Chap 18 : Instincts Bestiaux

Par Achayre
Notes de l’auteur : --

Trigger warning : Scènes de violence envers des animaux, impliquant des descriptions explicites nécessaires à l'ambiance

Premier jet non corrigé. Ecriture de la semaine 16 de 2022
07/09/23 : Mise en ligne de la version corrigée

Autour du Loir-Gris tout n’était qu’arbres et souches, sur des kilomètres. Ce paysage, aux essences variées, s'appauvrissait au profit des pins, à mesure que l’on regardait vers le nord, jusqu’à ce que le Mont Rude finisse par imposer ses pierres grises. La quiétude hivernale de la forêt avait cédé sa place à l'effervescence estivale. Un grand nombre de saisonniers, venus des quatre coins du royaume, se disputaient les meilleurs troncs. Les claquements secs des haches mordant le bois se taisaient par moment pour laisser les bûcherons profiter de l’ultime cri de leurs victimes. Ce grondement sourd, caractéristique d’un tronc qui s’effondrait, était accompagné du craquement des dernières fibres de son être qui rompaient sous l’effort. Il se jouait là une chasse sans défi entre une meute mouvante et des arbres piégés dans leur immobilisme. Pour chacune de ces morts, seules des larmes de sève étaient versées.

Un groupe de six bûcherons, parmi les plus revendicatifs, avait insisté pour se joindre à la chasse. Prétextant vouloir venger leurs camarades dévorés, ils couraient surtout après la promesse d’un épisode de violence gratuite. Ksenia s’était opposée à leur présence, mais le chef du village n’avait pas l’envergure nécessaire pour tenir tête à qui que ce soit. Plus perspicace, Cyriaque avait glissé, à l’oreille de la traqueuse, que quelques figurants agités pouvaient avoir leur utilité. Après tout, ils partaient à la poursuite d’un prédateur qui tenterait assurément de les dévorer. Disposer de renforts sacrifiables lui paraissait judicieux.

Ce fut ainsi que se constitua l’expédition chargée de retrouver et d’éliminer la créature qui décimait les bûcherons. Ksenia, Cyriaque, Lev et Moïra pénétrèrent dans la forêt en premiers, suivis par les braillards. Pister en silence, sous le couvert des bruits de la nature, n’était pas envisageable, à moins d’égorger leur escorte. La traqueuse dut se contenter d’interpréter les traces laissées dans la végétation par les habitants de ce lieu sauvage.

— Vous avez un périmètre en vue ou l’on s’en remet exclusivement à la bonne fortune ? se permit le mage.

Ses mots étaient cassants et prononcés sans un regard pour l’archère. Il digérait mal l’idée d’avoir pu la désirer un court instant. N’appliquer que de la logique et de la méthode était la meilleure échappatoire à toute distraction.

— D’après les témoignages et l’emplacement des corps, notre cible frappe de préférence les imprudents qui se risquent un peu trop près de l’affleurement rocheux qui se situe au nord-ouest du village, fit remarquer Ksenia. Il y a plein de grottes naturelles dans cette zone, à en croire le chef du village. L’endroit parfait pour mettre bas une portée d’atrocités.

Cyriaque opina, forcé de reconnaître qu’elle maîtrisait son sujet. Depuis que les Arcanes Royaux s’étaient désagrégés, il avait perdu un temps considérable à suivre des pistes froides ou à écouter de prétendus experts, mais le vieux mage se sentait suffisamment en confiance pour ne pas douter de leur guide. Elle ne goûtait pas la pointe des feuilles, ni ne reniflait les crottes abandonnées çà et là, comme bon nombre de charlatans. Ksenia lisait le mouvement des bêtes d’un simple regard sur son environnement. Si de l’extérieur elle paraissait vagabonder au hasard, dans les faits, la traqueuse se révélait d’une grande justesse quant à ses interprétations.

— Il doit nous rester une bonne heure de marche vers l’ouest, décréta-t-elle alors qu’elle observait un amas de terre retournée.

— Vous avez identifié une empreinte ? s’intéressa Moïra, dont les talents de pistage ne demandaient qu’à être améliorés.

— Pour le coup, c’est une absence d’empreintes qui me conforte dans mes choix, expliqua l’archère à la jeune apprentie.

Le regard circonspect de la blonde amusa Ksenia. Cette dernière prit le temps de lui expliquer, malgré l’impatience de Cyriaque.

— Les animaux ne construisent pas de routes, contrairement à nous, mais ils ont tendance à suivre les mêmes chemins à travers la végétation trop dense. Ici, nous avons de tout, poursuivit-elle en désignant un entrelacs de marques dans la boue. Du grand cervidé au lapin, en passant par tout ce qu’abrite cette forêt. Ne manque que la présence énorme de la créature que nous traquons.

Moïra écoutait religieusement les propos de la petite brune au sourire communicatif. À chaque fait énuméré, elle acquiesçait béatement.

— Et comment savez-vous qu’il faut poursuivre vers l’ouest ? l’interrogea l’apprentie.

— Quand même les prédateurs détalent à la suite de leurs proies, il y a fort à parier qu’une chose bien pire vient d’emménager là d’où ils fuient.

L’arrière garde bruyante poussa un cri plein de détermination meurtrière, à l’idée d’approcher du but. En temps normal, la présence des bûcherons aurait posé problème à la traqueuse. Aucun animal ne se laisserait approcher frontalement par un tel chahut. Dans le cas présent, ils avaient toutes leurs chances d’agacer l’instinct protecteur d’une mère monstrueuse et de devenir une cible. Si Ksenia avait assimilé la part du plan de Cyriaque qui consistait à laisser cette bande d’idiots servir de diversion en cas d’attaque surprise, elle trouvait cela un poil barbare.

— Il faut presser le pas, intervint Cyriaque. Hors de question d’affronter cette chose avec un soleil trop bas.

— Vous avez peur du noir, messire ? voulut plaisanter un des bûcherons. Avec l’âge, on y voit moins bien dans l’obscurité. Restez près de moi et je vous protégerai.

— Je dormais seul dans la forêt que vous n’étiez encore qu’un accident à venir, au chaud dans les bourses de votre père, l’insulta Cyriaque, en représailles. Cette créature vit sur son territoire depuis des semaines. En plus de ses instincts de prédation, elle bénéficiera probablement d’un effet de surprise. Alors, si nous pouvions atteindre sa tanière avant de perdre les plus couillons d’entre vous dans le noir, je me sentirais moins désavantagé.

La querelle de mots faillit se transformer en empoignade, mais le groupe d’excités avait eu le droit à une brève démonstration des talents du mage. Si Ételrune était dépourvue de la parole, elle savait se montrer très convaincante une fois dégainée. Chacun y alla de sa bravade. Certains raillèrent l’âge avancé de l’ancien Arcane Royal. D’autres se permirent des sous-entendus graveleux d’une lourdeur monumentale concernant leur vision de l’éducation que Cyriaque aurait dû donner à Moïra. Lev et son physique de grande tige frêle n’échappèrent pas à la distribution de quolibets. Ce fut finalement Ksenia qui ramena le calme entre deux invectives.

— Bon ! tonna-t-elle, une flèche dentelée à la main. Le prochain qui l’ouvre pour autre chose que signaler un indice utile dans notre recherche, je lui punaise la pine à une souche. Compris ?

Elle avait beau faire une tête de moins que le plus court des bûcherons, Ksenia venait de leur couper le sifflet. Cela se jouait à pas grand-chose. Le sourire qu’elle offrait à longueur de temps y était pour beaucoup. La traqueuse disposait d’un charisme naturel particulièrement efficace, et se faire menacer si fermement par cet adorable bout de femme ajoutait à son autorité.

La fouille du sous-bois se poursuivit dans un silence relatif. Un flux constant de chuchotements glissait d’un ouvrier à l’autre, mais rien qui méritait que Ksenia mette sa menace à exécution. Conserver sa flèche hors du carquois maintenait une pression suffisante. Elle la faisait danser entre ses doigts avec presque autant d’agilité que Cyriaque avec sa lame.

À l’approche d’une zone de végétation plus dense, le mage avait pris la tête de la colonne, précédé par Ételrune. L’épée runique tournoyait à vive allure, tranchant net les mauvaises herbes, ronces et autres fines branches qui obstruaient le passage. Flanqués de part et d’autre de leur maître, Moïra et Lev élargissaient la trace à l’aide d’une manœuvre similaire. Cyriaque les distança rapidement, les poignards des apprentis se montrant moins mordants que leur légendaire aînée.

— Ho, ça pue ! se plaignit Lev en hoquetant, près à vomir.

En effet, une odeur de charogne venait d’envahir les narines de tout le groupe. Cette dernière était si présente qu’elle donnait l’impression d’avoir un morceau de viande faisandée sur la langue. Un bûcheron, plus ventru que les autres, ne parvint pas à se retenir, et répandit le contenu vinaigré de son estomac sur le bras de son voisin le plus proche. La dispute qui s’en suivit arracha un sourire en coin à Cyriaque. Celui-ci s’empressa de croiser le regard de Ksenia et l’encouragea d’un signe du menton. L’archère se contenta de brandir sa flèche en direction des fautifs, et le brouhaha s’éteignit aussi vite qu’il s’était embrasé.

— Nous sommes proches du but, murmura Cyriaque, déçu que l’échauffourée n’ait rien donné de divertissant.

Lev sentit son estomac se soulever, littéralement, lorsque le groupe mit à jour la carcasse humide d’un énorme animal. Celui-ci avait été en grande partie dévoré. Ne restait plus que la chair trop collée au squelette et les viscères déchiquetés. Au plus près du cadavre, l’odeur de putréfaction était insoutenable. L’apprenti se demanda si les mouches avaient un odorat, car elles étaient les seules assez folles pour se risquer au contact des restes.

— Ça a tué un ours adulte, déclara Cyriaque, d’un ton qui se voulait annonciateur de problèmes graves.

— Pire, compléta Ksenia. Elle l’a dépecé. Ce que nous poursuivons est à la fois d’une grande force et d’une étonnante habileté.

Derrière son sourire permanent, il n’était pas aisé de savoir si cela l’enchantait ou la terrifiait. Le groupe de bûcherons, lui, ne cacha pas son malaise. Personne ne fit le fier à bras. Au contraire, Moïra surprit les plus bagarreurs en train de prier les Saintes au moment de contourner la carcasse. La balade champêtre qu’ils s’étaient imaginée venait de se transformer en conte morbide.

À partir de là, la végétation se fit plus disparate. Sous leurs pieds, le sol était jonché d’ossements, parfois brisés, et de résidus brunâtres dont l’origine ne faisait aucun doute. Quelle que fût la monstruosité qui hantait cette forêt, celle-ci nichait dans les parages.

La distance entre les deux groupes fondit jusqu’à ce qu’ils ne forment plus qu’un unique ensemble. Ksenia avait repris la tête de l’expédition, escortée par les mages. Les bûcherons sur les talons, la traqueuse inspectait le charnier abandonné au fil des repas. Elle désigna les os les plus grands, révélateurs d’un prédateur qui ne reculerait pas devant une résistance trop timide. Muet, Cyriaque prenait mentalement note des découvertes de Ksenia. Il rabattit sa capuche sur ses épaules et invita ses apprentis à en faire de même. Le danger pouvait surgir de n’importe où et un champ de vision dégagé ferait la différence en cas d’attaque. 

Moïra poussa Lev à l’opposé de sa position afin que le trio forme un triangle dont chacun surveillait une pointe. La jeune femme avait déployé son aura et s’était saisie de deux disques de métal évidés, aiguisés sur leur pourtour, que les forgerons nommaient chakrams. Moins agile, mais plus brutal, son rival faisait tournoyer une dizaine de boules hérissées de piques. Lev ne s’était jamais battu contre plus dangereux qu’un mannequin en bois articulé, alors les battements de son cœur résonnaient jusque dans ses tempes, brouillant un peu ses sens.

— C’est ici ! murmura Ksenia.

Vingt mètres devant eux, au bout de son doigt tendu, se trouvait la tanière nauséabonde de leur cible. Un trou sombre, assez large pour faire passer un taureau de front, s’ouvrait à la limite entre le sol et une paroi rocheuse. Mi-grotte, mi-terrier, l’endroit réunissait, à lui seul, tous les ingrédients d’un bon cauchemar. Les relents de matière en décomposition qui s’en échappaient avaient de quoi éloigner les curieux. Pourtant, Ksenia s’y aventura, bien déterminée à pousser sa traque jusqu’à son terme.

— Heu… nous on va attendre là, proposa le plus courageux des bûcherons. Il… hum… faut des gardes pour surveiller vos arrières.

Un bataillon de couards se positionna donc en arc de cercle, arme à la main et dos à l’action. Ils étaient venus pour tuer, pas pour mourir, ni ramper dans un boyau aussi détestable que l’arrière d’un putois. Cyriaque, à l’inverse, était disposé à se joindre à elle, mais Ksenia l’en dissuada.

— C’est trop étroit pour se battre. Mieux vaut que j’y aille seule en repérage. Préparez-vous à embrocher ce qui risque de surgir de ce trou si je rate mon coup.

— Pas de bêtises, l’enjoignit le vieux mage. Je ne vous compte pas dans les pertes acceptables.

— Gardez votre paternalisme pour votre apprentie, le rabroua-t-elle. Je ne suis pas une petite qu’on mène au bal pour la première fois.

Toujours parée de son sourire insolent, Ksenia glissa un clin d'œil à Moïra avant de disparaître dans l’obscurité.

— Je ne suis pas une novice ! protesta la jeune femme blonde.

L’ancien Arcane Royal la fit taire d’un simple doigt dressé qui se réclamait d’une autorité parentale que Cyriaque s’était arrogé sans son accord. Un silence qui dura jusqu’au retour de l’archère, cinq minutes plus tard.

— Bon ! J’ai plusieurs mauvaises nouvelles, vous voulez laquelle en premier ?

— La moins mauvaise, se permit d’intervenir Lev.

— Maman a expulsé de beaux rejetons, ironisa Ksenia. On se retrouve avec une douzaine d’abominations sur les bras. Heureusement, ils sont encore léthargiques, aveugles et édentés.

— On va devoir les tuer aussi, soupira Cyriaque, ostensiblement contrarié par cette idée.

— Bah alors, pépé, on se dégonfle ? se moqua un jeune bûcheron.

— Je tue sans broncher lorsque cela est nécessaire, riposta le mage. Là, c’est un massacre gratuit qui ne m’enchante guère.

Le cadet des saisonniers consulta ses semblables à la recherche d’un soutien qui tardait à venir.

— Nous on va le faire ! les porta-t-il volontaires. On n’est pas du genre à se débiner.

À vrai dire, ils n’avaient presque fait que cela depuis le début de la chasse. N’ayant du courage et de la verve que dans les moments les moins glorieux. Le groupe mit plusieurs secondes à réagir, puis poussa un beuglement d’approbation. Ksenia s’écarta du chemin pour laisser la bande de décérébrés s’acquitter de la basse besogne.

— Vous avez parlé de plusieurs mauvaises nouvelles, la relança Cyriaque.

— Les petits sont vraiment gros. Ce qui est inquiétant, car ils n’ont pas trois jours, ajouta-t-elle.

Comme pour confirmer ses dires, deux des bûcherons traînèrent l’une des créatures hors de sa tanière. Rose, chauve et difforme, elle protestait en couinant. Du moins, jusqu’à ce que la lumière du jour se mit à brûler son épiderme encore fragile. Alors, l’hideux bébé se roula en boule. Hilares et insensibles au fait que ce n’était qu’un bébé, ses bourreaux lui assénèrent un coup de hache mortel. La cruauté gratuite venait de faucher une vie, sans aucune trace de compassion. Moïra et Lev partagèrent une grimace de dégoût, bien plus marquée que celle exprimée face aux odeurs de charognes. Eux non plus ne cautionnaient pas la mise à mort, bien qu’elle fusse nécessaire.

— J’ai retrouvé la peau de l’ours, précisa la traqueuse. Cette saloperie s’en est servie pour tapisser le fond de son antre.

— Répugnant et déroutant, concéda Cyriaque. Une idée du genre de bestiole à qui nous allons avoir affaire ?

— Aucune, reconnut-elle. En général, les monstres qui nous tombent du ciel ne débarquent pas avec leurs héritiers. C’est la première fois que j’explore un nid alors je ne sais pas trop quoi en penser.

— On a fait le tour ? voulut participer Moïra.

— Il y en a une dernière, et pas des moindres, lui répondit Ksenia.

Intrigué, Cyriaque l’interrogea d’un signe du menton.

— Elle va revenir. Maman est partie faire les courses et elle ne devrait pas tarder à découvrir qu’elle a reçu une visite macabre.

Les autres petits se montrèrent moins coopératifs avec leurs meurtriers. Déjà une multitude de piaillements terrifiés s’élevaient dans le calme du charnier. Des appels qui ne demeureraient pas longtemps sans réponse.

— Installons-nous sur un point d’observation et essayons d’intercepter la mère avant qu’elle ne débarque pour se faire justice dans le sang, ordonna Cyriaque.

— Vous allez utiliser ces types comme appâts ? s’offusqua Lev, toujours trop innocent quant aux aspects sombres que pouvaient revêtir certains pans d’une aventure.

Aucun chant de barde ne vantait le courage involontaire lié à ce genre de moment. Si une ribambelle de héros se targuaient de ne jamais recourir à la sournoiserie pour atteindre leurs buts, ils ne faisaient pas long feu en dehors des histoires inventées par leurs soins. Nombre de stratégies impliquaient une dose controversée de manipulation pour opérer, qui s’évaporait une fois le résultat inespéré obtenu. La nature humaine s'accommodait mieux d’une légère traîtrise pour la bonne cause, que d’un échec.

— Tu peux rester avec eux, si tu veux, lui proposa Cyriaque. Ou alors, tu réfléchis un peu au danger que nous allons devoir surmonter lorsque le véritable monstre va débarquer. La vie n’est qu’une succession de choix. Fais le tien et assume-le.

Lev regarda son aura orange au bout de laquelle flottait ses armes. Elle avait pris un ton plus foncé lors de sa dispute avec Dolores et il percevait déjà son éclat s’assombrir alors que sa décision n’était pas tranchée. Comment Moïra parvenait-elle à maintenir la sienne d’un blanc toujours aussi frais ? Des doutes vinrent s’ajouter à ses questionnements. Était-il vraiment fait pour ce genre de vie ? Lorsque Ksenia, Cyriaque et sa rivale s’éloignèrent de l’exécution en cours, Lev se résigna à les suivre.

La paroi rocheuse, qui surplombait la tanière, n’était qu’un échantillon des apics plus vertigineux qui parsemaient le flanc du Mont Rude. La montagne ne débutait réellement qu’à trois ou quatre kilomètres plus au nord. Il fallut une dizaine de minutes à l’archère et aux mages pour se hisser assez haut en gravissant un semblant de piste rocailleuse. Un temps au cours duquel ils perdirent de vue le groupe de bûcherons assoiffés de sang. En revanche, les cris stridents des petites victimes ne leur offrirent aucun répit.

Ce fut un autre appel à l’aide qui glaça le sang de Lev. Un hurlement venait de faire vibrer le feuillage autour d’eux. Si le registre des aigus était comparable, la puissance de ce dernier surpassait en tous points les complaintes des petits monstres. La mère était de retour et elle ne tarda pas à venger sa progéniture. À partir de là, il y eut de nouvelles suppliques, mais toutes furent prononcées par des voix humaines.

Le groupe se précipita jusqu’au rebord d’où ils avaient espéré guetter son arrivée. C’était déjà trop tard. Des bûcherons, il ne restait plus que des corps mis en pièces. Debout au milieu du carnage se tenait l’objet de leur traque. Longue de plus de six mètres, svelte et élancée, la créature pouvait paraître courte sur pattes. Une chose qu’elle compensait aisément en se tenant dressée sur celles de derrière. Dans ses griffes, elle tenait ce qui devait être les jambes et le bas de l'abdomen de l’agresseur le plus ventru. Peu versée dans la tristesse, l’hermine gigantesque mâchouillait frénétiquement sa dernière prise. Son museau de rongeur était couvert du sang de ceux qui venaient de mettre son nid à sac.

— Ça, c’est beaucoup mieux qu’un gros chat ! se réjouit Ksenia, un sourire véritable sur son visage lumineux.

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TiteTeigne
Posté le 24/04/2022
Un chapitre encore plus sombre que les précédents (plus que le récit des Arcanes Royaux selon moi) et qui apporte de la matière (pas que des viscères) à cette aventure.
Déjà une très belle entrée dans le sujet avec la personnification des arbres et les sentiments associés à leur destruction. On pourrait penser à une fable écologique, la violence contre les forêts et les animaux ; on n'y est presque ! Les bûcherons sont vus comme des sauvages et des chasseurs sans cœur devant de jeunes créatures sans défense à peine sorties du giron de leur mère. Et pourtant de vrais trouillards devant le danger, que des qualités ! Nous ne pouvons donc que rire noir et nous allier à Cyriaque dans son cynisme de les voir utiliser comme appât. Jouir avec Ksenia de la créature enfin trouvée malgré le bain de sang occasionné.
En parlant de Ksenia (la guerrière ?), elle en impose la demoiselle et se montre à un niveau de tenir tête à Cyriaque, chapeau bas ! Et sa connaissance du terrain est remarquable. Bravo pour les détails de la traque qui apporte du charisme à ce personnage. Tout comme son habileté à contrôler les troupes.

N'y aurait-il pas une once de noirceur autour de Lev ? Un petit doute de placer, à voir comment cela évolue.

En résumé, une traque en pleine nature qui vire au cauchemar, d'un humour noir et subtil, le tout soupoudré de descriptions précises apportant profondeur à la scène.

Quelques petites corrections pour finir :)
"Ksenia s'était opposéE"
"Il digérait mal l'idée"
"Décréta-t-elle"
"Autres fines branches qui obstruaiENt le passage"
"Deux des bûcherons traînèrent l'une des créatures"
"VouluT participer Moïra"
"FaiS le tien et assume le"
"Des bûcherons" (majuscule)
Achayre
Posté le 03/05/2022
Hello ;)

Nous sommes arrivés au milieu du récit. Il est temps de mettre en place les pièces qui nous emmèneront vers sa conclusion. Cela passe par un peu de violence et quelques traumatismes destinés à sortir définitivement Lev de son enfance et le rendre réceptif à ce qui l’attend.

À bientôt :)
Vous lisez