15 - Les étincelles

Par Seja

Les étincelles

 

— Max ? Qu’est-ce que tu fais là ?

— Je surveille la chambre de décontamination.

— Non, ce n’est pas ce que je voulais dire. Je croyais que seuls les militaires étaient affectés à la surveillance.

— Ils ont mal calculé leur truc. Ils ont donc demandé à tous les réfléchisseurs de s’y coller aussi. Eh, dis, Ed, tu n’as pas l’air bien.

— Je viens de parler au sergent. Au sujet des âmes. C’est compliqué, toute cette affaire.

— J’ai réfléchi à ça.

— Conclusions ?

— Ce n’est pas très bon.

— Sans blague. Il parait que ça risque de tuer des milliards et des milliards de formes de vie.

— Non pour eux, c’est sûr. Mais pour nous aussi.

— Pour nous ? On n’a aucun rapport avec ça, nous.

— Je reviens du réfléchissoir et je suis arrivée à quelques conclusions intéressantes.

— Les conclusions du réfléchissoir ne sont pas forcément justes.

— Ed, je ne remets pas ton sens en question. Ne remets pas non plus le mien.

— Excuse-moi.

— La première conclusion à laquelle je suis arrivée, c’est que nous n’avons pas d’âme. Nous sommes là, nous existons, mais nous n’avons pas d’âme.

— Eh, si tu veux. Enfin, ça, c’est plutôt évident vu qu’on ne se réincarne pas.

— La seconde conclusion, c’est qu’on a quelque chose à la place.

— A la place ?

— On existe, Ed ! On est là, à s’interroger, à chercher du sens. Si on n’avait pas d’âme ou de quelque chose qui y ressemble, on ne ferait pas ces choses. À vrai dire, on ne serait même pas là.

— Ca, c’est toi qui le dis. Moi, Max, je n’en ai jamais entendu parler.

— Peut-être que tu n’as pas assez bien écouté. Par exemple, dis-moi, quel est ton premier souvenir ?

— Mon premier souvenir ? C’est compliqué comme question.

— Non, ça ne l’est pas. Le mien, c’est une lumière terne, un peu bleutée, et des voix tout autour. J’ai beaucoup réfléchi à ces images et je pense que ça correspond au moment où j’ai eu une conscience.

— Une conscience, d’accord. Mais pas une âme.

— Et donc ton premier souvenir ? C’est le même que le mien, pas vrai ? J’ai déjà demandé à beaucoup d’entités. Elles m’ont toujours répondu la même chose. J’en ai déduit que c’était comme ça qu’on venait au monde. Un jour, on apparait. Et au bout d’un certain temps, on apprend à faire quelque chose, à contribuer au travail de la réincarnation.

— Tu… Admettons. Mais les âmes ?

— Si je te dis que les âmes stagnantes se sont débloquées, qu’est-ce que tu ressens ?

— Elles se sont débloquées ?

— Fais preuve d’imagination. Qu’est-ce que tu ressens ?

— Je ne ressens rien. On ne doit pas ressentir.

— On est entre nous, Ed. Tu as ressenti quelque chose. C’était quoi ?

— C’était… du soulagement. Et une pointe de déception.

— Pourquoi ?

— Le soulagement parce que ça va mettre fin à la panique.

— Et la déception ?

— Parce que ça s’est résolu de manière trop simple. Parce que j’ai passé très longtemps dans les archives à chercher l’origine et que ça a été pour rien.

— Tu vois, tu ressens. Si on n’avait pas d’âme, comment on pourrait ?

— Je ne sais pas. C’est mauvais de s’interroger sur ça, tu sais. Pas sain.

— C’est mauvais et pourtant, tout le monde le fait. Comme si on ne pouvait pas s’en empêcher.

— Bon, admettons qu’il y ait quelque chose. Pas une âme. Ça, je n’y crois pas. Mais autre chose. Une étincelle.

— Une étincelle. J’aime ce terme. Ed ?

— Quoi ?

— Je crois que les âmes qui viennent d’arriver sont bloquées.

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VavaOmete
Posté le 05/06/2018
C'est toujours aussi bien !<br />Franchement, j'admire profondément ta capacité a... évoquer et décrire tout un monde sans JAMAIS rien écrire d'autre qu'un dialogue...
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