Chapitre 23 : Premier contact

Par Kieren

Arrogante. Si fière d'elle. Évidemment cela lui joua des tours.

Elle avait volé à des esprits bien plus vieux qu'elle. Elle devait payer.

Les imagos se matérialisèrent l'après-midi même, sous la forme d'une abeille au corps noir et doré, brillant comme de l'onyx serti d'or. Grosse comme mon pouce.

 

La Gamine ne se méfia de rien et laissa l'insecte se poser sur son monticule de pièces. Puis un autre, puis trois, puis sept, puis quinze, puis quarante, puis cent !

 

On évacua la cabane, la Gamine s'était faite piquer au bras et celui-ci avait doublé de volume.

Même elle, qui restait impassible en toutes circonstances, avait le visage déchiré par la douleur.

Son frère sur mes épaules, on se dirigea à la rivière pour la plonger dans l'eau froide et appliquer des herbes médicinales contre sa blessure.

 

Seulement, il ne s'agissait pas de n'importe quelle piqûre. Il ne s'agissait pas d'une abeille ordinaire. Cela aurait été trop simple sinon.

Rien ne marchait, son bras restait écarlate et continuait de grossir à une vitesse alarmante.

 

« Il faut aller voir Théo ! C'est notre spécialiste des insectes. Une abeille attiré par l'argent reste une abeille. Il saura quoi faire. »

 

En se rapprochant du village, je vis la fillette se crisper de douleur et devenir hésitante.

« Tu as peur Gamine ? »

« De quoi veux-tu que je sois effrayé Vieux Croûton ? J'ai bien trop mal pour avoir peur » siffla t-elle entre ses dents.

« C'est la première fois que tu viens au village de jour, tu vas rencontrer beaucoup de gens d'un seul coup. Cela peut être terrifiant.» Elle me lança un regard noir et me cracha à la figure :

« Je n'ai pas peur des gens. Je les hais, c'est tout. »

« ...Même ceux que tu ne connais pas ? »

« Ils sont tous pareils de toutes façons : laids, cupides, profiteurs, perfides, malsains. Pourquoi devrais-je les connaître alors que je sais déjà ce qu'ils sont ? »

Ma première pensée alla vers Riton, et je me rendis compte qu'elle irritait passablement.

« Il est vraiment temps que tu sortes toi, ce sont les conneries que tu racontes qui sont malsaines. »

« Fermez la Vieux Rat ! » me hurla t-elle au visage. « Vous ne savez rien ! »

 

Et là, sa colère et la douleur la fit craquer, et elle finit par pleurer. Puis elle toussa et cracha et hurla et siffla.

 

Elle mit alors sa main à la gorge. Surprise, tenta de prendre une bouffée d'air, et siffla encore.

Son cou était rouge et gonflé, de plus en plus.

 

Je la pris sous mon bras et je courus jusqu'à la maison de Théo. Entre temps je traversai le village de part en part et ainsi j'alertai tout le monde qu'il se passait quelque chose.

 

Théo s'était installé dans une énorme maison en bois au bord du village, le toit en paille était couvert d'éoliennes.

Je manquai de fracasser sa porte pour le prévenir mais il arriva suffisamment vite.

Il ouvrit la bouche pour dire bonjour, puis il vit la fille qui s'étouffait dans mes bras.

« Oh mon Dieu ! Vite ! Dépose-la sur la table, je vais lui faire une piqûre d'adrénaline. Ça la dégonflera. »

Je m'exécutai. La table était recouverte de plantes entrain de sécher et d'un grand coup de bras, tout se retrouva par terre.

Je déposai le Gamin sur un canapé plus loin, et me dit qu'on aurait pu les y mettre tous les deux.

Aucune importance.

 

Théo revient avec une seringue qu'il plongea dans la cuisse de la fille. Cette dernière s'efforça de respirer le plus fort possible pour faire passer un petit filet d'air au travers de sa gorge. Puis, elle siffla de moins en moins et recommença à inspirer normalement. La panique quitta peu à peu son visage et elle me regarda dans les yeux, toujours sous le choc. Elle se mit alors en boule et fondit en larme devant nous.

 

Théo la fixa quelques secondes et décréta :

« Bon, et si on prenait un thé au miel maintenant que la crise est passée ? »

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