Chapitre 16: L'aveu

Jean se sentait las et il resserra son étreinte sur les lanières de cuirs de sa besace en la replaçant sur son épaule. Il avait réussi à trouver la plupart des plantes que Mathilde lui avait demandées et il était maintenant sur le chemin du retour. Le château de Grandbois était en vue et il accéléra le pas, espérant rentrer avant la nuit.

Le soleil déclinait et avec lui disparaissait la chaleur suffocante de la journée, chassée par le vent, laissant place à une douce brise qui amenait déjà les premières senteurs d’automne. Quand Jean franchit la porte du château, il se dirigea directement vers l’infirmerie ou lui et les autres avaient élu domicile.

Une semaine était passée depuis qu’ils avaient libérés les villageois de Derv des cachots du château. Mathilde s’était surmenée, préparant des potions pour chacun des malades selon ses besoins. Roland, Jean et Rafael s’était relayé pour trouver les plantes et les ingrédients dont elle avait besoin mais aussi pour rester au chevet de Lucie qui récupérait doucement de sa blessure. La cicatrice qui filait tout le long de son bras droit n’était pas belle à voir mais elle ne s’était pas infectée et Lucie récurait peu à peu l’usage de celui-ci. Après la libération des villageois, Reuel s’était renfermé sur lui même. Jean l’avait à peine vu durant la semaine, le plus souvent il restait seul à déambuler sur le mur d’enceinte ou dans la cour du château. Quelque chose avait du se produire en lui quand il avait tué le seigneur ou à la vue des villageois affamés et à moitié-mort, Jean en était persuadé.

Il dépassa l’infirmerie et pénétra dans la garnison des soldats ou Mathilde avait installé les villageois blessés par manque de place dans les autres bâtiments. Les soldats n’avaient pas vu ce déménagement d’un bon œil mais la présence de Reuel avait suffit à éteindre toute forme de protestation.

Il trouva Mathilde en train d’examiner une vilaine blessure sur le torse d’un homme au teint cireux. Machinalement Jean passa la main sur ses propres cicatrices qui le démangeaient encore souvent. Il avait du mal à s’habituer au fait qu’elles soient la et qu’elles le resteraient pour le restant de sa vie.

- Ha Jean, te voila ! Le héla Mathilde le sortant de sa torpeur. As tu trouvé tout ce que je t’avais demandé ? S’enquit-elle les yeux pleins d’espoir.

- Oui, répondit Jean en souriant. Si tu as besoin d’autre chose n’hésite pas !

Jean était toujours content de pouvoir aider et depuis la discussion qu’il avait eu avec Mathilde dans l’infirmerie, il commençait sincèrement à l’apprécier.

- Je te dirais demain matin, va te reposer, je vous rejoins dés que j’ai fini ici, lui lança Mathilde alors qu’elle s’éloignait déjà la besace de cuir à la main.

Jean eu un nouveau sourire, il savait très bien que Mathilde ne viendrait pas à l’infirmerie avant tard dans la nuit lorsque elle tomberait de fatigue et serait obligée de s’arrêter. Il sortit de la garnison en baillant, traversa une nouvelle fois la cour qui devenait de plus en plus noir et entra dans l’infirmerie.

Roland était en train de raviver le feu dans l’âtre alors que Rafael, un sceau d’eau chaude à ses pieds, s’occupait de nettoyer la plaie de Lucie et de lui faire un nouveau bandage.

- Comment tu te sens ? Demanda Jean en s’asseyant sur le fauteuil à côté du lit de Lucie.

- De mieux en mieux ! Assura-t-elle, le visage contracté par la douleur alors que Rafael serrait une bande de tissu autour de son bras.

- En tout cas, ça cicatrise bien, commenta Rafael d’un ton joyeux en se rinçant les mains dans le sceau. Par contre tu ne pourras peut être pas monter à cheval de si tôt, nous devrions attendre encore un peu ici le temps que tu te remettes complètement.

- Quoi ? Protesta Lucie visiblement offensée et déçue. Je pourrais monter les yeux fermés et une seule main me suffit largement pour diriger.

Jean ne put s’empêcher un regard en coin pour Lucie. Le regard fier, elle dévisageait Rafael, le mettant au défi de la contredire ce que personnellement Jean n’aurait pas tenté. Ses longs cheveux bouclés étaient tout emmelés à force de rester au lit et lui donnaient un air farouche et redoutable.

Rafael battit précipitamment en retraite :

- Oui tu as sûrement raison, balbutia-t-il gêné. Nous partirons dés que Mathilde aura fini.

Le visage de Lucie s’adoucit un peu et elle s’allongea visiblement soulagée que les soins soient terminés. Jean, Rafael et Roland se lancèrent dans la confection du repas et très vite, un ragoût bouillonna sur le feu. Jean assis sur le fauteuil profita de ce moment de répit ou seul le crépitement du feu et la lente respiration de Lucie endormie perturbaient le silence.

A la grande surprise de Jean, Mathilde entra dans l’infirmerie. Même si elle avait l’air épuisée elle arrivait bien plus tôt que les autres jours de la semaine.

- Je meurs de faim, grogna-t-elle en s’approchant de la marmite avec envie.

- Encore un peu et on pourra réveiller Lucie, commenta Rafael en remuant la mixture à l’odeur alléchante.

- Du nouveau avec Reuel ? Demanda Mathilde dont le ton avait complètement changé.

- Non, murmura Rafael les yeux plongés dans le liquide bouillonnant.

- J’ai essayé de lui parler mais c’est comme si il ne me voyait pas, se lamenta Roland la voix enrouée. Qu’est-ce qui ne va pas.

- C’est vrai que d’habitude, Reuel est le premier à nous forcer à pratiquer tout les soirs, commenta Jean avec tristesse. Ça ne lui ressemble pas de rater les séances d’entraînement.

Alors qu’il parlait, Jean remarqua que le visage de Rafael se décomposait un peu plus à chaque parole. Lucie était maintenant réveillée et elle aussi avait du remarquer le désarroi de Rafael car elle lui demanda d’une voix douce :

- Rafael, tout va bien ?

Rafael ne parut pas entendre et ne répondit pas. Il restait impassible et triste, comme plongé dans des souvenirs particulièrement douloureux.

- Je vais vous raconter quelque chose, commença-t-il d’une voix mal assurée. Peut être que cela vous aidera à mieux comprendre le comportement de Reuel.

La curiosité de Jean fut piqué à vif. Ce n’était pas dans les habitudes de Rafael de se confier, que ce soit sur lui ou son frère.

- Reuel et moi sommes des orphelins, reprit Rafael, une pointe de nostalgie dans la voix. Nous ne connaissons rien de nos origines ni de nos vrais parents ! Nous avons étaient trouvés par un couple de riches marchands au fond d’une ruelle d’une ville très loin au sud. Le couple n’arrivait pas à avoir d’enfants depuis plusieurs années, ils ont donc décidé de nous garder. Nous avons étaient choyés, notre mère adoptive était au petit soin avec nous, elle était si contente d’avoir enfin des enfants. A cette époque la, notre vie était des plus heureuses et Reuel était un petit garçon qui ne ressemblait en rien à celui qu’il est aujourd’hui, raconta Rafael avec émotion, les yeux perdus dans le vague.

Il fit une pause comme si les images qui passaient dans son esprit l’empêchaient de parler.

- C’était un garçon plein d’énergie qui ne cessait jamais de parler, un sourire inébranlable aux lèvres. Déjà à cette âge, il montrait des capacités physiques exceptionnels et notre mère dont il était très proche faisait semblant de ne pas le voir. Tout à changé quand nous avons eu six ou sept ans. Notre père était souvent en voyage et il était rarement à la maison, mais plus nous grandissions plus son comportement changeait à notre égard. Je me souviens encore de la première fois qu’il m’a giflé, alors que je voulais pas finir mon assiette. Plus le temps passait, plus les coups gagnaient en violence. Il me frappait pour des raisons dérisoires, le plus souvent juste pour passer ses nerfs. Je crois qu’il n’a simplement jamais digéré le fait qu’ils n’avaient pas pu avoir d’enfants à eux. Mais allez savoir pourquoi, il ne s’en est jamais pris à Reuel, peut être avait-il déjà senti qu’il n’était pas comme les autres.

- Mais votre mère, elle n’a rien dit ? Demanda Mathilde d’une voix triste.

- Non, répondit Rafael avec amertume. Nous avons comprit très vite qu’il la battait elle aussi. Jamais devant nous bien sur, mais parfois le soir nous les entendions crier quand nous étions dans notre chambre. Une nuit, nous avons entendu des cris et des bruits sourds. J’ai imploré Reuel de ne pas allé voir mais il n’a pas voulu m’écouter. Quand nous sommes arrivés dans la cuisine, tout était sans dessus dessous, une chaise était fracassé en mille morceaux et notre mère gisait au sol dans une mare de sang. Notre père la regardait fixement, le souffle court, un couteau à la main. Quand il s’est rendu compte de notre présence, il est devenu fou, il a foncé droit sur nous, le couteau levé. Reuel m’a poussé sur le côté et s’est jeté sur lui. Ils sont tout les deux tombés au sol et ont lutté pendant quelques secondes en roulant l’un sur l’autre. Quand Reuel s’est finalement relevé, une énorme entaille lui barrait la joue et le couteau était planté dans le cœur de notre père.

- C’est horrible, souffla Lucie, une larme roulant sur sa joue.

- Ce jour la, une partie de Reuel est morte avec nos parents, murmura Rafael dont l’émotion faisait trembler la voix. Il n’a plus jamais était le même et le sourire qu’il affichait partout et en toute circonstance a disparu.

- Que s’est-il passé ensuite ? Demanda Roland visiblement affecté par l’histoire de Rafael.

- Nous nous sommes retrouvés seuls, raconta Rafael. Deux enfants de huit ans, livrés à eux même, luttant pour leur survie. Nous vivions de nos larcins et de ce que les gens voulaient bien nous donner. Nous avons survécu tant bien que mal, changeant d’endroits souvent pour ne pas attirer l’attention. Nous avons grandis et nous avons choisis de vivre une vie de nomade sur les routes, c’est la que nous avons découvert la Rage noire et mon pouvoir.

Un long silence se fit pendant lequel Jean repensa à l’histoire des deux frères. Comment avaient-ils pu survivre à tant de misère, tant d’épreuves ? Malgré la vie qu’ils avaient eu, Rafael et Reuel continuait à se battre pour les autres et pour leur liberté et pour ça, Jean était extrêmement impressionné. Aurait-il était capable d’en faire autant dans leur situation ? Jean n’en était pas sur, ce qui amplifiait encore un peu plus l’admiration déjà grande qu’il avait pour eux.

Personne ne parla quand Rafael servit à chacun un bol de ragoût fumant et le repas se passa dans le silence le plus complet. Le silence assourdissant devenait insupportable et Jean prit parti de le rompre :

- Mathilde, quand penses tu que nous pourrons partir ? Demanda-t-il d’un ton faussement dégagé.

Mathilde tourna un regard hagard vers lui, comme si elle réveillait d’un songe traumatisant :

- Demain ou après demain je pense. J’ai préparé suffisamment de remèdes et de quoi faire baisser la fièvre. Ces gens n’ont plus besoin de moi mais de repos.

- Il faut que je refasses un tour des patients avec toi Mathilde, Rappela Rafael qui semblait retrouver des couleurs. Ce serait fâcheux que nous ayons oublié un contaminé. Mieux vaux vérifier encore une fois.

- Tu as raison, approuva Mathilde en posant son bol de ragoût vide. Demain nous vérifierons. Après demain nous pourrons partir !

Jean n’était pas particulièrement pressé de quitter le château de Grandbois. Il avait peur de ce qui les attendait à Bal. Parfois quand il repensait aux horreurs qu’il avait vues au nom du seigneur, qu’il se rappelait des atrocités que l’église faisait subir à la population au nom de l’ordre du feu, une colère noire se propageait comme un poison dans ses veines et faisait bouillonner son sang. Dans ces moments la, plus rien ne l’effrayait et il était prêt à combattre les démons de ses propres mains même si pour lui cela était synonyme d’une mort certaine. Seul le visage de Lucie arrivait à apaiser ses pensées et quand elle était la, tout prés de lui sa colère le quittait.

Ce soir encore, Reuel ne se montra pas. Jean prit place sur le fauteuil juste a coté du lit de Lucie et s’étira longtemps. Dormir ainsi lui faisait mal au dos mais il voulait à tout prix veiller sur elle. Il aimait particulièrement écouter le bruit régulier de sa respiration quand elle dormait et contempler son visage plein de sérénité. A une heure avancée de la nuit, lui aussi finit par lâcher et ses paupières se fermèrent toutes seuls.

Le lendemain, il se réveilla tard, le dos cassé et endolori. Il était seul dans la pièce et il se dépêcha de sortir trouver les autres. Il les trouva dans la caserne ou Rafael s’agenouiller à coté de chaque personne les unes après et les autres et leur touchait le front pour extraire la Rage noire de leurs corps. A la grande surprise de Jean, Reuel était la aussi, sûrement pour superviser l’opération mais au vu de la tête que faisait Rafael, aucun des villageois ne semblaient atteint par la maladie. Reuel suivait Rafael et Mathilde qui déambulaient entre les blessés en ayant toujours un mot réconfortant ou une attention particulières pour chacun d’eux. Jean eu un sourire en les voyant et sortit du bâtiment sans même se manifester. De toute évidence, on n’avait pas besoin de lui ici.

Il traversa la cour en sachant très bien ou il allait pouvoir trouver Lucie et Roland. Il entra dans l’immense écurie du château et se dirigea vers le fond du bâtiment. Lucie était la, elle s’occupait de la toilette d’une belle jument, son bras blessé se levant difficilement mais Jean ne remarqua aucune douleur sur son visage. Roland était la lui aussi, adossé au mur de bois, il regardait Lucie avec une certaine tendresse dans le regard.

- Vous êtes la ! Lança Jean avec bonne humeur. Il fallait me réveiller plus tôt, j’ai encore trop dormi.

- Tu ronflais comme un beau diable, se moqua gentiment Roland en lui rendant son sourire. On voulait te laisser récupérer, tu dois tellement mal dormir sur ce fauteuil.

Lucie cacha précipitamment son visage rougissant derrière le flanc du cheval. Jean lui aussi sentit ses joues changer de couleur et mentit du mieux qu’il put :

- Ho tu sais, il n’est pas si terrible ce fauteuil, je dors très bien dessus.

Il sentait encore sa colonne vertébrale lui criait le contraire, mais des courbatures dans le dos ne pesait pas grand-chose dans la balance pour pouvoir rester au chevet de Lucie.

- Évidemment, approuva Roland, un sourire en coin.

- Je suis passé à la caserne, ajouta Jean précipitamment qui voulait à tout prix changer de sujet. La vérification se passe bien, je crois bien qu’il n’ont pas trouvé de contaminés pour le moment. Reuel était la lui aussi, il avait l’air d’aller mieux.

La tête de Lucie surgit de derrière la jument, un large sourire illuminait son visage :

- Je suis si contente, je m’inquiétais vraiment pour lui, dit elle avec enthousiasme. Après tout ce que Rafael nous a raconté, je me suis vraiment rendu compte qu’on ne le connaissait pas vraiment.

- Je me suis dit la même chose, commenta Roland qui semblait rongé par la culpabilité. Je n’ai jamais osé lui poser de questions sur lui. Quel piètre compagnon je fais, alors qu’il passe toute ses soirées à m’apprendre à me battre.

Un long silence se fit pendant lequel Jean réfléchit à ce que venait de dire Roland et Lucie. Lui aussi n’avait jamais vraiment essayé de parler à Reuel. Il s’était tout de suite très bien entendu avec Rafael, ne faisant pas du tout l’effort de s’intéresser à son frère jumeau qui était beaucoup moins loquace.

- Je vais à la caserne, déclara Roland avec vigueur avant de traverser la pièce à grande enjambées et de les laisser seule.

Le regard de Lucie et Jean se croisèrent et tout deux détournèrent les yeux avec précipitation. Un silence encore plus long que le précédent s’installa dans la pièce, entrecoupé par les bruits de la brosse que Lucie appliquait sur l’encolure de la jument. Jean ne pensait plus du tout à Reuel, embarrassé, il aurait voulu parler à Lucie à cœur ouvert mais il en était incapable.

Alors qu’il essayait en vain de calmer les battements de son cœur, Lucie reposa la brosse, fit le tour de la jument et se planta en face de lui. Le cœur de Jean s’emballa à nouveau et il sentit tout son corps se figer comme si il n’était plus capable de bouger.

- Je sais pourquoi Guigues est parti, murmura Lucie dans un souffle.

Ce fut la douche froide. Jean s’attendait à tout sauf à ça. La pression retomba, laissant place à la curiosité et à l’appréhension. Qu’est ce que voulait dire Lucie ? Jean avait eu beau demander à tout les autres si ils avaient une idée de pourquoi Guigues avait disparu, mais personne ne semblait en avoir la moindre idée.

- Qu’est ce…. Qu’est ce que tu veux dire ? balbutia Jean qui n’aimait pas la tournure que prenait la conversation.

- Je sais que Guigues est amoureux de moi depuis longtemps, expliqua Lucie en évitant de croiser le regard de Jean. Je n’ai jamais partagé le même sentiment que lui et j’ai essayé à plusieurs reprises de le lui faire comprendre mais il ne l’a jamais accepté. Je pense qu’au fond de lui il espérait toujours que je change d’avis.

Jean était au courant depuis bien longtemps que Guigues avait un faible pour Lucie, c’est d’ailleurs pour cela qu’il ne lui avait jamais avoué que lui aussi aimait Lucie depuis l’instant même ou il l’avait rencontré. Au ton que Lucie venait d’employer, il comprit que la situation n’avait pas été facile pour elle et qu’elle avait du endurer le comportement insistant de Guigues depuis longtemps. Il n’avait rien vu et il s’en voulait. Comment avait-il pu rater ce qui se déroulait sous ses yeux entre son meilleur ami et la fille qu’il aimait ? Il sentit la colère grondait au fond de ses entrailles. Quels comportements odieux Guigues avait bien pu avoir envers Lucie ?

Alors qu’il réfléchissait à toute vitesse, Lucie repris d’une voix mal assurée :

- Il a finit par comprendre que je le l’aimerais jamais à Fort-Des-Tombes.

- A cause de la gifle ? Tu lui a parlé après ça ? Questionna Jean qui sentait une rage dévorante l’envahir en pensant à Guigues.

Lucie secoua la tête avant de lever ses grand yeux noisettes vers ceux de Jean. Il y avait quelque chose dans son regard que Jean n’avait jamais vu et sans savoir pourquoi, son cœur se remit à battre à tout rompre dans sa poitrine.

- Quand tu t’es jeté devant moi dans la cathédrale, j’ai bien cru te perdre, souffla Lucie les joues rougissantes. Tu saignais tellement, tu était si blanc, je n’ai pas réfléchi.

- Que… Que s’est il passé ? Murmura Jean dont le cœur était sur le point d’exploser.

Sans prévenir, Lucie passa ses bras autour de son cou et l’embrassa. Il sentit ses lèvres humides contre les siennes, il sentit sa main passer dans sa nuque et dans ses cheveux. Il sentit une drôle de sensation l’envahir, il n’arrivait pas à se rendre compte que ce moment qu’il avait imaginé tant de fois était réellement en train de se passer.

Une fois la surprise passée, il lui rendit son baiser, et serra Lucie contre lui, posant sa tête son épaule. Il sentait son cœur battre contre le sien et son souffle chaud son cou.

- Je t’ai embrassé, dit Lucie d’une voix tremblante. Quand tu t’es évanoui après m’avoir sauvé. Je t’ai embrassé et Guigues m’a vu. Je crois que c’est pour ça qu’il est parti.

Avant même que Jean ne puisse répondre, Lucie se défit doucement de son étreinte et sortit de l’écurie le laissant seule et désemparé. Il s’assit contre le mur de bois et ferma les yeux. Il se remémora la scène qui venait de se passer, essayant de s’imprégner au maximum de tout ce qu’il avait ressenti pour ne jamais oublier ce moment.

Alors qu’il revivait ce moment avec joie et allégresse, le visage de Guigues apparut dans son esprit. Jean avait tout fait pour lui. Il lui avait apprit à lire, il l’avait défendu contre les villageois, le soutenant toujours. Pire encore, il l’avait défendu contre Lucie sans savoir ce qui se passait réellement. Il lui en voulait atrocement d’avoir eu ce comportement avec elle. Une chose était sur, c’était fini. Si jamais ils retrouvaient Guigues, il allait devoir s’expliquer.

Jean se prit la tête entre les mains, compétemment déboussolé. La fille qu’il aimait depuis des années était elle aussi amoureuse de lui. Il avait déjà perdu l’église et maintenant il perdait son meilleur ami. C’est avec un grand désarroi qu’il se leva et qu’il décida de sortir du château. Il avait besoin d’être seul, il avait besoin de réfléchir.

 

Quand il revint de sa ballade dans la forêt, tout le monde était présent dans l’infirmerie. Être seul lui avait fait du bien et il accepta avec bonne humeur le pain et le fromage que Rafael lui tendait en souriant. Il s’assit à côté de Lucie mais évita soigneusement de la regarder de peur de rougir devant tout le monde.

Reuel avait retrouvé sa place parmi eux. Bien que silencieux et un peu en retrait il suivit la conversation du coin de l’œil en se coupant du pain. Maintenant que Jean connaissait l’origine de la cicatrice qui lui barrait la joue droite, il trouvait son visage moins austère.

- Les chevaux sont-ils prêts ? Demanda Rafael d’un ton joyeux.

- Je m’en suis occupé moi même, répondit Lucie souriante. J’ai choisi les meilleurs bêtes de l’écurie, elles n’attendent plus que nous.

- Parfait ! S’exclama Mathilde. Rafael a vérifié chaque patient et aucun ne semblait atteint par la Rage noire. Ils sont tous tirés d’affaire, nous pouvons partir tranquille.

- Nous partirons demain à l’aube, annonça Rafael en recoupant une tranche de pain pour chacun. Direction la ville de Bal !

Jean avait visité une fois la ville de Bal et même lui qui était né et avait grandi dans une grande ville avait été impressionné par sa taille et sa population. A sa connaissance aucune autre ville n’était aussi étendue et aussi peuplée que Bal et il en gardait un souvenir très vague. Seul le sentiment d’oppression qu’il avait ressenti dés son entrée dans la capitale était resté gravé dans son esprit. Il était le seul à savoir ce qui les attendait à Bal mais les autres avaient l’air tellement de bonne humeur qu’il n’eut pas le cœur de leur dire.

- Dieu seul sait ce qu’on va découvrir la bas, grommela Roland pensif en caressant son épaisse chevelure rousse. Reuel, tu veux bien m’entraîner ? Je veux être prêt quand on rencontrera ces démons de malheur.

Reuel se leva et se saisit de son épée et même si personne ne sembla le remarquer, Jean fut presque certain d’avoir vu Reuel esquisser un sourire en sortant de la pièce. Alors que Mathilde et Rafael se lançaient dans une discussion sur les symptômes de la Rage noire, Jean sentit la main de Lucie prendre la sienne et le tirait doucement vers la sortie. Tout deux s’assirent l’un à côté de l’autre et regardèrent Roland et Reuel échanger des coups dans la lumière mourante du jour.

- Je veux m’entraîner moi aussi, déclara Lucie d’un ton décidé. Tu viens ? Questionna-t-elle en le regardant droit dans les yeux, un sourire aux lèvres.

Jean la suivit et pendant qu’elle s’efforçait à lever son épée de la main droite en grimaçant, Jean et Roland passèrent tour à tour devant Reuel faisant de leur mieux pour essayer de le toucher. Ils n’ y étaient encore jamais parvenus et ils décidèrent de l’attaquer tout les deux en même temps pour avoir plus de chance mais rien n’y fit. Au bout de d’une heure, la nuit tomba complètement. Jean était à bout de souffle exténué, Roland à ses côtés étaient dans le même état, les joues rouges de transpiration.

- Vous apprenez vite, vous allez tout les deux devenir de bon combattants, dit Reuel d’une voix calme, sans être fatigué le moins du monde. Tout les trois, corrigea-t-il en faisant un signe de tête en direction de Lucie un peu plus loin.

A force de répétition et malgré sa blessure, Lucie bougeait dans tout les sens, décrivant des cercles avec son arme dans une danse effrénée sans même prendre un peu de repos. Jean avait toujours su qu’elle était douée, mais il était sidéré de voir à quel point elle progressait vite. Agile et musclée, elle brillait au maniement de l’épée, Jean et Roland qui eux aussi avait bien appris étaient encore à la traîne comparé à elle.

Ils rentrèrent à l’infirmerie, fourbus et fatigués, ils se débarbouillèrent à l’aide d’un grand sceau d’eau glaciale. Jean prit sa place habituel sur le fauteuil prés du lit de Lucie et ferma les yeux, exténué. Au bout de quelques minutes alors qu’il commençait à sombrer dans le sommeil, il sentit la main de Lucie se glisser dans la sienne. Il ouvrit les yeux et ils échangèrent un long regard empli de douceur, sans rien dire, sans bouger. Lucie finit par fermer les yeux, un sourire à peine visible se dessinant sur son visage. Jean resta longtemps comme ça à la contempler n’osant pas bouger de peur qu’elle ne retire sa main. Ses yeux le brûlaient et il lutta longtemps pour pouvoir continuer d’admirer Lucie, ses long cheveux chatons, son visage si beau et sa main dans la sienne. Après un temps qui lui sembla beaucoup trop court, il céda finalement et s’endormit en serrant fort cette main qu’il n’aurait lâché pour rien au monde.

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Cléooo
Posté le 05/05/2024
Hello Alex ! Chapitre sympa, mais j'y trouve pas mal de petits défauts, tant sur la forme que sur le fond.

Alors déjà, même chose que dans mon commentaire précédent : une relecture s'il te plaît ! Il y a pas mal de choses (notamment ma dernière remarque...) que tu aurais pu éviter avec une simple relecture ! Et idem encore : beaucoup de répétitions ici aussi.

Sinon, je suis contente qu'ils repartent bientôt. C'était bien ce temps calme, mais plus longtemps et ça aurait été vraiment trop long !

Alors pour mon retour global sur le fond, je vais surtout appuyer sur ce qui pour moi aurait dû être le highlight de ce chapitre : L'histoire de Reuel/Rafael. Je crois que tu pourrais donner plus de corps (plus de densité) à ce passage, il m'a paru très bref pour relater de tels souvenirs. C'est une petite histoire au sein d'une plus grande, n'hésite pas à y donner de la lenteur. Rafael ne raconte pas une anecdote qui s'est passé la veille au soir au bar du coin, mais un passé, son passé, une période sombre de sa vie. Là je n'ai pas eu le temps de me sentir très touchée, je reconnais.

Une seconde chose que je remarque depuis un moment mais qui m'a frappé particulièrement à ce chapitre où il parle un peu plus : le personnage de Roland est vraiment en arrière-plan par rapport aux autres. On le voit assez peu je trouve. Alors je sais qu'on n'a pas son point de vue à lui, mais par exemple, on n'a pas celui de Rafael mais je le sens beaucoup plus présent quand même ! Idem pour Reuel qui pourtant parle assez peu. Parfois j'oublie que Roland est dans le groupe lui aussi. J'espère qu'il sera mis davantage en lumière, mais je pense que tu pourras le retravailler dans les chapitres que j'ai déjà lu pour le rendre plus vivant (qu'il fasse un peu moins PNJ)

Dernière chose : la compagne du seigneur de Derv, où est-elle ? Elle a fui juste avant que Reuel le tue dans mon souvenir, et du coup je suis surprise que personne ne se pose la question.


Maintenant dans les détails :

"Mathilde s’était surmenée" -> démenée conviendrait mieux, le surmenage ayant une connotation très négative alors que se démener c'est positif.

" Lucie récurait peu à peu l’usage de celui-ci" ?? -> recouvrait ?

"Il dépassa l’infirmerie et pénétra dans la garnison des soldats ou Mathilde avait installé les villageois blessés par manque de place dans les autres bâtiments." -> phrase un peu lourde et qui n'apporte pas tellement au texte.

"un sceau d’eau chaude" -> un seau

"Jean ne put s’empêcher un regard en coin pour Lucie. Le regard fier, elle dévisageait Rafael, le mettant au défi de la contredire ce que personnellement Jean n’aurait pas tenté." -> phrase un peu lourde + répétition. -> exemple de reformulation : Jean ne put s'empêcher d'observer Lucie à la dérobée. Elle dévisageait Rafael d'un regard fier, comme pour le mettre au défi de la contredire. Jean, de son côté, ne s'y serait pas risqué."
Pour la phrase suivante, les cheveux emmêlés, à mon humble avis, donne plus un air fou que farouche et redoutable ! ^^

"Encore un peu et on pourra réveiller..." -> un peu de... quoi ?

"Notre père était souvent en voyage et il était rarement à la maison" -> le fait qu'il soit souvent en voyage rend implicite qu'il était rarement à la maison.

"comme si elle réveillait d’un songe traumatisant" -> il manque "se" réveillait

"chaque personne les unes après et les autres" -> "et" est de trop

"On voulait te laisser récupérer, tu dois tellement mal dormir sur ce fauteuil.
"Lucie cacha précipitamment son visage rougissant derrière le flanc du cheval. Jean lui aussi sentit ses joues changer de couleur" -> je trouve que Lucie rougit facilement ici. La remarque ne me semble pas tant éloquente pourtant !

"...c’est d’ailleurs pour cela qu’il ne lui avait jamais avoué que lui aussi aimait Lucie depuis l’instant même ou il l’avait rencontré." -> et le fait qu'il est religieux ça ne compte pas ? Parce que je crois qu'il y a un truc genre le vœu de chasteté ? ^^

"posant sa tête son épaule. Il sentait son cœur battre contre le sien et son souffle chaud son cou." -> sa tête SUR son épaule / son souffle chaud SUR/DANS son cou

"Il lui en voulait atrocement d’avoir eu ce comportement avec elle." -> je suis un peu dubitative de toute cette colère soudaine chez Jean ! Enfin, il conclut beaucoup BEAUCOUP de chose juste pour une intonation de voix de Lucie. Le premier réflexe ne serait-il pas de demander ce que Guigues a fait plus précisément ? Parce que ça tranche beaucoup avec son caractère loyal quand même.
Là si je résume grossièrement :
Jean : j'aime bien Guigues et j'aime Lucie
Lucie : je t'aime Jean. Je n'aime pas Guigues.
Jean : OK j'aime plus Guigues. Je suis fâché.
Tu vois l'idée ? D'autant que Jean est calme de base, loin d'être sanguin. Niveau psychologie du perso, ça s'approfondie je pense. Si elle pouvait au moins donner un exemple de ce que Guigues lui a fait subir, ça pourrait m'aider à comprendre cette réaction.

"suivit la conversation du coin de l’œil" -> suit-on une conversation avec ses yeux ?

"A sa connaissance aucune autre ville n’était aussi étendue et aussi peuplée que Bal et il en gardait un souvenir très vague." -> j'écrirais plutôt "mais il n'en gardait qu'un souvenir très vague" parce que je ne trouve pas que tes informations s'additionne, surtout avec la suite "seul le sentiment d'oppression..."

"Au bout de d’une heure" -> de* à supprimer

"les joues rouges de transpiration." -> rougies par l'effort, et tu peux dire qu'il était en nage, mais ce n'est pas la transpiration qui rend les joues rouges.

"Agile et musclée, elle brillait au maniement de l’épée, Jean et Roland qui eux aussi avait bien appris étaient encore à la traîne comparé à elle." -> ce n'est pas nécessairement quelque chose qui m'avait sauté aux yeux pendant les combats, qu'elle était plus douée qu'eux.

"ses long cheveux chatons" xD mais qu'est-ce que c'est que ça ??

Voilà pour aujourd'hui !
À bientôt :)
Alex3393
Posté le 06/05/2024
Bonjour Cléo,

Bon je suis vraiment désolé de te faire subir toute ces fautes ect. Je ne relis pas vraiment avant de poster ce qui est idiot évidemment mais bon..... Comme tu a pus le remarquer ce n'est vraiment pas le travail que je préfère mais il va falloir que je reprenne ne main la dessus.

Alex3393
Posté le 06/05/2024
Oups j'ai appuyé sur publier mais je n'avais fini.

Après avoir relu le passage sur l'enfance de Rafael et Reuel je me suis dit exactement la même chose que toi. Je pense que leur histoire mérite beaucoup mieux et que je peux l'améliorer grandement. Je vais me pencher la dessus.

Pareil pour ce qui est de Roland qui n'apparait pas assez et qui reste un personnage secondaire. Je crains que cela ne s'améliore pas dans les chapitres suivants malheureusement. Je pensais rajouter un dialogue entre Roland et Jean ou celui-ci expliquerait à Jean comment se comporte Guigues avec Lucie depuis qu'ils sont enfants. Cela mettrait en lumière ce pourquoi Lucie ne le supporte pas et cela mettrait un peu plus en avant le personnage de Roland. Je vais voir si cela est possible lors de la réécriture.

Bon je te remercie encore une fois pour tout le travail de correction que tu fais et de tes retours toujours très pertinents qui m'aident beaucoup à avancer ! =)

A très vite !
Cléooo
Posté le 06/05/2024
Pas de soucis haha mais oui je pense qu'une simple relecture épargnerait quelques erreurs comme "chaton". Mais ne t'inquiète pas, tu reprendras tout ça quand tu auras un moment.

Pour Roland, c'est dommage. Ceci dit quitte à ce qu'il soit plus effacé, peut-être devrais-tu glisser des choses comme "depuis que sa famille avait été assassinée, il ne parlait plus et se concentré sur son entraînement avec Reuel", des choses qui indiquent à ton lecteur pourquoi il est moins sur le devant de la scène, et qui lui donnerait un peu plus de profondeur en peu de mots. Là tu l'oublies dans la narration et c'est ça qui le rend inexistant, pas tant l'absence de répliques (cf : Reuel qui n'a pas énormément de répliques).
Quant à lui donner un échange plus profond avec Jean, je ne pense pas que ça changerait beaucoup les choses. En tout cas de mon point de vue, concernant Guigues, je crois que ce serait vraiment mieux que Jean ait cette conversation directement avec Lucie, ça aurait plus d'impact.

Et avec plaisir ! Si ça t'aide à prendre du recul sur ton texte, c'est le principal :) À bientôt !
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