et les formes voluptueuses ? Elles seraient voluptueuses, et leurs iris aigue-marine.

Des vies, des villages entiers en furent bouleversés. Et ceux qui déjà se méfiaient de ces belles fées cupides n'en furent que confortés dans leur idée. Les Fatas ne seraient jamais amies des hommes. Elles resteraient ogresses, sirènes, accaparant le moindre objet de désir dans leurs filets, qui retournerait brisé à la mer dés lors qu'elles n'en voudraient plus. Ceux-ci purent mettre en garde leurs pairs contre l'évidence et conjurer tout leur saoul, les yeux dorés et la magie opéraient toujours, et les amants s'enivraient de l'odeur inimitable des chevelures de leurs belles. Parfois, un pauvre bougre était séduit par deux Fatas. Il en devenait fou, s'arrachait la peau et se fracassait sur les montagnes. A l'inverse, quand une Fata se lassait de son amant usé – comme les humains vieillissaient vite ! – elle l'abandonnait sans préavis. Les plus charitables les tuaient, puisqu'à partir de cet instant, ils ne désiraient plus que la mort.

Et gare à qui les rejetait ! Ce fut rare, mais c'eut lieu. On ne donnait alors pas cher de ceux qui refusèrent la couche d'une fée. La proposition n'était jamais négociable. Beaucoup tentèrent de fuir leur pays, mais n'en réchappaient pas. En trois bonds, la furie rattrapait sa victime et l'anéantissait. D'autres se brûlèrent le visage, dans l'espoir de devenir repoussants à leurs yeux. Le stratagème n'était pas plus efficace : le mal était fait, et la vengeance gouvernait le cœur de la belle. La seule chance de salut de ces hommes et de ces femmes résidait dans l'indolence de leur prétendante, quand la paresse prenait le pas sur leur susceptibilité. Mais le plus souvent, les Fatas éconduites lavaient l'affront dans des morts sanglantes. L'être désiré entre leurs griffes, elle s'en amusait avec la cruauté du chat sur le lézard, inventant mille tortures raffinées. En cela, leur imagination n'avait rien à envier à celles des plus grands artistes.

Mais hormis les quelques humains lucides qui surent à leur dépens qu'aimer ou être aimé d'une Fata était un jeu dangereux, de nombreux couples se nouèrent, le temps d'une lune, ou deux. Ces amours passionnés ne furent pas sans conséquences. Intriguées, des fées virent leur ventre et leur poitrine gonfler. Elles découvrirent la douleur de l'enfantement, et que la vie ne se créait pas forcément d'un arbre ou d'une pierre.

Ainsi apparurent les premiers Sang-Mêlés.

 

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Fannie
Posté le 02/02/2020
Chapitres 24 et 25 :

Le fait qu’Ilse demande que Ruth puisse être du voyage parce qu’elle sent que cette dernière a envie de revoir le val de son enfance plutôt que parce qu’elle a besoin d’elle la fait monter dans mon estime. Elle est donc capable de sensibilité et elle n’est pas profondément égocentrique. Apparemment, le chemin est dangereux. Quand on voit ce qui est arrivé à Ruth, on s’étonne que le père d’Ilse ne l’ait pas forcée à s’encorder. A-t-il si peu d’autorité ?
Plus on en apprend sur les fatas, plus je comprends que les gens n’aiment pas en parler. En effet, elles sont égoïstes, cruelles, vindicatives, et surtout incapables d’aimer et de respecter la liberté des humains.
Et j’ai la réponse à la question que j’ai posée dans un précédant commentaire ; il y a des hybrides : les Sang-Mêlés.
Coquilles et remarques :
— Que porte-on là-bas Ruth ? [porte-t-on / virgule avant « Ruth »]
— Et ce n'était pas faute de demander à son père [d’avoir demandé ; il faut marquer l’antériorité]
— Mais cette fois, lui avait-il-dit [avait-il dit]
— on pouvait envisager qu'elle voyagea en sa compagnie [« qu’elle voyageât » ou « qu’elle voyage » ; il faut un subjonctif]
— dés qu'il y eu suffisamment de lumière [dès / qu’il y eut]
— leurs crevasses recelaient nombres de secrets [nombre de]
— pour guider les chevaux de Ruth et de Ilse [d’Ilse]
— au dessus de la bien-nommée fosse [au-dessus de / la bien nommée]
— Timoteus aurait souhaité qu'il en fut de même / pour que Ruth fut admise [« fût » les deux fois ; subjonctif imparfait]
— Autant Ilse n'avait sut feindre la déception [n’avait su]
.
— elles envièrent dorénavant ceux que le désir allumaient dans les yeux des femmes humaines [allumait / ne serait-ce pas plutôt « ceux qui allumaient le désir dans les yeux des femmes humaines » ?]
— accaparant le moindre objet de désir dans leurs filets, qui retournerait brisé à la mer dés lors qu'elles n'en voudraient plus. [Je propose : « accaparant dans leurs filets le moindre objet de désir » / dès lors]
— Ceux-ci purent mettre en garde leurs pairs [Ceux qui les évitaient, peut-être ?]
— A l'inverse, quand une Fata se lassait [À]
— On ne donnait alors pas cher de ceux qui refusèrent la couche d'une fée [qui refusaient]
— humains lucides qui surent à leur dépens [leurs]
— Elles découvrirent la douleur de l'enfantement, et que la vie ne se créait pas forcément d'un arbre ou d'une pierre. [Tu ne peux pas ajouter à un même verbe deux COD de nature différente, un groupe nominal et une proposition. Je propose : « Elles découvrirent la douleur de l'enfantement et comprirent que la vie ne se créait pas forcément d'un arbre ou d'une pierre. »]
Jowie
Posté le 11/09/2019
Quel chapitre fabuleux, il est tout en poésie, ensorcelant et on lit, rempli de nostalgie pour ce genre de conte ! Elles sont terribles, ces fées, ces espèces de sirènes de la terre, qui désirent ce qu'on les humains mais s'en lassent si vite ! Elles sont cruelles et fascinantes en même temps. J'aime bien le fait que leur désir leur "retombe" dessus quand elles découvrent que oui, effectivement, elles peuvent tomber enceintes ! Je me demande qui pourraient être ces Sang-Mêlés et à quoi ils ressemblent !

Petite remarque:
dés lors -> dès lors
Isapass
Posté le 17/01/2018
Très très envoûtant ce troisième canto ! Poétique, effrayant, inéluctable... Je trouve ça très bien de le balancer comme ça, sans introduction : on sait bien maintenant que c'est Follet qui raconte, et c'est bien plus prenant comme ça.
On sent bien les furies qu'elles étaient, les fatas !
Et les deux dernières phrases m'ont tiré un petit frisson, même si je voyais venir le truc. 
Remarques :  
"elles envièrent dorénavant ceux que le désir allumaient dans les yeux des femmes humaines. Elles voulurent connaître la sensation des étreintes et de l'amour, partager leur couche et leur odeur. " : alors là, il y a un problème avec le pronom "leur", parce que tu viens de parler des femmes, et pas des hommes. On dirait que c'est la couche des femmes, que les fatas veulent partager. Alors je ne juge pas, hein, mais c'est contredit dans la phrase suivante.
"Elles resteraient ogresses, sirènes, accaparant le moindre objet de désir dans leurs filets, qui retournerait brisé à la mer dés lors qu'elles n'en voudraient plus." : pareil, on dirait que c'est les filets qui retourneraient à la mer.   
Ceux-ci purent mettre en garde leurs pairs contre l'évidence et conjurer tout leur saoul,  : euh... qui "ceux-ci" ? (enfin j'ai compris l'idée mais le "ceux-ci" tombe un peu comme un cheveu sur la soupe)
Olga la Banshee
Posté le 17/01/2018
Je relis tes commentaires attentivement car je suis en phase de correction, et je suis toujours épatée par ton oeil de lynx ! Là, sur ta dernière remarque, je ne comprenais même pas ce que j'avais voulu dire ahahah
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