Chapitre 13 : Oh bah ça alors, des pièges !

Par Zephirs

Il était clair qu’Ashley voyait autrement ses premières heures en Egypte. Certains faisaient une croisière sur le Nil, d’autres une visite du désert à dos de chameau, mais elle, c’était plutôt escalade en compagnie d’un gosse bizarre les emmenant vers un piège mortel.

Sam ne broncha pas lorsque, arrivé à la façade ouest, le petit guide annonça qu’ils devaient grimper la moitié de la pyramide. En revanche, Ashley se sentit défaillir.

Soixante-dix mètres à monter pour en plus mourir à la clé ? Non merci !

Le regard appuyé de son compagnon lui fit vite comprendre qu’il n’y avait pas d’autres options.

Tout en bougonnant, Ashley gravit les blocs à leur suite, même si ses doigts éprouvaient une certaine difficulté à agripper leur pierre brûlante. Le garçon se déplaçait avec une agilité surprenante. Chacune de ses prises semblait la meilleure possible et lui permettait une ascension simple et rapide. Même le Chasseur peinait à tenir la distance, et Ashley ne l’aidait pas.

Son escapade nocturne avait laissé des traces pires encore qu’elle ne pensait. En à peine quelques minutes, elle se retrouva épuisée et endolorie si bien que sa vitesse de croisière frisait celle d’une grand-mère qui chercherait à monter un escalier sur les mains.

Quand ils arrivèrent enfin, ce fut tout deux à bout de souffle. Sam ne parvenait plus à le dissimuler. Cela devait sûrement avoir un rapport avec le fait qu’il ait dû porter une mystérieuse personne sur son dos.

Rien ne distinguait l’endroit d’un autre niveau de la pyramide. En tout cas, ce fut la conclusion de la journaliste après un rapide tour sur elle-même. Son regard eut beau examiner les millions de pierres environnantes, aucun monstre ou piège ne semblait prêt à s’activer pour les trucider. La seule chose qui la perturbait fut l’attention particulière qu’attribuait Samuel à un simple point sur un bloc. Ce même point était fui par les yeux de leur guide, comme s’il craignait de prendre feu au moindre contact visuel.

Une grande concentration fut nécessaire à Ashley pour apercevoir le défaut présent sur la roche. Haut de seulement un centimètre, la petite fissure resplendissait d’une lueur anormale. Une lueur qui lui donnait l’irrésistible envie de l’effleurer du bout des doigts.

Le Chasseur stoppa net son mouvement.

— N’y touche pas.

Son bras vint se placer devant son bassin pour la faire reculer, comme s’ils faisaient face à une bombe.

— C’est une illusion de catégorie neuf.

L’homme au long manteau gris-noir remonta ses manches, positionna ses deux mains face à lui et s’écria :

— Par Isis, grande magicienne, j’invoque la puissance divine. Que ma héka défasse cette tromperie, et par cette prière, que ce qui fut caché soit révélé.

Le résultat ne se fit pas attendre. Alors qu’Ashley se demandait encore ce que signifiait une « illusion de catégorie neuf », les pierres devant eux se distordirent pour creuser un passage dans l’édifice et révéler le scarabée doré peint sur le seuil de l’entrée. La lumière du jour le fit resplendir de plus bel. Aussitôt, les torches surplombant le coléoptère s’embrasèrent dans un crépitement surnaturel.

La galerie s’enfonçait profondément dans la pyramide. Les flammes avaient beau danser sur leurs présentoirs, l’épaisse obscurité restait impénétrable, si bien qu’Ashley devint plus méfiante qu’elle ne l’était déjà.

S’il n’y a pas un truc magique dans le coin, je suis la petite sirène.

Un tapotement régulier la tira de ses pensées.

Les sourcils froncés, les bras croisés, l’analyse fut brève : l’enfant n’était pas du tout impressionné. Il était même impatient, comme s’il attendait que deux pigeons s’empressent de s’engouffrer dans une ribambelle de pièges à sa place.

Cet étrange comportement n’intéressait pas Samuel, trop absorbé par l’analyse sous différents angles d’une des torches. Ses reflets verts l’intriguaient autant qu’ils le fascinaient.

Subitement, il en décrocha une et s’engagea dans l’embrasure.

— Ash, on y va.

La jeune femme lui emboîta le pas mais leur guide resta immobile, ce qui ne fut pas pour lui déplaire. Le plafond devenait de plus en plus bas, les obligeant à courber le dos pour ne pas se cogner.

— Sam, c'est quoi la vraie nature de ce gosse ?

L’écho rendit ses chuchotements plus audibles qu’elle ne le souhaitait.

— Ce n’est pas important. Tant qu’on lui sera utile, il ne tentera rien contre nous.

Un frisson parcourut la colonne vertébrale d’Ashley. Elle se retourna, le garçon n’était plus là. Quand la jeune femme voulut tapoter l’épaule de son compagnon pour le prévenir, rien ne vint arrêter sa main.

— Sam ! siffla-t-elle en tournant brusquement la tête.

Le Chasseur, un peu plus loin, avançait lentement comme s’il marchait sur des œufs. Lorsqu’il entendit son nom, un grognement émana de sa gorge.

— Il n’est plus là.

Ses pas résonnèrent, se mouvèrent rapidement pour le rattraper. Le calme olympien qui émanait de son partenaire l’énervait autant qu’elle l’admirait.

— Tu penses que le gamin pourrait être l’ombre qui a tenté de m’attaquer dans la forêt ?

Sa tête se secoua sans arrêter sa prudente avancée, son flambeau placé loin devant son torse.

— Non, je connais cet enfant. Je l’ai déjà vu avant la fusion, quand j’étais encore uniquement Samuel Waren.

Il marqua un temps de pause durant lequel sa torche vint survoler le sol à la recherche d’un quelconque piège.

— Avant, j’étais archéologue. J’ai participé à une expédition en Egypte en 1862 dont le but était de découvrir les secrets cachés des pyramides, et notamment, ceux de la pyramide de Khéops. Ce même gamin était là pour nous accueillir d’une manière très semblable, enfin à une différence près.

Sam passa sa main libre sur les parois.

— Laisse-moi deviner… il ne vous a pas emmené à cet endroit ?

Le Chasseur s’arrêta, sa paume venait de frôler ce à quoi il s’attendait.

— Exactement.

Une explosion de lumière les aveugla un cours instant. Le sol devint parfaitement plat, la lueur se stabilisa. Ils étaient au bout du couloir, face à un mur qui ondulait sous l’effet d’une force invisible. De petites particules blanches s’en échappaient, donnant l’irrésistible envie de le toucher.

— Le couloir infini, un grand classique !

Ashley se retourna et sursauta aussitôt. Il n’y avait plus rien, mis à part l’abîme qui tournait lentement à vingt mètres en dessous d’eux, tel un trou noir.

— Contente-toi de ne pas tomber dedans, anticipa Sam.

— Oh, vraiment ?

Heureusement qu’aucun détecteur de sarcasmes n’était branché dans le coin.

Après au moment de réflexion, pendant lequel Samuel sortit sa pierre, Ashley se décida à poser quelques-unes des deux mille questions qui trottaient dans sa tête :

— On est où ? Pourquoi tu as sorti ta pierre que maintenant alors qu’elle nous éclaire cent cinquante-trois fois plus que ta torche bizarre ?

Pour toute réponse, le Chasseur se gratta la tête avant d’effleurer de son flambeau la surface ondulante.

— Sam !

Sa voix se répercuta en écho jusqu’à faire trembler les parois. Le concerné, agacé, se retourna avant d’écarter les bras pour désigner les lieux.

— Nous sommes dans l’une des très, très nombreuses couches de cette pyramide.

La journaliste prit soudainement conscience que les murs comme le plafond avaient disparu. L’anomalie, elle, était toujours là. Sa substance frétillait sous la forme de petits cercles dans une boucle reposante. La blancheur la gagnait, lui donnait davantage l’apparence d’un nuage que d’une paroi.

— Les mages égyptiens de l’ancien temps étaient de véritables maîtres dans l’art des pièges.

Ashley sursauta, un morceau du sol venait de se décrocher à proximité de leur position.

— Exposer un objet magique aussi puissant que ma pierre aurait déclenché n’importe quel détecteur de magie à moins de vingt mètres, et nous aurait fait goûter par la même occasion au piège le plus proche.

Samuel sourit, le regard plein d’amusement.

— Ai-je précisé que les mages égyptiens étaient maîtres dans l’art des pièges ?

Ashley souffla sur la mèche devant ses yeux, puis se retourna pour contempler le précipice.

— Je rêve ou ça t’amuserait presque ?

Le Chasseur se recentra sur son étrange brume, après quoi il la toucha de son index.

— Ce n’est pas la première fois que je fais la visite « approfondie » d’une pyramide.

Il brandit sa torche, puis la lança à travers la substance. La flamme verte disparut à l’intérieur dans un son cristallin.

— C’est dangereux. Très dangereux même. Mais la salle du trésor abrite peut-être le Catalyseur et… je dois avouer que déjouer tous les pièges sur le chemin offre un certain challenge !

De nouvelles parties se détachèrent du sol, rétrécissant davantage la plateforme. Ashley haussa des épaules, comme pour indiquer que ce n’était pas faux. Ses genoux se fléchirent. D’un œil inquiet, elle examina le rebord jusqu’à ce que Sam se racle bruyamment la gorge :

— Je sens que ça va pas te plaire.

Ashley pivota immédiatement la tête vers son ami :

— Qu’est-ce qu’il y a ?

Le Chasseur fit de même.

— Nous sommes dans un piège.

D’autres morceaux de pierre se détachèrent.

— Oh, c’est pas vrai ? Et on fait comment pour ne pas mourir ?

— On fonce dans un autre piège.

Ashley se redressa sèchement, puis ouvrit grand les yeux.

— C’est une plaisanterie ?

À en croire la main qui passa dans ses cheveux ainsi que son air désolé, cela n’en était pas une.

— Je dois dire que je m’attendais à un niveau de sécurité élevé, je n’ai repéré le point de magie que maintenant alors que la pyramide a quelque quatre mille cinq-cents ans, mais je pensais que les sorts avaient suffisamment perdu en puissance pour que nous puissions nous introduire dans la chambre du roi sans trop de soucis. Il semblerait que je me sois trompé.

D’autres bouts s’arrachèrent à quelques mètres de leurs pieds. La structure s’ébranlait, aspirée par les abysses en contrebas. Un bruit inquiétant s’échappa du portail alors que celui-ci rapetissait et grossissait de manière préoccupante.

— Sam, on fait quoi ? paniqua Ashley.

L’équilibre n’était plus vraiment au rendez-vous, si bien qu’ils risquaient de basculer d’un moment à l’autre dans le vide.

Le Chasseur saisit un de ses poignets.

— Une fuite en avant.

Il l’entraîna avec lui dans la brume.

Tout devint flou. Une désagréable impression de tournoyer dans les airs lui donnait des nausées. De l’acide semblait flotter autour d’elle et rongeait sa peau dans de terribles brûlures.

L’instant dura une éternité. Était-ce ça le nouveau piège ? À peine cette idée lui effleura l’esprit qu’une surface solide rentra en contact avec son dos. Ses yeux clignèrent plusieurs fois d’affilés pour tenter de traiter sa nouvelle position, sans grand succès.

Une masse grogna à côté d’elle, remua, puis poussa des jurons envers les mages égyptiens, la magie et le sable. Ashley grogna à son tour en se redressant avant de passer ses doigts sur sa peau, comme pour vérifier qu’elle était encore là.

— C’était quoi ça ?

Ils avaient atterri dans une salle carrée haute de plafond. Une petite boite brillait faiblement en son centre, miraculeusement épargnée par les millions de grains de sable présents de part et d’autre de la pièce.

— Un portail instable.

Samuel se leva, puis balaya les grains accrochés à son manteau.

— Au moins, on est en vie.

Le plafond s’affaissa de quelques centimètres dans un bruit sourd. Malgré la perturbation de ses sens et quelques douleurs aux côtes, Ashley trouva la force de se remettre sur pied.

Un nouvel abaissement fit pleuvoir du sable sur leurs têtes, sauf que cette fois, le plafond ne s’arrêta pas. Ce ne fut que d’une voix tressaillante qu’elle parvint à sortir quelques mots, comme si la perspective de finir en crêpe ne la séduisait pas :

— Et maintenant ?

Le Chasseur réagit au quart de tour. Après s’être équipé de Prison, il fonça vers le mur le plus proche, et examina les rebords du plafond qui approchait dangereusement.

— Allez ma jolie, où es-tu ?

La blondinette, pour sa part, préféra se précipiter sur la boite. Si elle se fiait aux dizaines de films parlant de tombeaux et de pièges semblables, leur seul moyen de survivre avait un rapport avec celle-ci.

— Sam, qu’est-ce tu fais ? Vient m’aider à trouver la solution !

Samuel soupira.

— C’est une diversion. Les Égyptiens étaient bien trop intelligents pour mettre la « solution » à leur piège dans un truc aussi évident.

Il commença à longer le mur, les yeux toujours braqués sur la pierre qui avançait inexorablement sur eux.

— Oh, génial, vociféra Ashley sans retenue.

Le revers de sa main droite fit virevolter le couvercle, et lui permit d’admirer le vide absolu que renfermait la boite.

— Je ne sais pas si tu es au courant, mais passer en une version deux dimensions de ma personne ne m’intéresse pas.

— Je sais, répliqua le Chasseur entre deux sautillements.

Son épée raclait le mur à la recherche d’une encoche invisible.

— Sapristi, allez rentre !

Un déclic s’enclencha à l’exact moment où Prison s’enfonça dans le mur. Le plafond s’arrêta. Les lèvres de Samuel s’étirèrent aussitôt en un sourire satisfait.

— Tu vois Ash, je te l’avais dit que…

La boite devint si lumineuse qu’Ashley, toujours accroupie à ses rebords, tomba à la renverse. Prison fut projetée dans un sifflement qui passa très près des deux compagnons avant que la roche au-dessus de leurs têtes ne reprenne son chemin. Il semblait n’y avoir qu’une différence : la détermination du plafond à les écraser encore plus rapidement.

— Sam, je ne crois pas avoir demandé de mourir plus vite.

Les pupilles plus dilatées que d’ordinaire tout en se mordant les lèvres, Samuel se précipita à son épée en peinant à cacher le tremblement de ses mains.

— Sapristi ! J’ai dû actionner le mauvais interrupteur.

Ses pieds se plantèrent dans le sol et il se pencha pour ramasser son arme.

Lentement, sa tête pivota.

— À moins que…

L’esprit embrumé, le Chasseur mordilla avec plus d’ardeur ses lèvres tandis qu’une cascade de sable lui tombait sur les épaules. Sous le regard à la fois furieux et paniqué d’Ashley, il s’avança vers la boite, mais la jeune femme décida d’aller à sa rencontre et...

— Aie !

Malgré le brouhaha de la roche en marche pour broyer leurs os, la gifle résonna dans toute la salle.

L’homme au long manteau gris-noir secoua la tête, la joue rouge, comme tiré de transe.

— Je pense qu’il y a eu un transfert de magie vers la boite.

Au moins, ça l’avait rendu un peu plus bavard. Ashley ne comprenait absolument pas ce qu’il venait de dire, mais ce n’était qu’un détail. Le plafond à un mètre de leurs têtes la préoccupait davantage.

— Super, bah fais un truc !

Samuel se mit à genoux pour contempler les changements à l’intérieur de la boite. Une plaque de brume se rapprochait rapidement de deux petites ombres, rappelant étrangement leur situation.

— Ok, le mécanisme que j’ai enclenché a fait apparaître des formes.

Ashley se pencha par-dessus son épaule, non-pas par choix, mais parce que le plafond l’empêchait d’être autrement.

L’air songeur, le Chasseur passa sa main à l’intérieur pour pousser délicatement la substance. Instantanément, le grondement au-dessus de leur tête explosa, tout comme la vitesse du plafond. Ashley tomba à plat ventre sous la pression de la pierre.

Le sol et les murs tremblaient, alors que le plafond effleurait les cheveux de Sam, toujours aussi imperturbable. D’un coup, il planta Prison horizontalement dans le cube, comme si ça avait toujours été son intention depuis qu’il avait aperçu les formes apparues par enchantement.

Malgré les nombreuses tentatives de la brume de forcer le passage, la lame magique ne céda pas. Après quelques grincements du rouleau compresseur au-dessus de leurs têtes, le nuage implosa dans une gerbe d’étincelles blanches.

— C’est dans la boite !

Le visage blême et couvert de sable, Ashley redressa la tête.

— C’est bon cette fois ?

Comme pour répondre à sa question, le plafond fit machine arrière et reprit sa place initiale. Un rectangle s’ouvrit vers le haut dans l’un des murs, et retomba brutalement dans un bruit aigu inspirant fatigue et abandon.

— Tu vois Ash, je l’avais dit qu’on resterait en vie.

— Je ne suis pas sûre que nous ayons employés la solution prévue pour éviter de finir en crêpe…

— Quelle importance ? C’est le résultat qui compte.

La blondinette manqua de le déséquilibrer d’une tape sur la cuisse.

— N’empêche, j’avais raison pour la boite.

Il leva les yeux au ciel dans un soupir.

— Et moi, pour le levier à actionner. Disons match nul pour cette fois.

Ashley rit en se relevant, ce qui lui fut drôlement plus agréable que d’avoir peur de finir écrasée.

À présent, il ne restait plus qu’un tout petit problème de rien du tout : ils étaient bloqués dans une pièce vieille de quatre mille ans à cause d’une porte magique en panne. Et le pire, c’était qu’Ashley était à peu près sûre que le service client avait fermé depuis un petit moment.

— On pourrait la faire sauter, proposa-t-elle après une rapide inspection. Ou se servir de Prison comme d’un levier.

Elle tenta de passer ses doigts dans la fêlure qui se démarquait à moins d’un centimètre du sol.

— Il reste un petit espace et la porte de sortie pèse quoi ? Trois tonnes ? De la rigolade pour toi.

Le Chasseur se positionna à ses côtés afin d’analyser l’éventuelle sortie de plus près. Après plusieurs frottements de son menton dans une attitude de penseur, tout en se mordant les lèvres, les solutions énoncées ne lui paraissaient toujours pas bonnes.

— Si tu as envie que ce tombeau devienne notre tombeau, très bonnes idées.

Il tira légèrement sur son manteau afin d’y saisir une fiole.

— Pour ma part, je propose plutôt d’unir la magie à un principe de physique très intéressant.

D’une main agitée, Samuel porta à ses lèvres le liquide gris et brumeux. Ce ne fut que pour une gorgée cette fois, cependant ses effets furent immédiat : son corps cessa de trembler, mordre ses lèvres cessa d’être une obsession. Sa mine devint moins fatiguée et reprit un peu de couleur.

Ignis.

Une flamme se matérialisa au creux de sa paume, paume qu’il plaqua contre la roche.

Decuplo.

La pierre rougit autour de ses doigts, la chaleur se répandit à une vitesse fulgurante pour former un rectangle rougeoyant. Ashley, les bras croisés, ne voyait pas exactement où son compagnon voulait en venir :

— Le plan c’est de nous faire crever de chaud ? demanda-t-elle en s’éloignant le plus possible.

Le Chasseur retira sa main, la flamme grandement décuplée se dissipa. Une fois éloigné de trois bons pas, il rebroussa ses manches.

— Attention, il va y avoir de la vapeur.

Ashley n’eut pas le temps de saisir ses paroles qu’il s’écriait déjà :

Aqua !

Au premier contact du liquide sur la surface brûlante, une brume épaisse envahit la salle pour la transformer en sauna. Des craquements ponctuaient le sifflement de l’eau s’évaporant.

— Donc ça, c’est une bonne idée ? s’écria Ashley qui ne voyait plus grand-chose devant elle.

Des coups répétés contre la pierre parvinrent à émerger du brouhaha.

— Quand un choc thermique se produit sur une roche, même la plus solide d’entre elles devient fragile et friable.

Des grognements enragés vinrent se joindre à la cacophonie.

— C’est bien moins dangereux que tout faire exploser pour le même résultat.

L’eau cessa d’affluer, les impacts résonnèrent avec plus d’intensité, puis vint le son familier d’un éboulement. La brume s’échappa par le trou qui se dessinait à présent dans le mur.

— Pfiou !

Samuel passa une main sur son front, s’appuya contre le mur, de nouveau pâle et fatigué, et Prison lui échappa des doigts pour s’écraser sur le sable. Il ne tarda pas à la rejoindre dans un soupir s’apparentant plutôt à un gémissement.

Ashley se précipita à ses côtés.

— Ça va ?

Des gouttes de sueur coulaient abondamment de son front, cependant, même avec son souffle cadencé, il parvint à produire quelques mots :

— Oui... juste une petite pause… après on continue.

La jeune femme se laissa tomber à ses côtés pour profiter de ce moment de répit. Ses articulations lui faisaient si mal qu’elle avait l’impression d’avoir vieilli de soixante ans.

Ils restèrent ainsi pendant un temps indéterminable, assommés par la chaleur et l’épuisement. La respiration du Chasseur se faisait à chaque instant plus régulière tandis que les paupières d’Ashley s’alourdissaient.

Un minuscule flot de sable tomba du plafond. Après un temps, l’homme au long manteau gris-noir chassa les quelques grains restés sur son nez, puis se releva laborieusement.

La blondinette à ses côtés tressaillit :

— Je dormais pas !

Peu convaincu, Samuel leva les yeux au ciel avant de tendre la main pour la relever.

— C’est ça, et moi je suis en pleine forme.

Ce qu’elle pu tout à fait admirer lorsqu’il faillit basculer en la tirant pour la redresser.

La jeune femme s’étira, le regard braqué sur son ami qui passait sa tête dans le trou. Le passage était étroit et ne laissait aucune possibilité d’être debout. Même si ça avait été le cas, la raideur de l’inclinaison découragerait toute tentative de s’y tenir sur ses deux jambes.

— Partante pour un petit tour de toboggan ?

— Ça dépend, il y a un piège à la fin ou la salle du trésor ?

Un air de malice passa sur le visage de Sam, comme si toute sa vigueur était revenue.

— Il n’y a qu’un seul moyen de le savoir.

Il s’élança les jambes les premières avant de disparaître dans l’interstice. Ashley s’y engouffra moins énergiquement, pas très rassurée par une telle pente.

Si elle avait dû décrire la glissade avec le moins de mots possibles, un simple « Ah » prolongé aurait suffit. La vitesse avec laquelle elle filait emballait son cœur bien plus que tous les montagnes russes qu’elle avait fait jusqu’à aujourd’hui réunis.

La pente s’adoucit progressivement, histoire qu’aucune expulsion à la mode « boulet de canon » n’ait lieu, et la silhouette de Sam se détacha de l’obscurité deux mètres plus loin, à proximité d’une entrouverture dans la paroi.

Brutalement, une odeur frappa ses narines. Le mélange de chaires pourries, d’excréments et de cookies désorientait son estomac, si bien qu’il ne savait plus s’il devait vomir ou avoir faim. En un rien de temps, le dégoût prit le dessus sur la gourmandise.

Dans une grimace qui déformait ses traits, Ashley rejoignit son compagnon occupé à balayer de sa pierre l’interstice.

— C’est quoi cette odeur ? Je me doute que la femme de ménage n’est pas passée depuis longtemps, mais…

Samuel la plaqua subitement contre le mur avant de placer sa main sur sa bouche sans qu’elle ne puisse rien faire de plus qu’ouvrir de grands yeux. Des mots tentèrent de franchir ses lèvres mais le regard de son compagnon les lui fit ravaler.

Pourtant aucun bruit, mis à part leur respiration faible et ralentie, ne troublait le silence. L’attention d’Ashley se porta sur l’ombre projetée par Prison, seule source de lumière des environs. La fixer l’aidait à se concentrer sur son ouïe. Ce ne fut pas pour autant qu’elle détecta le moindre son.

Ses yeux pivotèrent afin d’observer le trou qui abritait sûrement un terrible danger. Malheureusement, le saphir n’éclairait pas à plus de quelques mètres de l’entrée.

Dans un geste lent et précautionneux, Sam s’écarta d’Ashley pour rapprocher la main qui tenait son épée de sa propre bouche. La lumière bleue éblouissait la jeune femme, malgré tout le doigt qu’il appliqua sur ses lèvres lui fut parfaitement visible.

Après quelques pas en arrière, le Chasseur s’enfonça dans la salle, prêt à engager le combat. La lame de Prison était orientée vers le plafond afin de maximiser l’éclairage du saphir dans l’imposante antichambre envahi par un bric-à-brac en tout genre. Des piles entières de jouets, de meubles, d’outils de jardinage, mais aussi de crânes, d’os, de bijoux cérémonials, d’armes de toute époque confondue traînaient dans des équilibres précaires.

Au fond de la salle trônaient trois sarcophages entourés d’une faible aura doré, posés en biais sur un présentoir.

Ashley dégaina sa dague. Un rapide coup d’œil au pommeau de Prison lui confirma ses doutes : de la fumée pointait en direction des boites. L’odeur se faisait plus forte à chaque pas. Elle savait très bien ce qu’ils renfermaient.

La silhouette de deux colosses d’un côté et de l’autre de la pièce la fit s’arrêter. Il lui fallut plusieurs secondes pour comprendre que les humanoïdes à tête de chacal, qui semblaient garder la salle, n’étaient que des statues. Leurs lances de couleur or resplendissaient sous la lueur de la pierre magique dont les reflets se perdaient dans l’immensité du lieu.

Sam les dépassa sans même s’en préoccuper. Les sarcophages attiraient toute son attention et ce fut là sa plus grande erreur. Les deux compagnons se figèrent. Une petite coupe ricocha dans un bruit à réveiller les morts avant de rouler en arc de cercle et s’arrêter.

Immédiatement, des braseros s’allumèrent aux quatre coins de la pièce et dans l’allée centrale menant aux sarcophages. Le couloir par lequel ils étaient entrés se condamna dans un grondement assourdissant.

— Sapri…

L’ouverture à la volée de deux des couvercles l’interrompit. La puanteur s’accentua, tout comme le parfum de cookie. À présent, ils connaissaient la provenance d’une de deux odeurs, et ce n’était pas celle la plus appétissante.

Deux cadavres en décomposition sortirent des boites dans un grognement guttural. La majorité de leur corps était recouvert par des bandelettes qui laissaient apparaître sur certains zones une chair grise en putréfaction.

Ashley resserra ses doigts sur son poignard. Même avec une arme, la peur lui saisissait le ventre. Elle avait prié pour ne pas s’en servir avant longtemps. Visiblement, son souhait n’avait pas été exaucé.

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Edouard PArle
Posté le 04/09/2022
Coucou !
Jolie chute et dans l'ensemble, chapitre très réussi ! L'ambiance des pyramides amène une tension que tu réussis à maintenir tout au long du chapitre, bien joué ! Ca m'a rappelé quelques bons souvenirs. Mission Cléopâtre, une de mes BD / films / dessin animé préférés (notamment quand ils parlent de défoncer la porte xD) et un roman sur la découverte du sarcophage de Toutankhamon que j'avais lu petit et qui m'a énormément marqué (sous le sable d'égypte).
On apprend deux trois éléments de plus sur Sam en début de chapitre, notamment sur ce qu'il espère trouver dans la pyramide.
Mes remarques (attention c'est assez long xD) :
"elle se retrouva épuisée et endolorie si bien que" virgule après endolorie ? "L’homme au long manteau gris-noir" A chaque fois, cette formulation me gêne, je la trouve lourde avec ses deux adjectifs. Il y a trop de mots pour désigner un personnage et comme tu l'utilises assez souvent je trouve ça gênant. "l'homme au manteau noir" serait déjà plus efficace à mon avis.
"que ce qui fut cacher soit révélé." -> caché
"le fit resplendir de plus bel." -> belle
"Seule de l’impatience se dégageait de sa personne," je pense que tu peux trouver une meilleure formulation
"— Sam, qu’est ce gosse ?" je pense qu'il manque des mots
"— Nous sommes dans l’une de très, très nombreuses couches" -> des ?
"La journaliste prit soudainement conscience que les murs tout comme le plafond" -> et le plafond ?
"je pensais que les sorts avaient suffisamment perdu en puissance pour que nous puissions nous introduire dans la chambre du roi sans trop de soucis." j'aurais bien vu un "je me suis trompé" juste après, histoire d'accentuer la panique d'Ashley et le détachement de Sam.
"aspirée par les abysses en contre-bas." -> contrebas
"Du portail s’échappa un bruit inquiétant alors" -> un bruit inquiétant s'échappa du portail ?
"Une désagréable impression de tournoyer dans les airs lui donnait des nausées. De l’acide semblait flotter autour d’elle et rongeait sa peau dans de terribles brûlures." j'aurais plutôt vu ce passage au passé simple
"de traiter sa nouvelle position sans grand succès." virgule après position ?
"Ce ne fut que d’une voix tressaillante qu’elle parvint à sortir ces quelques mots," j'enlèverais le "ces"
"un bruit aigu inspirant fatigue et abandon." virgule après aigu ?
"je l’avais dit qu’on resterait en vie." -> je t'avais dit ?
"que d’avoir peur de finir écraser." -> écrasée
"Des craquements ponctuaient le sifflement de l’eau s’évaporant." passé simple ?
"que tous faire exploser pour le même résultat." -> tout
"d’avoir vieillie de soixante ans." -> vieilli
"lorsqu’il faillit basculer en la redressant." -> en se redressant ? (je ne suis pas sûr d'avoir bien compris)
"pas très rassuré par une telle pente." -> rassurée
"Si elle aurait dû décrire la glissade" -> avait
"La vitesse dans laquelle elle fila" -> avec laquelle
"La vitesse dans laquelle elle fila" la tournure est lourde
"Même éblouis par la lumière bleue, le doigt qu’il appliqua sur ses lèvres lui fut parfaitement visible." -> malgré l'éblouissante lumière bleue, le doigt qu'il appliqua sur ses lèvres fut parfaitement visible ?
"qui semblait garder la salle, n’étaient que des statues." -> semblaient
Ce commentaire m'a pris beaucoup de temps, j'espère qu'il te sera utile^^
Un plaisir,
A bientôt !
Zephirs
Posté le 15/09/2022
Coucou !

Ahah, si ça t’a rappelé des bons souvenirs, j’en suis pas peu fier. 😎 Tu as réussi à déceler la petite référence, bien joué !

Wow, merci beaucoup pour les remarques. J’ai de quoi faire !

Tu as tout à fait raison pour « l’homme au long manteau gris-noir », c’est quelque chose que j’essaye de limiter et d’épurer maintenant.

J’ai corrigé et je réfléchis encore sur certains points, merci beaucoup pour ce commentaire qui m’a été, en effet, très utile. :)

À bientôt !
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