Chapitre 1 : Choix et divergences

Par Sabi

Odd et Ulrich s’étaient retrouvés comme d’habitude pour prendre leur petit-déjeuner au réfectoire. Le traditionnel bol de chocolat chaud suivi du croissant, du beurre et de la confiture servis, et après une désastreuse tentative de charme d’Odd sur Rosa Petitjean afin d’obtenir du rab, avaient-ils cherchés où s’assoir jusqu’au moment où, à leur grande surprise, ils avaient aperçu Jérémie déjà là.

« Jérémie, wow, c’est pas habituel de te voir être plus rapide qu’Odd quand il s’agit du petit-dej’. » 

« Ouais » renchérit le concerné. « C’en est même flippant. T’es malade ? »

Le jeune blondinet à lunettes qui regardait le vide d’un air pensif l’instant d’avant releva alors la tête vers ses amis :

« Ah, vous êtes là. Ouais non, ça va j’ai rien. »

Ulrich, semblant réaliser quelque chose inspecta l’ensemble du réfectoire avant de revenir sur Jérémie.

« Et elle est où Aélita ? D’habitude vous arrivez ensemble. »

« Wow, d’abord tu fais mieux que moi en matière de sprint à la bouffe, et en plus ta princesse n’est pas avec toi ? Là, c’est sûr, il se passe un truc de grave ! »

Le ton guilleret d’Odd montrait bien qu’il ne pensait pas ce qu’il disait. Et pourtant ces mots frappèrent de plein fouet le petit génie, lui faisant adopter une mine grave qui n’échappa pas à Ulrich.

« Aélita ne viendra pas ce matin. »

Devant la nouvelle complètement inattendue, même Odd abandonna son attitude décontractée.

« Il lui est arrivé quelque chose ? » demanda le beau brun.

« Elle a du mal à cause de la mort de son père ? » renchérit le jeune blagueur.

Jérémie allait répondre, mais apercevant Sissi qui se dirigeait vers eux, il se contenta de dire :

« On en reparle avec Yumi. »

*

Le supercalculateur avait été rallumé. Ce fait en tête, il était tout à fait impossible pour Jérémie de se recoucher et réussir à dormir. Conscient qu’il ne pourrait pas faire grand-chose depuis sa chambre, il s’était habillé en quatrième vitesse et avait foncé à l’usine, esquivant un Jim ronflant sur son lit sans trop de mal. Ce n’était pas la première fois qu’il était obligé de faire le mur pour aller au laboratoire. En revanche, jamais l’Einstein de Kadic n’aurait cru devoir le refaire après leur victoire sur Xana.

Jérémie aurait pu prévenir Aélita, Odd ou Ulrich, mais il ne voulait pas les alerter à propos d’un événement qui venait de se produire et qu’il pouvait peut-être régler seul.

Sur le chemin menant au repaire souterrain, l’adolescent eut le temps d’échafauder plusieurs hypothèses concernant l’identité de celui ou celle ayant remis en marche la machine. Et parmi elles, il y en avait une qu’il trouvait à son grand regret bien plus crédible que les autres. Après tout, cela faisait plusieurs jours qu’il la voyait ailleurs et mélancolique. Le jeune homme avait bien tenté d’en discuter, mais elle avait évité le sujet à chaque fois.

Et une fois devant l’ordinateur central au premier palier du laboratoire, il n’eut besoin que de consulter les caméras de vidéosurveillance pour obtenir confirmation. Car Aélita était encore dans la salle du supercalculateur, accroupie contre un mur, serrant ses genoux contre elle.

Son premier réflexe fut de se lever et de descendre lui parler. Mais quelque chose le retint.

Ce n’était pas qu’il ne comprenait pas son geste. Bien sûr il ne pouvait être certain des motivations de sa petite amie, mais après plusieurs années à avoir combattu Xana à ses côtés, il se targuait d’avoir une certaine compréhension de la façon de fonctionner d’Aélita. Pour lui avoir raconté les détails de « sa vie d’avant » comme elle disait, le petit génie savait à quel point son passé était important à ses yeux. La princesse de Lyoko ne le montrait pas tout à fait aux autres, mais il avait eu l’occasion de la voir dans des moments de faiblesse où elle laissait s’échapper le poids émotionnel qui pesait sur ses épaules. Et ce qui l’inquiétait, c’était que depuis l’arrêt du supercalculateur et la mort de Franz Hopper, Aélita s’était refermée comme une huitre sur ce sujet, même avec lui.

Et maintenant, ça.

Comment devait-il réagir ? Est-ce qu’elle avait l’intention de lui en parler ? Ou bien devait-il prendre les devants ? Et que faire avec les autres ? Les mettre au courant de ce que leur amie avait fait ?

Complètement perdu, Jérémie était resté de longues minutes au pupitre de commande, à observer la jeune fille aux cheveux roses immobile contre le mur ; à réfléchir.

Enfin, vers cinq heures du matin, il s’était rendu compte qu’Aélita s’était endormie. Ne voulant pas la laisser seule à dormir dans cette chambre réfrigérée, il s’était décidé à descendre à son tour et à la porter jusqu’au collège.

Ou en tout cas, c’est ce que le geek dans le fauteuil à roulettes qu’il était aurait aimé faire. Mais en réalité, sa princesse pesait trop lourd pour ses muscles.

Promis, je demande à Jim de me refaire un stage commando !

Alors, il s’était contenté de prendre l’ascenseur et de descendre enfin dans la salle où il avait cru ne jamais devoir remettre les pieds.

L’ouverture du sas sécurisé avait bien entendu réveillé Aélita, et c’est en se frottant les yeux que la jeune fille avait fait face au jeune homme.

« Je savais que tu viendrais » déclara-t-elle à Jérémie s’approchant d’elle.

« Aélita, pourquoi tu as fait ça ? »

« C’est assez compliqué » avait-elle répondu en détournant le regard.

« Oh, c’est pas grave, il n’est que 5 heures du mat’. »

Et il s’assit à ses côtés, souriant et toute ouïe.

 

En peu de temps pourtant, la fille au cheveux roses parvint à s’ouvrir sur ses récents problèmes, sur son deuil compliqué, et surtout sur sa motivation à rallumer le supercalculateur.

« Aélita, tu te rends compte de ce que tu veux faire ? On n’a aucune certitude que ta mère soit vivante, et on pourrait tomber sur des choses qui nous mettraient tous en danger. Rappelle-toi ce que ton père disait dans son journal ! Il y avait quelqu’un qui lui voulait du mal… »

« Je sais Jérémie… »

« Et pourtant tu es prête à tous nous lancer dans cette quête, sans nous demander notre avis ? C’est égoïste de ta part. »

« Un peu comme toi quand tu as décidé de laisser le supercalculateur allumé pour me tirer de Lyoko ! Tu savais que ce serait dangereux, que Xana pouvait tous nous tuer, mais tu as continué ! »

La comparaison estomaqua le petit génie, en partie parce qu’elle sonnait juste. Il prit quelques secondes pour évaluer la justesse de l’argument.

« Oui. Oui, c’est vrai. Mais quelque chose était différent à l’époque : les autres étaient d’accord. »

Ce fut au tour d’Aélita de réfléchir. Au bout de quelques secondes, elle releva la tête et plongea son regard dans celui de Jérémie.

« Donc, à partir du moment où nos amis sont d’accord, cela efface tout problème de moralité ? Nous étions cinq, six en comptant William, et admettons-le, nous avons eu une chance incroyable que le monde ne soit pas sous la coupe de Xana et que William soit de retour ! Cinq collégiens qui ont pris un risque qui aurait pu ruiner la vie de milliards de gens ! Que je sois seule ou avec votre accord, quelle différence au regard de l’égoïsme ? »

« La différence, c’est que si j’avais été seul à lutter contre Xana, oui ça se serait mal fini. Si j’ai réussi, c’est bien parce que nousavons réussi, ensemble. »

Aelita garda alors un silence penaud. Bien sûr, elle savait très bien elle-même ce que Jérémie venait de lui dire. Elle se sentait bête. Le blondinet, le sentant, continua avec un sourire réconfortant.

« Écoute, parlons avec les autres de ce qui vient de se passer. Tu leur expliqueras ce que tu m’as dit, et après nous aviserons. S’ils sont d’accord, alors nous verrons comment retrouver ta mère. »

Saisissant l’implication de ce que Jérémie venait de proposer, Aélita releva la tête, toute pleine d’espoir.

« Alors ça veut dire que toi tu veux bien ? »

« Ben, comme tu l’as fait remarquer, je suis pas en position de critiquer, j’ai fait pareil… Et puis, je ne voudrais pas que tu te morfondes sur ta mère sans arrêt pendant les années à venir, ce serait trop bête ! »

« Merci Jérémie ! »

Et folle de joie, la jeune fille se jeta dans ses bras, l’embrassant. Dans sa poitrine, le poids de la culpabilité et de l’incertitude venait de s’alléger.

*

« Je suis contre. »

La voix de Yumi avait résonné, claire et nette. Assis sur un banc de la cour de récré, la petite bande avait écouté sans trop d’interruptions ce qui s’était produit cette nuit et pourquoi.

« Franchement, Aélita, tu te rends compte de ce que tu nous demandes ? » renchérit la jeune Japonaise.

« Ouais, on a réussi à vaincre Xana ! Je sais qu’on n’a pas réussi à sauver ton père et que c’est dur pour toi, mais de là à relancer le supercalculateur... » ajouta Ulrich.

Chaque visage reflétait le sérieux de l’enjeu qui se jouait alors. Le contraste que cela offrait alors avec le reste de la population de Kadic était saisissant. Tout autour d’eux, les élèves allaient et venaient, discutant, révisant pour un contrôle à venir, se dirigeant vers la prochaine salle de cours. Jim, à côté du réfectoire, surveillait avec le sérieux qui le caractérisait. La paix régnait. Une paix qu’ils étaient les seuls à savoir combien elle avait pu être menacée durant les trois années écoulées. Parfois, Yumi était prise de montées d’adrénaline quand elle entendait le vibreur de son téléphone portable, prête à voir l’oeil à trois branches apparaître sur l’écran. Puis, elle se souvenait que tout était fini. Elle trouvait ça trop anodin, et aussi trop étrange pour en parler avec ses amis. Mais cela l’énervait de voir que leurs aventures l’avaient atteinte sur ce point. Et il y avait William... Alors, quand Jérémie et Aélita étaient venus leur faire leur proposition, pour la jeune Japonaise, la réponse avait été évidente.

Ulrich, quant à lui, partageait le point de vue de Yumi, mais pour des raisons différentes. Lui qui avait eu du mal à dire au revoir à Lyoko, il commençait à peine à retrouver ses repères de collégien ordinaire, à reprendre une vie plus normale. Le jeune homme s’était rappelé de ce que une vie d’adolescent signifiait dans les petits détails de la vie quotidienne, et combien elle était précieuse. Sans le stress de Xana et d’une double vie, il avait pu accorder une plus grande attention à ce qui le motivait, comme le penchak silat. Alors, ce que venaient de leur dire Aélita et Jérémie ressemblait un peu à un coup dans le dos, comme si un ennemi avait attendu qu’il baissât sa garde pour l’attaquer. 

Odd, pour sa part, gardait un silence inhabituel. Lui, d’ordinaire si expansif, regardait d’un air pensif sur le côté en direction d’un arbre de la cour.

« Odd ? Tout va bien ? » demanda alors Jérémie qui avait remarqué son attitude bizarre.

« Hein ? Ah, ouais, ouais, t’inquiète ! »

« Tu avais l’air songeur. Tu pensais à quelque chose ? » s’enquit alors Aélita.

Il n’y avait nulle trace de ton inquisiteur dans la question de la princesse aux cheveux roses, et pourtant le jeune blagueur eut l’air embarrassé.

« Eh bien, c’est juste que… que… Yumi et Ulrich, vous avez répondu tout de suite, mais moi… Moi, je peux pas, je sais pas. »

« Qu’est-ce que tu sais pas ? C’est pourtant simple non ? C’est trop dangereux, point barre ! » et le ton sec de Yumi ne donnait pas envie d’y répondre.

« Ben, c’est vrai, mais d’un autre côté... » et Odd jeta un rapide regard à Aélita. « D’un autre côté, je pense que c’est cruel pour Aélita de pas savoir pour sa mère. »

Devant le silence du reste de la bande, le jeune pitre se sentit le besoin de se justifier.

« Quoi !? Si j’ai bien compris, il s’agit pas d’aller se battre contre quelqu’un, mais simplement de récolter des infos ! Si on fait super gaffe, et avec les talents d’Einstein, je suis sûr qu’on pourrait arriver à pas se faire repérer. »

« Ouais, mais si on se plante, nos vies seront en danger, et nos familles avec. On parle de se battre contre une organisation opaque, là ! Allez savoir sur quels secrets on peut tomber ? Imaginez que tout le collège soit impacté par nos actes ! » rétorqua alors Yumi.

« Ouais ben excuse moi, mais c’est pas très différent d’avec Xana, et si je me souviens bien, t’étais d’accord pour le faire. Alors pourquoi pas maintenant ? » s’échauffa alors Odd.

Le ton était monté d’un cran et l’électricité était palpable. Voyant cela, Jérémie se décida à intervenir.

« Wow, wow, ok on se calme. Voilà ce qu’on va faire. On va y réfléchir chacun de son côté, et demain on en reparle tous ensemble. De toute façon, la récré est bientôt terminée, alors c’est pas en quelques minutes qu’on va se mettre d’accord. »

Et comme pour lui donner raison, la sonnerie retentit.

« C’est ça, oui, d’accord... » accepta Yumi d’un ton las et résigné.

Et la bande se sépara, Yumi rejoignant William pour le cours d’anglais, les autres se dirigeant vers celui de physique. Ce ne fut qu’une fois assis à côté du ténébreux garçon que la question émergea dans son esprit : fallait-il ou non parler à William des dernières nouvelles ? Émettant un léger soupir, la jeune Japonaise se demanda ce qu’elle avait fait dans d’autres vies pour mériter ce qui lui arrivait.

« Je vous ai vus discuter ensemble et ça avait l’air sérieux. Il y a un problème avec tu-sais-quoi ? » demanda alors le rebelle, comme pour répondre à ses pensées.

« Non, rien qui te concerne » et elle espérait que son ton sec et froid le dissuaderait de pousser plus loin ses questions.

« Tu mens très mal » répondit-il après un petit soupir. « Mais bon, j’ai compris, j’insiste pas. »

Le ton à moitié en colère, à moitié résigné de William éveilla une énième pointe de culpabilité en la jeune lycéenne. Elle aurait aimé pouvoir lui dire la vérité, mais c’était plus fort qu’elle. Depuis son retour de Lyoko, elle avait du mal avec son ancien ami. Elle avait passé trop de temps à le combattre, il avait manqué de la tuer trop de fois pour faire comme si rien ne s’était passé. Parfois, un frisson de peur la prenait quand William venait lui dire bonjour en début de journée. Yumi avait tenté de le lui cacher, mais elle était incapable de tout renfermer. Résultat, leurs rapports étaient incertains, tendus. Et c’était une raison de plus, voire même la raison principale de nourrir de la rancoeur envers Lyoko. 

Non décidément, je suis désolée, Aélita, mais je peux pas accepter d’y retourner. C’est trop !

*

Dans la chambre d’Ulrich et Odd, les deux garçons se faisaient face, chacun sur son lit, le regard baissé. C’était le soir. Toute la journée, ils l’avaient passée à réfléchir, à ressasser leur dilemme, à tenter de comprendre leur position, à mettre au clair leurs émotions.

« Tu crois que vouloir aider Aélita à retrouver sa mère, c’est être égoïste ? » commença Odd.

« Nan. Nan, je crois pas. C’est vrai que c’est dangereux pour tout le monde, on risque de se faire repérer et tout, mais… Vouloir aider une amie, c’est pas de l’égoïsme » et le ton voilé d’Ulrich laissait profiler ce qu’il ne disait pas. Ce à quoi même l’insouciant qu’était son colocataire repéra et épingla.

« Alors, pourquoi tu es contre ? »

« Ben tu vois, c’est assez égoïste en fait. C’est juste que je viens à peine de me réhabituer à la vie sans Lyoko et Xana, et... » Le beau brun se tut quelques instants, le temps d’être sûr de mettre les bons mots sur ce qu’il ressentait. « J’ai pas envie de tout recommencer. J’aurais trop l’impression que Xana est de retour et qu’en fait, ben on l’a jamais vaincu. »

« Mais Xana est plus là Ulrich. Là, il s’agit d’aider Aélita à retrouver la trace du dernier membre de sa famille peut-être encore en vie. Et je pense pas avoir besoin de te le dire, il suffit d’avoir vu Aélita depuis qu’elle a retrouvé ses souvenirs pour comprendre que son père lui manquait. Alors ça doit être pareil avec sa mère... » Il était étrange d’entendre Odd dire des choses aussi sérieuses et justes. C’était même tellement inhabituel que cela augmentait encore plus cette sensation déplaisante dans la poitrine d’Ulrich.

« Ouais ! Ouais, je sais, ça va, j’ai pigé ! » répliqua-t-il alors, en colère. Et pour mettre fin à la discussion, il se mit au lit, et se tourna vers le mur avec un court et sec « Bonne nuit ».

Odd laissé seul avec lui-même soupira et s’allongea lui aussi. Il resta un long moment à regarder le plafond avant de trouver le sommeil.

*

Le lendemain, à la même heure, la petite bande s’était de nouveau réunie autour du banc de la cour. Une certaine tension était palpable, et personne n’osait vraiment prendre la parole. Ce jusqu’à ce que Odd se sacrifiât.

« Alors ? »

« Alors ? » reprit Jérémie, « ben ça dépend de vous. Quelqu’un a changé d’avis ? »

Le visage d’Aélita, fermé, reflétait toute la tension qu’elle éprouvait. Ulrich leva alors la main, les yeux et la bouche closes.

« Moi », finit-il par dire. « J’étais contre, mais si c’est pour aider Aélita, alors j’veux bien. »

« Quoi ?! » s’exclama alors Yumi. « Tu veux bien ? Tu veux bien prendre le risque que peut-être tout le monde aux alentours soit touché ?! »

« Eh, du calme Yumi ! » répliqua le beau brun. « Avec Xana, c’était pareil. Pourquoi tu bloques là-dessus comme ça ? »

« Ah, parc’que c’est moi qui ai un problème ? J’rêve là ! »

« Yumi... » commença alors Aélita.

« Non, non ! Je peux pas ! C’est trop dangereux. » La jeune Japonaise avait l’air paniqué et en pleine confusion. Elle regarda chacun de ses amis l’un après l’autre, comme si elle espérait un soutien de leur part, puis renonçant, « vous êtes complètement dingues ! », et elle prit la fuite en direction du parc.

« Yumi ! », l’appela Aélita, « Yumi, attends ! » et la jeune fille aux cheveux roses se lança à sa poursuite, plantant là les autres membres du groupe. Ulrich s’était bien levé pour les suivre, mais Jérémie l’en empêcha, pressentant que cela devait se régler entre elles.

 

Yumi s’était enfoncée dans la forêt du parc sans vraiment savoir où elle allait. Ce ne fut qu’au moment où elle vit la bouche d’égout qu’elle se rendit compte qu’elle avait refait d’instinct le chemin jusqu’à l’usine. Ce constat la plongea dans une agitation encore plus grande. On aurait dit que le spectre de Lyoko s’était emparé de sa vie pour la forcer à y revenir. Déboussolée, la jeune fille se laissa tomber contre un arbre et se cacha le visage de ses bras repliés sur ses genoux.

Quelques secondes plus tard, des bruits de pas se firent entendre, de plus en plus fort, jusqu’à ce que la voix d’Aélita résonnât, tout près d’elle.

« Yumi », mais la concernée ne répondit pas.

Aélita alors s’assit à côté d’elle et lui posa la question qu’elle sentait devoir poser.

« Yumi, comment tu vis les choses depuis l’arrêt du supercalculateur ? Tu sais, c’est normal s’il y a des choses qui sont dures... »

« Non. Non, c’est pas l’après qui est dur Aélita », et la voix de son amie était perclus de sanglots et de reniflements. « C’était le pendant. »

Aélita comprenait mieux maintenant. « C’est vrai qu’on risquait nos vies. Mais tout s’est bien passé au final... » 

« Oh ouais ! Tout s’est bien passé ! Mais c’est pas toi qui as fait le plongeon dans la mer numérique et qui as failli disparaître, c’est moi » Yumi avait relevé la tête vers Aélita. Les larmes coulaient sans s’arrêter sur ses joues, non plus que sa voix de sa bouche. La jeune Japonaise sentait un grand poids se vider de sa poitrine au fur et à mesure qu’elle se livrait. Elle prenait conscience de ce avec quoi elle avait vécu jusqu’à présent, seule. Un soulagement graduel grandissait en elle. « C’est moi qui ai le plus failli disparaître dans la mer numérique ! Est-ce que tu sais ce qu’on ressent dans un navskid en perdition dans le réseau ? »

Aélita, de son côté, gardait le silence. Elle attendait que son amie finît de dire ce qu’elle avait sur le coeur. La princesse aux cheveux roses ressentait un curieux mélange d’empathie, d’amitié, et aussi d’un brin de honte et de culpabilité à ne pas s’être rendu compte avant de la détresse émotionnelle de sa sœur d’armes.

Enfin, le débit de paroles diminua avant de s’arrêter. Après quelques secondes de silence à laisser tout ce qui avait été transmis être digéré, Aélita reprit : « C’est vrai que j’ai moins souvent manqué de tomber dans la mer numérique. Mais tout autant que toi, je sais ce que ça fait de risquer de mourir. C’est moi qui risquait d’être dévirtualisée sans espoir de rematérialisation, au début. »

« Je sais » et le ton de voix encore embué de larmes était piteux. « Comment vous faites pour ne pas avoir de problème avec ça ? J’ai l’impression d’être la seule à avoir peur, à être… faible », et il y avait une grande amertume dans ce dernier mot qu’elle avait lâché avec dégoût.

« Je crois que nous sommes tous faibles, Yumi. Si tu crois que tu es la seule à avoir peur, tu sais, c’est faux », et repliant les genoux dans une pose similaire à sa compagne, Aélita dévoila quelque chose dont elle n’avait parlé qu’à Jérémie. « Moi, j’ai peur de l’usine. »

Devant le regard éberlué que lui lança Yumi, la princesse choisit de rire avec gêne. « C’est bête, hein ? Mais quand il fallait y aller, j’avais toujours les jambes un peu tremblantes. Et je ne te dis pas la nuit. »

Le silence retomba quelques instants, puis Aélita continua. « Ce que je veux dire, c’est qu’on a tous des peurs à combattre en lien avec Lyoko ou Xana. Et je trouve courageux de ta part d’avoir fait face à tout ça jusqu’à présent. »

Yumi garda le silence pendant un long moment. Cela était-il suffisant pour qu’elle se laissât fléchir ? La raison de son refus était-il une simple question de peur et de courage ? À cela, la réponse était :

« Merci de me réconforter Aélita. Mais ma réponse est toujours la même. Je suis contre. »

Devant l’expression figée de son amie, Yumi développa son point de vue.

« J’comprends que tu veuilles retrouver ta mère, et crois-moi, je te souhaite de la retrouver un jour, mais... » La Japonaise hésita. Mais non, au fond d’elle, elle savait que ce qu’elle disait était juste. « Regarde tout le mal qui est sorti du supercalculateur et du labo. Ça a tué ton père, Aélita. Comment peux-tu croire que cela va sauver ta mère ? Je ne sais pas par quel moyen cela tournera mal, mais je suis persuadée que si tu laisses cette machine de malheur allumée, cela nous retombera dessus d’une manière ou d’une autre.

—Tu ne comprends pas. »Et cette fois-ci, c’était au tour d’Aélita d’être au bord des larmes. « J’ai cru que j’arriverais à vivre ma vie sans le supercalculateur. Mais c’est trop dur. Je n’arrive pas à me débarrasser du fantôme de ma mère…

—Et pour ça, tu es prête àlaisser le supercalculateur allumé ? Tu t’rends compte de c’que tu dis ? Parc’que tu te penses incapable de tourner la page, il faudrait te laisser faire ? La Aélita que je connais préférerais mourir plutôt que de laisser des gens innocents perdre la vie à cause d’elle. »

Ces mots étaient semblables à un miroir terrible pour la fille aux cheveux roses. Car ils étaient vrais. Il y a encore peu de temps, pour sauver le monde, elle aurait donné sa vie. 

Mais à l’époque, j’étais seulement une fille persuadée d’être une IA. J’étais moins… humaine.

La princesse s’enfonça dans un mutisme douloureux, le visage baissé vers le sol.

À l’époque, je n’avais pas encore perdu mon père pour de bon.

« Yumi, s’il-te-plaît laisse moi. J’ai besoin d’être seule. »

Voyant les larmes commencer à rouler sur les joues de son ami, Yumi tendit les bras vers elle, mais Aélita se détourna et commença à s’éloigner, s’enfonçant plus profondément dans le parc.

Restée seule, Yumi, hésitante, finit par prendre la direction opposée, vers la cour de récré où attendait le reste de la bande.

Quelqu’un devait leur annoncer la nouvelle : le supercalculateur serait éteint, pour toujours et à jamais cette fois.

*

Le jour suivant

Jérémie tentait de trouver le sommeil, allongé sur son lit. Autant dire essayer de trouver de l’eau en plein désert. Ses yeux grand ouverts ne montraient aucune envie de se fermer, et son cerveau fourmillait de pensées.

Yumi ayant maintenu son refus, il était allé lui-même éteindre la machine. Aélita cependant ne l’avait pas accompagné. La fille aux cheveux roses avait séché les cours toute la journée, et ne s’était montrée que le soir. 

Jérémie n’avait eu qu’à voir son visage pour savoir qu’elle avait pleuré. Il n’était pas très difficile de deviner que la princesse était allée se réfugier à l’Hermitage. C’était toujours ainsi lorsqu’elle était aux prises avec son passé.

Le petit génie avait voulu lui parler. Mais Aélita avait préféré garder un silence épais comme du goudron. Depuis, il ne pouvait s’empêcher de sentir comme une barrière entre lui et elle ; entre elle et le reste du groupe.

Aélita n’était pas la seule en cause. Yumi aussi avait adopté une attitude plus distante. C’était comme si la jeune Japonaise les fuyait, et cela avait le don de plonger Ulrich dans le désarroi. Odd quant à lui gardait un silence préoccupé devant la situation.

Jusqu’à présent, la bande avait déjà connu des divergences d’opinion et des disputes. Mais à l’époque, le secret de l’usine et la menace de Xana les liaient ensemble, apaisant les frictions inévitables dans un groupe. Maintenant que l’épisode Xana était terminé, que restait-il pour les maintenir soudés ? La question déplaisait à Jérémie. Il craignait à juste titre que ses amis, sur des désaccords, se séparassent. Or, n’était-il pas en train de voir les premiers signes d’une amitié en bout de souffle ?

Et au milieu de tout ça, la soudaine froideur d’Aélita à son égard le mettait dans un état de détresse que même les pires plans de Xana avait échoué à provoquer chez lui.

Pour conjurer le désarroi qui le saisissait, le petit génie connaissait un moyen infaillible : le travail. Problème, depuis que Xana avait disparu, ce n’étaient pas avec les devoirs qu’on leur faisait faire que le blondinet allait pouvoir trouver l’émulation dont il avait besoin pour s’évader. Solution : se lancer en quête de renseignements sur la mère d’Aélita. Qui plus est, cela lui permettrait peut-être de sortir sa petite amie de son mutisme, faisant ainsi d’une pierre deux coups.

Rejetant les couvertures, Jérémie se leva, et comme dans le passé, s’assit à son bureau, fit craquer les jointures de ses doigts, et se mit à pianoter sur le clavier.

« Alors, voyons voir… Et si j’essayais déjà la pêche aux infos sur ce bon vieux internet ? »

 

*

Quelques jours plus tard, pendant la nuit

Yumi savait au coeur de son rêve qu’elle était endormie, que ce n’était pas la réalité. Lyoko n’était plus, le supercalculateur avait été éteint. Ce territoire de glace ne pouvait pas être réel. C’était impossible. Mais d’autres souvenirs lui vinrent, lui rappelant l’inverse : Aélita avait rallumé la machine. Jérémie lui avait juré qu’il était allé à l’usine l’éteindre de nouveau, mais était-ce la vérité ? Et s’il avait menti… alors était-elle endormie, ou bien était-ce la réalité ?

En plein désarroi, une silhouette faite d’ombres et de ténèbres apparut devant elle. La tenue faite de cuir noir et rouge, l’oeil à trois branches incrusté sur la poitrine, un immense tranchoir à la main, le teint aussi pâle que ses cheveux étaient noirs : William. Levant sa lame vers elle, le xanaguerrier la poussa à reculer. Réalisant que le vide se trouvait soudainement juste derrière elle, la geisha tenta de lutter, mais ses deux éventails furent déviés d’un revers de tranchoir. Elle n’eut pas le temps de les récupérer, car une projection d’énergie en arc-de-cercle l’atteignit en pleine poitrine, la précipitant vers la mer numérique. La jeune fille avait perdu pas mal de points de vie, mais pas assez pour être dématérialisée. Dans son dos, elle sentait la mer, la mort, se rapprocher…

Yumi se redressa sur son lit en hurlant. Haletante, ses yeux accoutumèrent, et elle reconnut le décor familier de sa chambre. Elle avait chaud, très chaud. Portant le revers de la main à son front, elle put constater qu’elle transpirait comme en plein mois d’août à Ôtsu au Japon. Au moment où elle allait se recoucher et tenter de trouver le sommeil, on frappa doucement. Gardant le silence, Yumi vit ensuite sa mère, Akiko, passer un visage inquiet dans l’entrebâillement de la porte.

« Yumi ? Tout va bien ma chérie ? »

La jeune lycéenne détestait mêler ses parents à ses problèmes, surtout quand elle ne pouvait pas leur en parler, comme tout ce qui avait trait à Lyoko.

« Maman ? T’inquiète pas, tout va bien. Désolée de vous avoir réveillés.

–Cela fait plusieurs nuits que tu gémis et que tu cries comme ça. Ce n’était jamais arrivé avant. Si tu veux en parler, tu sais que nous sommes là... »

Et voila, maintenant j’inquiète mes parents. Galère…

Yumi avait au départ cru que sa conversation avec Aélita, et la bande se ralliant à son avis l’autre jour l’avait guéri de ses angoisses, mais il n’en était rien. En conséquence, cela faisait plusieurs nuits de suite que d’affreux cauchemars la réveillaient au beau milieu de la nuit. Et maintenant, ses parents étaient alarmés.

Et comme je les connais, ils ne vont pas vouloir me lâcher.

À la fois consternée et en colère, Yumi se rencogna dans ses couvertures et, fermant les yeux, tenta de trouver de nouveau le sommeil.

 

*

 

Odd n’appréciait pas la façon dont les choses se déroulaient. Tout avait commencé à partir en vrille à partir du moment où Yumi avait refusé de laisser le supercalculateur allumé. Le jeune adolescent ne savait pas ce que ses amies s’étaient dit entre elles, mais depuis, Aélita était sombre et taciturne, tandis que Yumi s’éloignait de plus en plus du groupe.

Au début, le jeune blagueur avait tenté de débloquer la situation en allant parler avec Aélita. Mais celle-ci l’avait envoyé paître. Puis, quand il avait voulu se tourner vers Yumi, cette dernière l’avait plus ou moins esquivé à coup de « Ah ? Tu trouves ? Écoute, là j’ai pas le temps… La prochaine fois, ok ? ». 

Inquiet, il était ensuite allé voir Jérémie. Le petit génie lui avait semblé tout aussi préoccupé par la situation, mais avait rejeté la faute sur Yumi. « Après tout, elle n’avait qu’à accepter ». Odd n’avait rien dit, même s’il trouvait que c’était injuste de tout mettre sur le dos de leur amie japonaise. Bien qu’il fût dans le camp d’Aélita au moment du choix, il comprenait bien les réticences de Yumi, et ne se sentait pas particulièrement déçu ou trahi par son refus.

Alors enfin, il avait parlé de tout ça avec Ulrich. Le beau brun était pour le moins déchiré. Lui qui avait basculé dans le camp d’Aélita voyait Yumi l’éviter de plus en plus, et il l’attribuait à son retournement de veste. « Je l’ai trahie. C’est normal qu’elle veuille plus me parler après ça... ». Le petit rigolo avait eu toutes les peines du monde à le détourner de cet aspect de la situation et à considérer un tant soit peu ce qui arrivait à Aélita. Tout ça pour se faire entendre dire un « Elle finira bien par tourner la page. Et puis, Jérémie est là. ».

 

Odd en soupirait de consternation. Il n’y en avait juste pas un pour rattraper l’autre. Tous obnubilés par leurs soucis, personne pour se préoccuper de la situation dans son ensemble, sauf lui.

« Y a pas à dire. L’amour ça rend vraiment bête. » Et pour la première fois de sa vie, le jeune garçon se félicita de n’avoir personne dans sa vie pour le moment. « T’y crois pas. Ils m’font quoi, là ? À c’train là... » Oui, à ce train là, la petite bande risquait bien de se dissoudre. Et l’idée ne lui plaisait absolument pas. Mais que faire pour l’empêcher ?

« Ça va pas, Odd ? »

Assis seul sous les arcades, le branché du groupe n’avait ni vu ni entendu qu’on s’approchait de lui, trop plongé dans ses pensées.

« Ah, c’est toi William.

—Tu as l’air d’avoir des soucis… C’est à cause des autres ? »

Odd regarda le rebelle. Depuis la neutralisation de Xana, toute la bande lui avait fait comprendre qu’il allait être difficile pour eux de le traiter comme si rien ne s’était passé pendant sa période « Lyoko ». Alors, il s’était tenu à distance, ne parlant de temps en temps qu’avec Yumi. Cependant, son regard sérieux indiquait au jeune branché qu’il devinait que quelque chose était en cours.

« Ouais. » répondit-il alors.

« Ah... » Un instant de silence hésitant, puis le beau ténébreux se décida. « Tu sais, tu peux m’en parler si tu veux. »

Cela se serait passé avant que ses amis commençassent à se tourner le dos, Odd aurait sûrement décliné l’offre de William. Mais l’état de la bande l’inquiétait, et William était, réalisa alors Odd, le seul lyokoguerrier de la bande qui avait suffisamment de recul avec tout le monde pour avoir un point de vue global, similaire au sien.

« Ok, assieds toi. » Entendant cela, le visage de William s’illumina d’un sourire de soulagement avant d’obtempérer. « Tout a commencé quand Aélita a décidé sans prévenir de rallumer le supercalculateur… »

 

*

 

Aélita trainait dans un magasin de CD dans le centre-ville. Les différents rayonnages affichaient les différents genres musicaux. Celui auquel s’intéressait Aélita était de l’électro-funk. La jeune fille aux cheveux roses avait remarqué que lorsqu’elle n’allait pas bien, plonger dans la musique électrique lui faisait du bien. Les impulsions et les effets électriques de certains sons lui rappelaient Lyoko, lui donnant l’impression que son expérience virtuelle s’intégrait jusque dans sa vie humaine.

Cette même vie avec laquelle elle était au prise en ce moment.

Ce que lui avait dit Yumi dans le parc du collège l’avait profondément affectée. Non pas que le fait que son amie ait refusé la blessât plus que cela, mais elle avait mis le doigt sur quelque chose dont Aélita ne s’était pas rendu compte jusqu’alors. 

Pendant sa période Lyoko, la jeune fille aux cheveux roses avait vécu déconnectée de sa part humaine. Se croyant pure intelligence artificielle, elle avait pu vivre avec un détachement total de son sort. C’est ainsi qu’elle avait pu à plusieurs reprises faire passer la survie de l’humanité avant elle-même. Cela ne lui avait pas été dur. Elle n’était qu’un simple programme, un esprit désincarné qui n’avait jamais goûté aux joies et aux douleurs du monde réel. 

Puis, Jérémie l’avait rematérialisée, et ils avaient découvert sa véritable identité, humaine, avant qu’elle ne retrouvât la mémoire de sa vie sur Terre. Cependant, jusqu’à ce que Xana fût neutralisé, une attache plus ou moins consciente s’était maintenue avec celle qu’elle avait été sur Lyoko, et elle avait pu maintenir le détachement qu’elle avait acquis durant son amnésie.

Mais maintenant, l’attache était rompue. Lyoko s’était évanoui dans le vide numérique, et avec lui cette elfe si désintéressée, si prête à tout abandonner.

Aélita elle-même ne s’en était pas rendue compte. Mais maintenant, avec ce qu’elle avait fait, le résultat était sous ses yeux : elle avait agi avec égoïsme. Pour retrouver sa mère, elle avait été prête à mettre en danger une nouvelle fois le monde entier.

Aélita se sentait terriblement coupable, profondément choquée de ce qu’elle avait fait. Comment avait-elle pu ? Auparavant, la jeune fille s’était plusieurs fois demandé pourquoi les hommes faisaient le mal. Et voila qu’à son tour… C’était donc ça, être humaine ? 

 

Si c’était ça le monde réel, si c’était ça l’humanité, si elle avait su… Alors elle aurait préféré rester sur Lyoko, rester dans l’amnésie, et ne jamais revenir sur Terre ! Elle aurait voulu supplier Jérémie de la laisser tranquille ! Oui, mais alors…

Oui mais alors…

Alors, elle ne se serait jamais souvenu, ni de son père, ni de sa mère.

Elle n’aurait jamais connu tous ces bons moments avec ses amis.

Elle ne serait jamais entrée dans ce photomaton avec Jérémie…

 

Pourquoi ? Pourquoi ?

Pourquoi était-ce si dur pour elle de renoncer à ses souvenirs, à sa vie ? Elle savait que si elle n’était pas aussi attachée à sa mère, elle n’aurait jamais réactivé la machine sous l’usine. Elle devrait faire une croix sur Anthéa. Aélita le savait. Aélita le savait très bien ! Trop bien…

Et pourtant… Elle en était incapable.

 

Au milieu des rayonnages d’un disquaire parisien, une collégienne aux cheveux roses pleurait face à des disques d’électro-funk, un casque sur les oreilles.

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