- 5 -

Par Liné
Notes de l’auteur : Après réécriture, j'ai fusionné certains chapitres entre eux, ce qui peut bousculer le marquage "lu" de certain-es lecteurices. Si vous êtes perdu-es, n'hésitez pas à me demander où vous en étiez !

   Sur la route qui serpente au loin, entre les sommets enneigés et les forêts de pins, les cailloux reluisent. Le soleil pèse de tout son poids sur eux, les éclaire et les amenuise si bien qu’ils semblent tressauter : des grains de maïs dans une poêle brûlante, songe Claire, et il en faudrait peu — deux degrés de plus ? — pour que le paysage se transforme en saladier à popcorn géant.

   La jeune femme porte une main en visière sur son front et se retourne : derrière elle, la colonie avance au pas, Klaus en tête et Sofiane fermant la marche.

— Ça ne va pas ? lui demande l’intendant.

— Non, tout roule ! Mais je crois qu’on a définitivement semé le deuxième groupe.

   Klaus fait à son tour volte-face. Son cou brille et son t-shirt se plaque contre ses omoplates. Claire devine ses yeux qui se plissent tandis qu’il scrute la queue de la file, cherchant à y débusquer la silhouette perdue des autres animateurs. En vain.

— On n’a pas dû se comprendre, commente Sofiane en les rattrapant, peut-être qu’ils ont pris le mauvais chemin. Tous les ans c’est la même chose !

— Pourquoi serait-ce eux qui auraient pris le mauvais chemin, comme tu dis, et pas nous ?

   Sous ses lunettes de soleil, Sofiane offre à Klaus sa mine la plus imperturbable. L’activité du jour, un jeu de piste dans une forêt, Sofiane s’en moque : les adolescents sont bien trop grands pour s’amuser à courir après des bouts de ficelles dans les arbres et des indices sous les mottes de terre, l’expérience l’a prouvé — d’autant qu’au fil des ans, le parcours n’a jamais varié. Alors à quoi bon se donner tout ce mal ?

— Qu’est-ce qu’on fait ? interroge Claire. On continue d’avancer, non ? On va tout de même pas rester sous ce cagnard à les attendre, encore moins s’ils ont pris une route différente de la nôtre…

— Ah oui, pitié ! Il fait trop chaud…

   La petite voix qui vient de répondre appartient à un adolescent extirpé du peloton. Autour de lui, les quelques jeunes arrêtés à hauteur de leurs animateurs sont essoufflés et dégoulinent de sueur.

— Pas la peine de se casser le cul, conclut Sofiane. On n’a qu’à avancer tranquillement vers la forêt et faire une pause au frais. Si ça vous va, je retourne fermer la marche.

— Super !

   Sur ces mots, la machine se remet en route : les jambes s’articulent et les pieds se posent l’un devant l’autre, doucement d’abord, englués dans la chaleur, puis avec plus d’aisance. Les cailloux râlent sous les pas, les gravillons secs s’effritent. Les marcheurs gardent les yeux rivés au sol, la nuque ployée par le soleil, ou fixent l’horizon fait de pins.

   Claire a chaud. Trop chaud. Elle est d’ordinaire moins vulnérable — mais il faut croire que ce nouveau boulot n’est pas aussi reposant qu’il n’y paraît. Un jour je serai vieille, se dit-elle, et alors cette sensation de lenteur, de lourdeur, me collera à la peau avec un peu plus de grâce. En attendant, j’entraîne la colonie dans mon sillon.

   Léa participe au cortège. Claire a insisté pour que la petite intègre son groupe de marche. Hors de question qu’elle soit placée sous la surveillance de Jules, qu’elle se laisse ronger par l’animosité du directeur. Loin des yeux, loin de la rancœur. L’animatrice se contorsionne et cherche Léa : la gamine est bien là, silencieuse, flanquée de deux copines bienveillantes, et suit le rythme de la troupe.    

— Hé Claire, tu entends ça ?

   La jeune femme s’arrache à ses pensées. Au coude à coude avec elle, Klaus se redresse comme pour humer l’odeur que la canicule exhume de la terre.

— Entendre quoi ?

— Il y a une sorte de bruit d’eau…

   Claire ralentit sa course. Klaus a raison : si l’on tend l’oreille, des clapotis s’invitent.

— Il y a un cours d’eau pas loin ? demande Claire.

   L’intendant grimace : il n’en sait rien.

— Sofiane ! crie l’animatrice par-dessus la vague d’adolescents qui les sépare. Il y a un fleuve ou un ruisseau dans le coin ?

— Ouais, bien sûr ! Par là-bas, à plusieurs dizaines de mètres !

   L’index tendu de Sofiane plante une ombre fine sur son nez tandis qu’il désigne les contrebas du sentier. Claire se réjouit de sa réponse, balaie d’un regard transporté ce paysage qui ne promet pourtant rien, et lance tout de go :

— Les jeunes, ça vous dirait de piquer une petite tête ?  

   Une seconde de flottement suit la proposition de Claire. Sofiane et Klaus paraissent sceptiques ; les adolescents, eux, sont ravis.

— Grave !

— Quand tu veux !

— Claire… Tu es sûre de toi, là ?

   Les bras croisés, le dos bien droit, Klaus est particulièrement grand.

— Ça ne peut pas faire de mal ! argumente Claire. On a de l’avance. Et puis, depuis qu’on a entamé l’organisation de cette journée, vous n’arrêtez pas de vous en plaindre. Sofiane, t’es partant ?

   Elle se tourne subitement vers lui et le jeune homme n’a d’autre choix, s’il veut lui plaire, que de se dérider un peu : il abandonne l’air inquiet que lui donnent les plis sur son front et, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, un large sourire vient strier ses joues brûlantes.

— Et pourquoi pas ! C’est vrai qu’on a du sursis. On peut au moins aller jeter un œil, ça ne nous oblige à rien !

   Il dépasse le groupe d’adolescents et, avant de s’engager hors du sentier, tape l’épaule de Klaus d’un geste franc. Pris au dépourvu, l’intendant décroise les bras tandis que, déjà, Sofiane écarte à deux mains les broussailles sèches qui lui barrent la route.

— Par ici, derrière le guide !

   Poussés par un regain d’énergie, les adolescents s’engouffrent en file indienne dans le passage que Sofiane vient de créer pour eux. Claire s’y engage à son tour, suivie d’un Klaus à l’attitude résignée. Les branches craquent et la jeune femme écrase les ronces que les jeunes ont esquintées. Les clapotis s’intensifient, les fourrés se raréfient et, au détour d’un arbre plus imposant que les autres, Claire parvient au sommet d’une falaise. Là, elle découvre le cercle que Sofiane et les adolescents composent autour d’un ruisseau. Des serpentins d’eau s’échappent le long de la roche pour se jeter dans les airs.

— Tadaaaa ! présente Sofiane.

   Claire et Klaus s’approchent du bord et observent la cascade. Le ruisseau, qu’un nuage de mousse verdit, se libère et se transforme en filets blancs. En contrebas, il pleut à la surface lisse d’un grand point d’eau. Les jeunes sont aux anges et la plupart d’entre eux s’amusent déjà à tremper doigts et orteils dans le ruisseau.

— C’est possible de sauter, depuis ici ? interroge Claire.

   Klaus réagit au quart de tour :

— T’es folle ou quoi ?

— T’inquiète, je fais que poser la question ! Cet endroit est magnifique…

   Devant eux s’étendent, à perte de vue, les forêts de pins que seule surplombe une série de montagnes encore enneigées.

— Très peu de gens passent par ici, explique Sofiane, c’est un peu trop éloigné des sentiers de rando. Et tu devrais voir la vue d’en bas : avec la cascade, on dirait une pub pour un shampoing !

   Claire rigole.

— Je conçois bien, réplique Klaus, mais enfin… Claire, on ne va tout de même pas descendre se baigner !

— Tu me prends vraiment pour une casse-cou, c’est dingue ! Je trouve ça beau, je suis contente d’être ici, c’est tout.

— Moi je saute, si vous nous autorisez !

   Les trois animateurs se retournent dans un même mouvement. Les pieds dans le ruisseau, Théo est allé jusqu’à se débarrasser de son t-shirt.

— C’est vrai quoi, insiste-t-il, moi j’ai pas le vertige ! Et ça rafraîchirait vachement.

   Son audace arrache à Claire un nouveau rire. Elle part à la renverse, donne au soleil son nez frémissant et sa bouche rayonnante. Elle a toujours aimé l’originalité ; les cases qui débordent, les esprits qui s’éloignent des sentiers battus.

— Et pourquoi pas ? finit-elle pas admettre. En revanche, je refuse de te laisser te baigner sans qu’un adulte t’accompagne. Et moi, je ne saute pas comme ça d’une falaise !

— Il existe des méthodes bien plus simples pour se baigner, intervient Klaus d’un ton sec. Descendre jusqu’au bord de l’eau, par exemple.

   L’intendant connaît les dérives fracassantes de sa collègue. Une comédienne ratée, ça garde souvent cette fraîcheur, cette spontanéité que beaucoup trouvent effrayantes, un je-ne-sais-quoi de libre qui agace, par jalousie ou par contrainte. Et quand Claire a une idée dans le crâne, rien ne sert de la contredire. La brosser dans le sens du poil, concéder deux ou trois miettes, reste encore la meilleure façon de ne pas créer d’embrouilles.

— Mais je veux sauter ! réclame le garçon.

   Une rumeur confuse s’élève : d’autres jeunes expriment le même souhait.  

   Claire pousse un caillou du bout de sa chaussure. La roche râpe la roche, le poing gris se maquille de quelques gouttelettes avant de se perdre dans les airs. Un silence, puis le bruit rond du plan d’eau engloutissant le caillou.

— C’est pas moi qui risque d’initier le mouvement, les gamins… Désolée de vous décevoir !

   Elle aimerait sauter, ça se sent. Elle est à ça de le faire. Elle se balance dangereusement non pas au-dessus, mais vers le vide. Ses cheveux éclaboussent ses épaules et dissimulent une partie de son visage. Elle voudrait — imagine Klaus — elle voudrait se jeter à corps perdu dans une immensité, air ou eau, et laisser ses membres s’évader sous la légèreté d’une chute. Toutefois quelque chose l’en empêche et l’intendant se demande bien quoi. Il souhaiterait savoir ; décrypter ce qui se cache, exactement, dans cette caboche, derrière ce sourire en demi-teinte qu’il ne peut qu’entrapercevoir sous ce rideau de cheveux sombres. Claire serait-elle sujette à des vertiges ? Klaus est intrigué. Il se sent face à un esprit différent du sien et, bien que certains excès de Claire puissent le rendre furibond, il s’intéresse à elle comme on se nourrit d’expériences extérieures. Elle représente une couleur qu’il n’a pas, une fougue qui ne l’a jamais soulevé, des fourmillements qu’il ne saurait ressentir. Il n’a pas encore décidé s’il l’enviait ou s’il la plaignait.   

— Sérieusement, Sofiane, tu l’as déjà fait, toi ? demande-t-elle.

— Fait quoi ?

— Sauter du haut de cette falaise. Je veux dire, l’eau est suffisamment profonde, hein ?

   L’animateur se trémousse. Il ne sait plus où se mettre. Celui-là, se dit Klaus, donnerait cher pour impressionner les jolies filles. Et il devine, lui aussi, que Claire souhaite se jeter à l’eau.

— Oui, j’ai déjà sauté plusieurs fois ! Enfin, c’était il y un bail…

— Dans tes folles années de jeunesse ? ironise Klaus.

   Pour toute réponse, Sofiane ancre ses mains dans le creux de ses hanches. Le triangle que forment ses bras assoit la contenance qu’il tente de se donner.  

— Je vais le faire, lâche-t-il pour ne plus avoir le choix de ses actes. Je vais sauter.

   Il retire son t-shirt — Klaus lève les yeux au ciel — et se tourne vers les adolescents avant de lancer :

— Théo, mate bien comment il faut faire ! Et les autres, me suivez pas si vous avez trop peur !

   Autour du ruisseau, les jeunes s’adressent des regards désabusés. Sauter d’une poignée de mètres n’en effraie que quelques-uns, et ils ne comprennent pas pourquoi les adultes en font tout un plat. Même Léa ne semble que vaguement s’intéresser à la question. Pendant ce temps, Sofiane enlève son pantalon et se retrouve, en caleçon, face au soleil ravageur. Un sourire pas si confiant que cela, de travers sur ses dents parfaitement blanches, déséquilibre sa prestance.

   Sans plus attendre, l’air concentré, il s’élance. Claire s’attarde sur le moindre de ses mouvements. Ses pieds bruns tranchent sur la roche grise et, d’un coup d’un seul, s’en détachent : il a sauté. Son corps s’élève, se cogne contre le contour des montagnes, glisse ; ses bras s’étendent, ses jambes se déplient, ses muscles forment des saillies d’ombres. Il tombe au ralenti, dans le silence, objet incongru au milieu d’un paysage que rien ne vient déranger. Ça paraît long, très long, une seconde distordue, remodelée pour le simple plaisir de profiter du moment. Et puis, comme il a quitté la terre, il rencontre l’eau : les orteils devant, dans un splash ! magistral qui fait tourbillonner autour de lui des flots aux branches blanches. Il a brisé le silence et, quand sa tête mouillée réapparaît à la surface, dans l’un des cercles que sa chute a créés, il rit à gorge déployée.

   Claire exulte mais n’a pas le temps de se remettre de son émotion : déjà, Théo prend son élan, zébrant le champ de vision de la jeune femme, et saute. Pousse un cri rond et joyeux qui vient frapper les sommets. Et atterrit dans l’eau avec la force d’un canon. Alors, c’est la débandade : une armée d’adolescents se jette dans le vide, un par un, et c’est une pluie de mains, de pieds et de cris qui s’abat sans crier gare sur le plan d’eau. 

   Claire ne résiste pas plus longtemps. Entraînée par tant d’enthousiasme, elle enlève son short à la hâte et saute. Et voilà : elle lévite. Elle n’en revient pas, est surprise, fière d’elle ; son ventre la chatouille et ses cheveux rayonnent derrière elle. Un crochet la saisit à l’estomac. La chute est infinie, les verts, les bleus et les blancs se confondent. Elle crie, un cri vrai, sans fioriture, qui balance contre le paysage son exaltation jusque-là retenue, et qui la libère. Enfin, c’est l’obscurité. La fraîcheur de l’eau s’empare d’elle ainsi qu’un calme nouveau, étouffé. Elle ouvre un œil. Dans ce bleu intense, rayé de parcelles de lumière, elle entend son cœur battre la chamade. Elle s’immobilise, fait la morte. Avant que l’oxygène vienne à lui manquer, elle donne un bon coup de brasse vers les hauteurs claires là où, au-dessus d’elle, les jambes des adolescents chahutent silencieusement.

   Lorsqu’elle émerge, des exclamations de joie s’imposent à elle. Les rires résonnent sous la roche. Claire lève les yeux vers le sommet de la falaise et contemple le souvenir fantôme de son voyage dans les airs. Sofiane avait raison : la vue est d’une beauté irrésistible. Au milieu des amas confus de pins, Claire voit Klaus accompagner vers la berge les adolescents qui n’ont pu se résoudre à sauter. Pour ne rien rater de la fête, l’intendant leur a proposé de se baigner à leur rythme ; en plongeant les pieds d’abord, et sans crochet à l’estomac. Parmi eux, Claire distingue Léa et se rassure : avec lui, elle est en sécurité.

   La jeune femme se détend et fait l’étoile : les bras en croix, elle invite les clapotis à se frotter contre elle. Dérive. Son débardeur noir gonflé d’eau colle comme une seconde peau et lui permet de rêver d’une enveloppe différente. Si elle avait le choix, elle serait une belle baleine au ventre doux. Autour d’elle, certains jeunes s’amusent à s’éclabousser ; l’eau est malmenée, triturée de mains en mains et jetée sur des visages euphoriques. Cela fait une éternité qu’elle-même ne s’est pas amusée à des jeux d’enfants ; il faudra y remédier prochainement, se promet-elle. Pour l’heure, la quiétude et l’absence de pesanteur la ravissent. Elle se sent légère, détachée de tous les tracas qui plombent le quotidien et se plantent dans les crânes à la manière d’enclumes toujours plus lourdes.

— Monte ! Passe par là !

   Tout en continuant de flotter sur le dos, Claire immerge son front dans l’eau. Dans ce monde à l’envers qui tient les flots pour ciel, elle aperçoit Yanis et Alyssa sur un promontoire. Ils sont sens dessus dessous : leurs pieds nus s’agrippent à la roche et c’est à se demander par quel miracle la gravité les a abandonnés. Ils aident Simon à rejoindre leur royaume. Un mince filet s’élève jusqu’à eux et ricoche en pluies sur leurs cheveux plaqués. Claire le devine, ce sont les bras de la cascade qui se déversent sur eux depuis le sommet de la falaise.  

   La jeune femme tourne la nuque et tout bascule. Le vertical cède la place à l’horizontal dans un jeu de lignes qui ne laisse pas grand-chose au hasard. Klaus est coupé en deux au niveau du bassin. Une vraie carte de valet : bord bleu pour son reflet, rouge pour son vêtement que, par pudeur, il a gardé. Ses coudes forment des arcs de cercle mouvants tandis qu’il aide Léa à se familiariser avec ses nouvelles sensations.

   La gamine a le sourire crispé et le regard pétillant des fous à qui l’on ouvre une caverne aux trésors. Avec l’appui de Klaus, elle apprivoise l’eau, sa fraîcheur, les vaguelettes qui peuvent offenser. Elle ne le sait pas, mais son sourire se tend jusqu’à celui de Claire qui, machinalement, creuse ses joues et contracte ses poings en même temps qu’elle. Léa pourrait paniquer. Trébucher devant la peur, l’impatience et tout ce qui fait reculer. Toutefois il n’en est rien : elle tient la barre, se met à flotter et s’essaie à la nage comme un chiot heureux, les poignets repliés s’agitant gaiement sous le menton. Klaus la suit du bout des bras jusqu’à ce qu’elle se soustraie à lui, naviguant selon son bon vouloir vers Clémence, qui l’attend.  

   Claire souffle. Cette rencontre entre Léa, sa chair compliquée, torturante, qui donne à la gamine autant de fil à retordre qu’un casse-tête chinois, et l’eau, cet élément changeant, surprenant, capricieux, aurait pu mal tourner. L’animatrice regrette de l’y avoir abandonnée. Klaus sait y faire avec elle, là n’est pas la question — d’ailleurs, Léa se sent en confiance à ses côtés. Non, c’est son devoir à elle, Claire. Le devoir dont elle s’est investie, celui de protéger Léa, de l’entourer de près comme de loin, de l’enlacer tout à fait quand elle tombe et de la laisser respirer quand elle prend des envols. Aucune trêve n’est autorisée : la tâche est trop importante.

   Mécontente d’elle-même, Claire donne un bon coup de nageoire et son dos de baleine en puissance la porte un peu plus près de la gamine, l’air de rien — car en toutes circonstances il s’agit de veiller au grain et non d’étouffer. Au plus grand soulagement de Claire, Clémence et Léa se comprennent aussi bien en mer que sur terre : elles jouent sans entrave, bientôt rejointes par d’autres filles.

— Hé Claire ! Alors, heureuse ?

   Au-dessus de l’animatrice, Sofiane et sa silhouette carrée se détachent d’un soleil diaphane. Il est éblouissant. Le promontoire rocheux sur lequel il se tient le grandit. Il ressemblerait presque à un boulier cassé, avec sa tête penchée sur le côté et ces gouttes qui glissent le long de ses cheveux lissés. Claire le trouve gentil et c’est bien là le problème : il est gentil, voilà tout. Il n’a pas encore compris, ou ne veut pas comprendre, qu’il ne l’intéresse pas. Sans mot dire, elle plonge sous l’eau et entrouvre la bouche. Le liquide s’y déverse avec la douceur d’un chocolat froid, chatouille sa langue et emplit son palais. Quand Claire refait surface, ses lèvres se sont transformées en évent et le jet d’eau qu’elle recrache arrose Sofiane. Il rigole. Les gouttes qui virevoltent dans les airs créent une constellation et redessinent les lignes de son visage enjoué. Au diable ce soleil qui sert d’auréole au jeune homme : Claire a repeint le tableau à sa manière. Satisfaite, elle mouline des bras et s’éloigne paisiblement.

   Le cadre est idyllique. L’instant, heureux. Et cependant, quelque chose retient Claire : sa brasse est aérienne mais ses mouvements, saccadés ; son humeur est toute à la joie mais, en creux, un sentiment la ralentit. Une angoisse qu’elle garde au bord du cœur ; la sensation que les détails sont faussés. Et soudain, elle comprend.

   Quand même, tout cela est trop géométrique. À sa place. Un rond ne va pas dans un carré ni un losange dans un ovale. Les traits suivent des chemins tout tracés et rien ne se perd jamais hors de rien. La matière obéit à la matière dans un ensemble de règles que l’on juge immuables ; mais pourquoi faut-il toujours que les diagonales coupent les corps, que les soleils nimbent les têtes et que les muscles se débattent dans l’eau ? C’est d’un ennui. Mortel.

   Géométrique et à sa place. Ça lui rappelle cet enfant qu’on veut lui mettre dans le ventre. On lui répète : Claire, tu es un temple. Un écrin. Tu tiens entre tes aines, dans les secrets de ta chair, l’ingrédient miracle d’une recette millénaire. Tu dois y déposer un enfant. Elle n’en désire pourtant pas. Elle n’aime pas l’idée que ces matières-là, cet être étranger et son corps à elle, se fondent l’un dans l’autre. Que le premier se nourrisse du second. Qu’il faille obéir à cette règle invariable sous prétexte que ses semblables, avant elle, en ont décidé ainsi. Pour elle.

   Alors quand la nouvelle est tombée, celle de son infertilité, elle s’est réjouie. Intérieurement, bien sûr. À l’époque, elle n’assumait pas cet utérus déjà fané, ces trompes fermées, ces deux bras rosés qui, coincés quelque part sous son nombril, n’embrasseraient jamais rien. Mais qu’est-ce qu’elle en est fière. C’est sa seule volonté qui a enrayé la machine, s’imagine-t-elle. La force de l’esprit. Un peu comme ces femmes qui, a-t-elle entendu, sont capables de maîtriser leurs flux menstruels. Elle, elle n’y est pas passée par quatre chemins. Pas d’étape intermédiaire, non : elle a foncé droit dans les bras de l’infertilité. A vaincu la nature, brisé son carcan terrifiant. Et loin de se sentir vidée, désœuvrée, amoindrie, elle en a tiré une puissance, une force impénétrable : à elle, on ne la fait pas.

   Un coup de nageoire plus dynamique que les précédents trahit la fermeté de ses vieilles résolutions. Des bruits provenant de la forêt la ramènent à la réalité. Elle abandonne son rôle de baleine et réendosse celui d’animatrice :

— Klaus, Sofiane, il est l’heure de bouger. Vous en dites quoi ?

   Des deux côtés de la rive, elle les entend acquiescer. En un rien de temps, tous trois commencent à entraîner les enfants vers la terre ferme. Soucieuse de ce que Jules pourrait penser s’il les voyait tous, nageant avec leurs vêtements dans une rivière sale, Claire s’extirpe hors de l’eau et remonte la butte à la va-vite. Si le directeur se présente, elle tâchera de formuler les bons mots. La baignade l’a ragaillardie ; elle se sent prête à essuyer quelques affronts.

   Parvenue au sommet de la falaise, elle sautille par-dessus les amas de vêtements laissés-pour-compte et se penche à la recherche de son short. Elle le trouve et l’enfile. Le contact du jean sec sur sa peau et sa culotte mouillées la dérange autant que si elle s’encastrait dans un étau de plâtre. Elle n’a pas le choix : les serviettes de plage, se dit-elle, ne poussent malheureusement pas sur les arbres.

   Elle se dandine dans l’espoir de tuer sa gêne puis se rapproche du bord. En bas, certains adolescents récalcitrants rechignent à sortir de l’eau. Claire les observe rapidement, avant de placer ses mains en porte-voix et de leur crier :

— Allez, on se bouge ! Si vous revenez pas tout de suite, je balance vos fringues !

   Elle est calme, heureuse. Se sent encore flotter, emportée par une légèreté qu’elle reperdra bientôt, elle le sait. Seule contrariété, cette maudite culotte mouillée. Claire continue de se tortiller.

   Cependant, autre chose la perturbe ; une sensation étrange, qui fait tâche. Rien à voir avec la baignade. Une intuition, peut-être. Un détail lui échapperait ? La peur d’avoir perdu un adolescent dans l’euphorie de l’après-midi ?

   Elle s’éloigne du monticule rocheux et se rapproche du sentier qu’elle a escaladé, celui que les adolescents ne vont pas tarder à emprunter à sa suite. Elle pourra les compter discrètement et taire son malaise.

   Les branches d’un buisson s’écartent sur son passage et Claire sursaute. Lâche un petit cri. Dans les feuillages, deux yeux. Pas ceux d’un loup, ni d’une bête sauvage, mais d’un homme, qu’elle reconnaît. Deux yeux en fente sous un front barré de plis, un regard précis, pointilleux, qui se pose sur sa cible et la brûle. Une once de stupéfaction dérange ce regard : à l’évidence, Jules ne s’attendait pas à être découvert. 

   Les pensées de Claire se bousculent. Elle imagine Jules la réprimander. La sermonner sur tout ce qui ne va pas chez elle. La séparation des groupes, le détour qu’elle les a obligés à prendre. La baignade, l’impudeur à laquelle les enfants ont dû se soumettre, les maladies que l’eau véhicule. La désobéissance et l’irrespect du « Programme », les insolations et les moustiques, la mauvaise humeur de tel adolescent, les coupes budgétaires et le temps qu’il fait tant qu’on y est. Et puis il y a son apparence à elle. Son débardeur noir, mouillé, qui épouse ses formes et met en valeur ses seins, ses hanches, jusqu’à son nombril. Que pense-t-il donc de tout cela, lui qui reste tapi dans l’ombre, à observer, à juger, à attendre le bon moment pour surgir et attaquer là où ça fera mal — croit-il ?

   Les secondes s’accumulent et le mépris s’accroît. Jules ne bouge pas. Claire non plus. Tous deux s’empêtrent dans une animosité qui les dépasse. Enfin, comme s’il n’y tenait plus, le regard de Jules descend sur le corps de Claire : un regard mauvais, accusateur, sourcils froncés et rides du lion, s’abat sur elle, transperce ses seins, pulvérise son ventre, taille ses hanches et tranche son pubis. Le poids de ce regard la terrasse. Elle se sent sombrer six pieds sous terre, rejoindre la vermine et manger avec les vers le peu de dignité qu’il lui reste.

   Ce sentiment de honte, la jeune femme s’en défait aussitôt. Sa main s’élève, fend le vent et vient frapper la joue de Jules. La gifle claque, sèche. Les yeux de Jules se ferment, ses traits se chiffonnent et ses pommettes rosissent. Lorsqu’il rouvre les yeux, c’est une rage rouge et contenue qui l’habite. Claire s’attend à un retour de flammes. Sur le qui-vive, les gestes en suspens, elle n’ose imaginer quelles ficelles elle devra tirer, cette fois-ci, pour sortir indemne de cet outrage.

   Au fond, elle aimerait se jeter sur lui. Y aller à mains nues. Faire pleuvoir les gifles et les coups, le griffer et sentir sous ses ongles à elle sa peau à lui qui s’effrite. Lui faire comprendre, par la force de ses poings, qu’on ne rabaisse personne impunément. Mais cette violence ne répond qu’à un vulgaire instinct animal. Elle n’arrête rien. Ne construit rien. Ne débouche sur rien d’autre qu’une violence plus excessive. Pour résister, Claire doit se résigner : s’armer de patience, d’alliés, de raison. Et ne pas céder.

   Ce n’est pas comme s’il allait la tuer.

   La gifle résonne encore lorsque, derrière Jules, les bosquets remuent. En un clignement d’œil, des taches de rousseur et un chignon trop serré se calquent par-dessus quelques branches cassantes. Sam et Séverine se tournent vers Claire, se tournent vers Jules. Sur leur visage se lit la contrition, la gêne : nul doute qu’elles ont assisté à la scène et se retrouvent toutes deux, impuissantes et indécises, au milieu d’un champ de bataille en construction.

   Elles appelleront bientôt Klaus et Sofiane, offrant un répit au combat de Jules contre Claire.

 

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Gabhany
Posté le 12/12/2019
CE que j'ai adoré dans ce chapitre c'est comment tu nous montres la souffrance et l'humiliation qui passent de Clémence à Simon, comment elle s'en prend à lui pour évacuer, et comment lui, s'en prend à encore plus petit que lui pour tenter d'oublier sa honte. Je suis scotchée.
Liné
Posté le 28/12/2019
Un énorme merci ! Ça me fait vraiment chaud au cœur, d'autant que j'ai pas mal retravaillé ce chapitre pour parvenir pile à ce que je voulais créer.
Joke
Posté le 14/11/2019
Coucou Liné, je viens de dévorer tes premiers chapitres.

Je suis scotchée par la force de ton écriture, et la façon dont tu explores les méandres de la psychologie de tes personnages.
C'est une galerie impressionnante, avec une justesse incroyable, franchement quel maîtrise, et tellement d'émotions!
Ce qui est super poignant je trouve aussi, c'est que tu nous entraînes à voir chacun de tes persos, à les comprendre, mais sans pour autant qu'on arrive à les atteindre complètement.
Ils me font l'effet d'être tous, à leur manière, séparés des autres, tous enfermés, tous à se débattre.
Evidemment le premier chapitre est magistral et la fin si inattendue et violente nous laisse tous sur le carreau, mais ce que je trouve impressionnant c'est que tu arrives à faire courir cette tension sous forme latente et presque impalpable tout au long de tes chapitres.

Une colo, c'est un endroit normalement fun, où on rit énormément, où on s'abandonne aux autres et à l'amusement.
Ici c'est comme l'inverse, comme un genre de parcours tendu où chacun s'isolerait, tout en voulant pourtant partager, mais sans trouver comment..
Ton histoire me fait l'effet d'un puzzle remarquablement pensé... Bref ça prend aux tripes.

Jusqu'à présent le personnage que je préférais, et dont je me sentais le plus proche, c'était Sofiane, mais là je t'avoue que j'ai eu aussi un vrai coup de coeur pour ton petit Simon.

Et ce chapitre est sublime, je trouve. On ne s'attend pas une seconde à la réaction de Clémence, et on est comme frappé à la gorge, comme Simon.

Bref, je commente seulement maintenant, mais sache que j'ai trouvé chaque chapitre d'une force et d'une puissance remarquable.
A très vite pour la suite.
Liné
Posté le 14/11/2019
Ça c'est du compliment ! Un immense merci (avec des joues rougies, mais tu peux pas les voir)

Vu le principe de compte à rebours, j'ai élaboré un plan plus ou moins détaillé avant de me lancer dans la phase d'écriture - c'est sans doute ça qui donne un aspect très travaillé à l'ensemble ? En tout cas, j'ai eu beaucoup de plaisir à écrire cette histoire, et à me faufiler dans la tête de tous les personnages (ce que j'aime comme ceux que je n'aime pas). D'ailleurs c'est intéressant de voir que les lecteurs.trices ont chacun.e leur petite préférence quant aux différents protagonistes :-)

Ta lecture d'un patchwork de personnes séparées les unes des autres, qui tentent de se comprendre/de se rejoindre mais n'y parviennent pas, est très juste - en tout cas, c'est un peu comme ça que j'ai crée tout ce petit bordel.

J'espère que la suite te plaira tout autant !
Keina
Posté le 25/09/2019
Oh, intéressant ce chapitre ! Déjà parce qu'on a le point de vue des enfants, enfin... Et ma foi, c'est pas rose non plus de leur côté. Je comprends tout à fait Clémence et son coup de colère... Qui retolbe malheureusement sur Simon, au mauvais endroit au mauvais moment. Et on sait enfin d'où vient le briquet qu'utilise Jules à la fin ! Mine de rien, cette narration a rebours, c'est un tour de force très bien mené, bravo!
Liné
Posté le 25/09/2019
La vache, mais tu nous fais un marathon ! :-D
Oui, je trouvais important de donner le point de vue des enfants (même si au final, ce sera surtout celui des adultes qui sera décortiqué). Selon moi, il font partie de l'environnement de la Fourmilière au même titre que les monos, et l'histoire les impacte forcément.
Merci encore Keina, et à très vite !
Jupsy
Posté le 01/09/2019
Coucou,

J'ai poursuivi. Je note que l'adolescence est toujours un moment charmant où l'on se dit des mots doux et où on fait attention aux uns et aux autres. J'ai eu de la peine pour Clémence, qui se prend de la grossophobie en pleine figure et qui malheureusement ne réagit pas de la meilleure manière qui soit. Heureusement pour elle, Simon ne peut pas l'écraser et n'a pas trouvé d'essence pour la brûler vive en représailles. Et puis évidemment comme c'est le plus petit qui soit qui paye, ben les insectes morflent à la place. Je proteste, ils n'ont rien fait pour mériter ça !

Quant au briquet, ah ah ah... pourquoi Simon ? POURQUOI ? Bon après si ça n'avait pas été par le feu, ça aurait sans doute par quelque chose d'autres.

Si je résume on a quand même eu un bûcher, de la misogynie, du racisme, de la grossophobie ainsi qu'un génocide d'insecte... Ah et il y a la gifle en suspens... Ah la la la la... Qu'est-ce que tu vas encore nous inventer de bien cruel !

A bientôt !
Liné
Posté le 05/09/2019
Eh oui, même les insectes en prennent pour leur grade...
Et l'histoire n'est définitivement pas un conte de fées ! J'ai tenté d'y semer beaucoup de concepts qui me tenaient à coeur, en particulier la misogynie - et comme la misogynie repose sur des notions de dominants/dominé.es que l'on retrouve dans d'autres schémas destructeurs tels que le racisme, la grossophobie, l'homophobie... (sans oublier les insecticides - "hahaa" cynique) je trouvais intéressant de créer des parallèles.
Seja Administratrice
Posté le 28/08/2019
Genre... le briquet avec lequel il va cramer Claire ? Hate you, meuf. SI. FORT.

Bon mais sinon, il était bien, ce chapitre, hein. Mais voilà, il fait pas forcément du bien au moral. J'allais te dire que j'aimais bien Simon et tout et tout. Mais il a aussi fini en psycho fini. Ya des gens normaux dans ton centre pour jeunes délinquants ou ils sont tous barrés ? :P

Après, je voudrais pas t'alarmer ni rien, mais j'approche tout doucement de ce qu'il y a de publié ici. Tu voudrais pas me voir en manque, pas vrai ? Hein que tu voudrais pas ? ♥
Liné
Posté le 29/08/2019
Eh ouais. Petit kiff perso !

Alors c'est pas un centre pour délinquants ! On avait dit qu'ils jouaient de la guitare aussi. Sans se taper dessus avec. Tu vois.

Pour les publications à venir, je prends les encouragements par fouettages <3

Merci encore, et à très vite !
Laure
Posté le 25/08/2019
Ooooh mais ce chapitre ! Il est tellement beau, c'est quasi une nouvelle en soi. Les réactions des personnages sont hyper bien décrites. Pauvres Clémence et Simon !! J'avais beaucoup de sympathie pour eux, puis ça s'est comme évanoui. Oh là là. (En plus rien à voir mais Simon je l'imaginais en Pachka ♥ (même si l'âge ça a rien à voir je sais) alors ça ajoutait encore plus de sentiments positifs à son égard)
Et puis toujours il y a le lien de la domination et du fait de s'en prendre aux plus faibles.
Mais encore je me demande si ce serait pas mieux de resserrer les liens avec le reste, par exemple en introduisant un peu Simon et Clémence plus tôt (donc tard.. bref). Enfin, c'est peut-être le genre de truc que tu pourras voir là la fin, quand tu auras tout écrit, mais il y a encore cet effet un peu saccadé en début de chapitre, à cause du retour dans le passé + nouveaux persos. Mais je suis peut-être la seule que ça gêne (et encore c'est léger, il faudrait que je lise moi-même tout du début à la fin à une vitesse plus normale que celle qui est la mienne)
Mais c'est trop bien ! Et c'est fou, Jules m'a paru agréable dans ce chapitre, pour une fois haha !
Liné
Posté le 28/08/2019
Merci Laure ! Même si (ou surtout que) ta fourberie t'a poussée à lire et à commenter ce chapitre sous mon propre toit ! :-D
Je suis contente que ce chapitre t'ait plu ! C'est vrai qu'il apparaît un peu comme une nouvelle à part entière - il faudrait d'ailleurs que je retravaille certains détails de la narration pour qu'il colle plus facilement avec le reste. Je ne pense pas que je pourrais introduire les ados plus tôt dans le roman (même si, en fait, Clémence apparaît déjà dans le chapitre 8). En tout cas, j'y réfléchis encore et c'est une fois le roman achevé que je me rendrai mieux compte de comment insérer cette pièce du puzzle de manière plus cohérente...

PS : Pachka <3
Aliceetlescrayons
Posté le 12/05/2019
Avec ce chapitre, j'ai eu l'impression de repartir au collège ou au lycée (pas forcément de très bons souvenirs...) Je te dis ça pour montrer à quel point tu tapes juste dans ta description des rapports entre adolescents et des émotions très violentes qui les animent.
J'aime beaucoup qu'on ait l'impression de s'éloigner un peu du sujet principal, alors que pas du tout : l'évocation de la responsabilité de Claire dans l'épidémie de conjonctivite, le briquet... Tout nous ramène inéxorablement au drame. C'est vraiment millimétré.
Chapeau! 
Liné
Posté le 12/05/2019
On doit avoir à peu près le même âge, j'ai l'impression (27 ans pour ma part) et je dois te dire que... pour moi non plus, toutes les années collège et lycée étaient loin d'être roses ! Je suis contente que tu y aies vu de la justesse.
En effet, ce chapitre reste l'occasion d'évoquer l'univers pas si enchanteur que ça des ados, tout en gardant un pied dans l'intrigue principale.
Merci d'être passé par ici, et à très vite !
Liné
Rimeko
Posté le 08/05/2019
Coucou Liné !
Ouais j’aurais pas attendu très longtemps pour sauter sur ce nouveau chapitre XD
 
Coquillettes et suggestions :
« Clémence ne fait jamais parti(e) du duo »
« Stoïque, figée en un bloc de marbre, son sang a manifestement décampé de ses veines » Les adjectifs se rapportent à Clémence, le verbe à  son sang ; erreur syntaxique…
« A (À) la faiblesse, préférer la force, la colère, la foudre. »
« A (À) bout, le garçon se détourne d’elle »
« une rancœur et une rage froides (froide) » Une rancœur froide… ??
« Le bourdonnement s’accroît et, de ses oreilles, s’échappe et vient envelopper son corps tout entier. » Un peu trop de « et »…
« la blancheur de ses yeux grands ouverts » Euh, avec une conjonctivite, ses yeux ne sont probablement plus très blancs :P
 
Deux autres petites remarques : comment Simon s’est éloigné aussi facilement des autres ? Ils ne devraient pas être plus surveillées, les enfants ? Et comment s’est-il procuré un briquet ?
Wow, ton style est toujours aussi percutant… J’ai bien aimé découvrir l’infirmière, et son interaction avec Jules (comme quoi il se comporte de la même façon avec tout le monde, pas juste Claire)(… ou avec toutes les femmes ?), mais j’ai spécialement aimé les passages avec les adolescents, surtout qu’on ne les avait pas beaucoup « vus » jusqu’à présent. J’ai trouvé que tout était super juste, depuis le « couple star » à la colère de Clémence, qui reproduit exactement ce qui vient de la faire souffrir… Du point de vue du lecteur c’est horrible, parce qu’on passe de la compassion pour elle à… bah, presque au mépris, et pourtant on comprend pourquoi elle réagit ainsi. Et c’est pareil pour Simon, avec son génocide d’insectes – tout le passage était vraiment dérangeant, entre le fait de tuer des êtres vivants, même tous petits (j’ai toujours été beaucoup trop sensible avec les insectes lol), et un peu le parallèle avec la conjonctivite…
Oh, et j’aime bien le fait que ce soit Claire qui soit plus ou moins responsable de l’épidémie, parce que ça va bien avec sa personnalité et ça souligne qu’elle n’était clairement pas parfaite, et que dans un sens c’est un peu normal que le directeur ne l’aime pas (pas à ce point, mais XD). Et d’ailleurs ce briquet réveille de mauvais souvenirs… o.O C’est le même ?
Hâte d’avoir la suite !
Liné
Posté le 08/05/2019
Hello Rim' ! Ha, je suis contente que cette suite te plaise (il me semble que c'était toi qui avait émis l'idée qu'on s'attarde un peu sur les ados, ou je me trompe ?).
Pour répondre à tes questions : puisqu'il s'agit d'une colonie pour les 13-17 ans, je pars du principe qu'ils ont plutôt quartier libre dans l'enceinte même de la Fourmilière (à laquelle cette lisière appartient). Et puis l'une des idées du chapitre, c'est notamment de montrer que certaines formes de violence naissent entre les ados sous le nez des adultes, qui en sont quelque part aussi responsables (parce qu'ils s'érigent parfois en mauvais exemples, parce qu'ils ne sont pas entièrement attentifs à ce qui se trame...). 
Pour le briquet, j'ai tout prévu : à un autre chapitre, bien plus loin, on le retrouvera ! Et je considère qu'il s'agit bien du même briquet que dans le premier chapitre, puisque dans celui-ci il finit par se loger dans la poche de Jules.
Désolée de t'avoir chamboulée avec ces pauvres insectes... Promis, ils vont bien ! ;-) 
Merci encore pour ton soutien, et à très vite !
Liné
Isapass
Posté le 08/05/2019
Comme les précédents, ce chapitre est admirablement écrit. On y ressent parfaitement le drame qui se joue, la hiérarchie entre les ados, leurs complexes prégnants qui finissent par régir leur vie. Les petites phrases mesquines qui deviennent assassines quand elles tombent juste. Et tout ça, comme d'habitude, tu nous le livres en plans serrés, créant une intimité étrange avec le sujet.
Par rapport à la globalité de l'histoire, on a du mal à voir comment cette scène s'insère dans la continuité. Hormis le briquet qui finit dans la poche de Jules et dont on sait l'utilisation "finale", c'est un peu frustrant de ne pas en savoir plus sur les relations Jules/Claire et ce qui mène au tout premier chapitre. Mais je suis sûre que tu n'as rien laissé au hasard ;)
Détails : 
"Rebecca en a suivi la destinée" : Ahah, très bon l'infirmière qui s'appelle Rebecca ! Tu te fais des auto-clins d'oeil ? :D 
"Il l’a mal pris." : attention à la concordance, juste avant tu es au plus-que-parfait ("avait-elle lâché au directeur"). 
"Les yeux de l’amoureuse sont toujours coincés dans celui de Yanis." : à quoi ce rapporte "celui" ? Aux yeux ? Alors il faudrait remplacer par "ceux"
"dont les fils prendraient racine dans le plafond." : c'est du pinaillage, mais je ne suis pas convaincue par l'image. Juste à cause de "prendre racine" : pour moi ça ne marche pas pour des fils qui partent du haut, surtout que tu précises "dans le plafond" (or, les racines, c'est plutôt dans le sol). Oui, bon, j'avais prévenu, c'est vraiment du pinaillage :D 
A bientôt ! 
Liné
Posté le 08/05/2019
Olala, merci pour les coquilles !
Ha, je note que tu préfères te focaliser sur les tensions entre Jules et Claire. Ce chapitre-ci avait pour but de "descendre" à l'échelle des adolescents, et d'apercevoir certaines dynamiques de pouvoir (le couple star, le benjamin...), les rapports entre certaines jeunes (grossophobie, moqueries...) et les violences en cascades qui peuvent découler de tout cela. En gardant en tête que les adultes ne sont pas bien loin, et que leurs dynamiques de pouvoirs et leurs violences à eux ne sont pas si différentes... Je me dis que le drame final est autant du aux interactions malsaines entre Jules et Claire, qu'à l'environnement global qui les entoure (lequel, quelque part, a permis de laisser mûrir une violence plus extrême que les autres). 
Et puis, comme tu le soulignes, il y a ce briquet qui passe de mains d'ado à mains d'adulte.
Bref, mais ne t'en fais pas, le prochain chapitre reviendra sur cette histoire de pièce de théâtre ! 
A très vite ;-)
Liné
AxelleC
Posté le 19/06/2019
J'ai bien aimé ce chapitre... Mais j'ai eu beaucoup de mal avec la réaction de Clémence. Ca fait "trop". Je trouve qu'elle réagit trop fort ou alors qu'elle déverse trop sur Simon. Ce n'est pas logique qu'elle lui en rajoute autant alors qu'il n'a strictement rien fait.
Après, ça peut venir de quelque chose qu'on ne sait pas encore, et là, c'est ma réaction à chaud en le lisant.
Mais ça monte un peu trop fortement en pression pour moi. <br />
Sinon, c'est intéressant de voir où Jules a récupéré ce briquet. Et Simon, pourquoi en a-t-il un dans sa poche ? 
Liné
Posté le 19/06/2019
Je vois ce que tu veux dire pour la scène entre Clément et Simon. Elle me gène aussi un petit peu... Est-ce que tu penses que c'est en termes de contenu (le fait même qu'elle s'énerve avec autant de puissance) ? Ou plutôt que le style d'écriture va chercher un peu trop loin dans les métaphores, creuse un peu trop son mal-être... ?
Quant au briquet ne t'en fais pas, je garde cet arc d'intrigue bien au chaud dans ma tête ;-)
Rachael
Posté le 19/05/2019
Tu m’as scotché avec cette plongée dans les cerveaux de ces adolescents. On s’y croirait, entre la « grosse » qui s’en prend au « petit » pour décharger sa frustration, et l’autre qui massacre les insectes. C’est toujours aussi prenant au niveau écriture, mais un peu plus loin de ton histoire principale. Bon, il y a le coup de l’épidémie, et l’indice du briquet ! Voilà donc comment il s’est retrouvé dans les mains de Jules. Encore que pour l’épidémie, ça ne me parait pas forcément lié avec une baignade dans la rivière, mais ça donne un autre aperçu des initiatives de Claire.
 
Détails
quelque chose qui confèrerait à l’humour, à l’auto-dérision : qui confinerait ?
Ce n’est qu’une fois les tonitruements tus : phonétiquement bizarre et puis tonitruement tu es sûre que ça existe ? (pas dans antidote)
avec la fermeté d’un piquet d’escaladeur : un piton ? Les grimpeurs n’utilisent pas de piquets (sauf pour planter la tente ^^), et d’ailleurs rarement des pitons, ce sont plutôt les alpinistes… tu as le piolet d’alpiniste aussi pour rester sur la même image.
Liné
Posté le 19/05/2019
Merci Rachael ! En effet on s'éloigne de l'histoire principale, mais pour mieux la commenter avec ce léger recul. Et je tenais à présenter l'univers des adolescents, violent lui aussi. J'espère qu'au final, ce chapitre ne fera pas trop "tâche" mais, normalement, il se raccordera bien au reste !
(Ah, ce "piquet d'escaladeur"... ! La phrase m'a donné du fil à retordre, et récemment un ami m'a proposé "piolet" : "ah mais oui bien sûr !" ^^)
A très vite !
Liné
Hinata
Posté le 20/05/2019
 
Hello ! Alors, je ne vais pas faire un commentaire très productif, avec des points forts/points faibles toussa toussa, parce que là tout de suite, je n'ai aucune idée de ce que je pourrais reprocher à Avant les cendres ! 
 
J'adore l'espèce de compte à rebours qui s'instaure et dont on sait (oh que oui, sniff) comment il se termine !! Le simple mot "incendiaire" me hérisse les avants-bras ! 
 
Les moments de dialogue sont super bien rythmés, naturels, opportuns, et les passages avec POV plus interne glissent sans qu'on s'en rende compte d'un personnage à l'autre, et pourtant on sens bien la partialité de chacun, leur façon différente de voir les choses, je respecte beaucoup ça ! (pour avoir tenté le changement de POV interne, je sais que c'est pas évident !) 
 
 
On doit te le dire souvent, et je ne veux pas te mettre la pression, mais POSTE VITE LA SUITE PLEASE !!!!  
 
Liné
Posté le 20/05/2019
Ha, les changements de points de vue, c'est justement une conversation qu'on a eue IRL hier avec un groupe de plumes de passage sur Paris. Je trouve ça hyper intéressant ! Je m'amuse comme une folle ! ... bon, les passages dans la tête de Jules sont moins drôles, hein, évidemment. Mais en tant qu'autrice, trouver les bons mots, les bonnes intonations, au bon moment... C'est à la fois, un réel travail qui donne du fil à retordre, qui me fait beaucoup réfléchir de chapitre en chapitre, et au moment de les écrire, je trouve tout ça très jouissif ! Après, récemment je me suis demandée à quel point je devais "séparer les voix" stylistiquement : est-ce que je devrais les distinguer encore plus les unes des autres ? Je crois que c'est une grande question à laquelle je répondrai (ou pas) au moment de la réécriture. 
Bon et tu vas être servie, le chapitre 6 va être mis en ligne ! =D
En tout cas, je suis heureuse que l'histoire te plaise et espère que la suite sera à la hauteur de tes espérances !
A très vite,
Liné 
Vous lisez