Arc I : Guerre - Érica : Arrivée à Valoria

Par Sabi
Notes de l’auteur : 20 mai de l'an 1075 après le Débarquement

Valoria la Triple. Une ville séparée en trois parties par des murailles concentriques chargées de stratifier ses habitants. Le cercle extérieur était le lieu des pauvres et des petites gens. Le médian abritait les artisans et les bourgeois. L’intérieur était réservé aux nobles et aux familles proches de la couronne. Car oui, Valoria était la capitale du Royaume de Corvefell, et les gens ne cessaient de vouloir en contempler les splendeurs à ce que racontaient les gens des duchés. 

Toujours Érica avait grandi au son des histoires fantastiques et glorieuses de la Triple, et bien entendu son envie de voir à son tour les merveilles de Valoria n’avait fait que grandir avec l’âge. À quinze ans désormais, la jeune fille réalisait à quel point tout cela était des histoires. Du haut de son cheval baie, elle avait pu voir les murs des enceintes, les maisons, les habitants. Et tout était si décevant. Une odeur infecte avait assailli ses narines à son entrée dans le cercle extérieur, comme pour lui souhaiter la bienvenue. Et le peuple, habillé parfois de guenilles, avec la peau du visage recouverte de crasse et de souillures. Beaucoup avaient des dents en moins. C’était ça la réalité de la capitale ? Le médian et l’intérieur avait eu beau être bien plus présentable à tout point de vue, Érica ne parvenait, ni ne voulait, oublier les premiers instants de son expérience de Valoria, qu’elle jugeait primordiaux.

Certes, Val-lès-l’Ombre n’égalait nullement en taille ou en prestige la Triple. Sa ville où elle avait grandi n’était que la capitale du duché de sa famille. Mais combien on y était mieux, entouré par les montagnes de l’Ombre continuellement enneigées, dominé par la Dent de l’Ours sur laquelle se levait en premier le soleil au matin. Et même si la ville était bien petite, et, sous certains aspects, frustre et sauvage, la pureté de l’air et la rudesse du climat créaient de solides gens bourrus mais ayant le coeur sur la main. Tout le monde se connaissait à Val-lès-l’Ombre, ne serait-ce que de réputation. À Valoria, une foule d’inconnus se côtoyait.

Le cortège finit par s’arrêter dans la cour du palais royal. Des palefreniers aidèrent Érica à descendre, et l’on se prépara rapidement à entrer officiellement dans le hall d’accueil des Ducs. Stefron, son père, avait la figure distante de ceux qui détestent les cérémonies officielles à cause de leur ennui. La jeune fille le voyait regarder de ses yeux verts les fresques et autres sculptures qui ornaient le frontispice du palais. Il n’avait jamais été fait pour la vie de cour. Sa fille l’avait toujours connu comme quelqu’un appréciant mêler son quotidien à celui de ses sujets, aidant aux champs le printemps et l’été lors des grandes occasions, participant à l’enlèvement des congères dans les artères principales du Val en hiver. Il disait que c’était une nécessité dans le nord pour se faire accepter et respecter de ses sujets. Mais il était clair que son père y avait pris goût depuis longtemps.

Malgré sa première expérience négative de la capitale, Érica restait fort curieuse de ce qui allait se passer durant les prochains jours. Ayant fêté cette année son quinzième anniversaire, elle avait atteint l’âge requis pour être admise dans le concert politique du Royaume. Ainsi, elle pouvait désormais, et devait, se rendre avec toute sa famille à Valoria pour assister à l’Assemblée annuelle. D’ordinaire, seul Steffron son père s’y rendait, parfois accompagné d’Edmond son frère aîné. Mais maintenant que l’ensemble de la branche ducale des Marjiriens était en âge, il avait fallu marquer le coup, si bien que même sa mère Livia avait fait le déplacement.

Une fois le protocole royal suivi à la lettre dans le hall, des serviteurs les emmenèrent dans leurs quartiers. Chaque famille ducale du Royaume avait ses appartements personnels au palais royal. Dans les leurs, le lion doré sur fond vert était partout, sur les murs, au plafond, sur les armoires, et même dans les baignoires. Des dorures étaient incrustées jusque sur le pommeau des poignées de porte. C’était d’un mauvais goût. On sentait là toute la différence de mentalité entre la royauté et leur duché. Dans le château des Marjiriens, à part pour la salle du trône ducal et les appartements réservés aux visites éventuelles de la couronne, nul part on ne trouvait de trace d’or. Les murs étaient en pierre brute, et le luxe consistait en la disposition de cheminées et de fourrures en hiver.

Toujours est-il que, malgré le décor peu à son goût, Érica apprécia à sa juste valeur le bon bain chaud qu’on lui avait préparé après ces jours de voyage vers le sud. Ses cheveux cendrés flottaient à la surface de l’eau, tandis que la vapeur montait vers le plafond ou de discrètes bouches d’aération lui permettait d’être évacuée. Prenant ses aises dans sa baignoire, Érica réfléchit à ce qui l’attendait. Dans quelques heures commencerait l’Assemblée. Érica n’aurait pas besoin d’y participer en tant que tel, car elle n’était ni duchesse, ni promise à le devenir étant la cadette. En revanche, tandis que son père siègerait, la jeune fille devrait tenir son rang et représenter les Marjiriens auprès des membres non siégeants des autres familles ducales. Ce serait son baptême du feu. Le stress était grand pour elle, en partie parce que son père l’avait toujours tenue éloignée de la politique inter duchés qu’il détestait. Cela ne voulait pas dire qu’elle était ignorante de tout. Mais elle craignait d’être prise en défaut par des questions pointues. Se relevant légèrement, son regard accrocha le miroir mural qui lui faisait face, et les yeux verts des Marjiriens la regardèrent en retour. La chaleur de l’eau avait rougi ses joues. Le climat rigoureux et les activités physiques avaient contribué à lui forger un corps mince, souple et vigoureux. La jeune princesse ducale ne se considérait pas comme spécialement hors-du-commun, mais elle avait une certaine confiance en elle née des leçons de défense physique que son père lui avait donné dès son plus jeune âge. Un jour, il lui avait dit :

« Les autres duchés adorent la politique. Mais ils oublient que la vérité, c’est qu’il suffit de les frapper suffisamment jusqu’à leur neutralisation, voire de les tuer, pour que leur jeu s’effondre. »

En fait, son père l’avait préparé à sa façon à ce moment : « Si l’on nous attaque, tu cognes jusqu’à ce qu’il soit à terre et ne se relève plus. »

Ce n’était pas pour rien que le lion avait des crocs et des griffes.

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MildredWilkins
Posté le 13/11/2022
Hey ! Très bon début il me tarde de lire la suite. Les personnages sont très bien décrits et représentés, réalistes comme il faut. Ne m'y connaissant pas beaucoup en médiéval fantasy, je ne peux te faire de remarques qui te seront pertinentes à ce sujet. Cependant, j'aime ce qui m'est présenté et je n'ai eu aucun mal à découvrir ce début :)
Sabi
Posté le 13/11/2022
Hey !
Merci du fond du coeur pour ce commentaire ! C'est toujours un plaisir de voir un nouveau lecteur !
Je suis content que le début ait su t'accueillir comme il convient. J'espère que le reste te plaira !
JeannieC.
Posté le 09/11/2022
Hello !
Je te découvre grâce aux Histoires d'Or et j'avoue que j'ai été intriguée par la Sainte Vierge comme couverture de l'histoire ^^
Une jeune femme fait donc ses premiers pas en politique, tandis qu'elle suit le protocole au sein du palais. J'aime bien les thématiques politiques, je suis donc curieuse de voir où va nous emmener Érica.
Juste deux petits pinaillages :
> "hall", si tu veux rendre une ambiance médiéval-fantasy - à en croire les dates et l'ambiances - c'est un peu trop moderne. Tu peux opter pour vestibule par exemple.
> Je trouve presque dommage le premier paragraphe très détaché et encyclopédique dans sa façon de présenter les choses. Pourquoi ne pas démarrer directement avec les ressentis d'Érica et en profiter pour amener dans le fil de son parcours les infos du premier paragraphe ?
Je poursuis ! :)
Sabi
Posté le 09/11/2022
Salut !
Enfin quelqu'un qui se questionne sur la raison de la Vierge comme illustration ! Je te le confirme, il y a une raison...
Merci pour le commentaire, la lecture, et les remarques !
Liné
Posté le 29/10/2022
Hello ! Après t'avoir découverte à travers Synesthésie, les Histoires d'or m'encouragent à me plonger dans tes textes plus longs.

J'aime beaucoup la promesse d'une héroïne qui entre dans une arène politique, avec ses bagages bien à elle. Ces bagages, justement, me semblent réalistes : formée mais pas trop, curieuse mais pas trop, sensibilisée à la bagarre. Jusque-là, l'univers que tu nous proposes (ou en tout cas, les parties que tu nous donnes à voir) sont assez classiques mais fonctionnent, avec une répartition sociale par niveau de richesse/pauvreté.

Je continue !
Sabi
Posté le 30/10/2022
Merci de continuer à me lire. Ça me fait très plaisir.
Arod29
Posté le 28/08/2021
Hello,
Un bon chapitre de présentation. C'est très agréable à lire.
Juste une remarque concernant 2 tournures de phrases qui m'ont gêné.

"Mais combien on y était mieux..."
J'aurais plutôt écris "mais on y vivait tellement mieux", par esemple.
"Toujours Érica avait grandi au son des histoires fantastiques..."
Là j'aurais ajouté un "Depuis" avant toujours.
Ca reste des suggestions, après tu fais ce que tu veux. :-)
A bientôt
Sabi
Posté le 28/08/2021
Merci pour le commentaire et les remarques !
Edouard PArle
Posté le 26/08/2021
Hey !
L'histoire et le style sont très bien et je suis le déroulement de tes chapitres avec intérêt.
Quelques remarques:
"À quinze ans désormais, la jeune fille réalisait à quel point tout cela était des histoires." J'ai un peu tiqué sur cette phrase, peut-être la tourner différemment ? -> à quel point tout cela n'était qu'histoires fabuleuses. Après c'est toi qui voit.

"C’était d’un mauvais goût." Tu pourrais peut-être mettre plutôt ... au lieu d'un simple point.
« Si l’on nous attaque, tu cognes jusqu’à ce qu’il soit à terre et ne se relève plus. » -> peut-être remplacer il par "l'ennemi"
Pas vu de fautes d'orthographe.
Sabi
Posté le 26/08/2021
Merci pour les remarques. Merci pour le commentaire. C'est vrai que le ... rendrait mieux...
Edouard PArle
Posté le 26/08/2021
En effet ....
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