Chapitre 10 — Charlie

Comme la dernière fois, nous nous étions retrouvés dans le même café et nous avions commandé à peu près les mêmes boissons. Chacun avait pris son chocolat chaud ou son café, ou n'importe quelle autre boisson chaude disponible.

Blaine était à mes côtés, chargé de prendre la commande de quelques amis, tout comme moi. Nous étions l'un à côté de l'autre au comptoir, l'air timide. Nous échangions quelques regards, sans trop insister. Même si nos amis étaient suffisamment loin pour ne pas nous entendre, nous n'osions pas prendre la parole ; d'autant plus qu'ils nous fixaient, un peu trop intrigués par notre proximité si soudaine.

Blaine jeta un regard vers eux et un sourire amusé se dessina sur son visage.

— Quand on va revenir avec eux, on va se taper des tas de remarques et des tas de questions...

— On va se taper un vrai interrogatoire, repris-je de plus belle.

Je lui arrachai un petit rire et il leur tourna dos, prenant de nouveau appui sur le comptoir.

— Ça t'est déjà arrivé de présenter tes copains ou tes copines à tes amis ? me demanda-t-il dans un léger soupir.

— Assez souvent oui... En même temps, j'ai été rarement seule, alors ça se savait rarement.

À en voir sa mine triste, je compris immédiatement que ce n'était vraiment pas son cas. Après tout, je connaissais ses relations conflictuelles avec Kate ou Tyler. Des relations où il avait dû apprendre à se cacher. Dans le fond, j'étais sa première réelle relation. Sa première relation fusionnelle. Quelque part, ça me peinait un peu...

Naturellement, ma main se posa sur la sienne et caressa délicatement ses phalanges. Son regard tristounet rencontra le mien et ses lèvres hésitaient à rejoindre les miennes. Je le voyais à sa lèvre inférieure qui tremblait. Je finis par faire le premier pas et déposai un baiser chaste sur ses lèvres. Juste un rapide baiser.

La serveuse venait tout juste d'arriver avec nos commandes et notre baiser lui arracha un sourire. Elle n'osait pas dire qu'elle nous trouvait mignons, mais c'était évident à la manière qu'elle avait de nous regarder. Blaine sembla un brin gêné et passa rapidement une main dans ses cheveux – un geste que je trouvais toujours aussi adorable.

Chacun d'entre nous s'empara d'un plateau et nous retrouvâmes notre groupe d'amis. En nous asseyant à leurs côtés, ils arrêtèrent immédiatement leur discussion et chacun prit sa boisson.

Hailey sirota une grande gorgée de son milkshake sans nous quitter du regard au contraire de Lenny qui nous évitait. Pendant un moment, je suivis le moment en entamant mon chocolat chaud. Puis je ne pus me retenir bien plus longtemps et je me tournai vers Blaine. Il était toujours aussi mal à l'aise, alors je posai discrètement ma main sur sa cuisse, sous la table. Ce contact le déstabilisa un moment.

Même si nous n'avions plus à nous cacher, les habitudes étaient rudes.

Hailey avala sa gorgée avant de prendre la parole, tout enjouée :

— Alors, ça fait combien de temps vous deux ?

Blaine et moi échangeâmes un regard presque perdu. En même temps, aucun d'entre nous n'avait fait attention au temps. Tout s'était déroulé si rapidement qu'on avait l'impression que ça faisait des mois. Et pourtant, la réalité était tout autre.

— Quelques semaines, finis-je par répondre timidement.

— Je n'arrive pas à croire que Kayla ne m'ait rien dit ! Elle sait vraiment garder des secrets.

— Tu n'as pas idée à quel point, lâcha Blaine, un brin ironique sans trop l'être.

Le regard de Lenny continuait de nous éviter, comme si on le mettait vraiment mal à l'aise. Ma main lâcha la cuisse de Blaine pour me tourner vers Lenny.

— Est-ce que ça va ? m'inquiétai-je. Est-ce qu'on peut faire quelque chose pour toi ?

— Non... Juste un petit coup de mou. Mais ça finira par passer.

La dernière fois, j'avais assez bien perçu son intérêt pour moi. Peut-être un peu trop. Il avait été plutôt maladroit sans jamais être malaisant. Rien de grave. Mais je voyais bien qu'il aurait vraiment voulu qu'il se passe quelque chose avec moi.

— Si jamais tu veux en parler, ou même d'un tout autre sujet, n'hésite pas à me contacter sur Messenger. Parfois, c'est bien plus simple de s'ouvrir à l'écrit et aussi quand on a un peu de temps de réflexion pour s'exprimer...

— Merci beaucoup Charlie. C'est adorable.

Mes mots semblaient vraiment le toucher et pourtant, ce n'était vraiment pas grand-chose. N'importe qui aurait dû agir comme je le faisais actuellement. Malheureusement, je me rendais compte de jour en jour que c'était assez rare et ça avait été probablement longuement le cas avec Lenny. Il avait même dû perdre confiance en lui ainsi, à force de tomber sur de plus en plus de personnes fermées d'esprit.

Le monde était cruel. Mais chaque jour, j'essayais d'en trouver du positif, parce que je ne voulais plus jamais sombrer. Et personne ne devait supporter ce que j'avais vécu non plus.

Hailey nous regardait attentivement, très touchée par ma bonté. Comme toujours, mon entourage s'en étonnait et comme toujours, je trouvais juste ça naturel. Puis son regard se posa de nouveau sur Blaine, un grand sourire sur les lèvres. Ce dernier avait bien entamé son cappuccino et nous observait lui aussi silencieusement.

— Est-ce qu'on a le droit d'en savoir un peu sur vous deux ou ça reste un secret d'État ? nous interrogea-t-elle en penchant sa tête.

Blaine et moi, on échangea un bref regard, juste pour se coordonner, et ce sont nos rires timides qui se répondirent.

— Étant donné que nos familles sont au courant et qu'une partie de la mienne ne me supporte plus, il n'y a plus le moindre secret, répondit-il un brin ironique.

Elle arqua un sourcil, inquiète. Elle n'osait pas enchaîner sur une autre question, probablement par peur de découvrir de sales détails sur sa famille. Peut-être qu'elle en avait déjà eu un aperçu avec Kayla...

— Longue histoire, ajouta-t-il comme tentative d'esquive. Mais ce qui devait arriver arriva...

Il était fort probable que nos amis imagineraient les pires scénarios, mais au moins, nous étions encore en face d'eux et nous pouvions partager quelques moments avec un peu d'insouciance.

Blaine osa prendre ma main dans la sienne et me regarda longuement dans les yeux. Son geste avait beau être extrêmement doux, j'avais comme l'impression que c'était une manière extrêmement forte d'exposer notre couple. Ou peut-être que je manquais d'habitudes. Après tout, nous n'avions jamais agi vraiment comme n'importe quel couple avec notre entourage. Nous nous étions cachés depuis le début et dans le fond, on savait à peine tout ce qu'impliquait un couple. Mais nous étions également prêts à le découvrir à deux. C'était la promesse que nous nous étions faite à Las Vegas...

— Mais comment ça a bien pu arriver ? s'enquit Hailey en fronçant les sourcils. Il faut quand même avouer que c'est très... inattendu.

Blaine se tourna vers moi. En un simple regard, il me demandait si je voulais me charger de la réponse ou non. Et un sourire, je lui fis comprendre qu'il pouvait prendre les devants.

— C'était complètement imprévisible... On a osé échangé en faisant abstraction des conflits familiaux et petit à petit, on s'est rapprochés. Assez naturellement. Comme si tout ce que nous avait dit nos familles n'avait plus aucune importance...

Il n'avait pas quitté mes yeux. Il s'était complètement perdu dans mon regard. Et je mourrais d'envie de l'embrasser à pleine bouche, ce que je me retins de faire. Seule une lourde respiration m'échappa.

Il s'empara de ma main qu'il caressa délicatement, ce qui n'était pas près de calmer mes hormones, au contraire. Si seulement il n'y avait pas toute ma famille chez moi... Heureusement, entretenir une relation cachée m'avait appris à être patiente.

— C'était vraiment une drôle de coïncidence, ajoutai-je d'une faible voix.

Au final, on pouvait surtout remercier sa sœur pour nous avoir rapprochés. Dans un premier temps, c'était involontaire puis elle s'était impliquée dans notre relation pour nous rapprocher jusqu'au bout. Elle était vraiment la plus grande fan de notre couple.

Au fur et à mesure de la conversation, nos amis commençaient à se faire à notre relation. Même si ça leur avait semblé improbable dans un premier temps, désormais, c'était une évidence. En même temps, je ne pouvais quitter le regard de Blaine et réciproquement. Nos mains ne cessaient de se rencontrer également.

C'est dans cette atmosphère bien légère et ouverte à la discussion que nous nous quittâmes.

Dès notre arrivée chez moi, mon père Frank nous intercepta, Blaine et moi. Un simple sourire s'était dessiné sur les lèvres. Blaine était encore un peu gêné en présence de mes parents, mais ils avaient conscience qu'il nous faudrait à tous un peu de temps pour nous y faire.

— Est-ce que ça vous tente de manger avec nous ce soir ? nous proposa-t-il simplement.

Mon regard croisa immédiatement celui de Blaine. Il fronçait légèrement les sourcils – signe de son angoisse –, mais il avait également un sourire assez rassuré. Alors, j'acceptai l'invitation de mon père.

— Parfait, je vous appellerai quand ça sera prêt.

Et il retourna en cuisine, tout sourire.

Immédiatement, je conduisis Blaine jusqu'à ma chambre en le prenant par le bras. Il fut un peu surpris par mon audace soudaine, mais suivit tout de même le mouvement. Dès que je fermai la porte derrière lui, mes lèvres rencontrèrent les siennes, un peu trop brusquement. Enfin, suffisamment brusquement pour que nos nez se cognent et qu'on en rit sur le coup.

— Je vais finir par croire que tu t'en sors mieux pour m'embrasser quand on est à une de ces soirées où tu embrasses tout le monde, me taquina-t-il.

Mes bras se croisèrent derrière sa nuque et j'approchai dangereusement mes lèvres des siennes.

— Je vais arranger ça...

De nouveau, je l'embrassai. Un baiser bien plus lent. Bien plus passionné. Je m'appliquai davantage pour faire durer le moment. Ses mains se posèrent sur ma taille pour se glisser jusqu'à mes omoplates. Il faillit me perturber un instant, mais je repris de plus belle. Il me laissait être maître de la situation – ou peut-être appréciait-il pleinement ce baiser ?

— C'est vraiment bien mieux, me souffla-t-il, amusé, quand je me détachai de lui.

— Ne t'en fais, j'ai encore des tas d'occasions pour me rattraper.

— J'ai hâte de voir ça...

— On aura tout le temps pour Los Angeles. Peut-être que ça pourrait presque être comme une lune de miel...

Ses sourcils se soulevèrent et il laissa un temps de silence avant de me répondre :

— D'une certaine manière, on peut voir ça comme ça. Mais on aura ma sœur à gérer.

— Ta sœur qui acceptera de nous laisser n'importe quel moment à deux si on la laisse devant une quelconque machine pour jouer ? le taquinai-je de plus belle.

— En effet ! Tu gagnes un point ! Je parie même qu'elle insistera pour avoir une chambre seule pour nous laisser tous les deux dans une même chambre à l'hôtel.

Je penchai ma tête, l'air languide. Mes pensées fourmillaient de nombreuses idées et, à en voir son sourire, lui aussi.

— Une chambre sans mes parents à proximité, lâchai-je dans un murmure.

— J'ai vraiment hâte qu'on parte demain.

— Moi aussi.

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