Chapitre 24 : Le Craqueur Rouge

Par Kieren

Ce qui frappait immédiatement dans la demeure de Théo, c'était le bruit et la verdure. Partout, on entendait les grillons qui jouaient à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit.

Dans toute la maison poussaient des fleurs magnifiques et exotiques, que ce soit sur les murs, les meubles, le parquet, le plafond et même sur les lampes.

Et les papillons. Les papillons, comme les mantes religieuses, étaient les seuls insectes en liberté, contrairement aux autres qui étaient logés dans des terrariums, et il y en avait partout.

Ils volaient devant nous, se posaient sur le bout du nez du Gamin, colonisaient la tignasse de Théo mais restaient quand même éloignés de la Gamine.

Des fissures étaient apparues là où les plantes se créaient un passage vers l'extérieur. Mais les papillons recouvraient tout cela de manière esthétique.

"Le plafond bat de l'aile" comme disait le maître de maison.

 

Théo était un jeune homme noir de 28 ans avec une coupe afro. Il avait le sourire facile et sincère, et ses dents avaient toutes une teintes dorée et brillante. Il l'expliquait par son régime alimentaire riche en miel. Il était difficile de savoir s'il plaisantait.

Il portait souvent des jeans rouges et des chemises rafistolées avec d'autres chemises. Il ressemblait en somme à un arlequin avec une garde robe assez variée. Un brave type, un peu timide et réservé mais c'était quelqu'un de bien. Si on lui demandait quelque chose qui restait dans ses cordes, il aidait.

 

« Il faudra que je te remplace la seringue que tu as utilisée pour la Gamine, ou au moins que je te la rembourse. » lui dis-je. En nous servant le thé, il secouait la tête et déclara :

« Tu m'as apporté bien plus que je ne pourrais te rendre. Aussi bien en terme de services que de fournitures pour ma maison. Et je ne parle même pas des espèces que tu m'as rapporté lors de tes voyages ! » Il souleva la tête et prit délicatement un papillon dans sa main. « Regarde, tu te souviens de celui-ci ? Tu me l'as rapporté alors que je n'avais que 15 ans ! »

 

Il s'agissait d'un insecte d'une beauté rare : son corps et ses ailes étaient recouverts de rayures bleues, noires et blanches, comme les vagues de l'océan lors d'une nuit de pleine lune; alors que le dessous des ailes était d'un rouge écarlate.

J'en avais ramené des souvenirs, mais je me rappelais de celui-ci. Certaines nuits sont plus paisibles que d'autres.

 

« Il vient du Costa Rica, c'est bien ça ? »

« Exacte, j'ai cherché dans des vieux livres et j'ai trouvé son nom : Hamadryas Amphinome. Chouette bestiole, elle se reproduit bien. »

« Quelle est l'importance de lui donner un nom aussi compliqué ? » cracha la Gamine en s'agrippant le bras. Manquer de s'étouffer ne l'avait pas rendu plus aimable.

Théo parut décontenancé par l'attitude de la chieuse, mais il se reprit et lui servit une tasse de thé.

« C'est vrai qu'il a un nom compliqué, alors qu'on peut l'appeler aussi "le Craqueur Rouge." »

« Pourquoi le Craqueur ? » lui demandais-je.

« Car il se nourrit de noix de coco. Ils vivent en groupe sur les palmiers et s'agglutinent sur le fruit. Après ils se mettent à taper contre la coque avec leur trompe jusqu'à ce qu'un trou se forme. Et alors ils sucent l'eau cachée à l'intérieur de la noix. » Cela me fit sourire.

« C'est vrai ces conneries ? » lui demandai-je.

« Peut être » me répondit-il en haussant les épaules, « je n'ai jamais eu de palmiers ni de noix de coco, je ne peux pas savoir si ce que je viens d'inventer est véridique. » Il détourna le regard vers le papillon qui venait de décoller de sa main. « Après tout, un peu de légende ne fait pas de mal. »

« C'est rien que des conneries ! » siffla la peste. Je voulais lui en retourner une mais Théo me devança et répondit doucement :

« Bois ton thé petit fille, ça diminuera la douleur de ton bras. »

 

Elle lui lança un regard haineux en buvant une grande rasade du liquide doré. Et d'un seul coup, ses yeux s'ouvrirent et son visage exprima pour la première fois le ravissement.

« Mais... C'est délicieux ! » Elle quitta la tasse des yeux et me regarda. "Vieux Gamin, vous devez boire ça. C'est chaud, c'est sucré, c'est tellement bon ! » Elle s'arrêta et se précipita vers le salon. "Il faut que j'en donne à mon frère !"

 

Je la suivis du regard, impressionné par la transformation, elle m'a même vouvoyé !

« Tu lui as mis de l'ecstasy dans son thé ? »

 Le regard navré que Théo me lança me dit que non.

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