Chapitre 21: La révolte

Lucie se mit à courir, la peur au ventre. Elle n’avait aucune idée de ce que la foule pouvait bien vouloir à Reuel et Rafael mais elle imaginait déjà le pire. Quand elle arriva tout prés des habitants , les autres sur les talon elle entendit ce qui ressemblait à une dispute :

- Mais c’est eux ! C’est eux sur les avis de recherches , criait un vieil homme au teint cireux.

- Peut être mais je suis sur de ce que j’ai vu, riposta une petite femme, les vêtements tachés de sang. Celui la s’est battu comme un beau diable contre les monstres noirs, continua-t-elle en désignant le corps de Reuel du doigt.

- T’as perdu la tête, tonna une autre femme toute proche. Ces deux gamins sont les assassins du roi et à tout les coups c’est eux qui ont transformés tout le monde en monstres.

- Foutaises, intervint un habitant dont la barbe blonde remuait avec force. J’ai vu l’autre sur le socle de la statue. Je crois bien que c’est lui qui nous a tous sauvé, il a fait quelque chose et les bêtes noires ont disparus. Nous leur devons la vie.

- Nous devrions surtout nous occuper d’eux ici et maintenant ! Vociféra un homme d’une stature imposante. Poussez vous que je m’en charge moi même.

Lucie, Jean, Roland et Mathilde firent éruption aux côtés des deux frères alors que des habitants tentaient de contenir le mastodonte qui s’avançait dangereusement.

- ARRÊTEZ! Hurla Jean en s’interposant entre les deux camps.

La foule se tut et tout les regards se tournèrent vers Jean. L’homme poussa brusquement ceux qui lui faisait face et s’adressa à Jean d’une voix menaçante :

- Bouge de la gamin et rentres chez toi avant que ça devienne moche.

Malgré la menace, Jean ne bougea pas d’un pouce et planta ses yeux dans ceux du mastodonte :

- Je ne veux pas en arriver la mais si vous m’y obligez, j’utiliserais la force .

Alliant le geste à la parole, Jean porta la main à son épée et dégaina d’un geste vif. L’homme recula d’un mouvement instinctif semblant hésiter. Roland en profita pour rejoindre Jean et tirer son épée au clair lui aussi. Lucie sentit que c’était le bon moment et elle profita de cette instant de confusion pour s’adresser à la foule :

- Vous vous trompez sur le compte de ces deux garçons, déclara-t-elle d’une voix forte. Ils se nomment bien Rafael et Reuel, ce sont bien eux sur les avis de recherche mais en aucun cas il ne sont les assassins du roi.

- Et comment le sais-tu toi ? Interrogea le mastodonte qui visiblement avait repris du poil de la bête.

- J’étais avec eux le soir ou le roi a perdu la vie, répondit Lucie sans hésitation. Nous sommes arrivés à Bal précisément ce jour la et nous avons dormis dans une auberge prés du port.

- Ils ont très bien pu s’absenter pour commettre leur horrible crime, siffla une ville femme au visage froissée comme un vieux parchemin.

- Impossible, affirma Jean avec assurance. Ils n’ont pas quitté la chambre de toute la nuit.

- Pourquoi vous croire de toute façon, renchérit un homme dans la foule. De toute évidence vous êtes de connivence avec eux.

Un grondement d’approbation traversa les habitants et Lucie comprit que la situation était mal engagée. Rafael était agenouillé prés corps de Reuel. Le visage de son frère défunt entre ses mains , il ne semblait même pas se rendre compte du bruit atour de lui. Mathilde se tenait debout à côté d’eux lançant des regards noirs à tout les habitants qui s’approchaient d’un peu trop prés. Lucie savait qu’ils ne devaient pas résoudre le problème par la violence, convaincre la foule était la seule solution. Elle ne pouvait révéler toute la vérité, personne ne croirait son histoire mais peut être qu’elle pouvait tout de même faire quelque chose.

- ÉCOUTEZ MOI ! Hurla Lucie pour avoir le silence et aussitôt elle senti des centaines d’yeux braquées sur elle. Elle ne se laissa pas intimider et poursuivit, déterminée :

- La reine Alice n’est pas celle que vous croyez, déclara-t-elle sur un ton de défi. Réfléchissez deux petites minutes. A peine quelques mois après son arrivé à Bal, elle épouse le roi Boris et peu après celui-ci meurt empoisonné et elle est couronné reine. Cela ne vous paraît pas un peu bizarre ?

Mal à l’aise les habitants regardaient leurs voisins à la recherche de soutien mais ils restèrent silencieux. Lucie comprit que la plupart avait déjà du penser à cette hypothèse mais que ce n’était pas le genre de propos que l’on pouvait tenir envers la reine sans en subir les conséquences.

- Je vois à vos visages que je suis dans le vrai, continua Lucie avec une assurance renouvelée. Je sais aussi que vous aimiez réellement le roi Boris qui était un souverain hors du commun.

A ces mots beaucoup de gens baissèrent la tête, d’autres encore se signèrent et levèrent des yeux embués vers le ciel.

- Évidemment, le roi Boris était aimé de tous ici, commenta un homme d’un grand âge. Mais que vient-il faire dans cette histoire ?

- La reine Alice a assassiné votre souverain, lâcha Jean qui n’avait toujours pas baissé son arme.

- Comment le savez vous ? Questionna une jeune femme qui ne devait pas être bien plus vielle que Lucie.

- Nous n’avons aucune preuve, avoua Lucie les mains levées . Mais nous sommes certains d’une chose, Rafael et Reuel ne sont pour rien dans mort du roi. Alors pourquoi la reine Alice aurait-elle menti ? Pourquoi accuser deux garçons, étrangers à la ville et ses coutumes ? La reine Alice a sûrement fait cela pour couvrir ses propres méfaits.

Un vent de révolte souffla dans la foule :

- Ils ont peut être raison.

- Je n’ai jamais aimé cette pimbêche de toute façon.

- Vous croyez vraiment qu’une femme si jolie pourrait faire une chose pareille ?

- FERMEZ LA ! Beugla le mastodonte qui avait rassemblé quelques habitants autour de lui. Ne croyez pas ce que raconte ces vermines ! Emparons nous d’eux et à nous les pièces d’or l’avis de recherche.

Soudain une femme d’une trentaine d’années s’interposa devant Jean, Roland et Lucie et s’adressa au mastodonte d’une voix forte :

- Ces jeunes gens ont raison ! La reine n’est pas celle que vous croyez !

- Qu’est-ce que tu en sais toi ? Interrogea l’homme qui se faisait de plus en plus menaçant.

- Je suis sa servante, souffla la jeune femme dans un murmure.

Elle baissait la tête et Lucie ne voyait pas ses yeux derrière ses longs cheveux noirs qui tombaient en cascade sur son visage. Avant que le mastodonte n’ait le temps de répondre, elle reprit très vite en criant presque :

- Le soir de l’anniversaire de la reine Alice je suis allé dans sa chambre pour vérifier qu’elle n’avait besoin de rien avant la fête. Sa porte était entrouverte et j’ai jeté un œil à l’intérieur. J’ai vu la reine écraser quelque chose à l’aide d’un pilon. Je l’ai vu verser de la poudre dans une fiole et mélanger une mixture que je ne connaissais pas. J’ai pris peur et je suis partie. Le soir même, le roi est mort empoisonné.

Un murmure d’agitation parcourut la foule et Lucie remercia le ciel que cette femme soit intervenu en leur faveur. Peu à peu certains habitants commencèrent à protester, soulignant que la reine était un être pur et innocent qui n’avait pu commettre de tels actes.

La jeune femme insensible aux remarques qui fusaient à son encontre, défit le lacet de sa tunique et présenta son dos aux yeux de tous. Lucie eu un haut le cœur devant la vision qui s’offrit à elle et peu à peu un silence de plomb tomba autour d’eux.

Le dos de la jeune femme était recouvert de cicatrices, certaines avaient une couleur rosées alors que d’autres, plus récente étaient encore rougeâtre. Lucie fut choqué par le nombre de stries qui lui barraient le corps. Elle n’arrivait presque plus à voir le blanc de la peau de la jeune femme. Comment pouvait-elle encore tenir debout ? Et surtout qu’avait elle du subir pour porter de telles marques.

La réponse à ces questions ne se fit pas attendre car bientôt la jeune femme reprit la parole d’une voix tremblante, honteuse :

- Voyez par vous même ce dont la reine est capable. Depuis des mois qu’elle est arrivée à la cour, j’ai été assignée à son service et les punitions ont commencées presque tout de suite. Un simple mot pouvait valoir le fouet, n’importe quoi, un geste, un regard tout était bon pour se défouler sur moi. C’est elle qui donnait les coups et au bout d’un moment j’ai finit par comprendre qu’elle y prenait du plaisir. Meurtrir mon corps ne lui suffisait pas, elle a tout fait pour me briser. Elle me fouettait avec une force inouïe pendant quelques minutes puis me cajolait une heure après en pensant mes blessures comme si j’étais son petit jouet. Voilà qui est vraiment la reine. Voilà qui est vraiment la nouvelle souveraine de Bal.

La confession de la jeune femme jeta sur la place un silence glaciale. Lucie se força à regarder le corps meurtri de la jeune femme et se promit de la venger coûte que coûte. Ces démons ne faisaient que répandre la misère et la souffrance autour d’eux, il était temps que cela cesse. Si jamais ils avaient vu juste, Reuel avait tué l’un deux sur la place avant de mourir. Il n’en restait plus qu’un et Lucie était persuadé que la reine était bien celle qu’ils cherchaient.

Alors que Lucie réfléchissait au meilleur moyen d’atteindre la reine, la jeune femme remit sa tunique et Jean en profita pour s’adresser au habitants d’une voix forte :

- Voilà la preuve que la reine Alice n’est pas celle que vous croyez et qu’elle à assassiné le roi. Maintenant reste à savoir ce que vous allez faire. Allez vous la laisser faire bien sagement comme des moutons ou allez vous venger la mort de votre souverain bien aimé ?

La foule autour d’eux se mit à gronder, à huer à pousser des cris de rage. Jean jouait un jeu dangereux, la situation pouvait vite devenir incontrôlable. Lucie se précipita prés de lui et chuchota discrètement :

- Que fais-tu ?

- Je donne la possibilité à ces gens de se battre pour leur vies, répondit-il la voix chargée de colère.

La population était en ébullition et c’était maintenant un véritable révolte qui peu à peu voyait le jour. Les gens, débattaient à grand renfort de cris, s’organisaient, envoyaient des messagers prévenir le reste des habitants, partaient chercher des armes de fortunes, des torches, réquisitionnaient des chariots dans un brouhaha tel que Lucie avait du mal à entendre ce que se disait Mathilde et Roland tout prés d’elle.

- Que fait-on ? Demanda Roland, la peur se lisant clairement sur son visage.

- Il est faible, déclara Mathilde en désignant Rafael tenant toujours le corps de son frère entre ses mains. La transformation peut avoir lieu à tout moment et il le sait. Peut être devrions nous lui demander directement ce qu’il veut faire.

Lucie pensa que c’était une bonne idée même si Jean fit la grimace. Il est vrai que Rafael n’était sûrement pas dans son état normal mais il avait toujours été doté d’une perspicacité et d’une intuition incroyable jusqu’ici, ils pouvaient lui faire confiance. Ils n’eurent pas besoin d’attendre que quelqu’un se décide car Rafael se leva de lui même, se détachant pour la première fois de Reuel. Il était d’une blancheur sinistre, ses yeux étaient noircis par la fatigue et son front était constellé de gouttes de sueurs.

- Je veux aller à la cour, dit-simplement Rafael d’une voix faible.

- Tu as suivi tout ce qu’il s’est passé ? Demanda Mathilde incrédule.

Rafael hocha la tête en avalant avec difficulté :

- J’ai tout entendu et si ces gens vont chercher la reine, j’y vais avec eux.

- Ça va mal tourné, commenta Roland visiblement embarrassé. Tu es sur que tu es en état ?

- Bien sur que je suis en ….

- Ce qu’on veut savoir c’est si tu vas te transformer et devenir incontrôlable au milieu de tous ces gens, coupa Jean avec amertume.

Lucie fut presque certaine de voir apparaître un faible sourire sur les lèvres de Rafael et celui ci hocha la tête vers Jean avant de répondre :

- J’apprécie ton honnêteté Jean et je comprends ta peur. Mais sois sans crainte, je ferais tout pour que la mort de mon frère ne soit pas vaine. Je ne me transformerais pas avant d’être devant le dernier démon même si cela doit prendre des heures, même si je dois souffrir le martyr, même si je dois en mourir. J’honorerais la mémoire de Reuel quoi qu’il en coûte.

Lucie fut rassurés d’entendre les paroles de Rafael. Il avait l’air fatigué et diminué mais il semblait avoir retrouvé ses esprits. Elle retrouvait le Rafael qu’elle avait toujours connu et elle sentit ses forces se renouvelées à la vision de ces yeux noisettes étincelants d’intelligence qui les regardaient tour à tour.

- Vous comptez vraiment destituer la reine ? Demanda une voix derrière Lucie qui sursauta.

C’était la jeune femme qui les avaient défendu qui s’approchaient avec nervosité. Lucie vit ses yeux pour la première fois, deux grands ronds vert émeraudes qui sublimait son visage déjà magnifique. Pas étonnant que la reine s’en soit pris à elle. Elle était d’une rare beauté et elle était l’une des seules personnes qui rivalisait avec la souveraine dans ce domaine.

- Nous devons absolument supprimer la reine Alice ou le royaume court à sa perte, assura Jean dont la voix tremblait de rage.

- Je sens bien que vous ne nous dites pas toute la vérité, déclara la jeune femme en leur jetant un regard intrigué. Mais à vrai dire, je m’en moque. Tout ce qui compte pour moi c’est que la reine soit mis hors d’état de nuire, qu’elle ne puisse plus faire de mal à personne.

- Tu as raison, nous ne pouvons pas tout te dire, avoua Lucie touchée par la jeune femme. Mais si tu connais bien la forteresse ton aide nous seras précieuse.

- Peu de personnes peuvent se vanter de connaître le château aussi bien que moi, je sers la famille royale depuis plus de dix ans. C’est décidé je vous accompagne.

- Merci infiniment, se réjouit Mathilde avec un grand sourire. Comment t’appelle tu ?

- Camille, répondit la jeune femme l’air étonnée avant de rendre son sourire à Mathilde.

- Dépêchons nous, ça commence à chauffer, commenta Jean en désignant la place autour d’eux.

Des dizaines et des dizaines de personnes s’étaient regroupées, armées de fourches, de faux, de marteau, de haches de torches et de tout ce qu’ils avaient pu se mettre sous la main. Ils ciraient dans tout les sens pour rallier les autres habitants à leur cause :

- Venez avec nous !

- Pensez au roi Boris !

- A mort la reine !

Il y avait la des jeunes gens débordants de rage, des vieillards, plus calmes mais au regards plus acérés, des hommes, des femmes parfois même des enfants échevelés, tous issus de milieu différents mais tous rassemblés sous le même étendard. La colère.

Lucie aperçu le mastodonte qui les avait menacés un peu plus tôt venir à leur rencontre accompagnés d’un bon nombre d’hommes armés. Instantanément sa main se crispa sur le pommeau de son épée et Roland et Jean dégainèrent sans hésitations.

- Non non, calmez vous, demanda le colosse en avançant les mains levées en signe de paix. Nous ne vous voulons aucun mal.

- Que voulez vous alors ? Interrogea Roland d’une voix sourde.

- Vous nous avez convaincu et nous voulons vous aider, expliqua l’un des hommes, une barbe impressionnante remuant à chacun de ses mots.

- Vous en avez après, la reine pas vrai, continua le mastodonte avec un sourire féroce. De quoi avez vous besoin ? On tient à vous fournir toute l’aide possible.

Lucie échangea un regard interloqué avec ses compagnons mais au au bout de quelque seconde l’atmosphère se détendit et même Jean qui semblait à cran sourit et serra la main gigantesque du colosse.

Après un court moment, Mathilde, Rafael et Camille s’assirent sur un chariot dont Roland prit les reines. Lucie et Jean marcheraient devant le chariot, pour ouvrir la voie. Le corps de Reuel fut déposé religieusement sur le chariot par les habitants de Bal. Beaucoup avaient vu Reuel combattre les bêtes noires et s’inclinèrent avec respect sur le passage de son corps. D’autres encore se signaient et murmuraient des prières et Rafael posa une main sur le front de son frère quand celui-ci fut prés de lui.

Il fut décidé que le groupe irait en tête du cortège et le mastodonte leur assura que la population les suivrait :

- Ils sont tous à cran. Les événements ont mis le feu au poudre. Maintenant que nous connaissons le vrai visage de la reine, le peuple de Bal est prêt à mettre la ville à feu et à sang si il le faut. Nous aurons la tête de la reine Alice.

Lucie put constater qu’il avait raison quelques minutes plus tard quand elle vit la foule en colère les suivre, torches et armes levées en poussant des cris de rage. Le chariot déambulait dans les rues encombrées sous le regard incrédule des habitants. Certains hurlaient des questions auxquelles les émeutiers répondaient à grand renfort de cris. Lucie voyaient les habitants sortirent de chez eux, armes à la main et venir grossir les rangs des insurgés à tour de bras.

Ils passèrent sur plusieurs petites places, dans des rues noires de mondes, par le quartier du port et à chaque nouveau coin de rue, le même spectacle se répétait. Les habitants voyaient le cortège, s’approchaient, puis rentraient chez eux récupérer n’importe quel objet qui pouvait servir d’arme et ressortait pour se joindre aux émeutiers. Chaque personne qui ralliait le cortège était accueilli par des cris de joies et des hourras et bientôt Lucie constata que de quelques dizaines, le nombre d’insurgés était passé maintenant à plusieurs centaines.

- La forteresse ne pourra pas tenir contre ça, commenta Lucie, elle aussi entraîné par la détermination des habitants.

- Je l’espère, répondit Jean qui paraissait tout de même soucieux. Une forteresse est faite pour tenir des sièges de plusieurs mois et résister à des engins de guerre. Je ne suis pas sur que notre nombre fasse une grande différence.

Lucie observa, la population derrière eux toujours plus nombreuse. Elle scruta avec attention les visages de ces gens qui emportés par le colère suivaient tous le même chemin et allaient au-devant d’un danger mortel. Quand ils eurent passés le port et qu’ils approchèrent enfin de la forteresse, c’étaient des milliers de personnes qui les suivaient dans une marée humaine dont Lucie ne voyait même pas le bout.

Quand Lucie et Jean firent passer à leur cheval la dernière rue avant la place de la forteresse, Lucie vit que la reine s’était préparée. Juste devant le château, sur le pavé de la place, se tenait des bataillons entier de soldats. Lucie contempla avec appréhensions leurs rangs serrés et leur armures rutilantes toutes frappés aux armoiries du roi. Immobiles, pareil à des statuts, les soldats ne bougèrent pas quand la foule les aperçut et s’avança vers eux en huant et hurlant des obscénités.

- Ça va être un massacre, murmura Lucie ébahie devant le grondement féroce qui émanait des émeutiers. Ils ne sont pas de taille, on doit faire quelque chose.

Jean qui se tenait juste à côté d’elle jeta un regard en arrière avant de prendre tendrement la main de Lucie :

- Ils ont tous choisis d’être ici et ils savent ce qu’ils risquent, déclara-t-il avec douceur. S’opposer au pouvoir et souvent synonyme de mort et pourtant tout ces gens sont la, avec nous. Pense plutôt à ce qui se passera si nous échouons à tuer le dernier démon.

Lucie scruta les yeux de son bien-aimé, elle n’y voyait aucune peur, ni aucune appréhension elle y vit seulement une détermination infaillible. Malgré les innombrables ennemis qui leur faisaient face, malgré que tout risquait bientôt de se finir, elle était heureuse d’être aux côtés de Jean. Elle se délectait, observant les moindres recoin de son visage, la moindre tache de rousseur qui parsemaient ses joues, ses nombreux épis de cheveux bruns qui lui tombaient sur le front et quoi qu’il advienne elle se jura de se rappeler de cet instant.

Jean surprit son regard et pressa sa main comme pour lui demander ce qu’il se passait.

- Quoi qu’il arrive, je veux être avec toi jusqu’au bout, souffla Lucie au milieu du tumulte qui les entourait.

Le regard de Jean changea et son visage s’adoucit. Il prit une longue inspiration et passa tendrement sa main sur la joue de Lucie :

- Si l’on survit à tout ça, je veux passer le reste de mes jours à tes côtés. Rien ne me rendrait plus heureux.

Lucie sentit ses joues chauffer légèrement et son cœur s’accélérer mais elle fut vite rattrapé par la réalité et les cris de colère que poussaient les habitants de Bal. La foule s’était rassemblée sur la place, en rangs serrés, faisant face aux soldats de la reine. Quelques dizaines de mètres seulement séparait les émeutiers des fantassins et ces derniers restaient de marbre, ne répondant pas aux insultes et aux hurlement rageurs de la foule.

Lucie remarqua le mastodonte au premier rang, le visage violacé, beuglant des atrocités aux visages de leurs opposants. Lucie et Jean, postés sur leur monture se rapprochèrent du chariot ou se trouvaient les autres. Rafael était debout sur le chariot malgré sa blancheur inquiétante accompagné de Mathilde, Camille et Roland lâcha les reines pour grimper les rejoindre.

- Que fait on maintenant ? Interrogea ce dernier les yeux tournés vers la forteresse.

- Aucune idée, commenta Mathilde consternée.

- Attendons de voir ce que la reine nous propose, déclara Rafael en désignant l’armée qui leur faisait face.

Lucie se rendit compte qu’un homme tenant un grand étendard fendait les rangs des soldats et se dirigeait droit vers eux. Il dépassa la première ligne et Lucie s’aperçut qu’il était accompagné d’un autre homme dans une armure impressionnante. Ils s’avancèrent dans l’espace vide entre les deux camps puis s’arrêtèrent à mi chemin.

Peu à peu, les insultes et les huées s’estompèrent alors que l’homme en armure faisait des grands gestes pour demander le silence. Il enleva son heaume imposant et prit la parole d’une voix forte en s’adressant aux émeutiers :

- Peuple de Bal ! Je suis le commandant de la garde royale et je viens vous parler au nom de la reine Alice. Ce qu’il s’est passé cet après-midi et d’une atrocité sans pareille. Aujourd’hui, beaucoup de gens ont perdu la vie dont notre chère et illustre cardinal Auguste que la reine n’a de cesse de pleurer depuis ce matin.

Les hués reprirent de plus belle. Lucie lisait clairement la haine sur le visage des habitants dont la lumière du soleil déclinant accentuait les ombres. Plusieurs secondes passèrent avant que le calme ne revienne ce qui eu l’air d’agacer particulièrement l’homme en armure qui se tortillait sur place :

- Dans sa clémence extraordinaire, la reine vous laisse une chance, expliqua-t-il d’un geste théâtral. Vous avez une demi-heure pour quitter les lieux sans faire de vague et aucune sanction ne sera prise, il n’ y aura aucune conséquences aux événements de cet après-midi. Toute personne qui sera encore sur cette place passé ce délai sera considérée comme ennemi de la couronne.

A ces mots ce fut un véritable déluge d’insultes qui plut sur les soldats de la reine. L’homme en armure et celui à l’étendard tournèrent les talons et retournèrent dans leur camps sous les cris de rage de la foule.

- Je pense que nous ne pourrons pas éviter de bain de sang, déclara Rafael d’une voix triste.

Comme pour appuyer ces mots, certains émeutiers, plus enragés que les autres commencèrent à jeter des pierres sur les rangs des soldats. Les habitants surtout les jeunes, se rapprochaient de plus en plus et lançaient des objets toujours plus gros sur l’armée de la reine, des pots de chambres, des planches de bois, des torches.

Lucie voulut dire quelque chose mais au même moment des hurlements déchirants retentirent à l’avant de la foule. Lucie vit un adolescent allongé au sol dans une mare de sang, une flèche fichée dans le crane.

Ce fut comme un coup de tonner. D’un même mouvement, les habitants de Bal se ruèrent contre le mur de boucliers dans un fracas assourdissant. Lucie sentit la peur s’immiscer dans chaque recoin de son corps mais elle tira tout de même son épée. Mué par une haine débordante à la vue de l’adolescent gisant au sol, elle se mit à courir aux côtés de Jean et de Roland qui se jetaient déjà dans la mêlée.

Elle leva son arme et l’abattis avec violence sur son adversaire. Celui ci leva son bouclier que la lame de Lucie percuta de plein fouet. Le choc fut terrible. Il se répercuta dans tout le bras de Lucie, dans chacun de ses muscles sur chacun de ses os. Il réveilla sa vielle blessure, reçu au château de Grandbois et elle serra les dents pour ne pas lâcher son arme.

Autour d’elle c’était le chaos, mais elle ne voyait rien d’autre que l’homme devant elle. Elle frappa encore une fois, insouciante à la douleur qui lui tenaillait le bras. L’homme fit un pas en arrière et trébucha contre le pied d’un de ses camarades. Lucie en profita pour se baisser et se jeter en avant. Sa lame se planta dans l’abdomen de son adversaire qui instantanément lâcha ses armes et tomba à la renverse.

Lucie, le visage éclaboussé du sang du soldat chercha Jean du regard. Il se tenait à quelques mètres de la et se battait avec une fougue qu’elle ne lui avait jamais vu. Roland était la lui aussi et la violence de ses coups faisaient reculer les défenseurs qui se tenaient devant lui.

La bataille venait à peine de commencer et déjà de nombreux cadavres gisaient sur le sol. Lucie remarqua quelques soldats face contre terre parmi les corps mais pour la plupart ils étaient surtout des habitants de Bal. Le mur de bouclier tenait bon malgré les pertes qu’il essuyait mais chaque émeutier qui tombait était aussitôt remplacé par dix autres.

Lucie se porta au contact d’un soldat tout proche. Elle réussit à feinter un coup par le bas et taillada le coup de l’homme entre son armure et son heaume. Il s’affaissa dans un gargouillis affreux et Lucie se jeta sans hésiter sur son voisin. Les rangs des soldats étaient en train de céder et à plusieurs endroit les habitants créèrent des percées. Lucie tua un autre adversaire et après un regard sur le champ de bataille, elle se sentit envahi d’une espoir nouveau. Ils allaient gagner !

Alors qu’elle se portait au secours de Jean, assaillis par deux adversaire à la fois elle entendit le son d’un cor retentir par dessus le tumulte des combats. Elle leva les yeux vers la muraille de la forteresse et elle eu tout juste le temps d’apercevoir un nuage de flèches obscurcir le ciel et s’abattre tout autour d’elle.

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