10. La Volte

Si elle s'obligeait à se focaliser sur sa droite, elle pourrait facilement occulter sa présence. Même cette main masculine qui, après avoir brûlé la sienne, ne se résumait qu’en une douce chaleur totalement supportable, voire agréable. 

Deux pas à gauche, on lève les bras, deux pas à droite, on lève les bras. 

Le calme avant la tempête, puisque bientôt les tambourins redoublèrent d'intensité, les chants aussi, sans oublier ces improbables cornemuses. Le seul avantage du point culminant de cette volte, était justement la voltige dont la danse tirait son nom. Il fallait se lâcher les mains pour sauter en tournoyant, dans un sens, puis dans l'autre, et ainsi de suite, jusqu'à ce que le rythme se radoucisse et que le coup de jus revienne crépiter contre sa paume. 

Deux pas à droite, on saute en levant les bras, deux pas à gauche, et on accélère. 

On pivote sur soi-même, et on s'irradie la paume. On accélère encore, et encore, et encore, jusqu'à ce que la respiration se fasse suffocante, jusqu'à ce qu'on se retrouve le cœur au bord des lèvres avec cet euphorique sentiment de pouvoir passer de vie à trépas d'un instant à l’autre. Puis, sur une dernière note sifflante teintée d'agonie, la musique cesse, les corps s'immobilisent, et cette main radioactive s'empresse de lâcher la sienne.

Immobile au centre de cette foule de danseurs, Astrée prit brusquement conscience de son corps statique, de ses bras ballants, et de son regard qui ne savait trop où se poser tant il s'évertuait à éviter un seul et même point de chute. Une petite seconde d’un flottement gênant plus tard, et elle tentait de se frayer un chemin vers la sortie, tandis que le sifflement criard de l'arrière-arrière-grand-mère d'une flûte de pan se faisait réentendre. 

Hors de question qu'elle s'y risque une deuxième fois, elle avait suffisamment donné de sa personne pour ce soir, voire même pour toute une vie. Elle ne rêvait plus que d'un bon bain pour chasser la poussière de calcaire accumulée sur ses chevilles nues et dans ses poumons. Sauf que les couples s'étaient formés pour une Volte double, et que le chemin n'avait rien d'évident à trouver. Encore moins lorsqu'un Capitaine se mettait en travers de votre route, et levait une paume en vous invitant à y déposer la votre. Sans même comprendre comment ou pourquoi, elle se retrouva à enchaîner les pas en avant et les pas en arrière en duo avec le gendarme. 

Deux pas en avant dans sa direction, puis deux pas en arrière, et elle s'immobilisait, attendant que l'homme en fasse de même. Les mouvements lui revenaient, échappés des tréfonds de sa mémoire. 

Deux pas en avant, et on offre sa paume, amenant l'homme avec soi lors des deux pas en arrière. L'art de la séduction version XIIIème siècle. Et on tourne ensemble, paumes jointes, au son de cette flûte qui n'en finissait plus de s'affoler. On tourne, on tourne, et on tourne encore, une main dans le dos, l'autre dans celle de son partenaire. Puis les mains se séparent, et les danseurs tournent sur eux-mêmes, les femmes faisant tournoyer leurs amples robes, tandis que les hommes s'abrutissaient de ce spectacle. La pornographie version XIIIème siècle.

Astrée avait beau ne porter qu'un jean retroussé aux chevilles et une blouse légère, elle n'en tournait pas moins comme les autres. Sauf que lorsqu'elle s'immobilisa devant son partenaire, prête à reprendre sa ronde séductrice, le gendarme n’était plus. En lieu et place se trouvait l’homme-flaque qui observait, incrédule, le Capitaine lui dérober sa partenaire. Evidemment, quelle idée avait-il eu de danser avec l’épouse du gendarme ?  Le vieil homme avait, naturellement, récupéré sa femme et abandonnait Astrée en prix de consolation. 

L'espace d'un instant, elle se vit reculer, quitter la piste de danse tête basse, avant qu'elle ne se remémore les dires de son frère. Une de Beynac de Beynac à Beynac. Personne ne l'obligerait à courber l'échine. Pas chez elle. Surtout pas lui.

Aussi releva-t-elle le menton, et s’autorisa à les affronter du regard, lui et son dégoût. Elle l’imagina grimaçant, distant et hautain, comme à son habitude. Elle le découvrit résigné, cou ployé, et main tendue en sa direction... Étrangement humble... Étrangement demandeur... Avec ce quelque chose de vulnérable traversant ce grand corps courbé qui l'invitait à partager une danse. En avait-elle seulement envie ? Une infime partie de son être lui soufflait de le laisser là, en plan, main tendue, d'en profiter pour prendre sa revanche, de le faire payer pour tous les affronts qu'il avait enchaîné jusque-là. Mais cette petite voix ne faisait pas le poids face au reste, absolument tout le reste, son corps qui se tendait vers l'autre, l'envie qui s'enroulait et serpentait autour de son être, et sa peau qui crépitait d'impatience par anticipation.

Vite, trop vite sûrement, sa main glissa dans la sienne, et le reste de sa petite personne suivit le mouvement. Dans un esprit contestataire, cela dit, elle détourna visage et regard, se refusant à tout lui offrir. Il avait déjà sa main, son corps, ses mouvements suivant les siens. Il n'aurait pas son attention. Paume contre paume, leurs mains libres plaquées dans le dos, ils se tournaient autour, chacun prenant soin de bien regarder dans une direction opposée, là où tous les autres couples se dévoraient des yeux. Trois tours dans le sens des aiguilles d'une montre, et on change de sens de rotation.

— Comment se fait-il que vous sachiez danser ça ? demanda-t-il, brisant le silence imposé, tandis qu'ils changeaient de paumes et de sens.

— Je suis née dans ce village, lui rappela-t-elle.

Ton sec et économie de mots en guise de bouclier. 

— Et vous ? s’enquit-elle malgré tout, après un instant de silence.

Il connaissait tous les pas sans même avoir à observer les siens. C'était comme s'il avait répété avant de venir. Les gens du village et même de la région pratiquaient ces danses depuis leur plus tendre enfance, mais lui ? Malgré son absence totale d'accent, Barbie n'avait-elle pas laissé entendre qu'il était russe ?

— J’apprends vite, se contenta-t-il de répondre.

Se faisant, il la rattrapa d'une main, tandis qu'elle s'apprêtait à enchaîner sur un mauvais pas. Preuve qu'au bout de trois minutes de danse, il s'y connaissait désormais mieux qu'elle.

Ils tournèrent ainsi pendant un moment, sans échanger le moindre mot, juste cette électricité qu'elle avait appris à anticiper et apprécier à chaque fois que leur épiderme rentrait en contact. Ils égrenèrent les pas, sans plus jamais se tromper, dans une ronde qu'ils semblaient avoir pratiquée toute leur vie. Leurs deux corps se répondaient parfaitement, leurs membres se synchronisaient intuitivement. Là où d'autres frôlaient l'approximatif et riaient de leurs erreurs, malgré les heures d'entraînement et les années de pratique, eux surprenaient par la dextérité dont ils faisaient preuve sans même sembler en avoir conscience. Ils ne se regardaient pas, ils ne s'apprivoisaient pas, ils ne communiquaient pas, pas plus qu'ils ne se mettaient d'accord sur les pas suivants. Ils ne faisaient que contempler le vide, tandis que leur corps agissaient d'eux-mêmes, comme animés d'une vie propre, comme aimantés. Bientôt les deux mains masculines accrochèrent une taille fine, et soulevèrent la jeune femme avec aisance, avant de la reposer sur la gauche, et de refaire de même sur la droite.

— Barbie n'aime pas danser ?

Les pieds à un mètre du sol, une main sur chacune de ses épaules, elle venait de se décider à rompre le silence.

— Elle ne sait pas danser ça, l’informa-t-il en la reposant avant de glisser, à nouveau, une main dans l'une des siennes pour la faire lentement tournoyer. Et elle s'appelle Charlotte.

— Barbie, répéta-t-elle par pur esprit de contradiction. Et d'ailleurs, c'est quoi votre prénom, à vous ? Ne vous méprenez pas, je me renseigne uniquement pour savoir quel prénom inscrire avec mon sang lorsque j'agoniserai dans un coin du parc.

— Syssoï, répondit-il dans ce qu'elle crut être l'ombre d'une ébauche de sourire excessivement furtif. Avec un « y », deux « s » et un tréma sur le « i ». Tâchez de bien l'orthographier, je m'en voudrais que le Capitaine classe l'affaire par manque d'éléments concluants.

Elle ignora le sarcasme et ne se focalisa que sur le prénom tandis qu'elle lui tournait autour, le bout de ses doigts coincé entre les siens, au-dessus de sa tête. Syssoï. Pas étonnant qu'elle n'ait su le retenir dû premier coup. Par expérience, elle n'osait imaginer le nombre de moqueries qu'il avait du essuyer durant l’enfance. Astrée était déjà trop original pour certains, alors Syssoï... A moins que ce soit une sorte de Nicolas ou Julien dans son pays ? Ce qui l'intriguait étrangement, c'était qu'elle n'avait jamais entendu ce prénom dans la bouche de Barbie. Comment l'appelait-elle, déjà ? Elle tourna une fois de plus avant de reprendre la valse des paumes. Une fois, deux fois, trois fois, toujours en silence, plongée dans ses pensées. La main masculine contre sa hanche, elle se laissa guider jusqu’à se retrouver dos à son partenaire, et embraya mécaniquement sur les pas suivants. Il lui ceinturait la taille d'un bras, tandis qu'ils avançaient de deux pas pour reculer d'un.

— L'interrogatoire s'arrête là ? souffla-t-il contre sa nuque.

— J’ai le droit à d'autres questions ? s'enquit-elle, réellement surprise et frustrée de ne pouvoir lire l'expression qu'il devait afficher.

— Encore une, conclut-il. Afin de rétablir l'équilibre.

Quel équilibre ? De quoi parlait-il ? Elle aurait bien aimé lui demander d'approfondir ce qu'il entendait par-là, mais puisqu'elle n'avait le droit qu'à une seule question, autant en poser une au potentiel plus instructif. Aussi se concentra-t-elle un moment, ignorant totalement les autres danseurs qui, un à un, ralentissaient puis s'immobilisaient alors que la musique, elle, n'avait fait que s'amplifier et s'accélérer. Elle se laissa conduire en toute confiance, calqua ses pas sur les siens, sans même avoir la nécessité d'y songer. Il ne s'agissait pas de mimétisme, elle savait juste danser ça. Elle l'avait déjà fait, même si elle ne conservait pas le souvenir. Il la fit tourner, pivoter, passer d'un côté puis de l'autre tandis qu'elle se concentrait toujours à trouver cette seule et unique question qu'elle était autorisée à lui poser. 

Il y en avait tellement… A commencer par ce dégoût qu'elle lui inspirait... Parfois... Souvent... Ou bien ce courant électrique qui agissait en ce même instant. Parce qu’il le ressentait lui aussi, n’est-ce pas ? Et encore, elle occultait totalement la théorie de Jeanne qui aurait entraîné d'autres questions plus orientées. Tant de réponses souhaitées et une seule question à poser. Elle ne savait même pas qu'elle s'interrogeait autant. Elle n'en prenait conscience que maintenant, maintenant qu'on la bridait, maintenant qu'on l'obligeait à se restreindre. Elle aurait pu lui demander, par exemple, ce qu'il s'apprêtait à lui dire, le tout premier jour à l'aube, alors qu'il avait tendu une main vers elle juste avant l'interruption de Blondie. Elle aurait pu, oui. Mais à la place elle s'entendit lui dire tandis qu'il la soulevait, à nouveau, dans les airs :

— Vous n'avez pas d'accent.

— Et ce n'est pas une question.

— Pourquoi vous n'avez pas d'accent ? précisa-t-elle en regrettant immédiatement que sa seule question autorisée soit aussi stupide. 

Et pourtant, elle avait réfléchi longuement avant de la poser. Depuis quand était-elle aussi limitée intellectuellement ?

— Je suis français, répondit-il, sans se vexer du peu d'intérêt du questionnement. Je suis né à une centaine de kilomètres d'ici.

Et les sourcils d'Astrée n'en finissaient plus de se froncer. Elle aurait voulu lui préciser que son prénom semait la confusion, ou encore que tout était de la faute de Charlotte qui avait laissé entendre qu'il était russe. Mais elle n'en eut pas l'occasion, puisqu'il ajouta presque instantanément :

— Mon père était russe. D’où le prénom, le nom et la double nationalité, acheva-t-il de préciser tandis qu’il la reposait au sol et se réappropriait ses paumes pour le face à face final. 

Était ? Avait-il subi un décès, lui aussi ? Parfois, égoïstement, elle avait tendance à oublier qu'elle n'était pas la seule à connaître et vivre pareil drame. Certes, la majorité des gens de sa génération avait encore leurs deux parents, mais elle n'était pas un cas exceptionnel. Elle ne devrait pas se comporter comme si tout le poids du Monde reposait sur ses frêles épaules et que le reste de la société ne pouvait pas le comprendre. Se sentait-il orphelin, tout comme elle ?

— Est-ce que votre père... commença-t-elle avant qu'il ne lui intime le silence d'un simple regard glacé.

— Une seule question, lui rappela-t-il, autoritaire, avant que ses yeux ne glissent des siens jusqu'à l'échancrure de sa blouse qui laissait entrevoir la naissance d'une épaule et l'amorce d'un sein.

Elle suivit son regard, sans comprendre ce qu'il cherchait là, hormis une peau lisse et laiteuse.

— Ma mère était italienne, annonça-t-elle sans trop savoir pourquoi, si ce n'est pour combler l'étrange silence et éventuellement détourner son attention de cette parcelle de peau dont il approchait le bout des doigts.

Lentement, un index puis un majeur vinrent effleurer l'espace entre un sein et une épaule. Si ça n'avait rien d'indécent, ça n'en demeurait pas moins perturbant. Surtout devant la concentration qu'il affichait, comme si plus rien n'avait d'existence réelle en-dehors de ces quelques centimètres carrés de peau. Pourquoi se laissait-elle faire ? Elle échappait au feu de son regard, mais les battements de son cœur n'en ralentissaient pas pour autant. Comme si ce dernier tentait de signaler sa présence aux doigts qui en frôlaient la paroi. Elle avait tout simplement cessé de respirer, attendant... Attendant quoi, au juste ? Ralentie, elle ramena son regard jusqu'à ce visage dont elle ne discernait plus qu'un semblant de profil. Un nez très légèrement busqué, des lèvres pleines dont une rangée de dents meurtrissait celle du bas. Une pommette saillante, le creux d'une joue, l'angle d'une mâchoire crispée. Et ces mèches brunes, brillantes, qui attiraient ses propres doigts. Ils voulaient toucher, ils voulaient froisser, ils voulaient y plonger, et elle ne faisait que résister. Elle s'arracha à sa contemplation pour retourner s'intéresser à celle de l'homme.

— Qu'est-ce que vous cherchez ? s'autorisa-t-elle à laisser échapper, dans un murmure, dans un souffle, rappelant le goût de l'oxygène à ses poumons.

Et comme s'il venait seulement de se rappeler sa présence, comme s'il reprenait vie, légèrement gêné, il releva le nez et lui offrit cet éclair de vulnérabilité sur la surface gelée de ses deux grands lacs.

— Je ne sais pas, avoua-t-il avec difficulté comme s’il confessait une faute impardonnable. Je ne sais vraiment pas.

Elle en demeura interdite, incapable de poursuivre les mouvements qu'ils n'avaient pas interrompus jusque là, et, marionnette entre ses mains, elle se laissa non plus seulement conduire, mais tout simplement diriger par ses paumes, ses bras, l'intégralité d'un corps qui, imperturbable, enchaînait les pas.

— J'ai l'impression que... voulut-il approfondir.

Allait-il approfondir si le regard d'Astrée n'avait pas glissé du sien en direction de cet homme qui venait d’apparaître dans le dos du franco-russe. Tout sourire, ce dernier se positionna à leurs côtés et offrit sa paume à Astrée. Elle comprit rapidement que la Volte devait exiger un changement de partenaire, et s'apprêtait à céder son cavalier à une autre, si ledit cavalier n’en avait pas profité pour réaffirmer sa prise autour de ses mains. L’homme des glaces n’avait jamais aussi bien porté ce surnom. Brusquement, il semblait faire deux mètres de raideur et de crispation, tandis qu’il reportait vivement son attention sur le pauvre danseur immobile. Une immobilité de très courte durée, tout comme son sourire, puisque, presque instantanément, sous la pression de ce seul regard, l'importun recula fébrilement. Il alla se cogner dans un couple de voltigeurs, et manqua  de les faire chuter tous ensemble. Mais la petite baronne ne les observait déjà plus. Elle s'était empressée d'oublier sa surprise et de ravaler ses réprimandes pour ne plus se préoccuper que de ce qu'il s'apprêtait à lui confier.

— Vous avez l'impression que... ? le relança-t-elle pleine d'espoir.

— Peu importe, répondit-il, plus vraiment enclin au partage, la soulevant et la reposant au passage, d'un geste presque mécanique.

— Mais si, dites-moi, insista-t-elle en enchaînant les pas suivants.

Elle tournait de nouveau autour de lui. Et puisqu'il ne répondait toujours pas, elle ajouta : 

— Vous entretenez, visiblement, une relation passionnelle avec cette épaule, alors peut-être que si nous en parlions tous les trois, vous, l'épaule, et moi...

— Ça suffit ! la coupa-t-il avec autorité et brusquerie tandis qu’il bloquait sa taille pour l'empêcher de tournoyer une fois de trop. La seule impression que j'ai, c'est que cette danse n'en finit pas.

Adieu gentil docteur Jekyll, et re-bonjour Mister Hyde. Le regard d'Astrée, après avoir affiché sa surprise, se durcit à son tour. Elle ravala les quelques espoirs qu'elle avait pu nourrir à son égard, pour se trouver conforter dans sa classification première : crétin arrogant.

— Pas de panique, Olaf, c'est bientôt terminé.

Du moins l'espérait-elle. Pour s'en assurer, elle s'interrompit pour observer les autres. Et ce fut seulement à cet instant qu'elle prit conscience que ces autres ne se résumaient plus qu'à une maigre poignée de danseurs... Et eux deux. La foule, jadis dansante, chahutante et vibrante s'était immobilisée et regroupée en arc de cercle autour de... autour d'eux. Surprise, la jeune femme se cogna le dos contre son partenaire dans un mouvement de recul involontaire. Cette vision avait de quoi être passablement effrayante lorsqu'on ne s'y attendait pas. 

Que voulaient-ils ? Qu'observaient-il de la sorte ? Elle pensa bûcher, guillotine, et pilori sans même comprendre pourquoi. Elle paniquait de manière irrationnelle, et reculait, acculait toujours plus l’homme dans son dos. D’une main ferme, ce dernier, lui accrocha le bras et d’un mouvement rapide la ramena derrière lui, son corps et son bras en bouclier entre Astrée et la foule. Jusqu’à ce que le couperet tombe en même temps que les applaudissements inattendus. C'était quoi encore cette histoire ?

— Où avez-vous appris à danser ça ? perça la voix du Capitaine dont le corps massif tentait de se frayer un passage à travers la foule de badauds.

Et Astrée expira son ridicule affolement. L’homme des glaces sembla lui aussi se détendre quelque peu, et se décala d’un pas sur le côté afin de laisser la petite baronne venir au devant du gendarme. 

— Quoi ? La volte ? demanda-t-elle de sa voix la plus basse, alors que ses bras s'enroulaient autour de son buste comme pour mieux se protéger de tous ces regards sur elle.

— Oh non, ça ce n'était absolument pas une volte ! renchérit le vieil homme.

Il était visiblement ravi en arrivant à leur hauteur. La foule, quant à elle, commençait déjà à se désintéresser d'eux, au grand soulagement d'Astrée.

— Je suis un peu rouillée... tenta-t-elle de se justifier, s'excusant de ne pas avoir été à la hauteur de ce qu'il attendait d'elle en l'entraînant ici.

— Non, tu ne comprends pas. Tu... enfin vous... se reprit-il en relevant les yeux vers l'homme dans le dos de sa protégée. Vous avez parfaitement interprété cette danse, plus que ça même ! Mais il ne s'agissait pas d'une Volte. A vrai dire, je ne savais même pas qu'on l'enseignait encore, et...

— De quoi parlez-vous ? l'interrompit-elle n'entamant qu'à peine son enthousiasme.

— Du fin'amor !

Plait-il ? Le fina-quoi ? C'était quoi encore cette histoire ?

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Morgane64
Posté le 24/03/2021
Très bien amené, très bien mené ce chapitre. L'idée de la danse qui les emporte est excellente, et tu l'as très bien rendue. Félicitations ! Je me demande comment ils vont s'en sortir, de ce saut inattendu dans le temps
OphelieDlc
Posté le 26/03/2021
Merci !!!

J'avais très peur de tout cet enchainement de chapitres, en particulier celui-ci où, finalement, niveau action on est proche du zéro absolu. Il y a de grosses avancées, certes, mais je craignais que ce soit trop de mots, trop de paragraphes pour les lecteurs.

Donc vraiment soulagée par tes mots. Merci !
Belette
Posté le 12/11/2020
Il s'en passe des choses dans ce chapitre, glissées là l'air de rien ! ;)
Tout d'abord, tu retranscris bien ces moments où on cherche tellement à éviter un point qu'on ne sait plus où regarder.
Ensuite cette danse inévitable entre SyssoÏ (tu m'as tuée avec l'homme-flaque et Olaf) et Astrée qui a l'air d'avoir un goût de déjà vu. Dans la facilité avec laquelle il sait danser, avec laquelle ils s'accordent l'un à l'autre... Tout ça sur fond musical sexy de biniou et flûte de pan, j'adore.
Il est vraiment savoureux ce Syssoï avec son air hautain, sa froideur et son sarcasme. Le genre de perso imbuvable dans la vraie vie mais qu'on a hâte de découvrit plus en détail dans un roman. Je suis certaine qu'il y a un petit coeur qui ne demande qu'à être découvert derrière la porte du congélateur <3
Ensuite, j'ai beaucoup aimé la façon dont tu décris son humilité au moment de danser avec Astrée, le fait qu'il soit en demande. Tout est en constraste, en paradoxes... Mais facile, tu es la reine des contrastes, haha ;)

Je prend note des allusions à la guillotine et aux rebellions paysannes et je l'ajoute à la longue liste à présent des petits détails qui sonnent de plus en plus étranges. Y'a baleine sous gravillon, et j'ai hâte que tu nous en dises plus sur la baleine justement. ;)

"C'était quoi encore cette histoire ?" haha je crois qu'Astrée n'en finit plus de répéter cette phrase, la pauvre x)

Compte sur moi pour lire la suite, j'ai hâte que tu la postes ! :D
OphelieDlc
Posté le 13/11/2020
"Je suis certaine qu'il y a un petit coeur qui ne demande qu'à être découvert derrière la porte du congélateur <3" Je viens de glousser comme une hyène, toute seule, derrière mon écran.

J'ai hâte que vous découvriez la baleine... Et ses baleineaux...

Et je note mon nouveau titre pour l'ajouter sur mon CV : Son Altesse des Contrastes. :)

La suite arrive dans la journée ;)
Belette
Posté le 13/11/2020
Ah c’est carrément un banc de baleines ?! :o
Hâte de lire la suite, mais ça ne va définitivement pas m’aider à suivre mes cours, tout ça x)
Notsil
Posté le 07/11/2020
Coucou !

Eh bien, quelle danse !!
J'aime beaucoup comment tu alternes simple description des pas et le ressenti d'Astrée, on arrive à bien s'imaginer le truc :)

Syssoï (ça siffle beaucoup ce prénom ^^) reste déroutant, à la fois proche et distant, on dirait que parfois quand il se laisse aller il devient limite gentil, mais qu'ensuite il se ressaisit.

J'adore comment les bonnes résolutions d'Astrée lui échappent chaque fois ; j'ai cru le Capitaine un peu entremetteur, mais j'ai un doute qui me reste ;)

Et la fin... alors oui, j'ai pensé à une manipulation des villageois pour les mettre en valeur, pour essayer de caser Astrée, mais finalement.... ah ah, l'instinct revient et ils remettent au goût du jour une ancienne danse :p

Enfin, l'instinct.... ou les souvenirs d'une autre époque :)

Le mystère s'épaissit ! Je me demande ce qu'Astrée va réussir à leur répondre :p
OphelieDlc
Posté le 08/11/2020
Syssoï (ou Soïa son diminutif, mais puisque seule Charlotte l'appelle ainsi, je doute que tu veuilles l'imiter, haha) est un être complexe. Je ne peux pas trop en dire, ça gâcherait le plaisir, mais il n'est ni tout blanc, ni tout noir. Tu verras ;)

C'est plutôt Jeanne l'entremetteuse. Le Capitaine souhaite juste arracher son épouse des bras d'un beau garçon. Que ledit garçon soit le locataire d'Astrée qu'il vient de lâchement abandonner au milieu de la piste, c'est secondaire. Ou peut-être qu'il ne s'agissait que d'un prétexte pour aider Astrée à s'égayer un peu ? Quoiqu'il en soit, ce n'est pas une réussite. Hahaha !

La suite arrivera bientôt (le confinement m'offre plus de temps libre que d'ordinaire).
Merci d'avoir fait une pause dans le Nano pour me lire et commenter !
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