Chapitre 13 : Échecs, première partie

Par Kieren

« Et sinon ? Quel est ton nom gamine ? »

 

Cela faisait trois jours que les gosses étaient chez moi, deux que je n'attachais plus le fauve.

Cela faisait deux jours qu'elle ne quittait pas son frère et qu'elle me relayait pour lui taper dans le dos, lui donner des antibiotiques et le nourrir. Mais cela faisait aussi deux jours qu'elle ne disait rien.

 

« Qu'est-ce que ça peut vous faire ? » s'étonna la gamine sur un ton monocorde de grand-mère aigrie. Je vous jure, elle était tellement sèche que même des puces en seraient mortes de déshydratation !

« Non mais rien gamine, rien. Moi non plus je ne suis pas très porté sur les prénoms. J'essaye juste de mettre mes hôtes à l'aise. »

« Vous les mettez souvent à l'aise en les attachant dans votre lit ? »

« Tous mes hôtes ne m’agressent pas avec un couteau de cuisine. »

« Quand vous vous réveillez avec la sensation que vous allez vous faire toucher, on n'explose pas de joie quand on vous demande votre nom. »

« ...En effet, oui... Tu penses que je t'ai touchée avant que tu ne te réveilles ? »

« Non. Je n'avais pas mal et de toute façon je m'étais bien appliquée à vous vomir dessus lorsque je revenais à moi. Vous ne m'avez jamais frappée pour ça. J'en ai conclu que je pouvais vous laissez une chance. Rien de plus. »

Grand Dieu, mais d'où est-ce qu'ils sortent ? « … Donc si je t'appelle Gamine, ça t'ira pour l'instant ?

Elle resta accroupie devant son frère qui dormait à poings fermés avec la chienne sur ses jambes. De mon côté je lisais un bouquin sur la médecine.

« Moi ça me va » répondit la gamine. J'attendis encore quelques secondes mais elle ne demanda pas mon nom.

Tant mieux dans un sens.

 

« Et en attendant que ton frère se rétablisse, tu veux...jouer à un jeu ? »

« Pour quoi faire ? » Ah d'accord...

« Pour quoi faire ?... Pour passer le temps. S'amuser. Penser à autre chose. Je sais que si je revoyais ma sœur, clouée dans un lit, en me demandant quand est-ce qu'elle en sortira, je finirais par m'emmerder assez rapidement. »

« Et si j'aime regarder mon frère jusqu'à ce qu'il aille mieux, j'en ai bien le droit. »

« ...Moui. Bien sûr. Et quand il se réveillera, qu'est-ce que tu feras ? »

« S'il se réveille, je travaillerai pour vous. »

« Et ton frère ? Qu'est-ce qu'il fera ? Il travaillera aussi, du haut de ses 3 ans ? Il ne pourra rien faire, et ça uniquement si j'accepte de vous garder. Parce que moi, avoir deux gosses qui ne parlent pas, qui ne jouent pas et qui t'envoient chier dès que tu les encourages à exister, je ne risque pas de les garder très longtemps. »

Elle resta statique quelques secondes, puis elle se leva et se dirigea vers moi.

« A quoi voulez-vous jouer, Vieux Gamin ? » Vieux Gamin ? Pourquoi pas ?

« Aux échecs. »

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
sifriane
Posté le 14/10/2022
Re,
Elle est dur la ptite, tellement lucide ca fait peur.
Ils se ressemblent drôlement finalement ces deux-là. Comme d'habitude tu vises juste.
Juste une micro remarque, quand le vieux dit "7-8 ans ?" Tu devrais choisir 7 ou 8 ça ferait plus naturel je trouve.
J'ai bien ri dans le chapitre précédent " mais qu'est ce qu'est bave celle là ?" ça faisait longtemps que je l'avais pas entendu
Kieren
Posté le 18/11/2022
C'est vrai qu'elle a perdu son innocence cette gamine, quand j'ai relu ce chapitre ça m'a fait un petit choc aussi. En mode : "AH ! Je m'avance sur un terrain super glissant, ça craint, est ce que j'ai fait gaffe à pas dire trop de conneries... Nan, ça va..."
Mais ce chapitre me redonne envie d'écrire, ça fait super longtemps que je ne l'avais pas lu.
LianeSilwen
Posté le 25/04/2021
Tout comme le héros je suis très curieuse de voir d'où viennent les enfants et ce qu'ils ont pu vivre pour qu'à 13 ans elle ait un tel discours :0 en tout cas le héros se laisse aller malgré lui ^^ il va finir par avoir le syndrome de Stockholm (mais à l'envers 😅)
Kieren
Posté le 09/05/2021
Je me souvenais pas que la conversation était aussi lourde... Même mon âme grince quand je relis ce chapitre, extraordinaire.
Vous lisez