CHAPITRE 25

1.

Quelques minutes ont suffi pour que Greg soit menotté et emporté dans une voiture de police. Arrêté et soustrait à sa vie - à cause des mensonges de Carol, une femme à qui il n’a rien fait, à part être le proche parent de l’homme qu’elle convoite, et aussi une femme vexée, une femme qui veut avoir le dernier mot dans une conversation à laquelle elle n’était pas conviée.

La colère m’envahit, alimentée par un sentiment d’impuissance. Si je pouvais, si ça pouvait résoudre la situation, je lui présenterais une de mes amies, une certaine Veronika. Veronika pourrait à présent être exposée dans un musée, mais elle n’a rien perdu de son tranchant, j’y ai veillé. Veronika a fait la guerre avec moi, la dernière guerre mondiale. Et j’ai même réussi à la retrouver à mon retour de Buchenwald. Guillain a aussi de bons côtés.

Plonger sans hésitation Veronika à cet endroit précis du cœur de Carol, la voir s’effondrer, voilà une vision consolante. Mais le temps n’est pas aux visions.

Le téléphone en main, je respire profondément pour que le calme irrigue toute ma personne. Mes mains tremblent mais ma voix est stable quand je m’adresse à Katherine qui a aussitôt décroché.

- Ici Max, dis-je. Greg a été…

- La police est venue ?

- Oui. Et…

- Ils lui ont posé des questions ?

- Ils l’ont arrêté.

- Arrêté ?!

- Oui, ils lui ont passé les menottes et lu ses droits. Et ils l’ont emmené.

Elle reste silencieuse un court instant.

- Je vais appeler son avocate, dit-elle. Il va certainement demander sa présence, mais il faut qu’elle intervienne aussi vite que possible. Ils ont dit où ils l’emmenaient ?

- Non. Et je n’ai même pas pensé à demander.

- Vous avez bien fait de ne poser aucune question, Max. Je me disais qu’ils avaient peut-être donné une indication d’eux-mêmes. Je vais raccrocher pour appeler Jennifer. Son avocate. Merci de m’avoir prévenue.

 

2.

Des murs jaune pâle peints récemment, des plantes vertes, des espaces clairs, séparés par des cloisons en verre, une salle d’attente qui comprend non seulement de nombreux sièges mais aussi des distributeurs automatiques de boissons et snacks... On peut l’affirmer : des efforts ont été faits pour que le commissariat central de Tacoma ne soit pas trop rébarbatif pour le public.

Pour le moment, Katherine et moi sommes seules dans la salle d’attente. Deux jeunes hommes étaient là à notre arrivée, mais après un coup de fil, ils ont quitté les lieux. Ce lundi après-midi de juillet ne semble pas un moment très riche en crimes et activités policières.

Katherine est sombre. Elle voudrait que toute la famille soit là, attendant des nouvelles de Greg, et montrant un soutien tangible par sa présence. Elle comptait en particulier sur Jackson et Barbara. Une journaliste qui traque ce qui arrive à un prévenu offre une visibilité protectrice. Ils sont en route mais leur arrivée n’est pas imminente :  ils se trouvaient au bord de l'océan pour un petit séjour romantique, à deux heures de Tacoma.

Quand Katherine m’a appelée pour m’informer du lieu ou Greg était retenu et serait interrogé, elle a apprécié que je décide aussitôt de l’y rejoindre. Elle a recommandé que je m’habille “de façon professionnelle”. “Comme si vous alliez travailler”. Je ne suis allée travailler nulle part depuis mon arrivée à Tacoma. Je ne suis pas équipée.

De fait, elle me demande, en regardant avec une petite moue ma jupe claire et mon T-shirt, si je n’ai vraiment pas de tailleur ou d’ensemble un peu élégant ? Apparemment, ma veste de toile n’est pas à la hauteur.

- Bon… soupire Katherine. Si j’avais su, je vous aurais dit d’aller piocher parmi mes affaires. Nous avons à peu près la même taille.

- Vous êtes plus mince que moi, Katherine… Je ferais craquer vos vêtements à toutes les coutures.

- Vous avez des épaules plus carrées, c’est vrai…

Je n’imagine pas un instant faire mon choix parmi les tenues de la Reine de Haute Egypte, surtout en son absence.

- Ce n’est sans doute pas trop grave, déclare-t-elle. Personne n’en tirera de conclusion, vous n'êtes pas Afro-Americaine.

Je la regarde sans comprendre. Elle voit ma perplexité.

- J’ai appris à mes enfants à toujours s’habiller avec beaucoup de soin. Impeccables. Pourquoi ? Parce que, dans le regard du monde qui nous entoure, nous sommes immédiatement assimilés aux travailleurs les moins qualifiés, à moins que nous ne prouvions le contraire. Et les vêtements aident à prouver le contraire. Un T-shirt le weekend ? Pourquoi pas. Mais alors il doit être repassé et parfaitement propre.

Instinctivement, je tire sur celui que je porte pour qu’il semble moins froissé.

- C’est quelque chose que j’ai toujours su, ajoute-t-elle. Et ma vie professionnelle n’a fait que me le confirmer. Par exemple, j'étais au Barreau depuis peu, assistante d’un avocat criminel, c’était avant que je n’entre à Boeing, je suis retournée au bureau en fin de journée après une journée impossible où j’avais fait des prouesses pour accomplir une liste invraisemblable de missions. Je n'étais plus impeccable mais je ne m’en suis pas souciée. Pas très bien coiffée, mes vêtements un peu fripés… Eh bien, les agents de sécurité m’ont pris pour la femme de ménage et ont menacé d’appeler la police parce que j’avais osé m’asseoir derrière mon bureau et regardé parmi mes papiers. Il a fallu que j’appelle mon patron pour qu’il leur parle, puisqu’apparemment mes diplômes sur les murs et mon permis de conduire faisant foi de mon identité ne suffisaient pas pour confirmer mes dires.

Elle hausse les épaules avec fatalisme.

- C’est un exemple - je me suis trouvée dans des situations similaires plus d’une fois - et je ne suis pas la seule. Ça ne vous concerne pas directement, en fait. Mais gardez ça à l’esprit pour Greg. Il a vécu en prison si longtemps, il peut ne plus se rendre compte de la façon dont les choses se passent, à l'extérieur…

J'apprécie qu’elle envisage un avenir où Greg serait libre alors que la prison à vie le menace. Son téléphone sonne. Elle répond aussitôt - je comprends que c’est Jennifer, l’avocate de Greg.

- Pourquoi n'êtes-vous pas ici ? s'étonne Katherine. QUOI ?? C’est impossible, Jennifer ! Je lui avais dit… il savait parfaitement de ne pas…  S’il vous plaît, venez de toutes façons. Il a besoin de vous à ses côtés, même s’il ne s’en rend pas compte…

Le coup de fil ne se conclut pas de la façon dont Katherine le souhaiterait et, bien que la conversation soit restée courtoise jusqu’au dernier mot, elle jette avec dépit son téléphone au sol. Elle se tourne vers moi.

- Est-ce vous qui avez dit à Greg de parler à la police sans attendre son avocate ? demande-t-elle, furieuse. Il a accepté que l’interrogatoire ait lieu sans elle ! Du coup, elle ne vient pas !

- Bien sûr que non, Katherine ! Je suis incapable de donner des conseils juridiques à qui que ce soit, voyons !

- Mais alors qu’est-ce qu’il lui prend ? Pourquoi fait-il ça ?

Katherine est tellement outrée qu’elle a du mal à reprendre son souffle. Je la regarde du coin de l’œil. Elle semble au bord du malaise.  

- Il ne voulait pas d’avocat après la mort de ce garçon, dit-elle à mi-voix, autant pour elle que pour moi. Mais cette fois, c’est différent ! Cette fois, c’est complètement différent… il est innocent… Il est innocent ?

Elle me jette un regard de côté.

- Oui, Katherine, oui, il est innocent ! j'étais avec lui toute la nuit où il est censé avoir battu Carol. Il s’est endormi près de moi, et je suis restée éveillée jusqu’au petit matin. Elle dit qu’il est venu vers minuit ! Il ne m’a pas quittée un seul instant !

- Alors… c’est une sorte de masochisme… il veut encore expier… Je ne sais pas… je ne sais pas si je supporterai de le voir repartir en prison pour une longue peine une deuxième fois… Nous commençons juste à mieux nous connaître…

Je pose ma main sur la sienne, mais elle se dégage doucement. Je sais pourtant que le même désespoir nous traverse.

Ne avertas faciem tuam a puero tuo Domine; quoniam tribulor, velociter exaudi me[1].

 

3.

Jackson et Barbara sont arrivés, et bien que nous en soyons exactement au même point, j'apprécie leur présence. Barbara a expliqué à Katherine la façon dont Greg s’est interposé entre Tanner et l’homme au pavé. Katherine, à qui Jackson avait raconté l'incident, apprécie d’entendre un récit direct. Elle pose des questions précises, veut connaître tous les détails.

Pendant ce temps-là, Jackson va s’entretenir avec la jeune policière qui est à la réception, et elle le voit approcher avec un large sourire : elle se trouve être une fan de JAM et a assisté à sa dernière représentation au Comedy Club. Ils discutent, on les entend rire, puis parler plus sérieusement. Quand il revient s’asseoir avec nous, il nous apprend que plusieurs policiers sont en train d’interroger Greg, la jeune femme a entendu d’autres personnes arriver, dont un policier venu d’un service différent qui était attendu impatiemment. Carol a été appelée et va aussi venir. Tous ces gens arrivent par une autre entrée qui passe par les sous-sols, c’est pourquoi nous ne voyons aucune allée et venue.

Nous échangeons des regards perplexes. Katherine craint que le nombre d’interlocuteurs désoriente Greg et qu’il fasse des aveux qui ne correspondent à rien.

- Si seulement Jennifer était avec lui… soupire-t-elle.

- Attends, relève Jackson, il ne va pas avouer quelque chose qu’il n’a pas fait!

- Tu serais surpris du nombre de gens qui s’accusent de crimes qu’ils n’ont pas commis ! réplique-t-elle, irritée. Ils ne se rendent parfois même pas compte de ce qu’ils disent, on leur dit d’imaginer “en théorie” comment ils procèderaient pour commettre le crime, et les voilà en train de raconter des événements qui n’ont jamais eu lieu ! Tu montres ce genre de vidéos à des jurés et tu les convaincs ! C’est pour ça qu’il faut avoir son avocat près de soi, on est tous suggestibles d’une façon ou d’une autre !

- Katherine a raison, intervient Barbara. C’est un phénomène qui commence à être bien connu.

Deux heures s'écoulent. Sur leurs iPads respectifs, Barbara écrit un article, Jackson griffonne quelque chose sur l’écran - on le voit articuler des répliques silencieusement avant de se pencher sur la surface tactile, Katherine lit des articles juridiques. Moi, les yeux mi-clos, j’essaie d’entrer télépathiquement en contact avec ma petite Sainte, pardon ma Familière. Elle se manifeste seulement quand elle le veut bien, je n’ai aucune influence sur sa présence, mais ça me soulage d’essayer. Je sens mon téléphone vibrer. Je m’attends presque à ce que ce soit Emilie à l’appareil, prête à me tancer vertement pour tenter de lui faire signe hors des canaux autorisés. Mais ce n’est pas un appel, c’est un texte, qui provient d’un numéro commençant par 010… c’est le Japon. Akira vient de m’envoyer un SMS, juste deux mots. “Tu viens ?”

En quelques mots, j’envoie un SMS en retour, expliquant où je suis et pourquoi. Non, je ne peux pas sauter dans un avion et le rejoindre au Japon demain. Mais je viendrai vite. Il était au courant des menaces de Carol et saisit tout de suite la situation. Je mentionne ma rencontre avec Guillain. Il répond par un smiley qui fait une grimace. La dernière fois qu’il l’a vu, c’était à Paris dans l'immédiate après-guerre, quand il m’a emmenée avec lui pour me refaire une santé de retour de Buchenwald. Quelle joie de le voir, je vivais cachée dans l’appartement de Guillain après ma “mort” à l'hôpital. Recroquevillée sur un divan dans une petite chambre qui servait de débarras, où Guillain ne venait que pour m’apporter un peu de bouillon, j'étais incapable de tenir debout mais j’ai tendu les bras vers Akira, trop émaciée et dépourvue d'énergie pour sourire mais si soulagée qu’il soit là. Il m’a soulevée et, me portant dans ses bras, est parti sur le champ sans un mot pour Guillain qui venait de lui ouvrir et se tenait encore près de la porte d'entrée.

“J’ai d’autres choses à te dire, annonce-t-il, je t’appelle plus tard.” Le visage de Libby me revient en mémoire. Moi aussi, j’ai des choses à lui dire. Je me demande s’il a eu l’occasion de la rencontrer ?

Soudain, nous entendons des bruits de voix provenant des couloirs, tout un groupe approche. J’entends même… quelqu’un rire ? Et Greg ! Il est là, au milieu de ces hommes et femmes en civil, six en tout. Il n’a pas de menottes ! Et… il sourit. Ce sourire me dit tout ce que je veux savoir, ce sourire me bouleverse, et alors que je m'étais levée comme mes compagnons en attente, mes jambes tremblent et je m’assois à nouveau.

Greg serre la main des policiers et se dirige vers nous, toujours souriant.

- Je suis libre ! dit-il simplement. Vous êtes vraiment gentils de m’avoir attendu !

- Pourquoi !! interroge Katherine, d’une voix tendue, presque en larmes. Pourquoi n’as-tu pas laissé Jennifer t’assister !

Greg regarde sa mère, surpris.

- Mais ce n’était pas la peine ! Tu allais payer une somme folle pour sa présence alors que ce n’était pas la peine !

- C’est toujours la peine !

Jackson intervient.

- Alors, tu es libre, ça veut dire, les poursuites… ?

- Poursuites abandonnées, Carol arrêtée.

Des onomatopées diverses émanent de notre petit groupe. Le visage de Greg s’assombrit.

- J’avoue, ça ne me réjouit pas plus que ça. Elle doit en baver. Les premières heures de détention sont si difficiles. Ils m’ont demandé si j’allais porter plainte contre elle, sur le moment j’ai dit oui, mais maintenant, je me demande si cette arrestation ne sera pas une leçon suffisante.

Nouvelles onomatopées, cette fois dans le registre de la colère. Katherine attrape le col de la chemise de son fils.

- Elle nous a fait du mal à tous, pas seulement à toi. Tu sais quelle journée j’ai passée ici, sachant en plus que tu avais STUPIDEMENT refusé d'être assisté par un avocat ?

Greg regarde sa mère, alarmé par son intensité. Elle poursuit sur un ton plus bas.

- Si tu ne portes pas plainte contre elle, moi je le ferai. Je l’ai accueillie pendant des années dans ma maison comme si elle était ma fille ! Et elle se retourne contre l’un des miens ? Elle regrettera que ce ne soit pas toi, en face, je peux te le dire !

J’approuve chacune des paroles de Katherine. Ma rage contre Carol n’a pas diminué.

- Pourrais-je me joindre à votre plainte ? dis-je.

Greg se tourne vers moi, saisi. Katherine acquiesce.

- On devrait tous agir, en fait. Toute la famille.

Greg prend sa respiration pour intervenir, mais reste silencieux. Il semble désorienté par notre colère, mais visiblement ne sait pas exactement comment y répondre. Jackson intervient, entourant notre petit groupe de ses bras.

- Bon, on est tous un peu sur les nerfs… Et si on quittait le commissariat ? Allons manger un morceau quelque part - vous, je ne sais pas, mais moi j’ai faim ! Et quand même, l’essentiel, c’est de savoir ce qui s’est passé pour que Greg arrive avec des menottes et reparte avec des enquêteurs qui lui font la bise et lui demandent des autographes !

Nous approuvons et rions, Katherine, le visage encore contrarié, ne peut s'empêcher de sourire. L’effet Jackson…

 

4.

Un grand dragon doré me regarde, dans un cadre accroché sur le mur qui me fait face. J’ai toujours aimé les dragons. En Extrême-Orient, ils sont souvent représentés comme des créatures immenses, souvent un peu dégingandés, le regard pas toujours très affuté, comme s’ils se demandaient s’ils sont capables de pouvoir cracher du feu d’une façon qui ne soit pas fortuite. Bref, les dragons sont très humains. D’ailleurs, selon la tradition, le dragon est le seul animal chimérique qui ait répondu à l’appel de l’Empereur de Chine pour devenir un de ses gardes. Le fait que le rat, le buffle, le tigre et le lièvre l’aient battu à l’arrivée, en dépit de ses ailes et de ses pouvoirs, montre bien que le dragon, malgré tous ses talents, a un problème de performance. Ça le rend sympathique.

Nous sommes dans un restaurant chinois, qui, comme tous les lieux où l’on peut s’attabler pour un repas aux USA, reste ouvert l'après-midi pour accueillir des clients qui déjeunent très tard ou au contraire viennent dîner à l’heure du goûter. En revanche, on trouve peu d'établissements ouverts après 21h.

Je flotte sur un nuage euphorique. Greg m’a raconté en voiture les circonstances qui l’ont sauvé de ces accusations et je suis heureuse. La vérité a illuminé cette enquête tôt et complètement… Justice a été rendue si vite. J’ai beau savoir que Carol sera rapidement en liberté (ses parents vivent dans l’aisance et vont se précipiter pour payer la caution) c’est très satisfaisant de voir l’innocent libre, ce soir, passant commande de poulet aigre-doux, riz cantonnais et thé au jasmin entouré de ceux qui l’aiment.

- Alors, presse Jackson. Raconte-nous ! Qu’est-ce qui s’est passé pendant cet interrogatoire ?

Greg sourit et explique enfin. A son arrivée au commissariat, il entendait bien ne pas ouvrir la bouche avant que Jennifer n’arrive, quand un des interrogateurs résuma ce qu’on lui reprochait.

Carol n’avait pas fait que reprendre les accusations précédentes sur sa prétendue visite violente dans la nuit du 4 juillet. Elle avait ajouté qu’il l’avait agressée à nouveau dans la nuit de samedi à dimanche. A l’heure où nous rendions visite à Amy lundi matin, elle se confiait à une policière compatissante. Abattue et pâle, un certificat médical à la main, elle précisait que Greg avait menacé de revenir une nuit prochaine et “d’en finir avec elle”.  Compte tenu de ses antécédents, cette menace fut prise très au sérieux et c’est ainsi que, dans l’heure qui suivait, Greg était arrêté devant mon garage.

- Quand ils m’ont dit que j’avais agressé Carol cette nuit-là, j’ai eu l’impression que mon ange gardien me tendait un cadeau inouï…

Jackson et Barbara échangent un regard, Katherine se penche vers son fils aîné avec intensité. C’est Barbara qui comprend la première. Samedi, elle était avec nous, elle a été bousculée, gazée, griffée… comme nous ! Et elle a cherché Greg ensuite, tout comme moi.

- La nuit de samedi à dimanche… tu étais à TG, non ?

- Oui, j’y ai passé la nuit, Tanner à mon chevet. Il m’a déposé à la maison au petit matin. Donc… j’avais des témoins qui pouvaient établir où j’étais toute la nuit. Et par ailleurs, Carol n’a mentionné à aucun moment que j’avais ce pansement.

Nos plats arrivent et nous commençons à dévorer. Entre deux bouchées, Greg explique que Tanner a été contacté.

- Il a été impeccable. Les enquêteurs ont appelé TG pour préciser le moment où le pansement avait été posé, et confirmer les déclarations de Tanner. En fait, la policière qui avait reçu la plainte ce matin et avait tout mis en branle voulait avoir l’absolue certitude que je disais la vérité.

Il se tait quelques instants pour continuer à manger.

- Pauvre Carol, sourit Jackson. Elle a vraiment choisi la mauvaise nuit pour planter sa grande scène tragique !

Greg prend son temps pour boire une tasse du thé au jasmin, une façon de faire une pause.

- Oui, Dieu soit loué.

- Alors, que s’est-il passé quand Carol est arrivée ? demande Katherine qui a à peine touché à son assiette.

- Jill, la policière qui l’avait reçue ce matin, l’a accueillie et conduite dans une des salles d’interrogation. Elle lui a parlé comme si… en fait, comme si elle faisait des confidences, par amitié. Elle lui a dit à mi-voix qu’il s'avérait que j’avais un alibi cette nuit-là, et qu’en plus, Carol ne m’avait pas décrit avec ce pansement, qu’on ne peut pas manquer. “Ça n’a pas dû se passer exactement comme vous le dites, mais je vois bien votre émotion, votre colère, ce que vous dites est vrai à un autre niveau… dites-moi ce qui est arrivé, dites-moi la vérité... Vous pouvez tout me dire. “ Carol a d’abord été déconfite puis, et ça montre sa candeur, au milieu de tous ses mensonges, elle a tout avoué ! Ce qu’elle appelle mon infidélité, l’email qu’elle a lu en utilisant mon mot de passe, et qu’il fallait que je paie ! Jill était livide. Ce genre de plainte mensongère jette le doute sur toutes les autres. Bref, Carol s’est retrouvée en état d’arrestation aussi vite que je l’ai été quelques heures plus tôt.

- J’ai le nom d’une bonne avocate si elle a la bonté de ne pas considérer qu’elle est au-dessus de ce genre de broutilles, grince Katherine.

Greg entoure les épaules de sa mère et la serre affectueusement contre lui.  

- Mamaaaan…. Je veux garder Jennifer comme avocate ! Cette affaire n’est pas finie… mais avec l’alibi en béton que j’avais cette nuit-là, pourquoi la faire venir à grands frais ?

 

5.

Que c’est bon d'être de retour à la maison avec Greg… Nous nous embrassons dès que nous sortons de voiture, alors que nous sommes encore dans le garage. Nous partageons une sorte de long murmure, “j’ai eu si peur’’ “ne plus jamais te voir en liberté” “je savais que tu étais toute proche” “la peur qu’on t'emmène loin de moi” “ça m’aidait tellement” ”ne plus être séparés” “si peur…”

Nous entrons dans la maison, Greg cherche les chats, embrasse son chaton, puis après quelques minutes se tourne vers moi, décidé à reprendre le cours d’une journée normale.

- Tu voulais faire des courses ?

- Non, plus jamais. Je ne veux plus jamais sortir de la maison. Je veux rester dans notre lit, avec toi, pendant des jours et des jours, pour toujours.

- OK. Faisons ça. Mais on devra quand même se lever pour nourrir les chats.

- Ce sera mon seul compromis. Les chats.

 

[1] Ne cache pas ton visage à ton serviteur. [Eternel] Je suis dans la détresse : réponds-moi vite! (Psaume 69)

 

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Edouard PArle
Posté le 25/07/2022
Coucou !
Ahah belle chute ! J'ai bien apprécié que Greg ne veuille pas que Carol se retrouve en prison, je trouve que ça correspond bien au personnage, d'autant qu'il a l'expérience de la prison.
On est content de voir les choses se résoudre, Carol punie et Greg libre. Après, je rejoins Yannick pour dire que ça se résout un peu facilement, même si certes, ça traînait depuis un bout de temps^^
Je me demande quels seront les enjeux maintenant que Greg ne semble plus menacer. Les protagonistes seront-ils encore en danger ? Il reste encore une paire de chapitre, il faut maintenir l'intérêt. Je suis curieux de voir ce que tu vas faire.
Sinon, toujours sympa d'avoir Akira, même si ce n'est que pas messages^^
Rien sur la forme,
A bientôt !
annececile
Posté le 26/07/2022
C'est vrai que le denouement vient rapidement, mais comme Greg et Max ont deja longuement imagine ce qui risquait d'arriver en cas d'arrestation, j'ai pense que c'etait le moment de passer a la suite, avec Greg libre et non en prison. Les evenements qui viennent de se passer auront leur importance par la suite, ceci dit.

"Il reste encore une paire de chapitre" je ne suis pas sure de te comprendre, la. J'ai poste 34 chapitres pour le moment, il y en a encore 8 que tu n'as pas lus. Et j'espere que l'interet sera maintenu, en effet. :-) Dis-le moi sans fard si ce n'est pas le cas !
Merci de ton commentaire ! A bientot !
Edouard PArle
Posté le 26/07/2022
Oui, c'est ce que je voulais dire : il reste encore pas mal de chapitres donc il faut maintenir l'intérêt !
De mon côté, j'ai beaucoup accroché aux personnages donc ça ne devrait pas poser de problèmes^^
annececile
Posté le 26/07/2022
Influence de la langue anglaise, je suppose : j'ai compris que tu disais "une paire" comme on dit "a couple of chapters" donc deux ! Merci de la precision ! :-)
Edouard PArle
Posté le 26/07/2022
C'est le genre d'expressions qui sont plus claires à l'oral xD
Yannick
Posté le 24/01/2021
Salut!
C'est toujours très agréable à lire et on connait bien les personnages maintenant, donc facile de reprendre l'histoire en cours. Je trouve le style impeccable et à la fois personnel, typique, bref on reconnait ta plume.

Sur l'histoire, je crois que j'avais déjà eu le même sentiment dans un chapitre précédent: tout se résout trop vite pour moi. J'aime bien quand les personnages sont en souffrance, quand on se demande comment ils vont s'en tirer, ou même est-ce qu'ils vont s'en tirer?! Je trouve que ce dénouement est un peu trop rapide, même si je suppose que ce n'est pas le fil principal de l'histoire.
J'attend la suite!
Zoju
Posté le 24/12/2020
Salut ! J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce chapitre. Après la fin du précédent, on se demandait vraiment ce qu'il allait arriver à Greg. Tu nous laisses durant tout le chapitre dans l'incertitude et c'est le soulagement à la fin.

Honnêtement, je ne m'attendais pas à ce que cela se termine de cette manière, même si on l'espérait. Carol a eu le juste revirement des choses et c'est satisfaisant de voir que ses mensonges se soient retournés contre elle. On comprend aisément que Katherine veuille porter plainte. Greg quant à lui ne semble pas voir l'utilité, même s'il l'a souhaité au départ le faire. S'il hésite, Carol, elle était prête à le faire. Greg a eu beaucoup de chance. En tout cas, tu as bien retranscrit l'angoisse de Max et Katherine. C'était contagieux. J'ai peut-être moins senti ça chez Jackson, mais on voyait bien quand il parlait avec la policière qu'il était lui aussi inquiet.

Si j'avais juste une petite remarque, ce serait à propos de la partie avec Akira. C'était intéressant, mais je trouvais que la mention de Guillain tombait un peu étrangement. En tout cas, je suis curieuse de savoir ce qu'il a à lui dire.

Pour le reste, c'est un bon chapitre qui se lit toujours aussi facilement. C'est toujours un plaisir de retrouver ton histoire et on y retourne sans problème. Hâte de connaitre la suite ! :-)
annececile
Posté le 24/12/2020
Merci de ton commentaire, toujours tres precieux! Je vais relire en pensant a tes remarques. C'est vrai que j'ai parfois des choses du passe a glisser dans le recit au present, mais il faut que ca ait l'air de couler de source! Merci encore.
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